Le mot de Jason
CHRONIQUE MULTIMEDIA  N°14

Auteurs au net, suite

    Quel est l'écrivain francophone contemporain le plus ancien du web ? Sans doute Muriel Cerf, dont je connais le site depuis sa création en 1994. Le succès de son Antivoyage (1974) salué par Malraux, suivi d'une vingtaine de titres jusqu'à aujourd'hui, n'en a pas fait cependant un auteur adulé.
    Quoique réalisé par ses amis des "Ateliers francophones de la Chamoinerie", on a l'impression qu'elle contribue à la rédaction de son site web. Mais il ne s'agit, hélas !, que d'une présentation bien ordonnée de la carrière et des oeuvres, saupoudrée de photos de chats, de bannières publicitaires et de constants rappels de librairies en ligne.
    Coïncidence ? Dans le Magazine Littéraire de juin 2000 (n°388, p.11), François Bon refuse toute publicité dans son propre site... Il ne s'agit pas de condamner la publicité, mais de marquer la différence entre un site amateur créatif et un site commercial de marchand de livres. L'article n'est pas sur le site web du magazine, mais vous vous consolerez avec leurs "trésors d'archives".
http://mcerf.free.fr/
http://www.magazine-litteraire.com/

    D'une femme l'autre. Qui est la plus connue, la plus scandaleuse, la plus sulfureuse du moment ? C'est Christine Angot, bien sûr. Surtout depuis la sortie de L'Inceste et son passage à l'émission télévisée Bouillon de culture en août 1999, au siècle dernier !, lorsque cette Antigone a dit "non" à un partisan du rewriting-selon-lectorat. Son oeuvre littéraire ne serait-elle que provocations et coups médiatiques orchestrés par son éditeur, comme on l'a dit ici ou là ? Pour ma part, je n'en crois rien et je prends rendez-vous ici-même avec l'avenir : Christine Angot est un grand écrivain. Comme elle le dit avec culot lorsqu'un journaliste lui refuse sa page blanche à la mort de son père ("La Page noire", in Libération, 6-7 nov. 1999) : "Si je m'étais appelée Modiano ou Sollers, je pense que ç'aurait été différent, mais il ne sait pas encore que je suis de la même trempe". Moi, je le sais.
    Le site qui lui est consacré est réalisé par une jeune journaliste étudiante en histoire, Eva Domeneghini, qui a le mérite de garder la tête froide et d'informer avec humour et réticularité. Depuis ses pages, qui sont plus qu'un "maillon de la chaîne", vous aurez le meilleur cyber-panorama sur l'actualité angotique.
http://www.geocities.com/CapitolHill/Congress/6781/angot.html
http://www.liberation.com/quotidien/debats/novembre99/991106b.html
 

    Christian Combaz est polyphonique : il s'exprime par l'écriture, le dessin, la sculpture et... la création de pages web. Il fait d'ailleurs partie de ces auteurs, mi-blessés misanthropes, qui préfèrent vivre à la campagne et qui profitent de l'Internet pour se faire connaître directement. Et il a bien raison.
    "Considérez-moi comme un dissident à l'envers, un réfugié culturel, l'équivalent de ces artistes soviétiques qui rôdaient chez nous de studio en plateau de télévision dans les années 70, pour sonner timidement l'alarme et affirmer que non, Leonid Brejnev n'était pas animé d'un véritable désir de paix" (De l'Est, de la peste et du reste, 1993). Ce texte, comme d'autres, est à télécharger intégralement et librement. Sa bibliographie est assortie d'extraits mis en page avec sobriété. D'autres pages présentent une partie de ses dessins et sculptures. Enfin, si vous êtes concerné par l'influence de la réalité virtuelle sur le devenir de l'humanité, vous pourrez contribuer au "Chapitre suivant", son prochain ouvrage dont il dessine le projet en invitant à la discussion par courrier électronique, avant peut-être d'en faire une oeuvre interactive...
http://perso.wanadoo.fr/combaz/extraits.html

    Pour finir sur un poids-lourd, j'hésitais entre Philippe Djian et Michel Houellebecq, tous deux dans l'actu, tous deux avec un (ou des) site de fan-club... et les voilà doublés par un troisième, quasi inconnu : Christophe Spielberger, dont vous me direz des nouvelles !
    Après tout, ils n'ont qu'à faire leur site eux-mêmes ! Car chez Spielberger, c'est du fait-main, et dans la dentelle. L'auteur du roman "Touché !", paru l'an dernier au Seuil, est aux commandes d'un web de rêve, intitulé "Mémorandums". Très travaillé, très graphique, et donc sans "java", ni ascenseurs de page, ni publicité : des fonds noirs, des signets, et du contenu en abondance. Ce raffinement n'a cependant rien de froid ni de prétentieux, comme cela arrive parfois dans les galeries de web-design, parce qu'il est au service d'une profusion textuelle où l'humour le dispute à l'originalité. Je vous laisse découvrir ses oeuvres passées, inédites (cet Autofille, par exemple : un titre génial !), ses photos qui témoignent d'un regard original, comme ce gros-plan "Où ?" (ci-contre), et mille autres choses, pour insister sur un manifeste qu'il vient de lancer et qu'il vous demande de signer : "Touche pas à mon roman".
    Nouvel épisode de l'affaire dite "du prêt payant en bibliothèque" : après la lettre de la Société des Gens de Lettres (pour), la protestation de Michel Onfray (contre), soutenue par François Bon (encore lui), les pétitions pour et contre parfois signées par les mêmes personnes, la ridicule tribune de Pierre Assouline (pour) dans son magazine Lire de juin, tout ça repris plus ou moins dans le dossier du journal Le Monde, c'est au tour de Spielberger d'entrer dans l'arène. Je vous laisse lire. Et signer. C'était ça, mon poids, lourd... sur la conscience.
Christophe Spielberger : www.spielberger.net/
Philippe Djian : perso.infonie.fr/lca/djiansom.html
Amis de Michel Houellebecq : www.multimania.com/houellebecq/
François Bon (rappel) : perso.wanadoo.fr/f.bon/accueil.html
Le Monde (voir Dossiers) : info.lemonde.fr
 


Patrick Rebollar