Jusqu’au frisson, la connexion

vendredi 8 août 2008, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

À la bonne fortune du 888, nous aussi…
T. sort en matinée, rendez-vous chez un médecin et courses pour diverses bricoles. Ici, c’est le déménagement de l’informatique :  deux étages à franchir avec deux ordinateurs, deux écrans, deux claviers, deux souris, un routeur, un téléphone et TOUS les fils qui vont avec. Démonter, nettoyer, déplacer, remonter… Au total, presque trois heures — et pas trop vite dans les escaliers, autant pour la chaleur que pour éviter toute casse.

Mais par dessus tout, ce qui fait question, c’est, jusqu’au frisson, la connexion. Il n’y a pas eu de ligne téléphonique dans cet appartement depuis plusieurs années (au moins depuis la réfection totale de 2004, pour ce que nous en savons). On nous a dit qu’en principe, nous garderions le même numéro et que la fibre optique devrait fonctionner. Et pourtant… Le doute subsiste.
Quand l’ingénieur NTT arrive, vers 15 heures, on n’en mène pas large. Lui non plus (il le dira après). Il a déjà eu affaire à cet immeuble, à ses fils téléphoniques sans gaine qui se perdent dans les murs, d’antiques installations bricolées et de normes obsolètes. Il s’installe par terre près de la prise et commence ses étranges rites chamaniques à l’aide d’un Thoughbook CF-19, engendrant parfois de petits bruits, s’absentant deux fois plusieurs minutes pour aller trifouiller on ne sait quoi dans un placard téléphonique au bout du couloir. Temps que je mets à profit pour photographier le trou derrière la prise, le vide sanitaire mis en place lors des derniers travaux et qui nous bouffe l’espace d’une pleine armoire de livres, soit dit en passant.
De retour devant son Panasonic tous terrains, les gestes incantatoires reprennent de plus belle, la mine sombre, concentré, presque bourru, T. et moi encore figés dans nos positions d’origine. Et puis soudain, comme un bruit de modem dans ses appareils, des grésillements de fréquences qui s’ajustent à la façon du dernier millénaire, ou du fax. Il sort un téléphone portable, compose un numéro et… ça sonne chez nous.
Dès cet instant, il change de figure, devient souriant, et même bavard avec T. qui lui demande ce qui se passait. Il explique, volubile maintenant. De mon côté, j’ouvre Firefox et Thunderbird, aperçois les pages web et les courriers qui déboulent sur l’écran, clique même sur TV5 Monde pour tester le flux vidéo, qui marche. Il a bien mérité le verre de jus de raisin not from concentrate que T. lui tend.

Le temps maintenant de reprendre les enregistrements de France Culture. La Mythophonie sur Paris Hilton est particulièrement savoureuse, et sans acharnement. Pour le reste, j’y reviendrai demain.

« Parce que le corps virtuel n’est pas un corps absent. Il est présent-absent. Et il s’agit plutôt d’un corps « augmenté » : il augmente ses capacités, transforme ses perceptions. Il n’y a qu’à voir les enfants jouer sur ordinateur ou console. Outre qu’ils développent une coordination œil-main sans commune mesure avec la nôtre, ils acquièrent un sens de l’organisation de l’espace. Nous qui travaillons sur écran, conduisons des voitures et regardons la télévision n’avons pas les mêmes facultés physiques et cognitives que nos ancêtres, qui travaillaient dans les champs et se déplaçaient en charrette. C’est l’évidence.
Quant aux échanges relationnels, là aussi il y a l’ordinaire et la pathologie. Des jeunes qui perdent le lien avec le monde en s’enfermant dans l’imaginaire, cela a toujours existé : la lecture a rempli cet office, la télé, les jeux de rôle, maintenant Internet. Certes, les possibilités de faire fluctuer son identité sont décuplées par les sites de rencontre, les Second Life et autres. Mais avant, rien n’empêchait personne de truquer son identité ou sa photo en passant une annonce. Alors oui, on tend vers une dématérialisation des échanges, oui, les jeux avec l’identité sont démultipliés, oui, avec les téléphones portables, le rapport de notre corps à l’espace, au temps, à autrui est bouleversé. Mais cette révolution ne signifie pas la disparition du corps. […] » (Isabelle Quéval, « La prodigieuse révolution du corps », entretien publié dans Télérama le 7 août 2008)

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Publié dans le JLR

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