Été 2013 / Cours sur « Le neveu de Rameau » de Denis Diderot

LE NEVEU : J’use en plein de mon franc-parler.

Calendrier du cours

  • Le 5 juillet : du début à la page 67, « MOI : Rien. »
  • Le 12 juillet : de la page 67 à la page 89 : « MOI : Oui, votre dignité me fait rire. »
  • Le 19 juillet : de la page 89 à la page 110 : « MOI : Vous n’êtes pas de ces gens-là. »
  • Le 26 juillet : de la page 110 à la page 133 : « MOI : aimez-vous votre enfant ? »
  • Le 2 août : de la page 133 à la fin.

2013, année du tricentenaire de la naissance de Denis Diderot

Informations sur Le neveu de Rameau

Le Palais-Royal (histoire rapide), estampe vue de face vers 1702, estampe côté jardin vers 1702estampe côté jardin plus tard, et vue générale jusqu’à la rive gauche, dessin avec galerie et personnages, idem vers 1800, ambiance costumée, Motion de Camille Desmoulins le 12 juillet 1789vue des jardins au XIXe siècle, l’élégant au rendez-vous du Palais-Royal, et l’élégante aussi, les Anglais au Palais-Royal

Représentations du neveu de Rameau : frontispice d’une édition.

Portraits de Jean-François Rameau (dont celui de Carmontelle, p. 63). Écouter Les Indes galantes (W. Christie).

Étude de Stéphane Lojkine sur Le neveu de Rameau. Le genre du texte ? Un « pot-pourri de propos à bâtons rompus, comme saturation conversationnelle, sans ordre ni visée, sans structure ni composition » (en apparence).

Notes pour le cours

  • 45 : le narrateur contextualise au présent ; pensées = catins = libertinage ; le Palais-Royal comme lieu d’observation et de rencontres diverses ;
  • 46 : rencontre de LUI, son genre et ce genre comme généralité humaine ; sa variabilité (ou inconstance) comme une question identitaire ;
  • 47 : statut de parasite mondain au 18e siècle VS les conventions du siècle ;
  • 48 : connaissance individuelle, éléments biographiques ;
  • 49 : début de la conversation, sujet contextuel (le café, les joueurs) ; thème du génie (VS médiocrité) ; vie au jour le jour ;
  • 50 : autoportrait et autodérision ; l’oncle (Rameau) et son caractère désagréable ; asocialité du génie ;
  • 51 : de la nécessité des hommes de génie ; conséquence de leur action sur le changement du monde ; nécessité pratique du mensonge ;
  • 52 : bienfaits du génie ET de la vérité sur le temps long ; division des lois (?) en deux catégories : 1. équitables et générales, 2. bizarres et circonstancielles ;
  • 53 : intérêt du génie pour celui qui en a : (mauvais) exemple de SOCRATE ; génie et méchanceté ne vont pas nécessairement de pair ; autres exemples : évitons Rameau, mais RACINE, VOLTAIRE…
  • 54 : choisir entre un Racine agréable mais sans génie ET un Racine horrible mais auteur des pièces qu’on lui connaît ; susceptibilité de LUI ; intérêt humain (ou agrément) d’un RACINE médiocre pour lui-même et pour son entourage ; bénéfices éventuels pour MOI et LUI ;
  • 55 : Lui défend le bon vivant contre MOI ; paradoxe du bon RACINE ; fortune future selon MOI ;
  • 56 : métaphore d’un RACINE arbre ; VOLTAIRE ou GREUZE sont à prendre tels quels ; question sur l’inégalité de la création ; réponse par la nécessité du contraste (réponse à la Pangloss…) ;
  • 57 : version individualiste de LEIBNIZ selon LUI ; raisonnement philosophique de MOI, rejeté par LUI, envieux des grands hommes (du statut de grand homme) ; regret de n’être pas l’auteur des Indes galantes ;
  • 58 : LUI exprime sa jalousie et son regret, cite des pièces musicales et joue une pantomime commentée par MOI, créant une vie possiblement heureuse ; il importe de bien voir l’invention littéraire de Diderot : LUI joue un rôle et s’exprime au conditionnel tandis que MOI insère des commentaires du jeu d’acteur (didascalies) à l’imparfait = l’alternance des temps verbaux crée un texte à deux tons d’une grande vivacité… musicale.
  • 59 : vie hypothétique du grand homme RAMEAU le neveu ; le sommeil selon l’état, misérable pour LUI ; il veut parler de ce qui lui est arrivé ; « pauvre hère » (miséreux) est une forme d’autodérision paradoxalement prononcée avec grandiloquence ;
  • 60 : LUI se décrit (se rabaisse), raconte sa vie de coq en pâte chez des gens qui l’avaient pris en gré (où il vivait en parasite, ou comme un animal de compagnie…) ;
  • 61 : mode de vie ; et pourquoi il a perdu cette situation : on appréciait son originalité… mais pas son impertinence ; avoir eu le sens commun : goût, esprit, raison, mais il n’entre pas dans les détails, se distancie de lui-même pour se décrire après l’expulsion ;
  • 62 : MOI parle d’un retour possible, LUI pense pouvoir être repris s’il s’autocritique et s’humilie ;
  • 63 : pantomime de ce discours et refus de LUI de s’humilier devant plus méprisable que lui ; sa dignité et son amour-propre (cf. La Rochefoucauld et Rousseau) l’en ont empêché ; il nomme l’actrice Mlle HUS, ou « la petite Hus » (voir dans les Lettres à Sophie Volland ou dans la Correspondance de Voltaire) ;
  • 64 : « baiser le cul » au propre et au figuré, ce n’est pas pareil ! ; MOI est surpris que LUI connaisse le « mépris de soi » (MOI avait des idées préconçues sur les limitations intellectuelles et morales de LUI) ; LUI en donne des exemples et il monologue en s’apostrophant lui-même par des questions rhétoriques (au conditionnel négatif) (avec savoir = pouvoir) ;
  • 65 : LUI développe le monologue en dialogue (passe du DIL au DD) et joue les rôles d’un entremetteur (ou proxénète) et d’une jeune bourgeoise qu’il dévergonde ; cette fois, sans commentaires didascaliques de MOI, peut-être pour ne pas alourdir le phrasé, jusqu’à ce que LUI commente à son tour ;
  • 66 : ce serait pour 2000 écus (fin de l’exemple dialogué), comme d’autres que LUI connaît, mais il ne peut le faire et le regrette ; MOI a des sentiments contradictoires (commentaires du spectateur de théâtre) ;
  • 67 : la turpitude VS la franchise sont en LUI ; épargne et enrichissement moral ; LUI résume la vie à l’importance d’aller aux toilettes chaque jour et relativise les richesses au moment de la mort ;
  • 68 : on meurt de toute façon… ; LUI montre la souplesse de ses doigts, son entraînement pour jouer (du clavecin et violon) ;
  • 69 : MOI décrit la pantomime du violoniste, au point d’entendre la musique (Diderot écrira plus tard le Paradoxe sur le comédien…) ;
  • 70 : LUI joue maintenant comme au clavecin, nouvelle pantomime hyper-réaliste, jusqu’aux hésitations… ; vocabulaire technique ;
  • 71 : dialogue sur le savoir et retour sur le passé de MOI ;
  • 72 : apprendre en montrant aux autres (règle de pédagogie) ; LUI interroge MOI sur sa situation, réponses gênées, refus et aveu : sa fille a huit ans ;
  • 73 : sur l’éducation de l’enfant, pas de clavecin, ni danse, ni chant, mais apprendre à raisonner juste ; LUI insiste sur : « jolie, amusante et coquette » ; autres matières ;
  • 74 : LUI juge ces connaissances inutiles, et même dangereuses dans ce monde-ci ; paradoxe des professeurs ; (époque des recherches sur les éléments des sciences, pendant qu’Emmanuel Kant énonce des cadres pour la pensée, la morale, etc.) ; nécessité d’exceller, de connaître à fond… ou rien (mais attention : le mieux est l’ennemi du bien…) ;
  • 75 : selon LUI, pauvreté de la physique, besoin d’autres connaissances (encyclopédisme & interdisciplinarité) ; MOI n’est pas d’accord, mais passons à autre chose ; LUI a enseigné, mais le moins possible ; après la demande de MOI, il monologue la scène chez un élève, mondanités ;
  • 76-77 : suite du mime de la leçon, dialogue mimé avec l’élève, puis avec la mère, début de leçon, reprise de conversation, conseils musicaux, et fin…
  • 78 : « viles ruses » (hypocrisie) de l’importance qu’on se donne (vanité) et de la fausse morale ; sur le modèle de l’idiotisme linguistique (ou expression idiomatique, propre à une langue, une région, un métier et difficile à traduire telle quelle), LUI propose des idiotismes comportementaux, voulus pour abuser les autres ;
  • 79 : MOI comprend que cette extension du concept d’idiotisme est une sorte de malhonnêteté, de simulacre à l’échelle de la société ; LUI répond que l’assiduité particulière et l’honnêteté exacte dans un métier sont aussi des idiotismes ; il différencie socialement, par l’opinion, l’expérience (idiotisme) et l’habileté (sottise) ;
  • 80 : justification comportementale par la loi naturelle de prédation entre les espèces animales, et les mauvais comportements des uns et des autres s’équilibrent ;
  • 81 : le nécessiteux abuse ses vaniteux bienfaiteurs (faiblesse de la conscience morale devant le besoin), mais il sait que s’il s’enrichit il profitera à son tour et devra « restituer » = acceptation de la redistribution (système en principe géré par un état démocratique / fraternité et contribution volontaire par l’impôt accepté) ; il deviendra aussi vaniteux et suffisant…
  • 82 : LUI voudrait rabaisser les esprits supérieurs (des Catons), sortes de censeurs conservateurs qui veulent être des maîtres à penser et qui méprisent les riches ; il répond à l’ironie de MOI que son point de vue est majoritaire, c’est la norme ou la doxa ; critique de la « vertu » comme ensemble de règles pour le « bonheur » de tous ;
  • 83 : MOI propose différentes comportements vertueux, LUI les réfute (défendre sa patrie, servir ses amis, etc.) ;
  • 84 : omnipotence des riches, leur fausse oisiveté, leur affairement même dans le plaisir (échange de brèves oppositions) ;
  • 85 : monologue de MOI sur le bonheur : profiter des plaisirs de la vie mais supériorité des bonnes actions morales ; exemple de l’affaire Calas, dans laquelle Voltaire engage son talent et son crédit intellectuel dans la défense d’un cas judiciaire ; exemple plus banal d’un cadet qui vient en aide à sa famille…
  • 86 : LUI ne croit pas qu’il suffise d’être honnête pour être heureux ; d’ailleurs il ne sait où souper parce qu’il a été une fois honnête ! Mais il assume son état (fainéant, sot, vaurien)…
  • 87 : … et décrit son mode de vie pour le défendre ; normalité et facilité de vie communautaire VS vertus contre-nature qui rendent insociables et font souffrir ;
  • 88 : portrait de La Morlière (présent dans le café), individu qui se croit brave mais ne l’est pas ; portrait d’une femme vertueuse mais que son tempérament fait souffrir = la vertu ne corrige pas la nature ;
  • 89 : Rameau doit être ce qu’il est (ne pas se mentir ni essayer d’être autrement) ; constant de divergence entre LUI et MOI ;
  • 90 : portrait de l’hôte qui accueillait LUI ; après la description, brève imitation (décrite par MOI) ;
  • 91 : l’hôte est un automate qui décide (ou joue à prendre des décisions) ; « Vis-à-vis » = face à lui, c’est donc elle (Mlle Hus ?), portrait et comportement / et mépris de LUI pour ces gens qui décident de tout et de LUI (assujettissement) alors qu’ils sont sots ;
  • 92 : talent de voix forte, sert le métier de flatteur-serviteur, être péremptoire mais à-propos et au bon moment ;
  • 93 : la discussion comme un champ de bataille, avec un art (vocal) de la guerre, mais aussi toutes sortes de mines = flatterie & avilissement (selon les deux personnages) ;

Le 26 juillet : de la page 110 à la page 133 : « MOI : aimez-vous votre enfant ? »

Ayant suivi le texte page à page durant trois séances, nous sommes maintenant familiers des formes du dialogue entre les deux personnages, de la variété des sujets et des rythmes, des possibilités de pantomime et de dialogue dans les monologues du neveu, ainsi que des nombreuses libertés stylistiques prises par Diderot.
Voyons maintenant quelques épisodes détachables et les leçons philosophiques et morales qu’ils contiennent. [Rappel audio]

  • Le talent de proxénète (p. 64-67)
  • La leçon d’accompagnement de clavecin (p. 75-78)
  • Ah, si j’étais riche… (p. 81-84)
  • Le bonheur du philosophe (p. 85-86)
  • La comédie du courtisan (p. 92-95)
  • Qui parle ? Elle ou moi ? LUI ou MOI ? – DD ou DIL ? (p. 97-99)
  • Lire Molière jusqu’à la réversibilité des rôles (p. 102-104)
  • Les vraies causes du désastre (p. 105-107)

Le 2 août : de la page 133 à la fin.

  • L’excellence dans l’art d’être… soi, avec la parabole du renégat (p. 115-119)
  • Qu’est-ce qu’un chant ? (p. 120-124 et jusqu’à 132…) / écouter « Je suis un pauvre misérable » d’Egidio Duni / recherche sur la musique…
  • L’éducation et la molécule (p. 133-137)
  • La pantomime des gueux (p. 143-150) / du tonneau des Danaïdes (absurdité du monde) à celui de Diogène (liberté du cynique)…
  • La femme perdue (et le reste) (p. 151-152)

LUI : Mais tous les gueux se réconcilient à la gamelle.

Laisser un commentaire