Post-exotisme : leçons zéro…

François Bizet, « Post-exotisme : leçons zéro (Sur Antoine Volodine) », Études littéraires [Université Waseda, Tokyo], n° 16, janvier 2009, p. 27-47.

  • Ci-dessous copie de l’article fournie par l’auteur.

Pour mémoire :

Post-exotisme: leçons zéro
(Sur Antoine Volodine)

Au début, du moins dans notre univers post-exotique, au début il n’y a pas de verbe. Il n’y a pas de verbe mais il y a un peu de lumière, il y a l’image d’un lieu et d’une situation, et seule l’image compte. Seule l’image se précise dès le début et elle s’impose. Elle est stable, elle a toute son importance dès le début, elle se suffit à elle-même et elle pourrait nous suffire” 1.

C’est par le truchement de quelques images que je propose ici de pénétrer et de circuler dans l’“univers post-exotique” d’Antoine Volodine. Ces images, je ne les ai évidemment pas choisies par hasard. Toutes font partie d’un corpus déjà constitué par l’auteur lui-même, et réuni dans ce texte lu il y a peu, lors d’un colloque à Montréal, et intitulé Méditation de l’insane. Il s’agit d’images qu’on peut voir dans les quatre films suivants: Stalker, d’Andreï Tarkovski, La Honte, d’Ingmar Bergman, Damnation, de Belà Tarr, et Vivre, d’Akira Kurosawa2.

Il peut sembler étrange de présenter une œuvre littéraire au moyen d’images cinématographiques, d’aborder un écrivain à travers des cinéastes d’horizons si différents, mais il m’a semblé qu’il y avait là une façon d’échapper au vase clos, exigu, de l’exposé monographique, une façon au contraire d’excéder l’encore, la toujours sacro-sainte notion d’auteur, et son non moins intouchable corollaire, qu’est la notion d’œuvre3. Des écrivains français aujourd’hui en activité, Antoine Volodine est celui dont l’œuvre s’élabore à rebours, et le plus radicalement, des critères classiques de l’autorité: comment identifier, en effet, cet écrivain qui publie aussi des textes sous les noms de Elli Kronauer et de Manuela Draeger, qui multiplie, dans sa fiction même, les hétéronymes, les narrateurs, les surnarrateurs et les surnarratrices4? Comment cerner l’œuvre d’un auteur qui fait proliférer dans ses pages les collectifs d’écrivains sous les formes diverses de “brigade, commune, patrouille, colonne, commando, détachement, bataillon, fraction, section de combat, commandement unifié”, véritables “machines de guerre”5 dont il précise qu’elles constituent toutes “une chaîne à la fois ramifiée et souterraine, formée de multiples hétéronymes aux projets distincts, mais à l’activité globalement comploteuse”6? En somme, où commence et où finit l’auteur nommé Antoine Volodine? Et, question pas si subsidiaire que cela, où peut commencer un discours critique sur son œuvre? Le recours aux images de Tarkovski, de Bergman, de Tarr et de Kurosawa, qui seront autant de seuils pour aborder le monde post-exotique, nous permettra de ne pas commencer par le commencement, mais comme le préconisaient Gilles Deleuze et Félix Guattari, de nous introduire à n’importe quel endroit d’un réseau.

Au début il n’y a pas de verbe”. Il y a donc l’image, des images. Toutes ont la même caractéristique: elles sont muettes, sans paroles, mais quelque chose sourd de leur profondeur, une “voix sourde”, dit Volodine, une “voix sans cordes”, qui est la voix même de l’image, en dehors de toute vibration, en dehors de toute faculté humaine de vocalisation, une sorte d’onde souterraine, à sa manière assourdissante.

Lorsque l’image apparaît il ne peut y avoir de silence. Même quand l’obscurité est totale, même quand l’image est noire et que personne ne bruisse ni ne parle, il ne peut y avoir de silence. Une voix s’élève et elle porte autre chose que du langage de bouche et même autre chose que des moments de cri, de respiration ou de murmure”7.

Je voudrais profiter de cette voix porteuse et houleuse des images, un peu comme les surfeurs profitent d’une vague, de son élan, afin de se laisser porter par lui. Je voudrais faire confiance à l’expansion particulière de ces voix, à leur pulsation tâtonnante, et trouver grâce à leur rayonnement en nous, une ou plusieurs voies d’accès à la fiction que Volodine construit, de livre en livre, depuis le milieu des années 1980. “Images sans paroles”, et pourtant extrêmement parlantes. C’est du cœur de cette tension, sur cette crête que nous pourrons peut-être entendre la fragile rumeur du monde post-exotique, le murmure de plus en plus incertain des personnages qui le peuplent, et dont Antoine Volodine précise, hors fiction, qu’ils sont tous voués à l’incertitude quant aux “avantages qu’il y a à parler plutôt qu’à se taire”8.

1
Le voyage en draisine au petit matin, avec le bruit régulier des roues, dans Stalker d’Andreï Tarkovski” 9.

Nous sommes arrivés à la fin du premier voyage, un voyage qui a tout l’air d’une fuite, c’est le “petit matin”, nous sommes parvenus à destination, à l’aide d’un moyen de transport un peu curieux, une draisine, mais il faut pourtant bien nous rendre à l’évidence: du début à la fin de la séquence, le paysage n’a pas fondamentalement changé. Et le passage du noir et blanc à la couleur, au moment où le convoi s’immobilise, n’y fait rien, il fonctionne presque comme un leurre, une illusion d’optique: nous sommes toujours, malgré la distance parcourue, malgré une durée qui semble s’être démultipliée par l’effet d’une dimension spéciale, berçeuse, endormeuse, hypnotique de l’attente, nous sommes toujours peut-être pas au même endroit, mais manifestement dans un même type de lieu: friche semi-industrielle, zone désaffectée, terrain vague. Ce que montre cette étrange traversée, c’est que l’espace est saturé, que notre monde est fini, et que le mouvement, y compris un mouvement de fuite, s’y accomplit non plus selon cette frontalité avaleuse d’horizon qu’on trouve dans certains westerns et les road-movies (le paysage se découvrant, se dépliant infiniment à mesure de l’avancée), mais selon une latéralité passive, presque myope et sourde à force de répétition des repères.

Le post-exotisme pourrait commencer comme cela: au gré d’un déplacement qui prendrait les allures d’un sur-place, ou plus exactement du retour sempiternel d’un certain topos, d’un délire toponymique. Dans Lisbonne, dernière marge, la ville allemande, non nommée et fictive est agencée selon un plan proprement déroutant: “boulevard Werner-Frankhauser, boulevard Otto-Frankhauser, square Helmut-Frankhauser, avenue Gérald-Frankhauser, avenue Woldemar-Frankhauser, rue Berthold-Frankhauser”10. Plutôt que répétition ici, déclinaison du même. Le tissu urbain devient un milieu non différencié, non hiérarchisé, labyrinthique, d’un genre totalitaire nouveau, un milieu où toute résistance est traquée, où les corps sont sans cesse en transit. Et ce maillage déboussolant de l’espace social et politique a bien entendu tendance à proliférer. Etre “au cœur de la ville”, pour Katalina Raspe, une jeune rebelle en cavale, c’est être au cœur “du monde”11. Car le monde dans lequel les personnages post-exotiques évoluent (mais peut-on encore appeler cela évoluer?) est un monde entièrement péri-urbanisé, mégapolisé, globalisé, sans plus aucune de ces solutions de continuité classiques que sont les campagnes, les déserts, les frontières ou les océans. C’est un ensemble compact, quadrillé et uniforme, où le repérage, s’il n’est pas complètement impossible, est cependant rendu difficile par une interminable similitude structurelle: partout les mêmes immeubles et les mêmes rues, une succession de voies ferrées et de complexes industriels, les mêmes no-man’s-lands et les mêmes chantiers (à moins que ce ne soient des ruines). Et dans ce décor, les mêmes foules, de plus en plus clairsemées.

Tout cela, d’une certaine façon, est déjà connu.

Le Divers décroît”, écrivait déjà Victor Segalen, certes dans un tout autre contexte, mais il faut quand même le rappeler, en pleine Première Guerre mondiale. On se souvient peut-être de ce que pensait l’auteur de l’Essai sur l’exotisme: la résistance contre la “Dégradation du Divers” doit être une lutte à mort, une véritable “guerre” à mener non pas sur le front du réel, mais sur celui de la subjectivité, une guerre qui passe par “l’exaltation du Sentir”12. On se souvient peut-être aussi de quelle manière un autre poète, Henri Michaux, quelques années plus tard, après ses grands voyages asiatiques, reprend et radicalise cette mise en garde de Segalen: par l’ouverture tous azimuts et l’exploration acharnée de ce qu’il appelle le “lointain intérieur”. Tous les moyens sont bons pour traquer cette “vie dans les plis”: les drogues, mais aussi la fièvre, ou tout simplement une tache sur le mur…

Il semble que quelque chose subsiste, dans le monde post-exotique où l’on trouve beaucoup d’écrivains et de poètes incarcérés, épuisés de solitude, à bout de force, de cette possibilité d’échapper, par le dedans, à l’atonie mortifère du réel. Pour tous les auteurs post-exotiques, dont Antoine Volodine se dit le “porte-parole”13, le rêve représente la garantie d’une inépuisable liberté créatrice, il représente également le moyen de prolonger, dans une clandestinité relative, le combat “anarco-communiste, libertaire, violemment anti-capitaliste et anti-colonialiste, qui les a mené en prison”14. Les récits de rêve sont par exemple une parade commode contre les interrogatoires qu’ils subissent de la part de leurs geôliers. Dans Le Post-exotisme en dix leçons, Ellen Dawkes écrit: “Nous avons inséré des récits de rêve là où nos interlocuteurs voulaient des aveux”15.

Or cette arme est en quelque sorte à double tranchant16. Qui plus est, une telle contiguïté est menaçante car elle facilite l’intrusion des pouvoirs. Le rêve devient alors une zone accessible au contrôle, un nouveau terrain d’inquisition. Ainsi dans Biographie comparée de Jorian Murgrave, la “section spéciale” chargée de neutraliser le terroriste éponyme explique comment pousser celui-ci à trouver refuge dans ses rêves, après avoir modifié sa mémoire. Résultat de ce type très spécial de filature: “ses cauchemars et la réalité formeront un labyrinthe dont il ne sortira pas”17.

Un danger pèse donc en permanence sur “l’espace du dedans” (Henri Michaux) post-exotique. Le recours aux rêves a bien encore le sens libératoire que lui donnait le surréalisme, mais il a aussi le sens d’une toujours possible aliénation. Dans le contexte éminemment politique du post-exotisme, où se croisent toute une population de “gueux”, de “loqueteux”, d’“Untermenschen” qui partagent tous la même condition d’“insane”, un tel cadenassage de l’imaginaire et de l’expérience marque aussi la gravité d’une crise, celle de l’utopie révolutionnaire. Le monde post-exotique est un monde où la révolution a irrémédiablement échoué, où toute lutte “égalitaire, libertaire, fraternitaire”18 semble avoir été neutralisée et enterrée, un monde où il n’y a apparemment plus de place pour un ailleurs ou pour un lendemain qui chante.

2
La barque qui s’éloigne sur une mer vide, encombrée de cadavres, à la fin de La Honte d’Ingmar Bergman”19.

Nous sommes maintenant sur une mer étale. C’est l’exode, et nous fuyons une île gagnée par la guerre, mais cette mer d’huile n’est pas le passage vers la paix que nous cherchions. Le surgissement des cadavres flottants, ici, en plein silence, en plein vide, l’envahissement de l’image par une autre image, par une vision plutôt, une vision de l’enfer (je pense à ce tableau de Delacroix où l’on voit des damnés qui essaient de s’enfuir du lac infernal de Dité en s’accrochant à la barque de Dante et de Virgile), c’est le signe que désormais la fuite est devenue impossible, qu’une marge est désormais introuvable, que nous sommes où que nous allions, toujours déjà au milieu du monde, c’est-à-dire toujours à l’intérieur du rêve délirant d’un autre, englué en lui: la guerre, le massacre, la terreur.

Le post-exotisme pourrait donc commencer aussi comme cela: en pleine après-guerre, ou dans ce qu’on appelle encore, curieusement, le beau milieu. Le monde post-exotique, en effet, est le monde d’une interminable après-guerre: guerre insurrectionnelle, “guerre noire”, nettoyage ethnique, première, puis “deuxième extermination des Ybürs”20. Comme on peut s’y attendre, l’après-guerre n’est en rien un retour à la paix. Le camp (tous les types de camp: de concentration, d’extermination, de transit, de travail, issus de tous les régimes autoritaires que le XXe siècle a produits), loin d’avoir été liquidé, a étendu son empire, il a proliféré jusqu’à couvrir l’ensemble des zones habitées. Le camp généralisé est devenu la doublure, plus ou moins visible selon les opus volodiniens, de cette ville continue dont il a été question plus haut. Il est devenu son envers fatal. Les rues de Lisbonne sont par exemple hérissées de potences et les passants frôlent les cadavres qui y pendent. Quant à la ville où se traîne Mevlido, elle est jonchée de corps dont on ne sait s’ils sont morts ou vifs. Dans Dondog, la vision est plus globale:

Lorsque le système des camps se fut universalisé, l’aspiration à fuir cessa de nous obséder. L’extérieur était devenu un espace improbable, mêmes les blattes les plus instables avaient cessé d’en rêver; les tentatives d’évasion s’effectuaient à contrecœur, dans des minutes d’égarement, elles ne menaient jamais nulle part. Les années ensuite s’égrenèrent, sans doute un peu différentes l’une de l’autre, mais je ne me rappelle pas en quoi, précisément. Les barbelés rouillaient, les barrières désormais restaient ouvertes, les miradors tombaient en ruine. Les transferts se déroulaient sans escorte”21.

Jean Genet notait déjà, en 1944, qu’il était pratiquement impossible de s’évader de la colonie de Mettray, car les directeurs avaient disposé, à la place de murailles, de simples parterres de roses. Dans le monde de Dondog, pas de murs non plus mais une continuité parfaite, une porosité totale des zones carcérales et des zones libres. Les espaces sont devenus indiscernables et cette indiscernabilité va de pair avec une uniformisation du temps et une tendance à l’immobilisation, avec aussi une sorte de glaciation de l’échelle temporelle: la durée post-exotique ne se mesure pas en époque mais en ère22.

Je crois que nous sommes là, avec cette vision fantasmatique d’un camp généralisé où les agissements des personnages sont la cible d’une surveillance policière, militaire ou idéologique d’autant plus implacable qu’elle est continue, et comme diluée dans le tissu quotidien, devant ce que Gilles Deleuze, emboîtant le pas de Michel Foucault23, appelle le passage d’une société disciplinaire à une société de contrôle.

A l’enfermement et au panoptique succède ici la dispersion des techniques de surveillance “à l’air libre”24, au “concentrationnat”25 se substituent une multitude de contrôlats, dont la flexibilité et l’adaptabilité contribuent à atomiser les corps sociaux traditionnels. Les deux systèmes continuent de coexister bien entendu, les murs continuent de passer entre des masses de population, de séparer des groupes, mais ce qui est nouveau, c’est qu’ils séparent aussi, invisiblement, des individus, qu’ils passent à l’intérieur des individus eux-mêmes, en plein travers des subjectivités. Le monde post-exotique, qu’on pourrait qualifier de post-concentrationnaire (comme pouvait l’être, dans un genre plus technologique, celui du 1984 d’Orwell), reflète cette co-existence intime de deux systèmes: haute sécurité pour les corps et contrôle disséminé, ininterrompu pour les imaginaires.

Voilà pour l’espace, voyons maintenant pour le temps.

Il semble que ce camp aux dimensions planétaires, figé, pétrifié dans son interminable circularité, dans un temps sans évènements, quasi géologique (le temps ne passe plus, ou bien il passe en un éternel présent), il semble que ce temps arrêté peut être vu aussi comme la figuration de ce qu’on a appelé, après 1989, la “fin de l’histoire”26. Le post-exotisme se situerait là, de façon résolument critique, dans l’impasse d’un temps parvenus à sa fin. La grande question, face à ce double vérouillage idéologique sans précédent du temps humain, la question majeure du post-exotisme, on la trouve je crois énoncée par le narrateur de Alto solo: “Comment redémarrer?”27. Comment réenclencher l’histoire, au double sens du terme, aussi bien comme fiction que comme processus historique? Une partie de la réponse a déjà été donnée: c’est par le recours à l’onirisme, fût-il menacé, et par un reformulation tactique de la mémoire, ce procédé pût-il être aussi utilisé par l’ennemi, que les narrateurs post-exotiques entendent faire acte de résistance et continuer à affirmer un devenir-révolutionnaire, c’est-à-dire un devenir historique. Procédés à quoi il faut encore ajouter: le flottement et les substitutions d’identités, puis “l’ambiguïté, la digression, l’esquive, l’acharnement à parler d’autre chose, l’incertitude, les paradoxes, le renvoi à des énigmes sans solution, l’auto-dérision et l’humour du désastre”, qui sont dit Volodine, “les armes du discours de celui qui sait qu’on ne lui donne la parole que pour ensuite l’anéantir”28. Encore des “machines de guerre”…

Comment s’orchestre cet humour du désastre? “Pour les amateurs de nouveauté”, raconte Dondog égaré au milieu du camp, “seule la mort pouvait désormais ouvrir de véritables perspectives”29. Une seule issue: la mort, autrement dit: la fin, non pas au-delà de la vie, mais toujours plus profondément dans l’épaisseur de la finitude même. Ce sera, de façon tout à fait inattendue dans ce contexte matérialiste et athée: le Bardo, lequel désigne, dans la tradition bouddhique, un état intermédiaire entre la mort et la renaissance ou le salut.

Ce n’est pas sans ironie que Volodine introduit un degré de complexité supplémentaire dans le dédale, en faisant référence à un livre, d’une part, et d’autre part à un livre lié au bouddhisme tibétain, autrement dit à la version du bouddhisme la plus en vogue en Occident: le Bardo Thödol. Si le Livre des morts tibétain est devenu une référence incontournable de la fiction de Volodine depuis 1998, on se doute que ce n’est pas pour des raisons religieuses ou théosophiques, c’est essentiellement parce que ce livre est lui aussi, de l’aveu de l’auteur, une “fiction”30, parce qu’il fore et qu’il offre un espace-temps inédit où la fiction post-exotique est susceptible de trouver une caisse de résonance et de se maintenir.

Le Bardo n’indique pas d’arrière-monde, ni de destination métaphysique, et il va sans dire que les personnages qui s’y engagent n’atteignent jamais la “Claire Lumière”31 promise par le dogme. Tout à l’inverse, ils s’engouffrent dans le cycle sans fin des réincarnations, dans un “espace noir” qui n’a d’autre issue qu’une finitude nouvelle, la même âme dans un autre corps, à la fois voués et condamnés à détailler, à rêver, à délirer, à réticuler sans relâche les plis et les replis d’un monde définitivement clos. Ressassement illimité de la fin, rumination polyphonique du fini… On rumine beaucoup dans les textes de Volodine, on grogne aussi, on grommelle, on marmonne, et ce mâchonnement désespéré génère encore des modes narratifs inouïs: “le narrat, le murmurat”… Car il reste encore beaucoup à raconter, et à la fois si peu.

A partir du moment où on comprend que dans le post-exotisme mourir ne signifie rien, qu’après la mort on continue à parler et à agir comme si aucune frontière n’avait été franchie, et aussi qu’on peut mourir plusieurs fois de différentes manières, à partir du moment où on admet cela comme une logique, on peut très facilement voyager dans mes livres”32.

3
L’homme à quatre pattes qui aboie dans la boue en face d’un chien, dans Damnation de Bela Tarr” 33.

L’autre monde se présenterait donc à peu près comme le précédent: paysage de décombres pluvieux, boueux, accidenté. Rien ne différencie les enfers: “C’est une aride suite désertique de noirs”34 au bout de quoi, faute d’avoir écouté les guides spirituels (les lamas), les prétendants à l’au-delà manquent leur salut et retombent dans l’ornière de la renaissance et de la chair. C’est le cas d’un certain Glouchenko, dans Bardo or not Bardo, fasciné par l’idée de renaître, irrésistiblement aimanté par le désir de retrouver une forme, un corps, une matérialité, et qui finit par s’introduire dans la matrice d’une femelle singe.

Tout compte fait, le post-exotisme pourrait aussi commencer par là, face à ce singe, ou à quatre pattes face à ce chien, c’est-à-dire dans la zone la plus critique de ce que Volodine appelle, dans son dernier livre, le “Fouillis”. Le “Fouillis”, comme son nom l’indique: ni ici ni là ni ailleurs ni jamais, une sorte d’état absolu de l’espace-temps, où un principe ne se présente qu’inextricablement lié à ce qui lui est fondamentalement autre: la vie à la mort, le réel au rêve, l’homme à l’animal. Face à toutes les bêtes (et elles sont nombreuses) qui peuplent le monde post-exotique, nous avons atteint le recoin le plus reculé, le repli le plus instable de notre condition d’être mortel.

La chemisette dégoûtante de Marconi gonflait, les bras nus de Marconi se couvraient, pendant un instant, d’une couche de plumes gris-vert, puis, avec un chuchotement d’éventail qui se refeme, le duvet retournait dans le néant d’où il avait émergé, c’est-à-dire sous la peau de Marconi”35.

Il y a beaucoup de rumeurs, d’immobilité et de mobilité animales, dans le monde post-exotique, qui redessinent inlassablement, de livre en livre, une nouvelle cartographie humaine. Chez Kafka, Gregor Samsa découvrait, en même temps que le lecteur, sa métamorphose achevée. Ici, on assiste au processus métamorphique même, aux poussées chaotiques et fugitives de l’animalité dans les corps, mais c’est un processus sans finalité, et qui plus est, multilatéral. Les corps s’irisent de postures nouvelles, brisent les classifications, et par le chevauchement des espèces, créent des territoires d’échanges: si tel personnage coasse36, un essaim de mouches participe à un vote37. On pourrait multiplier les exemples. Comme l’avaient prévu Deleuze et Guattari: “On devient animal pour que l’animal aussi devienne autre chose”38.

Nous sommes donc ici dans une stricte clôture organique, mais c’est une clôture qui ne cesse de remuer, de s’agiter, de se tordre sur elle-même et par là de faire apparaître d’innombrables possibilités combinatoires, de remodeler sans répit un réseau à la plasticité inépuisable. Le corps humain est toujours là, repérable, mais il agence, à l’intérieur de ses propres limites, des voies de passages vers des espaces jusqu’alors hétérogènes, il se laisse traverser, habiter dans certains cas, par l’altérité.

Quel sens donner à la nouvelle image de l’homme qui résulte de toutes ces secousses? Chaque écrivain développe ses modes propres de “devenir-animal”39. A ce propos, je ne peux que renvoyer sans m’y arrêter trop longtemps au commentaire très juste de Lionel Ruffel, commentaire qui s’appuie sur les concepts et les analyses que Deleuze et Guattari ont mis en œuvre, et notamment sur la notion de “meute”. Les animaux de Volodine sont des animaux qui vivent en meute. La meute, c’est la communauté mouvante, c’est le frémissement insaisissable, c’est l’informe proliférant qui permet d’échapper au contrôle, c’est-à-dire, exactement, le modèle du collectif d’écrivains hétéronomyques, la “chaîne à la fois ramifiée et souterraine”, le réseau erratique, toujours déjà décomposé, reconstitué ailleurs, les brigade, commune, commando, fraction, bataillon” rebelles à toute assignation, que nous avons rencontrés au tout début. Le “devenir-animal” a bien un sens foncièrement politique40.

C’est ici l’occasion de rappeler que Foucault, en 1969 déjà, pensait de la notion classique d’auteur qu’elle était essentiellement coercitive: “L’auteur est la figure idéologique par laquelle on conjure la prolifération du sens”, ainsi que “la libre circulation, la libre manipulation, la libre composition, décomposition, recomposition de la fiction”41. Il y a là je crois un terrain où le “devenir-animal” de l’écrivain, comme concept, allait pouvoir s’acclimater… Mais par ce rappel, il m’est aussi possible de nouer des fils lancés dès le début de cet exposé. Si le nom de Foucault se présente de nouveau ici, dans les parages de ceux, déjà mêlés, indiscernables, de Deleuze et de Guattari, si ces trois noms se sont imposés lorsqu’il s’est agi pour moi de parler de Volodine, ce n’est évidemment pas par hasard. Trois noms, est-ce que c’est assez pour faire une meute?.. Je ne sais pas, mais il m’est venu à l’esprit, en lisant le dernier chapitre du livre que Deleuze a consacré à Foucault42, où le trio, si l’on peut dire, se trouve réuni autour de la “mort de l’homme”, et où cette “mort de l’homme” est immédiatement associée à son “devenir-animal”, j’ai pensé qu’il y avait peut-être là, dans cet agencement momentané mais non aléatoire, un signe, une occasion dont il fallait profiter pour y voir plus clair, pour éclairer la spécificité de la forme-homme mise en œuvre par le post-exotisme.

Que dit Deleuze, quelque vingt ans après que Foucault a annoncé la disparition de cette “forme-Homme”43, héritée de l’humanisme classique, puis celle de la “fonction-auteur”44 moderne, deux disparitions qui vont évidemment de pair? Comme Foucault, Deleuze refuse toute déploration funèbre, toute nostalgie, au contraire. La “forme-Homme” n’est en rien éternelle, elle ne peut être que transitoire. C’est pourquoi, au lieu de prendre le deuil, il vaut mieux chercher à entrevoir, dans le vide laissé par la disparition de cette forme historique, “l’avènement d’une nouvelle forme”45, le dégagement d’un nouveau régime de sens. Trois régimes se sont succédés jusqu’aujourd’hui, écrit Deleuze: Le premier, classique, dans lequel la “forme-Homme” se lie avec la “forme-Dieu”, c’est-à-dire avec les forces de l’infini; un régime marqué par le motif récurrent chez Foucault de “dépli”. Le monde de l’homme classique, c’est le monde du dépliage infini de la Création. Le deuxième régime, moderne, est indexé à des forces nouvelles, aux “forces de finitude”: la Vie (comme bios, objet d’une possible biologie), le Travail, le Langage. C’est le moment du “pli”, ou du “repli” sur des mondes de représentations clos, clivées, discontinus. Quant au troisième régime, c’est la “nouvelle forme” donc, où nous sommes aujourd’hui engagés, et que Deleuze appelle très suggestivement le “fini-illimité”, entendu comme une “situation de force où un nombre fini de composants donne une diversité pratiquement illimitée de combinaisons”46. Ici, plus de dépli, ni de repli, mais un “Surpli”, quelque chose comme une torsion opérée dans le champ même de la finitude, une courbure potentielle des corps terrestres et du langage, par quoi ce qui avait été séparé retrouverait non pas une unité perdue, mais un espace commun.

“…le Surpli, dont témoignent les plissements propres aux chaînes du code génétique, les potentialités du silicium dans les machines de troisième espèce, autant que les contours de la phrase dans la littérature moderne, quand le langage “n’a plus qu’à se recourber dans un perpétuel retour sur soi”. Cette littérature moderne qui creuse une “langue étrangère dans la langue”, et qui, à travers un nombre illimité de constructions grammaticales superposées, tend vers une expression atypique, agrammaticale, comme vers la fin du langage”47.

On voit déjà tout l’intérêt pour l’œuvre qui nous occupe, de cette nouvelle tectonique, toute de flux et de connexions, qu’est le “fini-illimité”: c’est un espace semblable que nous venons de parcourir, fait de glissements, de décrochements, de seuils mouvants, de balayages. C’est tout cela qui donne forme à la fiction post-exotique, à la trame paradoxale de son tissu narratif, et à l’ambiguïté des figures, toujours à la frontière de deux identités, qui le tissent et qui le hantent. C’est tout cela encore qui fait que le post-exotisme est, de l’aveu son auteur, “une littérature étrangère écrite en français”48. Mais poursuivons la lecture de la citation, car Deleuze donne un nom à cette nouvelle forme-homme:

Nietzsche disait: l’homme a emprisonné la vie, le surhomme est ce qui libère la vie dans l’homme même, au profit d’une autre forme… Qu’est-ce que le surhomme? C’est la forme qui découle d’un nouveau rapport de forces. L’homme tend à libérer en lui la vie, le travail et le langage. Le surhomme, c’est suivant la formule de Rimbaud, l’homme chargé des animaux même” 49.

Il y a là, après toutes les tentatives de dénazification de Nietzsche, comme une tentative désespérée d’arracher la notion de surhomme au dévoiement sinistre de l’idéologie nazie, d’en faire un principe à la fois subversif et progressiste. Mais en lisant ces phrases, je me suis demandé pourquoi Deleuze avait tenu à réinscrire la mutation de l’homme dans une figure du singulier (on ne parle jamais que du surhomme), et dans l’élan d’un mouvement ascendant, car le préfixe “sur” renvoie aussi à ce que Bataille, à l’occasion d’un texte critique envers Nietzsche, appelait un “complexe icarien”, ou “icarisme”50. Est-ce que ce terme ne vient pas infléchir, d’une certaine façon, le caractère protéiforme, proliférant et caverneux du “devenir-animal”? Est-ce qu’on ne peut pas entendre, en effet, dans ce préfixe, un appel à une forme supérieure, à une sorte d’assomption qui viendrait réorienter l’historicité de l’homme selon une destination que le jeu libre et imprévisible des forces avait précisément pour fonction de déboussoler? Ces phrases permettent d’entrevoir ce qui est spécifiquement en jeu dans l’œuvre de Volodine, car dans presque chacun de ses livres il est question, obsessionnellement, de sous-hommes (un terme qui lui, s’emploie presque toujours au pluriel), et dans la version allemande du mot: ”Untermenschen”. On peut se demander ce que signifie la présence pléthorique des Untermenschen dans cette œuvre, à ce point qu’on peut dire que, dans le monde post-exotique, les sous-hommes, c’est tout le peuple, le peuple mutilé. Qu’est-ce qu’un sous-homme, sinon un “animal politique” qui aurait été amputé du second terme, et qui se serait retrouvé ravalé au rang de la bête: une “blatte”, par exemple:

La réalité, c’est les camps, dit Gabriella Bruna. Il n’y a plus que ça partout. La réalité, c’est les prisonniers, c’est les blattes, du nord au sud. Je ne vois pas le rapport avec les humains. Tu vois des humains, toi, dans la réalité, là-bas? — On les appelle comme ça, dit Özbeg”51.

Volodine prend acte, à sa façon, des secousses de l’histoire. Il fait siennes, à travers une réécriture fantasmatique des désastres du XXe siècle, les métamorphoses subies par les hommes et les femmes qui ont laissé le récit de leur passage dans les machines de terreur. Hommes et femmes réduits au grouillement, à la grégarité, à un “tas de chair collective”52. Le camp généralisé, c’est donc aussi cela: la rémanence, en nous-mêmes, dans l’image de l’homme contemporain privé d’histoire, des Untermenschen, le signe de la contemporanéité infernale d’Auschwitz.

Cependant, Volodine sait aussi que lorsqu’un régime en vient à bestialiser l’homme, il le fait non seulement au nom de postulats racistes, mais tout autant au nom d’une idéologie de la supériorité de l’homme sur l’animal. L’Untermensch est bien ce qui reste de l’homme lorsque l’humanité a été déniée par ceux qui dénient, en eux-mêmes, tout indice d’animalité, mais ce reste, ce résidu, ce rebut, est aussi le substrat sur lequel une humanité peut et doit encore, hors “postulation humaniste”53, continuer à s’incarner. C’est à ce point que le “surpli” de l’animalité en l’homme “fait son remuement dans les profondeurs”54, à ce point que la fatalité de l’Untermensch se retourne contre le pouvoir du bourreau qui croyait l’y avoir enfermé. Je crois que c’est le sens profond d’une des phrases clés de L’Espèce humaine de Robert Antelme, s’adressant à ses tortionnaires SS: “Vous avez refait l’unité de l’homme”55. Que signifie cette phrase? Non que la forme-homme a retrouvé, après l’expérience concentrationnaire, ses anciens contours indestructibles, mais que la conscience a enregistré le déplacement des lignes de force et des frontières, l’interpénétration des territoires. L’“espèce humaine” d’Antelme, mais aussi bien celle de Volodine, ne renvoie pas à une humanité que l’épreuve aurait laissée intacte, et qui pourrait se voir restaurée dans le cadre d’un humanisme conquérant, elle suggère que l’humanisme s’est approfondi, s’est compliqué d’une nouvelle dimension, désormais incontournable, qu’on pourrait appeler, avec un des commentateurs les plus récents d’Antelme, un “humanisme résiduel”56. L’humanisme et l’anti-humanisme sont renvoyés dos-à-dos.

En peuplant son monde fictif d’Untermenschen, Volodine nous amène donc à penser la mutation de la forme-homme non pas selon l’axe vertical du surhomme, où se fait encore sentir la tentation de l’échappée, mais selon une logique de propagation horizontale, souterraine (“unter”), proprement rhizomique donc, à la fois condamnée et vouée à parcourir cette nouvelle “espèce d’existence”, cet immense et inépuisable “fonds d’existence”57 dont parle Jean-Christophe Bailly dans son très beau livre, Le Versant animal. Ce fonds, qui est aussi un reste, est peut-être le seul territoire du divers auquel il nous est encore possible d’accéder. Voici encore une définition possible du post-exotisme: “ce sont des livres construits sur ce qui reste quand il ne reste rien”58.

4
Le vieil homme cancéreux qui chante sur une balançoire, dans Vivre (Ikiru) d’Akira Kurosawa”.

Cette image est une image presque heureuse, à tel point qu’elle dépare aux côtés des autres, qui sont beaucoup plus sombres. Pourtant, le murmure solitaire qui en émane, la petite musique entêtante qui revient non comme une nostalgie mais comme une affirmation souveraine de la vie, cette vie fût elle condamnée, cette vie eût-elle été brisée par un pouvoir tentaculaire, cette voix est peut-être un écho de ce que nous entendons lorsque nous lisons les livres d’Antoine Volodine: la rumeur d’une vie qui ne se résoud pas, qui ne peut se résoudre à finir sans histoires.

Voix étrange, épuisée et engourdie, comme retombée en enfance, presque fantômale, un peu autiste, voix qui aurait été absolument inaudible si elle n’avait pas entrepris, à la faveur d’une révélation brutale de sa finitude, de résister. Or ce qui est tout à fait curieux dans le film de Kurosawa, c’est que la résistance ne prend pas la forme d’une lutte contre la mort, qui serait illusoire, elle prend celle d’un combat résolument politique, d’un corps à corps, justement, avec le pouvoir.

On sait cela aussi depuis Foucault, qui s’est penché un temps sur “la vie des hommes infâmes”59: c’est de la rencontre frontale, c’est du “contact instantané avec le pouvoir”60 que peut jaillir la parole, le chant parfois, de ceux qui sont écartés du monde du discours. C’est du heurt avec le pouvoir que naît l’histoire. Et c’est par là qu’on peut saisir je crois le déplacement énorme que Kurosawa fait subir au drame privé de Watanabe Kenji: vivre, ne signifie pas faire plier la mort, mais développer des stratégies de résistance contre un système familial, politique, idéologique aliénant, négateur de la vie.

Il n’y a pas tant de distance, je crois, entre les “infâmes” de Foucault et les “insanes” de Volodine, entre le vieil homme chantonnant sur sa balançoire et les écrivains post-exotiques ruminant dans leur cellule. Ce qui a changé, c’est le pouvoir lui-même, le pouvoir a changé de nature, c’est devenu un “bio-pouvoir”, c’est-à-dire un pouvoir qui substitue à l’existence politique une existence strictement biologique, qui remplace la lutte des classes par la la lutte des races. Face à ce nouveau visage de l’oppression, “vivre” se charge d’un sens nouveau, radical, tel que l’ont déjà fait entendre, dans leurs témoignages, les survivants des camps et des goulags. Là encore, Foucault et Deleuze se rejoignent: “La vie devient résistance au pouvoir quand le pouvoir prend pour objet la vie”61.

Qu’est-ce que “vivre”, dans les conditions faites aux personnages post-exotiques? Qu’est-ce que cela peut encore signifier? Nous sommes partis d’images à peu près noires et sans paroles, il va nous falloir y retourner, non pour conclure, car dans le monde post-exotique, on ne peut que recommencer, que redémarrer sans fin. De zéro, donc, encore une fois:

Parfois je me levais dans les ténèbres du local, me heurtant contre ceux qui avaient survécu mais ne bougeaient pas, écoutant ce qui continuait à gronder et persistait infiniment, le balancier d’un océan dans l’entêtement de nos têtes, la respiration d’un narrateur dans le silence de nos oscillations osseuses. Je me levais, je cognais l’un contre l’autre les cailloux que des larmes avaient irrités, j’allais ouvrir la porte. Il faisait noir comme dans les romans de Golpiez. Je désirais poursuivre la lutte, maintenant que la musique m’avait insufflé assez d’énergie pour lutter et pour poursuivre. Je vérifiais que personne ne marchait dans la rue, je m’asseyais devant la porte, je restais longtemps là, en équilibre, assis ou accroupi. Je brutalisais de nouveau les cailloux et je laissais ma voix s’écouler, disant : Golpiez appelle Tchuang, répondez, ou : Ici Golpiez, il fait très noir, répondez”62.

François Bizet

Maître de conférences à l’université Aoyama Gakuin

Département de Langue et Littérature françaises

1 A. Volodine, Méditation de l’insane, colloque “La vue et la voix”, UQAM, Montréal, 2007. Inédit.

2 L’origine de ce texte est une conférence donnée en décembre 2007 à l’université de Waseda, média qui permettait la projection de séquences entières dont, malheureusement, le présent article doit se passer. Je ne pourrai que renvoyer, dans les limites techniques que celui-ci impose, qu’à la présentation succinte mais suggestive que Volodine fait dans son texte même, de chaque image.

3 Sur cette question, lire Michel Foucault, “Qu’est-ce qu’un auteur?”, Dits et écrits, I, Gallimard, coll. “Quarto”, 2001, notamment pp. 820-824

4 Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze, par exemple, est présenté comme une œuvre collective et pas moins de huit auteurs s’en partagent la paternité (Gallimard, 1998).

5 G. Deleuze, “Post-scriptum sur les sociétés de contrôle” (1990), Pourparlers. 1972-1990, Editions de Minuit, coll. “Reprise”, 2003, p. 233

6 A. Volodine, Lisbonne, dernière marge, Editions de Minuit, 1990, p. 133

7 A. Volodine, Méditation de l’insane, op. cit.

8 A. Volodine, “A la frange du réel” (2006), in Neuf leçons de littérature, Ed. Thierry Magnier, coll. “Essais”, 2007, p. 161

9 A. Volodine, Méditation de l’insane, op. cit.

10 A. Volodine, Lisbonne, dernière marge, op.cit., p. 30

11 Idem

12 V. Segalen, Essai sur l’exotisme (1904-1918) O.C., vol. I, Robert Laffont, coll. “Bouquins”, 1995, pp. 774-776

13 A. Volodine, “A la frange du réel”, op. cit., p. 151

14 A. Volodine, ibid., p. 159

15 A. Volodine, Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze, Gallimard, 1998, p. 48

16 Voir notamment les difficultés de l’écrivain Iakoub Khadjbakiro, dans Alto solo, (op. cit., p. 32).

17 A. Volodine, Biographie comparée de Jorian Murgrave (1985), Denoël, coll. “Des heures durant…”, 2003, p. 118

18 A. Volodine, “On recommence depuis le début…”, in Antoine Volodine, Fictions du politique, Ecritures contemporaines, n°8, Lettres modernes Minard, Caen, 2006, p. 255

19 A. Volodine, Méditation de l’insane, op. cit.

20 A. Volodine, Dondog (2002), Seuil, coll. “Points-Romans”, 2003, p. 27

21 A. Volodine, ibid., p. 264

22 Dans Alto solo, on parle de “l’ère des grandes victoires brunes” (A. Volodine, Alto solo, Editions de Minuit, 1991, p. 67).

23 Principalement dans “La société disciplinaire en crise” (1978), Dits et écrits, II, Gallimard, coll. “Quarto”, pp. 532-533.

24 G. Deleuze, “Post-scriptum sur les sociétés de contrôle”, op.cit., p. 241

25 Le terme est de Jean Cayrol

26 Je me fais ici l’écho de l’analyse de Lionel Ruffel, auteur d’un essai sur la question, intitulé Le Dénouement (Verdier, 2005), ainsi que de la seule monographie existant actuellement sur Volodine: Volodine post-exotique (Editions Cécile Defaut; 2007).

27 A. Volodine, Alto solo, op. cit., p. 27

28 A. Volodine, “Entretien avec Antoine Volodine”, Prétexte, n°20-21, http://perso.orange.fr/mondalire/volodine%20entretien.htm, consulté le 4 juillet 2007

29 A. Volodine, Dondog, op. cit., p. 264

30 A. Volodine, Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze, op. cit., p. 82

31 A. Volodine, Bardo or not Bardo, Seuil, coll. “Fiction et Cie”, 2004, p. 40

32 A. Volodine, “On recommence depuis le début…”, in Antoine Volodine, Fictions du politique, Ecritures contemporaines, n°8, Lettres modernes Minard, Caen, 2006, p. 262

33 A. Volodine, Méditation de l’insane, op. cit.

34 A. Volodine, Bardo or not Bardo, op. cit., p. 145

35 A. Volodine, Dondog, op. cit., p. 234

36 A. Volodine, Le Nom des singes, Editions de Minuit, 1994, p. 138

37 A. Volodine, Des anges mineurs (1999), Seuil, coll. “Points”, 2001, p. 169

38 G. Deleuze & F. Guattari, Qu’est-ce que la philosophie?, Editions de Minuit, coll. “Critique”, 1991, p. 107

39 G. Deleuze & F. Guattari, Mille plateaux, Editions de Minuit, 1980, p. 285

40 L. Ruffel, Volodine post-exotique, Editions Cécile Defaut, 2007, pp. 251-295

41 M. Foucault, “Qu’est-ce qu’un auteur?”, op.cit., p. 839

42 Le commentaire de Deleuze sur Foucault n’est pas de nature doxographique, il se présente plutôt comme un dialogue où les deux voix seraient, là aussi indiscernables.

43 G. Deleuze, Foucault (1986), Editions de Minuit, coll. “Reprise”, 2004, p. 131

44 M. Foucault, “Qu’est-ce qu’un auteur?”, op. cit., p. 826

45 G. Deleuze, Foucault, op. cit., p. 141

46 Ibid., p. 140

47 Idem

48 A. Volodine, “A la frange du réel”, op. cit., p. 155

49 G. Deleuze, Foucault, op. cit., p. 140

50 G. Bataille, “La vieille taupe et le préfixe sur dans les mots surhomme et surréaliste” (non daté), O.C., vol. II, Gallimard, 1968, pp. 93-109. “La même tendance double se retrouve dans le surréalisme atuel qui conserve, bien entendu, la prédominance des valeurs supérieures et éthérées (nettement exprimée par cette addition du préfixe sur, piège dans lequel avait déjà donné Nietzsche avec surhomme)” (103).

51 A. Volodine, Dondog, op.cit., p. 209

52 A. Volodine, Des anges mineurs (1999), Seuil, coll. “Points”, 2001, p. 205

53 Jean-Christophe Bailly, Le Versant animal, Bayard, coll. “Le rayon des curiosités”, 2007, p. 54

54 Arthur Rimbaud, “Lettre à Paul Demeny” (1871), Poésies, Gallimard, coll. “Poésie”, 2001, p. 202

55 R. Antelme, L’Espèce humaine (1947), Gallimard, coll. “Tel”, 2000, p. 100

56 M. Crowley, Robert Antelme. L’humanité irréductible, Editions Léo Scheer Lignes, 2004, p. 55. J’indique qu’on trouve une intuition similaire chez Alain Badiou, à propos de Samuel Beckett (Beckett, l’increvable désir (1995), Hachette Littératures, “coll. “Pluriel”, 2007, p. 22).

57 Jean-Christophe Bailly, Le Versant animal, op. cit., p. 53

58 A. Volodine, Des anges mineurs, op. cit., p. 215

59 Un texte que Deleuze tenait pour un texte majeur.

60 Michel Foucault, « La vie des hommes infâmes » (1977), Dits et écrits II, Gallimard, coll. « Quarto », 2001, p. 241

61 G. Deleuze, Foucault, op. cit., p. 98

62 A. Volodine, “Voix d’os”, in Le Matricule des Anges, n°20 (juillet-août 1997), http://www.lmda.net/mat/MAT02034.html, consulté le 16 juillet 2007

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