Une grosse distorsion du çon

samedi 28 février 2009, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

Encore une nuit trop courte. Cette fois, c’est la faute à Sagan. Combien de neurones bousillés, cette semaine ?
Notes pour le cours sur la fin de la première partie, les chapitres V et VI. Le début du chapitre V (p. 45) annonce « la fin », tandis que la page contient deux fois l’expression « femme fatale », une fois pour Elsa, la demi-mondaine, une fois pour Cécile, telle que son père veut l’habiller. Mais ce n’est pas la fin, loin de là, et aucune des deux n’est fatale, au sens de l’archétype. Non, mais les thèmes sont introduits, flottent maintenant dans l’air et accompagnent la petite troupe au casino de Cannes. Le casino lui non plus n’est pas employé dans son sens direct de lieu du jeu d’argent, comme on le voit dans tant de livres et de films où d’improbables héros se perdent, mais comme lieu où quelque chose se joue — en l’occurrence, le remplacement d’Elsa par Anne, plutôt mal accepté par Cécile et Elsa, qui ne rentre pas à la villa. Après, c’est une semaine de bonheur, durant laquelle Cécile se dit que finalement on pourrait avoir une vraie vie de famille bien réglée et que ça ne serait pas plus mal — on est encore très plastique à cet âge-là. Encore faudrait-il qu’Anne n’abuse pas de cette nouvelle fonction de mère putative, et qu’elle laisse la gentille idylle de Cécile suivre son cours, à l’instar du couple qu’elle forme avec Raymond. C’est en voulant casser le mimétisme (sans le savoir), au nom des bonnes mœurs et de ce qui « finit généralement en clinique » (p. 60), allusion très crue à l’avortement encore interdit jusqu’en 1975, qu’Anne remet sans le savoir son destin entre les mains d’une adolescente jalouse et frustrée. Et c’est ici qu’intervient Henri Bergson. Au beau milieu du livre et sans que ça semble avoir ému beaucoup de critiques… Ni même qu’on ait cherché d’où venait cette citation. Devant l’étudier pour les épreuves de rattrapage de philo, Cécile cite — et je fais suivre de l’original :

« Quelque hétérogénéité qu’on puisse trouver d’abord entre les faits et la cause, et bien qu’il y ait loin d’une règle de conduite à une affirmation sur le fond des choses, c’est toujours dans un contact avec le principe générateur de l’espèce humaine qu’on s’est senti puiser la force d’aimer l’humanité.» (Françoise Sagan, Bonjour tristesse, p. 63-64)

« Quelque hétérogénéité qu’on puisse trouver d’abord entre l’effet et la cause, et bien qu’il y ait loin d’une règle de conduite à une affirmation sur le fond des choses, c’est toujours dans un contact avec le principe générateur de l’espèce humaine qu’on s’est senti puiser la force d’aimer l’humanité.» (Henri Bergson, Les deux Sources de la morale et de la religion, 1932)

On notera (qui l’avait jamais remarqué ?) que le texte copié dans Bonjour tristesse (p. 63) est fautif. Dans le premier membre de la phrase, « l’effet et la cause » a été remplacé par « les faits et la cause », ce qui brouille quelque peu le sens de la phrase… Les faits étant ici directement ceux constatés par Cécile, sa propre situation. La lecture des lignes et des paragraphes suivants de Bergson est très claire. Il veut dire qu’il y a une relation directe — même si on ne le dirait pas, a priori — entre l’amour des hommes, l’humanisme qui fonde notre société, et le principe générateur de l’espèce, c’est-à-dire l’acte sexuel et reproducteur. À l’époque, c’était encore impossible de dire que le trivial coït pouvait être en relation avec les hautes sphères de la pensée. D’où le recours bergsonien aux phrases ampoulées et aux expressions allusives. Ce que comprend Cécile, c’est que si on lui interdit de faire l’amour avec Cyril, elle ne va plus pouvoir être gentille avec son père et sa future belle-mère !
Anne, qui s’appelle Larsen, rappelons-le, a rompu l’harmonie et produit… une grosse distorsion du çon.

Me reviennent aussi, ce soir, deux vers d’une des chansons d’un disque de BO rétro écouté hier après-midi :
« Ils font l’amour le samedi, les gentils
Ils font ça n’importe quand, les méchants » (Michel Fugain, Les Gentils, les méchants, 1973)

Suite au compte-rendu du cours d’il y a deux semaines dans le blog Koikeland, nous trouvons ce matin, déposé sur les tables de la classe, l’épisode II du pamphlétaire. De l’avis des présents, ça n’a aucun intérêt, ne consiste qu’en une attaque du blog en question. Et du blog en général comme expression narcissique, genre de choses déjà ressassées et dépassées depuis des lustres.

Déjeuner au Saint-Martin où, après le dynamisme du cours, je dors à moitié.
Enfin du temps libre (après la sieste) pour rattraper le retard d’enregistrement de France Culture. Je saute d’emblée sur les Du Jour au lendemain récents, à commencer par Frédérique Clémençon le 24, puis le Sollers du 11 qui, bug réparé, est maintenant en ligne. Avec une émission consacrée mardi 24 aux écrits à la 1ère personne (avec Philippe Vasset, Alban Lefranc et Georges-Arthur Goldschmidt) et, la semaine prochaine, à l’autofiction, Pascale Casanova tente peut-être de corriger l’effet désastreux des Mardis Littéraires avec Chloé Delaume… C’est tant mieux. Je suis attentivement le dossier.
Si l’on préfère les yeux aux oreilles, et l’ancien au nouveau, on appréciera l’initiative monstrueuse et merveilleuse de Jean-Yves Dupuis qui nous propose, via le groupe Livre 2.0 de Facebook, de télécharger rien moins que 756 volumes en français au format pdf d’un coup d’un seul, Bibliotheque.zip, 650 Mo à décompresser chez soi après plusieurs heures de transfert, format Sony Reader pour ceux qui en ont, mais très bien aussi sur l’ordinateur.

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Publié dans le JLR

Une réponse à “Une grosse distorsion du çon”

  1. brigetoun dit :

    ouf ! je n’avais pas remarqué – reste à savoir si je vais être capable d’ouvrir