Sur « Zazie dans le métro », cours 6

6. Le 22 mai : chapitres 10 et 11version audio

(On commence par des questions et quelques détails sur les chapitres précédents…)

Découpage narratif :

  • Chapitre 10 : Trouscaillon essaie d’arrêter une voiture pour emmener Zazie et Mme Mouaque à la Ste-Chapelle (110-112)
  • L’automobiliste de St-Montron qui a accepté de les emmener reconnait Zazie (112-114)
  • Le conducteur ne veut plus y aller et on essaie de le convaincre de continuer la route (114-117)
  • Repartis, ils discutent jusqu’au moment où ils accidentent le car de Fédor et sortent de voiture (117-118)
  • Chapitre 11 : Les passagers de la voiture retrouvent Gabriel et son public captif (119)
  • Gabriel invite tout le monde à son spectacle, y compris Zazie à qui il veut expliquer sa situation (120-122)
  • Gabriel et Fédor réarrangent la soirée des touristes à l’avantage de tous (123-124)
  • Fédor révèle à Gabriel qu’il n’ont pas visité la Ste-Chapelle et explique le projet aux touristes pour qu’ils paient le supplément (124-125)

Ces deux chapitres couvrent la rencontre de Trouscaillon et de la veuve Mouaque, le déplacement en voiture réquisitionnée pour aller retrouver Gabriel sur l’Île de la Cité et une attitude plus calme de Zazie, presque conciliante avec Mouaque, qui grandit un peu déjà, dirait-on… Même si elle revient à son interrogation sur l’homosexualité de son oncle, ce qui décide Gabriel à inviter tout le monde à son spectacle le soir même.

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— quantité accrue : encombrement du fait de l’augmentation du nombre de véhicule dûe à la grève
— construction syntaxique parodiquement sérieuse ou scientifique
— « accrurent la décibélité de leur vacarme », paraphrase  de « firent plus de bruit »
— rapprochement de « roucouler » (chant du pigeon, colombe, tourterelle) et de « rouler » comme la boule dans le sifflet (page suivante)

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— presque deux fois le même paragraphe, effet comique, multiplicité possible de la situation
— un « veau » : quelqu’un de mou et bête, incapable de décision et d’action
— « il vous les faut tous », reproche classique à celui ou celle qui aime séduire
— débouchonner, dégoulinade, s’écouler, etc. : la circulation comme un liquide dans les veines de la ville (métaphore organique)
— « par les Marocains », souvenir de Queneau du service militaire dans les Zouaves en Algérie et au Maroc en 1925, à 21 ans, seul surréaliste ayant pris part à la Guerre du Rif (1921-1926, guerre coloniale au Maroc, France et Espagne contre tribus locales, dans le nord du Maroc)

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— « dedans lequel » forme précieuse archaïque
— « conduite intérieure » terme courant pour voiture (à carrosserie fermée)
— « de Saint-Montron exeuprès », quel hasard !
— « libre comme l’r », jeu de mot minimaliste
— »réquisitionner », terme officiel quand un policier contraint un conducteur à confier son véhicule aux forces de l’ordre
— « voiturin » : Homme qui loue à des voyageurs une voiture attelée qu’il conduit lui-même, s’occupant en outre du logement et de la nourriture. Voiture attelée, louée par un voyageur et, p. ext., moyen de transport.

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— « Zazie objectivement », à rapprocher de « Zazie impartialement » (116)
— « sus aux », Se précipiter sur, se ruer à l’attaque de. 1200 exclam. servant à exhorter or sus (Courtois d’Arras, éd. E. Faral, 7); 1402 or sus doncques! (Christine de Pisan, Chemin de longue estude, éd. R. Püschel, 3005); 1626 sus donc (Racan, Les Bergers, acte V ds Marty Corneille t. 2)
— « Tonton mon cul » et Zazie est reconnue par le conducteur (qui ne voudra plus continuer)
— « déguisée en garçon », en pantalon et cheveux courts…

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— « vozouazévovos » = vos oies et vos veaux… insulte renvoyant au monde rural, au travail de à la ferme, considéré comme pas moderne, voire dégradant dans une époque de progrès
— « morigénateurs » : de morigéner, Former les moeurs de quelqu’un, instruire quelqu’un aux bonnes moeurs. Péj. Réprimander avec insistance et affectation, avec une sorte de pédantisme.
— « jouer au coboille » = cow-boy, superbement francisé !
— « la trouscaille » forme vulgaire et généralisante de Trouscaillon sur le modèle de flic-aille, ensemble des flics

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— « claqueson » pour « klaxon »
— faire « se battre des montagnes », locution courante pour exprimer la provocation, la capacité de quelqu’un à, forme du bellicisme
— « histoire politique avec toutes sortes… », l’enlèvement était déjà une pratique courante des conflits politiques, par exemple le coureur auto Fangio (Juan Manuel) enlevé après le Prix de La Havane le 23 février 1958, sur ordre de Castro et libéré le lendemain… Donc peu avant la révolution cubaine, début 1959…
— « toise » : ancienne mesure de 6 pieds = 1,80 m, archaïsme, préciosité du narr.
— »quatre heures sonnèrent », comme ça on sait l’heure qu’il est…

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— impartialement, cf. p. 114

page 117

— ellipse, hyperbole, parabole : rhétorisme auto-ironique de Queneau
— « que le métro », snobisme… ne pas le prendre, en avoir les moyens
— « déconnance », Cf. p. 15
— métro + hélico = TGV + avion

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— obnubiler : TLF, Priver de discernement, de lucidité, d’une manière obsédante. (couvrir d’un nuage)
— « vitesse du vent », argument fallacieux, mais possible…
— vos oies et vos veaux… encore une fois

page 119, ch. 11

— « cinquième grenadine » : excès qui parodie l’excès d’alcool, désinhibant, qui libère la parole…
— pérorer : Discourir longuement, avec emphase, souvent avec prétention, avec suffisance.
— Nouveau monologue philosophique et référentiel de Gabriel (cf. « artisse ! », p. 125). Le thème : accepter la vie du fait même du risque de la perdre à tout instant, en profiter à tout moment… Une bonne conviction, ou résolution pour accepter, supporter tous les aspects négatifs dont la liste suit, d’abord juste, argumentaire, puis élargie voire absurde
— « turpitude » : Laideur morale, ignominie qui résulte d’un comportement indigne, honteux.
— « silence des espaces infinis », des Pensées de Pascal (206) ; « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », exprime la position de l’homme face à l’univers et donc la condition humaine ; l’infini de ces espaces renvoie à l’impossibilité pour l’homme de penser une limite à cet univers, œuvre de Dieu. Mais cet infini est muet, il ne dit rien qui permette de le comprendre…
— gambergé VS tutu : contraste du danseur travesti qui « pense » !

page 120

— invitation au spectacle : programmation pour futurs chapitres ; enfin le livre a une direction ! se donne un but, qui sera bientôt complété par l’idée de montrer à Zazie qui est vraiment Gabriel
— « faire recette » repris
— « cent mètres devant les vitraux », Cf. p. 124 : ils n’ont en fait pas visité le Ste-Chapelle…
— le dialogue entre Gabriel et Trouscaillon est narré ! résumé, comme pour qu’on en comprenne mieux le sens d’ensemble que le détail langagier
— « droits imprescriptibles », Gabriel, incapable de s’expliquer le matin même, est beaucoup plus performant dans l’après-midi…

page 121

— comme Zazie, Gabriel à l’impression d’avoir déjà vu Trouscaillon quelque part…
— reprise de la question sur l’homosexualité et réponse claire de Zazie (même si elle ne sait toujours pas ce que cela veut dire… elle sait, par tout ce qu’on en dit, que c’est quelque chose de pas bien…)
— « étendit le bras en crachant par terre » : pour jurer de la vérité de ce que l’on dit (remonte à loin…)
— pour se débarrasser de la question, on peut envisager de se débarrasser de Zazie elle-même, mais Gabriel trouve une autre solution, l’inclut dans son invitation
— « Les promesses, moi… », Zazie veut une réponse de suite, des preuves…

page 122

— Mont-de-piété : d’abord le nom d’un lieu, bureau, maison, où l’on dépose des valeurs personnelles contre de l’argent ; gages déposés pour un certain temps dans l’espoir de pouvoir les reprendre plus tard. Le terme français vient de la « mauvaise traduction en français de l’italien monte di pietà, “crédit de pitié”, date de 1462 en Italie, de 1610 en France) ; Au XIXe siècle le succès du mont-de-piété de Paris est tel qu’il n’apparaît plus seulement comme l’antichambre de la misère. Le propre fils de Louis-Philippe, le prince de Joinville François-Ferdinand d’Orléans, aurait ainsi déposé sa montre pour honorer une dette de jeu. Quelque peu honteux, il avait prétendu l’avoir oubliée chez sa tante. D’où l’expression « ma tante » pour qualifier le mont-de-piété… Donc reprise ironiquement et par bravade par le ou les patrons du cabaret homo où Gabriel se produit.
— « Gibraltar aux anciens parapets » : allusion à la limite de l’Europe et à Rimbaud (Bateau ivre). Partie supérieure d’un rempart (à l’origine en pierre, en maçonnerie et percée de créneaux, par la suite parfois simplement constituée par un massif de terre) destinée à protéger les défenseurs d’un ouvrage fortifié contre le feu de l’ennemi tout en leur permettant de faire feu sur les assaillants. Protection naturelle ou non, séparation, voire obstacle, s’érigeant à la manière d’un mur de protection. Cela veut dire aussi que le temps des touristes à Paris est très réduit…
— Fédor et Gabriel redessinent la soirée des touristes ; l’accord entre l’ordre (programme) et le désordre (improvisation artistique) se base sur le profit partagé par tous
— jeu de mot avec « bière » (civière et boisson) et « cercueil »

page 123

— général Vermot, du nom de l’almanach, 1886 ; Il est conçu pour être lu au rythme d’une page par jour. Celles-ci contiennent des informations diverses, parfois utiles, des blagues et des calembours, des illustrations et divers autres éléments rassemblés pêle-mêle.
— pimpons = ping-pong !

page 124

— « le Sébasto », « entre les Halles et le Château d’eau », localisation, et visiblement pas convenable pour une petite fille seule
— un homo VS un normal
— « pauvres innocents qui croient que c’est ça, Paris » : que ce soit par un circuit normal ou dans le cas spécial de ce roman, on peut se demander ce qu’un touriste passant quelques heures ou jours à Paris peut finalement en connaître. La question vaut autant pour Queneau, qui assistait aux débuts du tourisme de masse, que pour notre époque ou pour soi-même… La méprise entre Sainte-Chapelle et Tribunal de commerce est l’exemple de toutes les erreurs, dérives ou malversations qui peuvent avoir lieu, basée sur l’ignorance de ceux qui sont transportés (d’extase) et un certain mépris de ceux qui les guident. C’est sans doute en partie la conscience de cela qui détermine Gabriel à proposer au groupe une suite vraiment exceptionnelle.

page 125

— « cicérona » : parle comme un cicérone, guide pour touriste, et bon rhéteur
— capacité à parler les langues étrangères, étonne Zazie, pas courant en France, suspect même… Et l’on peut se demander le rapport qui peut exister, du fait de la répétition de la coïncidence, entre les langues étrangères et l’homosexualité (sachant que Zazie ne connaît ni les unes ni l’autre).