À grande échelle Dada

lundi 4 juin 2012, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

Grâce à tous les mots interdits, les Chinois qui souhaitent évoquer en ligne les événements de la place TianAnMen doivent faire preuve d’inventivité, voire de poésie. On cite ainsi des messages qui attestent de la réalité concrète du post-exotisme :

« J’appelle les fantômes de mes deux étudiants ! Chen Laishun et Xiao Jie ! Revenez chercher vos diplômes ! »

Ne doutons pas qu’un pouvoir bleu marine en France relancerait à grande échelle Dada, tandis que Twitter accoucherait d’un Troisième manifeste du surréalisme en 140 de large.

« Pourtant d’avoir été et de rester le seul projet d’envergure à compter avec l’imprescriptible inconvénient d’exister, le surréalisme n’a pas fini d’importer à tous ceux qui ne s’accommoderont jamais du monde comme il va. Je reste persuadée qu’ils sont plus nombreux qu’on voudrait nous le faire croire. Même si la plupart semblent préoccupés, pour l’heure, de gagner à un jeu social auquel, il y a encore peu, ils se faisaient honneur de perdre. » (Annie Le Brun, Appel d’air, p. 22)

« Comme si le dégoût du totalitarisme devait entraîner le désespoir révolutionnaire. Comme si la sauvegarde de la démocratie devait conduire à la résignation. Comme si la critique des Lumières devait justifier toutes les régressions vers le fidéisme, le moralisme, voir le régionalisme et le nationalisme. Comme si la reconnaissance de l’inconscient devait autoriser le règne des psychocrates. Comme si la lutte contre le servage de la femme devait finir par l’exaltation du travail et de la procréation. Comme si l’éclatement de la famille devait entraîner la dérision de l’amour. Comme si la liberté du corps devait s’épanouir en illusion solipsiste. » (Id., p. 42)

Car Annie Le Brun peut aussi avoir raison, sans aucun mot de trop. D’où mon malaise d’hier, qui n’est pas un rejet, mais un souvenir d’il y a vingt ans, retrouvé intact.

*

En milieu d’après-midi, dans le quartier de Toranomon (la Porte du tigre), j’ai besoin d’un café, si possible avec un petit gâteau. J’évite le « Starbucks Coffee », par principe, et entre dans un « TullY’s Coffee ». J’y aperçois des croissants sous cellophane tandis que mes narines repèrent des effluves tabagiques en provenance d’une pièce mal isolée. De l’autre côté de la rue, je pousse la porte d’un « Caffe Veloce » mais la puanteur des clopes ne me permet pas d’entrevoir l’étal. Je vais au carrefour suivant où il y a un « Excelsior Caffé » que je connais déjà ; mais là non plus, rien d’attirant rayon pâtisserie. Juste à côté, un dernier essai avec le « Café de Crié »… Tiens, ça sent bon ! Le café est servi en tasse et – Ô miracle – il y a des cannelés !

Dans les dictées de mes étudiants, je retrouve toutes ces orthographes du mot « café », et quelques autres, notamment avec un K. C’est pénible et difficile à combattre car ces chaînes sont implantées partout, et les étudiants sont bombardés d’enseignes qui les marquent sans qu’ils le sachent…

Tags : ,

Publié dans le JLR

Les commentaires sont fermés.