Sur des pièces palindromes…

samedi 10 octobre 2009, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

Quelle semaine ! Tristes trépassements en rafale via Facebook. Un prix Nobel de la paix donné à un président pour qu’il fasse en sorte de le mériter. Un typhon précédé de trois jours de pluie et de grisaille. Le gros dossier du moment qui gonfle, qui gonfle : documents à remplir, collègues à solliciter, budget à prévoir, mille règles à respecter — et peut-être tout cela en vain…

Samedi, oui, il y a quatre semaines, exactement… Nous nous baguenaudions en voiture, à l’arrière de laquelle un énorme écran plat du Darty Rivoli avait miraculeusement réussi à rentrer. Suivit un autre aller-retour dans la dense circulation des quais, bien polluée, puis Place d’Italie, parce qu’une fixation murale devait être changée.
Je me souviens très bien qu’en attendant dans la voiture, suçotant un bonbon à la verveine du Velay, j’écoutais à la radio une émission musicale sur des pièces palindromes…
Et les deux compères, livreurs-monteurs, vêtus de leur T-shirt de Beppu ! — Les anciens lecteurs sauront que c’est tous les jours que c’est l’enfer ! (Mainichi ga jigoku desu !)
J’en connais d’autres qui l’ont reçu, ce maillot. Ce serait bien qu’on se voie tous un jour avec. Du Québec ou du Massif Central, réfléchissez-y…

Donc, ça y est, le cours sur L’Éducation sentimentale a démarré ce matin à l’Institut franco-japonais de Tokyo (avec l’édition Pocket, procurée par Pierre-Louis Rey). Et faut voir comment ! J’avais promis il y a deux ans, à la fin du cours sur Madame Bovary, de mettre un jour au programme le fade (ou hasardeux) destin de Frédéric Moreau. Eh bien voici, sur deux heures, si vos oreilles sont flaubertibles
Grâce à la présence de l’œuvre sur le site Intratext, je me propose de terminer chaque cours par l’aventure d’un mot ; aujourd’hui « héritage ».

Occurrences :

1 1, 1| elle espérait, pour lui, l’héritage ; il en était revenu la (p. 20)

2 1, 4| avait enfin arraché tout l’héritage de sa mère, sept mille francs (p. 68)

3 2, 1| et il ne dit rien de l’héritage, — dans la peur de nuire (p. 145)

4 2, 1| Et, revenant sur l’héritage, il exprima cette idée : (p. 149)

5 2, 2| affaire. de famille. un héritage.  » ~ —  » Ah ! j’en suis (p. 176)

6 3, 4| livre. ~ La perte de son héritage l’avait considérablement (p. 475)

Contextes :

  1. « M. Frédéric Moreau, nouvellement reçu bachelier, s’en retournait à Nogent-sur-Seine, où il devait languir pendant deux mois, avant d’aller faire son droit . Sa mère, avec la somme indispensable, l’avait envoyé au Havre voir un oncle, dont elle espérait, pour lui, l’héritage ; il en était revenu la veille seulement ; et il se dédommageait de ne pouvoir séjourner dans la capitale, en regagnant sa province par la route la plus longue. » (1, I, p. 20)

  2. « Ensuite, le clerc conta son histoire. Son père n’avait pas voulu rendre ses comptes de tutelle, s’imaginant que ces comptes-là se prescrivaient par dix ans. Mais, fort en procédure, Deslauriers avait enfin arraché tout l’héritage de sa mère, sept mille francs nets, qu’il tenait là, sur lui, dans un vieux portefeuille. » (1, IV, p. 68)

  3. « Frédéric allégua un long procès, la santé de sa mère ; il insista beaucoup là-dessus, afin de se rendre intéressant. Bref, il se fixait à Paris, définitivement cette fois; et il ne dit rien de l’héritage,– dans la peur de nuire à son passé.» (2, I, p. 145)

  4. « Puis, d’un air enjoué :
    — « Mais j’oublie que je parle à un capitaliste, à un Mondor, car tu es un Mondor, maintenant ! »
    Et, revenant sur l’héritage, il exprima cette idée : que les successions collatérales (chose injuste en soi, bien qu’il se réjouît de celle-là) seraient abolies, un de ces jours, à la prochaine révolution.
    — « Tu crois ? » dit Frédéric.
    — « Compte dessus » répondit-il. « Ça ne peut pas durer ! on souffre trop ! Quand je vois dans la misère des gens comme Sénécal… » » (2, I, p. 149)

  5. « Ses beaux yeux noirs, dont la sclérotique brillait, se mouvaient doucement sous leurs paupières un peu lourdes, et il y avait dans la profondeur de ses prunelles une bonté infinie. Il fut ressaisi par un amour plus fort que jamais, immense : c’était une contemplation qui l’engourdissait, il la secoua pourtant. Comment se faire valoir ? par quels moyens ? Et, ayant bien cherché, Frédéric ne trouva rien de mieux que l’argent. Il se mit à parler du temps, lequel était moins froid qu’au Havre.
    — « Vous y avez été ? »
    — « Oui, pour une affaire… de famille… un héritage. »
    — « Ah ! j’en suis bien contente », reprit-elle avec un air de plaisir tellement vrai, qu’il en fut touché comme d’un grand service. » (2, II, p. 176)

  6. « La perte de son héritage l’avait considérablement changée. Ces marques d’un chagrin qu’on attribuait à la mort de M. Dambreuse la rendaient intéressante ; et, comme autrefois, elle recevait beaucoup de monde. Depuis l’insuccès électoral de Frédéric, elle ambitionnait pour eux deux une légation en Allemagne ; aussi la première chose à faire était de se soumettre aux idées régnantes. » (3, IV, p. 475)

Mots de la même famille (le tournant précis entre la première et la deuxième partie du roman) :

« Elle rêvait de lui acheter le greffe du tribunal ; Frédéric ne repoussait pas trop cette idée. Maintenant, il l’accompagnait à la messe, il faisait le soir sa partie d’impériale, il s’accoutumait à la province, s’y enfonçait ; – et même son amour avait pris comme une douceur funèbre, un charme assoupissant. A force d’avoir versé sa douleur dans ses lettres, de l’avoir mêlée à ses lectures, promenée dans la campagne et partout épandue, il l’avait presque tarie, si bien que Mme Arnoux était pour lui comme une morte dont il s’étonnait de ne pas connaître le tombeau, tant cette affection était devenue tranquille et résignée.
Un jour, le 12 décembre 1845, vers neuf heures du matin, la cuisinière monta une lettre dans sa chambre.
L’adresse, en gros caractères, était d’une écriture inconnue ; et Frédéric, sommeillant, ne se pressa pas de la décacheter. Enfin, il lut :
« Justice de paix du Havre, IIIe arrondissement.
 » Monsieur,
« M. Moreau, votre oncle, étant mort ab intestat…  »
Il héritait !
Comme si un incendie eût éclaté derrière le mur, il sauta hors de son lit, pieds nus, en chemise : il se passa la main sur le visage, doutant de ses yeux, croyant qu’il rêvait encore, et, pour se raffermir dans la réalité, il ouvrit la fenêtre toute grande.
Il était tombé de la neige ; les toits étaient blancs ; – et même il reconnut dans la cour un baquet à lessive, qui l’avait fait trébucher la veille au soir.
Il relut la lettre trois fois de suite ; rien de plus vrai ! toute la fortune de l’oncle ! Vingt-sept mille livres de rente ! – et une joie frénétique le bouleversa, à l’idée de revoir Mme Arnoux. Avec la netteté d’une hallucination, il s’aperçut auprès d’elle, chez elle, lui apportant quelque cadeau dans du papier de soie, tandis qu’à la porte stationnerait son tilbury, non, un coupé plutôt ! un coupé noir, avec un domestique en livrée brune ; il entendait piaffer son cheval et le bruit de la gourmette se confondant avec le murmure de leurs baisers. Cela se renouvellerait tous les jours, indéfiniment. Il les recevrait chez lui, dans sa maison ; la salle à manger serait en cuir rouge, le boudoir en soie jaune, des divans partout ! et quelles étagères ! quels vases de Chine ! quels tapis ! Ces images arrivaient si tumultueusement, qu’il sentait la tête lui tourner. Alors, il se rappela sa mère ; et il descendit, tenant toujours la lettre à sa main. » (1, VI, p. 130 et Cf. p. 123)

1 2, 4| devait recueillir plusieurs héritages, Cisy les énuméra ; fréquentant (p. 267)

2 3, 1| Banque et des Assurances. Les héritages seraient abolis. On établirait (p. 380)

1 2, 1| sécurité de l’honnête homme à l’héritier du voleur enrichi. Toutes (p. 147)

Pour continuer (champ lexical) :

  • testament (p. 88, 226, 461, 468×2) , tester (p. 147), leg (0), léguer (p. 468), succession(s) (p. 34, 149, 169, 497×2), patrimoine (p. 118, 121, 447, 460), hérédité (0).

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Publié dans le JLR

5 réponses à “Sur des pièces palindromes…”

  1. brigetoun dit :

    j’ai dégusté le cours avec un plaisir intéressé (juste un point de détail : la couleur des émeraudes)

  2. Berlol dit :

    J’ai dit qu’elles étaient rouges, c’est ça ?
    Ah, ces référents ! Quelle plaie ! Et pourquoi n’y aurait-il pas des émeraudes rouges ? Il y a bien un cheval qui vomit (dans le dernier Toussaint)…
    Merci de votre écoute attentive !

  3. F dit :

    tu veux dire qu’à réception de l’écran plat transmis par tes soins, j’exécute une auto-photo avec le tee-shirt gentiment offert au Select il y a 2 ans ?

  4. Berlol dit :

    Envoie déjà la photo, on verra après pour l’écran plat…

  5. koike1970 dit :

    Berlol-sensei,
    Ça me fait rire ces T-shirts…
    Il faut que mes oreilles soient flaubertibles. Très pratique! Merci beaucoup.