Bouillonne gentiment dans la cafetière

jeudi 2 octobre 2008, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

«… agents de confession autre que chrétienne…»
On n’a pas eu Edvige mais on aura peut-être plein de micro-Edvige locaux et régionaux qu’un amateur de puzzles nationaux pourra un jour assembler… C’est ça — aussi — l’esprit de réseau. Et les RG le savent bien.
Dans l’esprit tordu de certains, la confession chrétienne est censée être la norme en France, alors qu’une minorité de Français se disent effectivement croyants, et moins encore qui se disent pratiquants. Cet esprit tordu est pourtant bien installé et bien représenté dans les médias qui couvrent toujours abondamment les manifestations religieuses chrétiennes (visites du Pape et autres pèlerinages) en leur donnant toujours un sens national, une dimension bien française. Alors que les événements et fêtes religieuses des autres confessions sont, je parle toujours de leur traitement dans les médias, le plus souvent accueillis (à bras ouverts, il faut se montrer tolérant, c’est une bonne occasion), et qu’ils ont toujours une portée internationale, diffuse, subie et comme très accessoirement française (ramadan, nouvel an juif, etc.).
Cette norme et ces écarts me rappellent ce que j’ai entendu dans Ce soir ou Jamais de mardi (globalement bon, avec prises de bec sur Darwin) à propos d’un éventuel gène de l’homosexualité (au milieu de l’émission). Gène qui n’existe pas, nous accorde-t-on, mais dont la présence médiatique s’établit sur des simplifications d’études tirées de statistiques d’écarts par rapport à une norme qui, elle, n’est jamais repérée ni interrogée : en effet, il n’a jamais été question d’un gène de l’hétérosexualité, alors que pourtant il devrait être présent chez une écrasante majorité de personnes…
Même chose pour la polygamie, je le découvre à l’instant chez Affordance.

Je ne reviens pas sur les défauts de Lady Oscar (on voit le subtil glissement vers le gène de l’identité sexuelle). En revanche, le film de Jacques Demy a aussi des qualités. L’évolution des mentalités et la dégradation des conditions de vie du peuple français dans les années 1760-1780 y apparaissent à la fois dans le décor et dans les relations entre Lady Oscar et son valet / ami / amoureux André. À l’inverse, Marie-Antoinette, Louis XVI et le père de Lady Oscar sont rigides et obtus au possible, focalisés sur leur ordre du monde, considéré à la fois comme le seul et le meilleur, et ne voyant rien venir. Bien évidemment, de tels raccourcis sont ridicules s’ils sont pris pour des vérités historiques.
Mon rôle est d’inviter mes étudiants à envisager les limites de ces propositions filmiques, à les comparer à celles du manga, à se poser des questions sur la validité et la véracité de certains éléments de la fiction, c’est-à-dire à créer une motivation, un allumage de leurs moteurs qui les véhiculeront vers de l’information à ramener en classe ou sur le blog des cours.

Merci à Florian d’avoir gardé un peu de saucisson pour venir le partager après le séminaire. (Il en avait rapporté de France pour une dégustation avec ses étudiants… qui, de 13h à 13h30, n’ont pas osé tout manger.)

Étrange coïncidence d’avoir presque simultanément (en jours ou en semaines, à mon rythme pachydermique) commencé lecture d’Emmanuel Tugny, Claro et Christophe Chazelas. Du coup, ça me bouillonne gentiment dans la cafetière et des rapprochements s’opèrent.
Moi qui me considérais comme plutôt concerné par des textes réalistes, politiquement et socialement centrés sur la vraisemblance, avec forte présence du travail stylistique mais dans une subversion des formes plutôt clairement au service d’une contestation politique elle aussi réaliste, me voici enchanté de ces trois textes qui se disputent la palme du moins réaliste tout en étant des plus intéressants. Tugny et sa Biche, Claro et son Emma, Chazelas et sa Doddy. Trois auteurs, trois hommes ayant tous trois cassé leur tirelire de vraisemblance pour s’acheter le délire de leur chimère respective.

« Emma me fragmente et s’invente. Elle s’élance à nouveau sur la piste de danse, fait de ses bras des moulins qui déquichottent tous les prétendants. « Allons, baisez maîtresse, vous qui n’avez pas de chagrins », disent ses yeux de chienne provinciale, et les messieurs retroussaient leurs manches et s’y mettaient eux-mêmes. Suivant leur position sociale, ils avaient des habits, des redingotes, des vestes, des habits-vestes ; — de bons habits entourés de toute la considération d’une famille, et qui ne sortaient de l’armoire que pour les solennités ; redingotes à grandes basques flottant au vent, à collet cylindrique, à poches US ou Che larges comme des sacs ; vestes de gros drap, qu’accompagnaient ordinairement quelque bonnet rasta ; habits-vestes très courts dont les rabats semblaient avoir été taillés par un cutter de dealer. Convoitée, matée, pré-niquée, Emma fait la volte et la garce puis se greffe au bar où le Rodolphe de service lui sert un blue lagoon qu’elle sirote en experte.» (Claro, Madman Bovary, p. 50)

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Publié dans le JLR

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