Halte au travail gratuit !

lundi 23 juillet 2012, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

Tenez, mettez-vous une bande-son pour lire tranquille. Youtube fait aussi les albums maintenant…

httpv://www.youtube.com/watch?v=qfQK4eihCIs

Lessive et grand ménage. Faire disparaître tous les miasmes du rhume !
Quelques courriers aussi, dont une modification réussie pour le cours d’automne de l’Institut de Tokyo : il ne portera pas sur Le roman de la momie, de Gautier, mais sur La place de l’étoile, de Modiano. Il y a déjà un cours programmé qui continue sur Gautier et même si l’on me laisse libre, je préfère que l’Institut offre une plus grande diversité littéraire. Et comme ça, je pourrai aussi traiter du nouveau discours de la France sur le Vel d’Hiv’ et la Shoah…

Tout travail mérite salaire.
Halte au travail gratuit !
Lorsqu’on me demande comme ça au débotté quatre pages d’exercices pour compiler dans un cahier d’été destiné à nos apprenants, je dis non.
Lorsqu’on me demande trois ou quatre heures par trimestre pour aider à l’orientation des clients en vue de leur inscription en cours de langue, je dis non.1

Vu le film Safari (O. Baroux, 2009). Pas un chef-d’œuvre, c’est sûr. Mais rondement mené et distrayant, c’est ce qu’on lui demande. Et pas de clichés qui ne soient montrés et retournés gentiment, même par Yannick Noah.

Vu le film La reine des pommes (V. Donzelli, 2010). C’est une vraie bonne surprise, du coup je me suis couché tard. Et bien qu’on ait déjà vu ce genre de choses chez Truffaut beaucoup, chez Rohmer un peu, puis chez bien d’autres, il y a encore des choses à faire avec la fille un peu pommée qui découvre le téléphone portable et couche avec Pierre, Paul et Jacques.

Notes ________________

  1. Un peu partout, le travail gratuit gagne du terrain. Après un siècle et demi de luttes syndicales positives, qui ont amené de réelles conditions de vie aux ouvriers, employés, salariés, comme on voudra les appeler, en ayant les patrons en face et en les faisant plier, la mondialisation, ou délocalisation du corps patronal hors de la portée des employés, est en train d’inverser la vapeur. Car la première délocalisation, si on ne l’a pas remarquée, a bien été celle des patrons, qui ont compris, en gros après la 2e Guerre Mondiale, qu’il ne faisait pas bon rester dans les usines ni dans les bureaux attenants si on voulait mener une politique industrielle brutale, c’est-à-dire une économie entreprenariale à visée financière dont l’objectif premier est de faire de l’argent à n’importe quel prix. Ce changement de paradigme social, favorisé par (ou plutôt mis en scène avec) le téléphone, le télex, le fax et l’informatique, mais aussi par (avec) le cargo, le train, les armes à feu, les sports, les tranquillisants, la télévision, a permis aux patrons, aux actionnaires et aux cadres supérieurs de s’éloigner des lieux de productions et des bassins d’emploi, là où leur action les rendrait forcément impopulaires et les mettrait en danger personnellement s’ils venaient à s’y trouver sans escorte musclée et armée. C’est bien ce que l’on a vu, n’est-ce pas ? C’est bien ce qui s’est passé depuis quarante ans, non ?
    Puis ils sont passés au niveau supérieur du jeu lorsqu’ils ont pu commencer à déplacer librement les outils de production, les usines elles-mêmes et enfin, grâce à des lois sur la mobilité et la flexibilité des personnels que leurs amis politiques leur ont faites sur mesure, les travailleurs eux-mêmes ; dans le même temps, des médias ont été sollicités pour gentiment faire disparaître les notions de base de la lutte sociale (voir par exemple la redéfinition de la solidarité), pour ringardiser le combat syndical, saper la culture générale (qui permet de développer dangereusement soi-même sa conscience et son libre-arbitre), et finalement river chaque individu à sa petite précieuse pathétique vie individuelle artificielle.
    C’est à ce stade, nouveau niveau du jeu depuis quelques années, que le travail gratuit a été réintroduit, nettoyé du nom et de l’image ancienne d’esclavage : les stagiaires employés gratuitement ou presque à l’année, les emplois aidés et financés par l’État et les autres collectivités publiques, les heures supplémentaires non déclarées parce que non pensées supplémentaires (dossiers qu’on emporte à la maison, activités para-professionnelles en ligne ou par téléphone portable, etc.).
    Puis on arrive au génie total : les sacrifices demandés par l’entreprise pour qu’elle puisse perdurer et sauver ses employés, des heures par ci, des fractions de salaire par là, des avantages sociaux volontairement abandonnés, pendant que les actionnaires s’augmentent les primes ; mais aussi les auto-entrepreneurs qui rament quatre-vingt-dix heures par semaine pendant deux trois ans avant de, neuf fois sur dix, réintégrer une boîte ou un asile, etc. []

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Publié dans le JLR

3 réponses à “Halte au travail gratuit !”

  1. Bikun dit :

    En matière de film de fille paumée, j’ai vu « Louise Wimmer » il y a quelque temps et j’avais trouvé ça bien.

  2. Berlol dit :

    Bien sûr, je ne suis pas « l’auteur » de ce titre : « Halte au travail gratuit ! » est un cri universel !

  3. karl dit :

    Un billet Pale Fire !

    Travail gratuit et don du travail : Les deux côtés d’une même pièce… de monnaie.

    Je comprends le message et bien sûr tous les abus qui en résultent dans une économie capitaliste farouche qui profite largement de la précarité de certains pour tirer sur le fil. Cependant je ne suis pas si sûr qu’il s’agisse de travail gratuit, mais beaucoup plus de travail choisi et de rémunérations. Un des enjeux est le travail comme instrument de valeur et de reconnaissance sociale qui se traduit au final par des revenus.

    Avoir le temps et les revenus suffisants pour pouvoir se consacrer à des activités non rémunérées et participer à l’agencement de la société commerciale et non commerciale est beaucoup plus un objectif pour moi. Je suis privilégié. Et donc contribuer à des projets opensource, donner une aide, un conseil à une personne qui en a besoin, je le fais avec plaisir quand bien sûr j’ai le temps ou l’envie.