Après quelques lignes et quand on est rond

dimanche 8 juillet 2012, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

On écrit pour être lu. Mais pas pour être lu.

Belle journée de lecture, de cuisine (guacamole, ratatouille), de musique (The Durutti Column, Roxy Music, Brigitte, encore). On ne bouge pas, sauf une bonne heure de marche quand le soleil décline. Les nuages traversent le ciel à grande vitesse. Ils ont l’air pressés d’arriver quelque part avant le début de la semaine.

« […] en vérifiant mes sources, je suis tombé sur cette confidence, faite à je ne sais pas qui, mais qui montre qu’Heydrich avait une idée bien arrêtée de sa fonction : « Dans un système de gouvernement totalitaire moderne, le principe de la sécurité de l’État n’a pas de limites, donc celui qui en a la charge doit s’attacher à acquérir un pouvoir presque sans entrave. »
On pourra reprocher beaucoup de choses à Heydrich mais pas de ne pas tenir ses promesses. » (Laurent Binet, HHhH, p. 59)

Twitter est-il un nouveau salon littéraire ? Question posée par Élodie (de la toile) Émery et Jules Fournier dans Marianne du jour.

« Twitter impose une nouvelle relation au public qui en a rebuté plus d’un. Jusque-là, la critique était réservée aux critiques littéraires qui formaient une institution, analyse Antonio A. Casilli, chercheur en sociologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Grâce à Twitter, on assiste à une banalisation et à une démocratisation de la critique qui est assez saine. »

Non, les critiques littéraires n’ont jamais formé une « institution », sauf par métaphore ou dans leurs rêves, ce qui est peut-être ce que Casilli veut dire. Dans leurs rêves les plus fous, les critiques littéraires (des grands médias et des magazines) se croient même une élite, surtout quand leurs petits groupements, qui sont le plus souvent des coteries, s’entremêlent avec des auteurs, des éditeurs, des universitaires, des académiciens, voire des politiques, et maintenant des agents littéraires, des attachés de presse et des conseils en communication. Tout se touche, dans la mondanité des lettres, surtout après quelques lignes et quand on est rond. Et certains se croient arrivés parce qu’ils ont seulement été frôlés.
Oui, la démocratisation est saine, dans son principe. À la condition que les individus soient dotés d’un réel libre-arbitre, lui même acquis par une éducation. Sinon, ce sont des moutons dirigés par la pub, les médias, l’appât du gain, la peur ou l »amour-propre. Or cette démocratisation ne commence pas avec Twitter, contrairement à ce qu’on pourrait croire à la lecture de cet article, mais avec le web, vers 1995 – juste quinze ans avant.
Quinze ans pendant lesquels les écrivains ont paradoxalement été les plus grands absents de ce monde d’écriture en ligne. Et beaucoup de ceux qui y viennent aujourd’hui le font pour de mauvaises raisons (pub, médias, appât du gain, peur, amour-propre). En revanche, ceux que je connais et qui y sont depuis longtemps n’ont aucun des problèmes évoqués par l’article de Marianne, sinon quelques trolls réticulaires, mais pas plus qu’il n’y a d’emmerdeurs dans les rues ou le métro…

Surtout, pour revenir au sujet, ce n’est pas parce qu’une collection disparate d’auteurs de tout poil twitte désespérément pour se faire remarquer que ça fait un salon littéraire… Au mieux, un nouveau salon du livre, virtuel, au pire, un salon des écrivains, où chacun se vend – personal branding oblige – comme une marque. Enfin, que Moix et Foenkinos soient rebutés (et boutés) par l’accueil qui leur a été réservé sur Twitter, voilà qui est littérairement justice.

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Publié dans le JLR

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