Journal LittéRéticulaire de Berlol
Version quotidienne ICI

Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Juillet 2007

<< . 1 . 2 . 3 . 4 . 5 . 6 . 7 . 8 . 9 . 10 . 11 . 12 . 13 . 14 . 15 . 16 . 17 . 18 . 19 . 20 . 21 . 22 . 23 . 24 . 25 . 26 . 27 . 28 . 29 . 30 . 31 . >>


Dimanche 1er juillet 2007. On y trempe nos trois piques.

Des billets d'Assouline, je ne lis habituellement que les trois premières lignes. Pour me dire le plus souvent que ce n'est pas la peine de continuer. Et me demander quand je vais l'enlever de ma liste de fils de lecture. Ce matin, j'ai lu chez cet homme qui a été l'animateur de radio le plus soporifique qu'il m'ait été donné d'entendre (quand il faisait les Matins de France Culture), un billet d'une grande mauvaise foi et d'une méchanceté qui ne peut être que vengeresse. Parlant de Répliques d'hier et sachant ce qu'on pense tous de Finkielkraut, Assouline attaque Guillaume Durand et plus encore Frédéric Taddeï, les accusant notamment de ne parler que d'eux. Assouline n'a rien dit des dizaines de Ce soir ou Jamais dans lesquels Taddeï parle peu et seulement pour guider ses invités, pour dire que dans Répliques, où Finkielkraut l'interroge sur lui, Taddeï, et son émission, Taddeï parle de lui et de son émission. Si ce n'est pas de la mauvaise foi, je ne vois pas comment appeler ça !
Sans parler des commentaires qui, chez Assouline, sont à l'avenant, indigents.
Je préférerais donc, à l'avenir, qu'Assouline ne regarde plus la télévision. Qu'il reste dans les livres.
Quant à Finkielkraut, autre maître ès entourloupes, il fait le procès de Ce soir ou Jamais, par l'exemple, soi disant, de la seule dernière émission et en se focalisant sur la seule Houria Bouteldja, avec qui il a eu lui-même, Finkielkraut, maille à partir, ailleurs.
Taddeï répond que cette dernière émission de la saison a justement fait apparaître que le retour de certains invités pouvait être une impasse à éviter à l'avenir, ces invités récurrents devenant en quelques sortes les chroniqueurs que Taddeï a toujours voulu éviter — comme quoi, il avait raison.
Et avec tout ça, l'émission est TRÈS intéressante... Par exemple quand Durand et Taddeï piègent Finkielkraut sur Littell (après la mi-temps, vous verrez pourquoi). Et puis un bon 40 % de l'émission est quand même consacré à débattre de la valeur (culturelle, artistique, etc.), quand Finkielkraut laisse parler ses invités — qui ont finalement peu le temps de parler d'eux-mêmes, je trouve.
N'écoutez pas, si vous voulez faire les autruches ! De toute façon, je garde tout.

Depuis des mois qu'on avait reporté et annulé, pour mille raisons, ça arrive enfin : T. et moi allons déjeuner avec Laurence et Christian au Chalet Swiss Mini, restaurant de fondue savoyarde sis près de Nippori, en bordure du quartier de Yanaka, où nos amis ont la joie visible d'habiter. C'est un véritable chalet, entièrement boisé, en plein Tokyo, entouré d'un jardin où verdoient des centaines de variétés d'herbes, de fleurs et même de fruits puisqu'il y a des mûres on ne peut plus mûres et succulentes (on a le droit d'en manger). J'y trouve aussi plusieurs sortes de menthe, de florissants artichauts.
Après une mise en bouche, une petite salade verte sur laquelle paît une tête de vache en carotte, accompagnés d'un fendant de là-bas, nous nous tapons un caquelon de fondue sans que personne n'y perde son morceau de pain. On y trempe nos trois piques quand Christian cesse, pour manger, ses grands mouvements touillants... Tout le monde est très détendu, aux autres tables aussi. Il y a des objets suisses un peu partout, et même des pains et des viennoiseries. On en achète. À la sortie, on ne se sent pas lourd.

Et nous voici partis pour un tour de Yanaka, temples, petites boutiques-galeries, ruelles et passages couverts. Je n'y étais pas revenu depuis la visite du quartier en accompagnant des sandiens en 2004, alors que T., elle, ne connaît tout simplement pas ce quartier. C'est toujours aussi agréable. Et il y a toujours des portes inaperçues la fois précédente, des recoins où sourient des temples qu'on n'avait jamais vus, comme un qui a un bassin de lotus, ce que fait remarquer le doigt de Laurence, un autre dont un pin étayé pousse à 45 °... Et celui, siamois, d'un seul grand toit abritant un temple bouddhiste et un sanctuaire shintoïste.
Troisième et quatrième côtés de notre promenade carrée, en bas de la colline puis la remontant à nouveau, une rue commerçante et automobile puis la rue piétonne très animée, dite Yanaka Ginza — le petit Ginza de Yanaka.

De temps en temps, Laurence ressemble à Jeanne Balibar, et Christian à Jean-Pierre Darroussin. C'est toujours amusant de saisir d'infimes ressemblances, toujours dans de fugaces attitudes, donc effacées à la seconde qui suit. Sauf que parfois une photographie les fixe.

Ayant de surcroît acheté une tourte aux pommes pour le goûter, nous revenons chez nos amis pour un thé final, admirant le sourire et la sagesse de leur petite A., fillette de deux ans qu'une nounou gardait depuis notre arrivée matinale.
Je reconnais avec amusement ce style de maison qu'habitent au Japon quelques couples d'étrangers avec enfants parmi ceux que j'ai connus, le premier ayant été, vers 1992-1993, celui d'un collègue de Waseda nommé John Collick, qui ne resta que trois ans et que je vis repartir avec tristesse, épouse et fillette, pour son Angleterre natale (et chez qui il y avait aussi ce genre de poupée).

Au final une excellente journée — sans pluie malgré les nuées tournoyantes — que nous finissons, après retour, repos et Poulet au vinaigre sur TV5 (Chabrol, 1985), par une soupe de tomate d'été (légère, aillée et au céleri) et rien à la télé.
Une journée sans lecture, aussi. En contradiction avec la promesse que je m'étais faite pour juillet. Il faudra dès demain y remédier.

Commentaires

1. Le dimanche 1 juillet 2007 à 07:32, par vinteix :

ça ressemble à quoi des "sandiens" ?
Non, je plaisante... mais je trouve que vous avez un certain courage pour manger une fondue savoyarde par le temps qu'il fait ! enfin, je ne sais pas à Tokyo ce soir... mais à Fukuoka, c'est l'entrée dans le sauna...

2. Le dimanche 1 juillet 2007 à 07:57, par vinteix :

Sinon, une petite question aussi concernant la superbe photo du billet du jeudi 28 juin : ce que j'interprète vaguement comme "une sorte" de maître-moine bouddhiste au corps squelettique... as-tu quelque précision là-dessus ? perso, je n'ai jamais vu une telle image, même si j'ai déjà entendu parler de certains maîtres qui mouraient ainsi, en pleine méditation, en atteignant le "nirvana"... S'agit-il de cela ?

3. Le dimanche 1 juillet 2007 à 15:24, par patapon :

“Ce qu’on pense tous de Finkielkraut…” ben non, mon vieux ! Ce que VOUS pensez de Finkielkraut. Parce que je pense, moi, qu’il a raison, et qu’avec des gens comme Houria Bouteldja justement, qui osent dire à la télé publique qu’ils ont inventé le mot “souchiens” pour qualifier les français dits “de souche”, l’obscénité raciste atteint des sommets. Quiconque entend ce terme ne peut s’empêcher de poser l’équation “souchiens=sous-chiens” ; et l’on sait qu’animaliser, ou sous-animaliser l’autre est l’un des plus grossiers procédés racistes qui soient… Que les Houria Bouteldja et consorts ne s’étonnent pas, après, que des crétins les traitent en retour de “macaques”. Non, je trouve bonne, saine et juste la manière que Finkielkraut a de remettre les abrutis en place, et de débusquer les pièges langagiers et idéologiques de la nouvelle glose tiers-mondiste, antirépublicaine et antisémite. Vive Finkielkraut !

4. Le dimanche 1 juillet 2007 à 15:37, par patapon :

PS: ERRATUM: ils s’agit bien sûr de la nouvelle gnose (et non pas glose!) antisémite, tiers-mondiste et antirépublicaine: nouvelle doxa, avec ses “penseurs”, ses apôtres et ses héros, des Indigènes de la République aux islamo-fascistes de tout poil… (en passant par la mouvance écolo-tiers-mondo-joseboviste…)

5. Le dimanche 1 juillet 2007 à 15:59, par Berlol :

Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je ne parle pas du tout, mais alors pas du tout de ça. Je parle du procédé qui consiste à stigmatiser et critiquer une émission en se basant sur un seul exemple et même sur une seule invitée de cette émission ! Et qui est le même procédé éhontément repris par un blogueur populiste pseudo-littéraire.
Pour le reste, je serai bref : ce n'est pas parce qu'Houria Bouteldja a tort qu'Alain Finkielkraut a raison. (C'est là ce que tu articules à tort, et tu le sais, toi aussi.)
Enfin, je ne crois pas que H. Bouteldja ait eu l'intelligence langagière de penser à un éventuel double sens de son mot. Je crois même qu'elle s'en défendra, dira qu'elle en est la première surprise. On lui rétorquera que c'est son inconscient qui a parlé. Et l'on n'aura pas tort. Mais c'est tout aussi bien l'inconscient de l'autre...

Pour une encore meilleure compréhension des attaques de Finkielkraut contre Taddeï (puisqu'il faut mettre les points sur les i, ici aussi), voir mon billet du 25 juin où je signalais que cette même dernière émission de Ce soir ou Jamais commençait par un entretien avec Edgar Morin (ce qu'Alain Finkielkraut se garde bien de rappeller dans son Répliques d'hier), au milieu duquel Taddeï repassait un extrait vidéo d'un débat Morin-Finkielkraut, qui n'était pas à l'avantage de ce dernier...

6. Le dimanche 1 juillet 2007 à 21:41, par patapon :

Certes, mais pour moi, les propos de Finkielkraut ne sont pas des attaques. Ce qu’il dit, c’est qu’à la télé (audimat oblige!) il n’y a guère de place pour la nuance et que les grandes gueules font certainement plus d’audience que les intellos. Plus c’est gros, plus ça passe, et quand en plus il s’agit de prêcher une « bonne parole » qui est dans l’air du temps, alors là, on est sûr de cartonner!

7. Le lundi 2 juillet 2007 à 00:26, par Berlol :

Qu'il dise cela des émissions people, des Delarue, Cauet et alii, je suis d'accord. Mais pourquoi alors attaquer précisément deux personnes parmi les rares qui font effectivement autre chose ? Car, Ce soir ou Jamais a précisément fait la preuve du contraire de ce que tu dis de la télé, pendant plus de cent émissions depuis septembre dernier. Mais en as-tu regardé une, seulement ? Non ? Ce n'est pourtant pas faute que j'en aie parlé ! Après, si tu préfères faire confiance tranquillement à Papa Finkielkraut pour dénoncer ce que lui-même n'a pas vu, je vous laisse entre vous.

8. Le lundi 2 juillet 2007 à 00:47, par patapon :

Bien sûr que j’en ai vu, et même plus d’une! Je trouve d’ailleurs que ces émissions ne sont pas mal du tout. Mais quand on réunit sur un plateau mettons… huit personnes, évidemment, ça tourne vite au saupoudrage et on n’a pas le moyen d’approfondir les choses, puisqu’il faut que chacun ait son temps de parole ! Le cher "Finkie" n’est pas mon papa, mais mon Socrate ! Et comme disait Rousseau: “De nos jours il est vrai, Socrate n’eût point bu la cigüe, mais il eût bu dans une coupe encore plus amère la raillerie insultante et le mépris, pires cent fois que la mort.”

9. Le lundi 2 juillet 2007 à 01:11, par Fan à tics :

L'irréfutable signe de la pertinence de Finkielkraut est qu'il exaspère et ridiculise systématiquement tous ceux qu'il est succulent, et indispensable, d'énerver. Votre liste, Patapon, bien qu'incomplète, en cite les essentiels... Vive Finkielkraut !
Une autre des ignominies de la haineuse Houria Bouteldja est d'avoir postulé que l'identité française se bornait à la détention d'une carte d'identité, rejoignant d'ailleurs un axiome lu naguère dans la bible de la bien-pensance téléramante. Le piteux Beineix ne s'en est pas autant scandalisé que de la couleur des chaussettes de Mitterrand.

10. Le lundi 2 juillet 2007 à 01:19, par Berlol :

Bon, alors tout va bien, Patapon. Mais moi, je n'en ferai pas mon Socrate ! Trop argutieux...
Oui, les chaussettes de Frédéric Mitterrand... C'était du grand-guignol, cette fin d'émission. FM consentait, in fine, à les montrer... Lourd, le Beineix, sur ce coup-là !

11. Le lundi 2 juillet 2007 à 03:17, par m sonnet :

Pendant que tous ceux-là que je n'ai jamais vus causent, moi je lis ou j'écoute Veinstein, ou je lis en écoutant Veinstein, et ça ne va pas plus mal forcément

12. Le lundi 2 juillet 2007 à 04:28, par Fan à tics :

Voici un post de "Autour des Matins", lisible à:
ponolice.blog.lemonde.fr/
"02 juillet 2007
Préférer avoir raison avec Finkielkraut que tort avec Aounit
Ca fait maintenant des années qu’on nous bassine avec les questions de sécurité, que le Grand Homme les met en scène, que, lois après lois, on renforce le dispositif policier… et ça ne marche pas vraiment. Les voitures brûlent, on pille la Gare du Nord, on passe à tabac un passant qui a le malheur de prendre une photo… et en face, on conduit un peu vite, très vite, ou bien on laisse un homme ivre très près d’un canal. Etc.
Ces questions, souvent tragiques, n’avancent pas. Elles nous pourissent la vie, elles nous menacent jusque dans notre liberté de penser, voire d’aller et venir.
Nombreux sont ceux qui croient que la faute nous reviendrait : nous aurions généré de l’exclusion et la prendrions en boomerang via la délinquance des uns, la tentation terroriste des autres. D’autres insistent sur un supposé laxisme qui expliquerait tous les débordements.
Ces deux types d’explications, qu’elles soient antagonistes ou complémentaires ont leur part de vérité. Leur part seulement. Il va falloir vraiment réfléchir, ensemble.
Je crois que notre grand chantier, dans les années à venir, consistera à penser la révolte, à déconstruire les discours, à ne pas être dupes de l’attractivité du simplisme fondamentaliste qui est derrière tout cela, et par là, refonder une approche républicaine qui permette une intériorisation de l’ordre démocratique, comme un respect qu’on se doit à soi-même autant qu’on le doit aux autres.
Ce sera difficile.
Si hier, il valait mieux avoir tort avec Sartre, que raison avec Aron, aujourd’hui, il est plus facile d’avoir tort avec Mouloud Aounit que raison avec Alain Finkielkraut. Les volées de bois vert sont prêtes, et les amis de Besancenot et de ses métastases socialistes, voire centristes, n’ont jamais fait dans la dentelle. Ils cognent, gavroche ivres d’innocence et de haine d’un monde simplifié pour la bonne cause. Une dose de certitude sur les “infidèles” contre lesquels on a dressé la surdité en valeur et la boucle est bouclée.
Qui ne comprend pas l’urgence d’une telle démarche doit d’urgence écouter la dernière chronique de Marc Kravetz ou écouter de près les infos qui viennent de Londres. La question de notre liberté, et notamment de notre presse, sujet de ce matin, c’est sur ces enjeux-là qu’elle se joue."

13. Le lundi 2 juillet 2007 à 14:27, par jenbamin :

bon ben voilà Berlol, maintenant tu sais comment faire pour attirer des commentaires : suffit de mettre le nom d'Alain F., et ça pleut tout seul... rien que pour ça, vive Alain F. ! (pouf pouf pouf...)
En fait d'Alain, je crois en effet je préfère Veinstein...

14. Le dimanche 8 juillet 2007 à 13:03, par christian :

Coucou Berlol! Coucou Patapon!
Merci de la visite, de l'article et de la photo!
Cette fondue était bien légère et ne nous a point fait transpirer.
À bientôt!

15. Le dimanche 8 juillet 2007 à 16:55, par Berlol :

Salut Chrichri ! T'as mis du temps, pour passer ! Pour la photo, c'est tout simplement une des plus belles de l'année ! (grâce au modèle...)

16. Le jeudi 12 juillet 2007 à 05:25, par Bob :

Croyez-vous pouvoir nous enfumer longtemps à coup "d'universalisme abstrait" et de pratiques des plus troubles.... La France à une conception "racialiste" de la nation, conception qui est partagée tant par la gauche que par la droite...Dans l'inconscient collectif, un Antillais, qui est français depuis quatre cents ans [au plan juridique], n’est pas français [au plan de l’identité nationale], c'est un noir....Si communaiutarisme , il y a, c'est d'abord un "communautarisme blanc", un vieux réflexe colonial profondément ancré dans la cervelle des francaouis souchiens, qui postule qu'ils sont de vrais français, des français "légitimes", qui ont une ascendance "naturelle" (civilisationelle) sur les français non-blancs, qui pour eux ne sont que des français de papier, des sous-citoyens qu'au mieux on tolère "magnanimement", lorsqu'elle sait rester à sa place... Et tout cela se dissimule sous un discours de façade sur la "République", la "Laïcité", les "Droits de l'homme", en total décalage(le décalage devient de plus en plus criant! ) avec le réel concret et pratique... Ceux qui font semblant de ne pas voir cela sont des fumiers qui défendent leurs prébendes!
PS : Pour les adeptes de Finky, la Hyène sioniste, on ne vous a pas entendu commenter sa ses propos sur l'équipe de France ("noir, noir, noir"), qui eux étaient des propos clairement racistes pourtant... On sait pour qui vous roulez...

17. Le jeudi 12 juillet 2007 à 06:24, par Berlol :

Qui connaît l'inconscient collectif ?
Bientôt, il ne sera plus si important que ça d'être français.
Déjà, peut-être.
Pendant que l'on se focalise sur des questions de "race", que l'on se traite de tous les noms, les grandes fortunes sont de plus en plus grandes, de mieux en mieux défendues, et la misère s'étale partout. Alors je m'interroge : et si l'entretien des "combats" communautaristes (ou inter-ethniques, ou racialistes, ou du nom que l'on voudra), n'était qu'un moyen de détourner l'attention de l'essentiel ?

18. Le jeudi 12 juillet 2007 à 08:43, par Dom :

Bob, il n'y a pas de discrimination légale en France. Point.
Alors, vous vous organisez, vous faites valoir vos droits, et vous lâchez la grappe aux francaouis souchiens. Deal ?
Pour des nations "racialistes", allez plutôt faire un petit tour en Extrême-Orient.
Comme le laisse entendre Berlol, les discriminations françaises sont bien plutôt socio-culturelles que raciales : vous croyez vraiment que les white trash des quartiers sont mieux traités que vous ? Outreau, ça vous dit quelque chose ?



Lundi 2 juillet 2007. Bien protégé, le fou blanc menace la reine noire.

L'été en plans devant nous attablés
on y œuvre, rêve, atermoie
selon des routes et à se lancer des dates
deux grands massifs sont déjà posés
Corse et Normandie
entre des limites aéroplanes
on se demande si on aura plus ou moins de courage
pour aller jusqu'au viaduc de Millau
et si la banque suivra

En attendant, je copie-colle tous les commentaires d'avril à juin dans le JLR mensuel. Ça me fait de la relecture. Finalement, je n'ai pas trop à me plaindre, la plupart de mes commentateurs & commentatrices sont pertinents. Peu bavards mais pertinents. Ce qui est toujours plus reposant que des dizaines d'arsouilles et de m'as-tu-vu que je ne pourrais pas, me connaissant, ne pas mépriser.
La fluidité des informations étant ce qu'elle est est, je me demande pourquoi les choses ne se passent pas mieux. Mais cela pourrait aussi être pire.
Ce faisant, j'écoute et enregistre une émission avec Alain Rey et trois Du jour au lendemain de la semaine, dont celle avec Bernard Teyssèdre, sur le Roman de l'origine [du monde], qui me plaît bien. En attendant celle de ce soir avec Fred Deux (je l'écouterai demain).
Et puis je lis Mérimée.

Sinon, c'est repos pour tous les deux. D'autant que ça doit être le premier lundi depuis plus d'un an qu'il n'y a pas de bruits de chantier. Et pour cause, le bâtiment devant chez nous est achevé. Bizarrement, ce bloc d'appartements n'a de grandes baies et fenêtres vitrées qu'au Nord, c'est-à-dire en face de chez nous... Nous nous demandons quels ploucs vont pouvoir louer ça au prix qui va leur être demandé avec des fenêtres donnant plein Nord et sur les fenêtres d'un autre immeuble, vieux de près de quarante ans.
De l'autre côté, du côté Sud de ce bâtiment flambant neuf, il y a un autre immeuble, très rupin et appartenant à la même famille. C'est sans doute la raison pour laquelle ils n'ont pas souhaité que le nouveau bâtiment ait de grandes fenêtres côté Sud.
Et puis de notre côté, Nord, un mur de fer de trois mètres a été monté, tandis que côté rue, à l'Est, un beau mur de béton bicolore de deux mètres a été construit, et que du côté Sud, il y a juste un petit muret d'un mètre cinquante.
T. s'est mise à la tête de la contestation de notre copropriété depuis quelques semaines. Elle a fait venir le chef de chantier chez nous cet après-midi, qui n'a pas vu le petit i-river branché sur enregistrement. Il a apporté un vague accord photocopié d'il y a deux ans qui ne précisait ni la matière ni la durée du mur, de sorte qu'on avait cru que c'était une palissade de chantier. T. a laissé entendre que nous pourrions aussi faire voir ce qu'on ne veut pas voir, il doit y avoir une formule spéciale en japonais : pour protester contre ce mur dont nous ne voulons pas en l'état (on se croirait en prison), nous pourrions montrer, sur nos murs, quelques bannières explicites aux nouveaux habitants d'en face, écrites assez gros pour qu'ils en soient incommodés plus que nous qui ne les verrions pas...
Bien protégé, le fou blanc menace la reine noire. C'est à eux de jouer.

Sinon, la bonne nouvelle, découverte au retour du Meidi-Ya de Nihombashi où nous sommes allés pour des primeurs de confitures de fraise, c'est que le citronnier a fait trois boutons. Je l'ai arrosé avant-hier et ils n'y étaient pas. Alors que nous n'avions aucun signe de vie depuis le rempotage. Toutes les feuilles étaient tombées dans les deux semaines qui avaient suivi l'opération. Nous arrosions, maudissant au passage, avec cette belle mauvaise foi que nous savons nous aussi posséder, le chantier dont les poussières pouvaient l'avoir occis.

Commentaires

1. Le lundi 2 juillet 2007 à 08:53, par brigetoun :

j'ai un oranger qui comme tout plante qui entre en ma compagnie est devenu très sot et n'a pas compris comment il devait grandir, faire de jolies feuilles, des fleurs etc... alors depuis un an ses feuilles près de son petit sommet graaaaandissent et ont une allure toute spéciale, et peu à peu les petites en dessous, vexées, tombent.

Jolie idée pour le mur, en faire un "mur d'expression" pour le quartier, mais vous aurez sans doute la loi contre vous

2. Le lundi 2 juillet 2007 à 15:32, par christine :

"la plupart de mes commentateurs & commentatrices sont pertinents. Peu bavards mais pertinents"
voilà qui est très aimable et tu nous vois flattés ! (même si ton "la plupart" laisse planer un doute)

3. Le mardi 3 juillet 2007 à 02:29, par brigetoun :

je n'ai, pour ma part, eu aucun doute sur la courtoisie de la phrase

4. Le mardi 3 juillet 2007 à 14:21, par christine :

moi non plus brigetoun ... c'était juste pour me montrer un peu impertinente, dans un souci de contradiction

5. Le mardi 3 juillet 2007 à 15:13, par Berlol :

"un souci de contradiction"... Je vois ça. Quoi qu'il en soit, pertinence et impertinence créent une présence. Ou plutôt, pour reprendre mon vocabulaire de novembre dernier un effet de présence. Au fait, Christine, n'y a-t-il pas de publication de la journée "Publier l'intime ?" ?...

6. Le mardi 3 juillet 2007 à 15:29, par christine :

je crains bien que non ... mais je vais me renseigner



Mardi 3 juillet 2007. Fou comme le terre-à-terre.

Dans le shinkansen matinal, j'écoutais par hasard Jacques Rancière aux Mardis littéraires du 5 juin. À deux ou trois reprises, je me suis demandé si Pascale Casanova avait lu Politique de la littérature avec les yeux, les pieds, les dents ou quoi, tant elle faisait de contresens. Notamment sur le rapport entre l'auteur et l'œuvre ; elle croit l'auteur écarté du sens de la politique de l'œuvre, alors que c'est un peu plus subtil. Espérons qu'elle sera mieux inspirée tout à l'heure avec Yvan Leclerc sur Madame Bovary...

Citation de Pierre Bayard à insérer, ou alors demain.
(Il sera même question de lui à propos du roman de Doumenc...)

Un sandwich et deux cours. Pas de ping-pong pour cause de sujets d'examens à finir, imprimer, rendre...
C'est fou comme le terre-à-terre peut prendre de place !

En soirée, j'écoute enfin Leclerc / Doumenc / Casanova aux Mardis littéraires. Yvan Leclerc présente le fac-simile de l'édition de Madame Bovary de Flaubert par Michel Lévy, édition portant mention des corrections et suppressions pour l'édition dans la Revue de Paris en 1856 (coédition Alinea / Librairie Élisabeth Brunet / Point de vue, 2007). Très intéressant, sur la genèse de l'édition !
Quand il est question de l'excellence des positions de Rancière, vers la 30e minute, pas un mot de Pascale Casanova ! On passe à autre chose... Il en sera de nouveau question vers la 51e minute, entre les parasites qui polluent l'émission, toujours sans écho de la part de P. Casanova. Étrange, non ?
Revenons aux choses importantes : Yvan Leclerc évoque les événements de cette année Flaubert et l'avenir du site des manuscrits de Madame Bovary (celui que j'ai récemment exploité pour le cours à l'Institut) : possibilité de consulter la rédaction du roman par couche de genèse, de feuilleter l'évolution à partir de liasses virtuelles, etc. Sans doute pour la fin de l'année.


Mercredi 4 juillet 2007. Sur la diérèse du vi-olon.

« On est dans une logique de la capture, de la prédation. Ceux qui en ont la possibilité s’approprient les richesses produites collectivement. Ils ne travaillent pas plus aujourd’hui qu’hier, ils ne prennent pas de meilleures décisions, ils ne contribuent pas plus à la croissance, mais ils sont mieux à même de s’enrichir. Et ils en profitent.» (Bernard Girard, La montée des inégalités salariales, chronique d'Aligre FM du 03/07/07)

Quand même, je n'en reviens pas qu'on soit déjà en juillet ! Pour moi, juillet, c'était les vacances, la plage, les camping, l'image de routes écrasées de soleil, de serviettes éponges, de donzelles huilées, et même de boules de pétanque. Et maintenant, nous voilà coincés dans cette fac avec encore plus de deux semaines de cours, des collègues pas drôles tous les jours et des étudiants qui stressent pour leurs partiels.
Je me répète, mais j'ai du mal à m'y faire. Alors je me lève tôt pour finir de me débarrasser des sujets d'examens, et j'y arrive avant le déjeuner.

Au cours de lecture, on corrige les tentatives d'écrire en français ce que j'avais donné la semaine dernière. Il y en avait trois ou quatre qui n'étaient pas loin de la vérité, mais sans avoir pu identifier le texte. C'était du Hugo, bien sûr. Avec deux verbes à découvrir, bons à apprendre ensemble parce que leur conjugaison se ressemble : éteindre et atteindre.
Nouvelle dictée phonétique (à écrire en alphabet phonétique seulement, interdit d'écrire en français), avec moins de difficultés : « Les sanglots longs / des violons / de l'automne / Blessent mon cœur / d'une langueur / monotone.» Les étudiants ne comprennent pas encore, il doivent essayer de trouver ce que ça donne en français pour la semaine prochaine (ils ne connaissent pas l'adresse de ce blog), mais ils sont déjà sensibles à la musicalité des an / on / o / eur. J'insiste bien sur la diérèse du vi-olon.

Une réunion (qui, entre autres sujets, entérine le principe de mon voyage en France). Lecture de Mérimée (Notes d'un voyage en Corse, 1840). Ses « naturels de l'île » m'amusent beaucoup...

Sortie à quatre dans un restaurant italien de Fushimi-sud, tout près d'Osu, en fait. J'y vais avec Andreas, professeur d'allemand et chercheur en anthropologie. Sophie et Benoît nous rejoignent. Au Da-Carlo, la cuisine est bonne, les pizzas énormes mais l'ambiance et le service sont nuls. La salle résonne et dès qu'il y a huit personnes réparties sur trois tables, on ne s'entend plus. Si de plus il y a parmi elles des américains, ça devient l'enfer. Et puis nous aussi, on doit souvent parler anglais parce qu'on ne parle pas allemand et Andreas pas français. Et puis une bouteille de Montepulciano par là-dessus, ça fait monter le volume...
Repus de sauce tomate et de quatre fromages, on s'expulse de la chambre d'échos vers 21h30.
Après un petit quart d'heure de marche — il ne pleut pas — pour aller de l'autre côté d'Osu, on investit le Baka Uma, petit izakaya de douze sièges où Andreas m'avait emmené l'an dernier. Excellente ambiance, le patron, un jovial à la Carlos, sa femme, une petite riante un peu édentée, reconnaissent Andreas et nous servent largement. Du saké. Et encore des petits trucs à manger. Et même Sophie boit. J'aurai des photos.
Après un retour en métro durant lequel Andreas et moi discutons des rapports étroits entre la police fraktur et le régime nazi, nous retrouvons nos vélos à la station Irinaka et prenons chacun notre chemin. Il ne pleut toujours pas (alors que c'était annoncé). Quand je pousse ma porte, il est minuit moins trois, ce n'est encore pas aujourd'hui que mon destrier à pneus sera changé en citrouille.

Commentaires

1. Le mercredi 4 juillet 2007 à 11:11, par brigetoun :

quand je ne suis pas un peu larguée, mes minutes intelligentes de la journée. Et je me suis fait une dégustation solitaire du son des sanglots longs

2. Le mercredi 4 juillet 2007 à 13:56, par Berlol :

Pris de boisson, j'ai mis d'abord "bercent" pour "blessent". C'est corrigé. Je cherchais consolation peut-être... D'ailleurs, ça ne changeait rien à la musique.



Jeudi 5 juillet 2007. Mouvement de mon corps dans la parole.

Agité, je me réveille à 4h58 et je regarde par la fenêtre. C'est l'aurore. J'en fais deux photos et je me recouche jusqu'à 7 heures.

Trois cours, plus un dossier de recherche à peaufiner. Pas vraiment le temps de déjeuner.
Quand la fac se vide, réunion informelle à trois, dont David, près du convenience store pour parler du voyage à Orléans en février-mars, quand j'irai de nouveau accompagner notre groupe d'étudiants. Ça devrait se passer un peu comme l'an dernier.

« La syllabe, c'est l'unité de mouvement de mon corps dans la parole.»
C'est la définition que je me suis entendu proposer tout à l'heure au cours de lecture & prononciation de 1ère année. On a revu quelques unités connues (lettre, mot, phrase), mais l'objectif était bien de cerner cette unité étrange qu'est la syllabe. Quans vous dites : « Charlotte invite ses amis », vous ne dites pas 4 mots (ça, c'est ce que vous écrivez), vous dites 7 syllabes, dont au moins 2 qui dérangent la sainte indépendance des mots : char-lo-tin-vit-sé-za-mi, voire char-lo-tin-vi-tsé-za-mi. Et le tin (et le tsé) et le za qui résultent respectivement de l'enchaînement et de la liaison, ça fait pousser des cris aux étudiants. Ils l'ont bien entendu déjà, depuis quatre mois qu'ils apprennent le français. Mais ça leur faisait l'effet d'une liberté individuelle, une sorte de velléité de tel ou tel prof, dont on peut s'abstenir, nous, Japonais, pour en rester à la sainte prononciation des mots bien séparés (oui, sainte est deux fois déjà parce que pour les étudiants, c'est clair que l'écrit est sain(t) et l'oral vulgaire...). Or, montré, là, en détail, avec exemples, exercices et répétition, avec courbes musicales et rythme martelé sur la table, et mouvement de tout mon corps, ça devient une réalité incontournable, la réalité incontournable de la parole, dans sa différence radicale d'avec l'écrit. Et si chacun se dit que c'est mon corps qui s'engage dans la parole, pour parler comme pour écouter, alors chacun comprend ce que parler une langue veut dire. Et qu'il y a dans ce vouloir dire de mon corps, assez de place pour toutes les différences individuelles, pour tous les usages qui s'écartent des saintes normes et règles (tout ce qu'une linguistique normative ne comprendra jamais, soit dit en passant).

Commentaires

1. Le jeudi 5 juillet 2007 à 21:00, par brigetoun :

j'aime ce cours - et j'aurais aimé vous voir le faire - il n'y a pas de liaison et de rythme en japonais ?

2. Le jeudi 5 juillet 2007 à 21:16, par Berlol :

Si, bien sûr qu'il y en a ! Mais ils sont comme des poissons dans l'eau, nos étudiants, ils n'ont jamais réfléchi à leur langue... Du coup, c'est en apprenant le français qu'ils découvrent des phénomènes qui existent tout autant dans leur propre langue !... Amusant, non ?

3. Le vendredi 6 juillet 2007 à 02:35, par brigetoun :

oui ben, avec votre billet vous avez éveillé la notion que j'en avais en français (avec les variantes régionales en plus)

4. Le vendredi 6 juillet 2007 à 06:00, par vinteix :

Sans vouloir te flatter, tu as l'air d'un très bon enseignant... ce qui est loin d'être évident avec un public japonais... je me permets de le dire... mais c'est vrai que c'est tellement variable ici d'une université à l'autre... et franchement, comme je te l'avais déjà signalé d'ailleurs, les miens sont d'un niveau bien "différent" (j'en reste à une litote) des tiens... Ceci dit, pour signifier l'importance du corps dans la parole, dont tu parlais, dans des moments d'inertie trop massive, je répète souvent aux "miens" que la langue est dans la bouche.



Vendredi 6 juillet 2007. Ai trouvé le bouton pour voler.

Maintenant, c'est sûr : la lecture augmente le rythme cardiaque...
Ça fait des semaines que j'observe le phénomène en allant pédalireau centre de sport. Je choisis un programme progressif et la pince à l'oreille qui mesure les pulsations du cœur fait diminuer la force dans le pédalier quand ça dépasse 132 par minute. Si bien qu'après une petite dizaine de minutes, ça se stabilise à 130 battements pour 105-110 watts pendant que je lis — aujourd'hui Bayard, mais ça change chaque semaine, ou presque. Or, quand j'arrête de lire, vers 30-35 minutes, le compteur redescend systématiquement de 130 à 124-125 pulsations par minute, et ça, chaque fois, je le vérifie chaque semaine. Et je ne pédale ni plus ni moins vite.
Quelle explication donner à ce supplément de 4 % du rythme cardiaque durant la lecture ? Que l'activité cérébrale de lire, comprendre, etc., agit directement sur le rythme cardiaque ? Ou que la concentration modifie imperceptiblement la respiration, qui, elle, agit alors sur le cœur ? Autre chose ?

« Tissé des fantasmes propres à chaque individu, et de nos légendes privées, le livre intérieur individuel est à l'œuvre dans notre désir de lecture, c'est-à-dire dans la manière dont nous recherchons puis lisons des livres. Il est cet objet fantasmatique en quête duquel vit tout lecteur et dont les meilleurs livres qu'il rencontrera dans sa vie ne seront que des fragments imparfaits, l'incitant à continuer à lire.
On peut imaginer aussi que c'est à rechercher et mettre en forme son livre intérieur que travaille tout écrivain, perpétuellement insatisfait des livres qu'il rencontre, y compris les siens, aussi aboutis soient-ils.» (Pierre Bayard, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?, p. 83)

Recevant le fil rss du blog En direct de Second Life depuis quelques temps, j'observais les messages, de plus en plus intrigué. J'ai franchi le pas tout à l'heure, après le retour du sport et m'y suis inscrit : création d'un compte, téléchargement du logiciel d'interface, première connexion... Premiers mouvements, c'est pas terrible ! Et puis j'ai trouvé le bouton pour voler ; me voilà parti dans les airs... Je me suis posé sur une terrasse, n'importe où, pour sortir pour de vrai et aller déjeuner avec mes collègues, à 5. On a parlé de trucs super sérieux (budgets de recherche, détails de la convention pour le voyage à Orléans, etc.), mais vers la fin des sandwichs du Downey, j'ai quand même dit ce que je venais de commencer et qu'on pourrait peut-être ouvrir une antenne de notre fac, un jour. À ma grande surprise, il y a eu un mouvement de curiosité et d'intérêt.
Après, de retour au bureau, je me suis reconnecté et ai trouvé le moyen d'entrer dans la Bibliothèque francophone. J'ai laissé mon avatar dans un coin pour aller prendre le shinkansen, dans lequel je me suis furieusement remis à la lecture de Pierre Bayard.

« Tout écrivain qui a discuté un peu longuement avec un lecteur attentif, ou lu un article assez long à son sujet, connaît cette expérience d'inquiétante étrangeté où il se rend compte de l'absence de correspondance entre ce qu'il a voulu faire et ce qui en a été compris. Écart qui n'a rien d'étonnant si l'on pense que, leurs livres intérieurs différant par définition, celui que le lecteur a superposé au livre de l'écrivain n'a guère de chance d'être identifié par lui.
Cette expérience, désagréable avec un lecteur n'ayant rien compris au projet du livre, est peut-être paradoxalement plus douloureuse encore quand le lecteur est bien intentionné et l'a apprécié, et prend toute sa force quand il se met à en parler dans le détail. Car, ce faisant, il recourt aux mots qui lui sont le plus familiers et, loin de se rapprocher du livre de l'autre, se rapproche de son propre livre idéal, d'autant plus déterminant dans son rapport au langage et aux autres qu'il est unique et ne peut être transcrit en aucune autre langue. La désillusion risque alors d'être encore plus grande pour l'auteur, puisqu'elle naît de la découverte et de la distance insondable qui nous sépare des autres.» (Ibid., p. 93)

Toutes ces pages de Bayard renforcent ma décision de ne pas aller à l'Institut pour la conférence de Sylvie Germain, à 19 heures...
Au Miura-ya de la gare d'Iidabashi pour quelques courses quand soudain... Je me dépêche de sortir mon enregistreur pour immortaliser ça : l'air des Pêcheurs de perles, version centre commercial. Un grand moment du post-moderne !

Après le dîner, pendant que je regarde un feuilleton policier sur TV5 Monde, T. fait des confitures d'abricots.

Commentaires

1. Le vendredi 6 juillet 2007 à 13:31, par christine :

le problème avec SecondLife, c’est que cela n'est intéressant, il me semble, que si on devient peu ou prou addict, et si on mène véritablement une seconde vie virtuelle, comme dans le roman d’Alain Monnier dont je parlais l’autre jour
blog.lignesdefuite.fr/pos...
si on y fait juste quelques petits passages en quelque sorte touristiques on n’en saisit que l’écume et on passe à coté

comme toi j’ai essayé il y a quelque temps et après y avoir passé quasi tout un week-end (et connaissant mes faiblesses), je me suis dit qu’il valait peut-être mieux prendre un peu de distance avant d’y engloutir tout mon temps

il y a aussi quelque chose d’agaçant c’est qu’il faut toujours sortir ses L$ pour faire des choses intéressantes (un peu comme dans la VraieVie me diras-tu) … n’empêche que voler (dans les airs, j'entends) c’est agréable !

coincidence, j’ai lu tout à l’heure chez David Calvo qu’un projet de Tokyo virtuel était en route dans SL, si tu veux participer :
www.pomofrag.org/?p=394

2. Le samedi 7 juillet 2007 à 14:59, par christine :

pas de billet aujourd'hui ?... aurais-tu suivi mon conseil à la lettre et fugué dans SL ? ou bien est-ce que tu ne trouves plus le bouton pour atterrir ?

3. Le samedi 7 juillet 2007 à 18:04, par Berlol :

Non, je n'ai fait qu'un bref passage dans SL, pour montrer à T. et changer de T-shirt. C'est la vraie vie qui m'a occupé, plutôt.



Samedi 7 juillet 2007. Les surplombs narratifs, les angles.

Avez-vous vu Maryse Burgot faire du vélo à Londres ? C'est exceptionnel. Et c'était dans le 20-Heures de France 2 d'hier.
Première surprise du 7.7.7...

Bizarrement, d'assez bonnes images du Japon au travers du voyage d'Alizée...
« C'est pas l'histoire d'amour / Qui coule comme l'Adour...»

La double poursuite de Mérimée et de la Corse continue. Dans l'après-midi, je rassemblerai tout ce que le web compte de textes de lui. Mais avant, c'est le déjeuner au Saint-Martin avec T. et Laurent, que nous n'avions pas vu depuis plusieurs mois. Et qui n'est pas allé lui non plus écouter Sylvie Germain parce qu'il s'était fêlé deux côtes en traversant le plancher vermoulu d'une maison abandonnée (qu'est-ce qu'il ne faut pas inventer, de nos jours, comme excuse !...).
Il a beaucoup de photos de la restauration d'une maison dont il s'occupe depuis plusieurs années, dans les montagnes de Gifu. Dans cet endroit éloigné de tout, où la terre n'a pas de valeur, un ami japonais de longue date et communes beuveries estudiantines, patron d'un ryokan, hôtel traditionnel, lui a donné, oui donné, une maison abandonnée. La restauration en est presque achevée, maintenant. On ira peut-être bientôt. Ce n'est pas là qu'il a traversé le plancher, mais dans un autre bâtiment désaffecté des environs, où il espérait récupérer quelques planches, poteries, tuiles, je ne sais, moi qui ne bricole pas.

Dans l'après-midi, deux heures à la médiathèque de l'Institut pour observer en détail des incipits de romans et nouvelles de la première moitié du XIXe siècle. Je série les attaques, les surplombs narratifs, les angles d'ouverture. Je ne peux pas en dire plus parce que je ne sais pas encore ce que je vais en faire.
Au passage, je retombe là-dessus, pas lu depuis des dizaines d'années, et d'une même puissance... Et de qui, ce joyau ?

« Car la société n'est qu'un marais fétide
Dont le fond sans nul doute, est seul pur et limpide
Mais où ce qui se voit de plus sale, de plus
Vénéneux et puant, vient toujours par-dessus !
Et c'est une pitié ! C'est un vrai fouillis d'herbes
Jaunes, de roseaux secs épanouis en gerbes,
Troncs pourris, champignons fendus et verdissants,
Arbustes épineux croisés dans tous les sens,
Fange verte, écumeuse et grouillante d'insectes,
De crapauds et de vers, qui de rides infectes
La sillonnent, le tout parsemé d'animaux
Noyés, et dont le ventre apparaît noir et gros.»

Tiens ! Google a ajouté un bloc-notes ! (Pour ceux qui ont un compte Google.) J'adopte. Du fait de travailler régulièrement sur plusieurs ordinateurs, ça fait des années que j'ai besoin de ça — et que je dois faire autrement.
Enregistrement d'un colloque sur l'imaginaire du corps (a l'air intéressant, écouté juste dix minutes, sera pour un prochain voyage en train...). Pour les amateurs de Flaubert, encore deux passages d'une compilation d'anciennes émissions de l'INA, demain à 13 heures et lundi à 1 heure du matin (moi, je les ai déjà). Prévoir d'enregistrer sur Mohammed Dib, aussi.

Dîner chez J. et H., un couple franco-japonais, avec aussi M. et une autre amie de J. Je connais M. et J. depuis plus de dix ans. J'ai eu J. dans une formation de profs à l'informatique à l'Institut au milieu des années 90, ça l'a beaucoup marquée, et M., plus flegmatique ou plus réservé, comme collègue à Waseda encore un peu avant. Pour T., ces relations sont beaucoup plus récentes mais ça ne lui pose pas de problèmes, elle s'entend bien avec eux, ce qui n'est pas le cas le plus courant.
J. et H. habitent une belle maison japonaise, pas très loin de chez nous (7 ou 8 minutes à pied). Ils nous racontent par quel hasard J. l'a trouvée, il y a quatre ans, en passant à vélo dans ces ruelles. Et à quelle vitesse ils l'ont achetée, ayant pris conscience tout de suite de la bonne affaire que c'était. On les envie un peu. Nous, on n'a que notre histoire de mur en fer. Mais qui fait tout de même de l'effet parce que chacun voit où c'est — et la vilénie des motivations, photos à l'appui, qui sont derrière ces incohérences architecturales (T. a passé l'après-midi a écrire une mazarinade sur ce sujet, à distribuer à nos copropriétaires).
On rentre un peu tard et ce qui m'étonne le plus, le lendemain en finissant cette rédaction, c'est que ni le chablis ni le cognac ne m'ont affecté ou empêché de dormir. Mon corps a enfin consenti à devenir adulte, dirait-on.

Commentaires

1. Le samedi 7 juillet 2007 à 23:31, par brigetoun :

sans doute idiot mais ce n'est pas simplement de Victor Hugo ? hum manque un peu de flamboyance

2. Le dimanche 8 juillet 2007 à 00:39, par Berlol :

Pas idiot, mais non, c'est pas lui. Bonne époque, en tout cas. J'ajoute 100 francs dans le nourrin !

3. Le dimanche 8 juillet 2007 à 01:03, par L. Suel :

Gérard de Nerval.

4. Le dimanche 8 juillet 2007 à 01:28, par Berlol :

Gagné ! C'est un Extrait de sa Profession de foi...

5. Le dimanche 8 juillet 2007 à 01:52, par christine :

j'ai dans mes tablettes ces vers recopiés quelque part et attribués à Nerval, mais j'aimerais bien avoir leur localisation exacte

6. Le dimanche 8 juillet 2007 à 03:34, par Berlol :

Euh... bah, là, en l'occurrence, je n'ai pas sorti le volume pléiade de la médiathèque, c'est dans les pages 600 à 700, environ. Je pourrais vérifier, si tu veux...

7. Le dimanche 8 juillet 2007 à 11:13, par christine :

pas la peine : je n'avais pas encore lu ton précédent commentaire mais avec le titre je devrais trouver

8. Le dimanche 8 juillet 2007 à 23:16, par L. S. :

N'écrit-on pas nourrain ? Ne dit-on pas 100 euros ?
Amicalement, d'un jardinier à un autre...

9. Le lundi 9 juillet 2007 à 01:23, par Berlol :

En effet, je me suis aussi posé la question, mais notre TLF chéri atteste les deux. Et puis, vous savez, les personnes qui disaient cela à la télévision, c'était il y a fort longtemps, elles n'imaginaient pas qu'il y aurait un jour une autre monnaie...

10. Le lundi 9 juillet 2007 à 07:47, par dominique :

Bravo ! Quelle culture, Lucien !



Dimanche 8 juillet 2007. C'était son premier parc.

« Twunt est un néologisme argotique, composé d'un mélange de deux mots grossiers, twat et cunt, qui désignent tous deux l'organe sexuel féminin. Dès lors, le traduire par "enculé" démontre une méconnaissance de l'anglais, de l'anatomie, et de la grammaire, car ils traduisent un génitif par un participe passé.» (Extrait savoureux du Journal d'un avocat de ce matin, il faudra sans doute que je ferme les commentaires, sans quoi toute la boue angloïde et spamique du web va venir s'y agglutiner...)

Le ministre Xavier Darcos, futur fossoyeur de l'éducation nationale, est aussi l'auteur d'une bien belle conférence sur Prosper Mérimée (17 janvier 2005) et même d'une biographie.
Pour l'heure, je retrouve des amies dans le dernier numéro de Florilettres, précisément consacré à Mérimée, dans la perspective du colloque de Cerisy en septembre.
Je finis de rassembler tous les documents du web consacrés à Mérimée, le gros étant constitué, comme de juste, par le fonds Gallica.

J'arrose, sur le balcon, et découvre qu'un des boutons du citronnier a fleuri et qu'il y a maintenant quatorze autres boutons. Je suis comblé. Il a pris son temps mais il a fini par répondre positivement au changement de pot et de terre. Nous ne savons pas grand chose de ce qu'est le temps pour un citronnier. Moi, en tout cas.
Moyennement motivés, on se force tout de même à sortir les vélos pour ne pas rester enfermés toute la journée. Modeste objectif : aller à l'Office Depot d'Ichigaya pour y récupérer un article commandé il y a deux semaines et savoir si je peux commander l'appui-tête qui va avec mon fauteuil de bureau. Avec le nombre d'heures que j'y passe, il vaut mieux ne pas rechigner sur le matériel. Une fois ces courses faites, mis en jambes, on a plutôt envie de continuer. Montée de Yotsuya, avenue vers le Palais impérial (Porte Ouest), descente le long des douves jusqu'au parc Hibiya. On y entre en tenant nos vélos à la main. Changement de rythme et de dimension. T. s'y retrouve comme dans son enfance, c'était son premier parc. À l'autre bout du monde, ma mère me menait au Parc Monceau...
L'image me vient de ce parallèle d'enfants qui jouent plus ou moins au même moment dans deux parcs similaires, fruits d'un même processus de domestication du végétal en gazons, allées, fleurs, bancs, fontaines et kiosques — et qui se rencontreront quelques dizaines d'années après.

Sur TV5 Monde, La Fleur du mal (Chabrol, 2003), film que je n'avais pas encore vu et que je trouve bien mièvre. Le monde féroce qu'est la bourgeoisie de province n'est l'objet, cette fois, d'une peinture féroce que si l'on fait un gros effort intellectuel pour se figurer tout ce qui est suggéré, raconté mais pas montré. Chabrol nous avait habitués à mieux, c'est-à-dire à plus mis en scène, plus pourri, plus grinçant, et parsemé de belles répliques. Mais ici, beaucoup de dialogues tombent plat, convenus, le retour du fils après trois ans d'États-Unis ne sert à rien dans l'intrigue principale, la candidate Nathalie Baye n'a aucun charisme et son co-listier est lui aussi totalement inutile, même pour faire vrai ou couleur locale. Le pire est quand même ce terrible manque de moyen ou d'inspiration, vaguement transformé en parti pris stylistique : les flash-backs de la grand-mère, censés expliquer le marigot collabo-résistant d'il y a cinquante ans, ne sont composés que de quelques voix off, bribes de souvenirs d'une Suzanne Flon quasi inexpressive à ces moments-là.

Commentaires

1. Le dimanche 8 juillet 2007 à 09:02, par brigetoun :

pas vu ce Chabol. Postérieur à l'époque où j'ai pris le virage cinéma au théâtre, faute de temps pour les deux. Et puis je ne supporte plus le cinéma depuis qu'on doit prendre un film au début. Mes manies.

Un but pour quand j'aurai un peu plus de temps, vous verrez à la retraite on n'en a pas, chrercher Avignon chez Mérimée

2. Le dimanche 8 juillet 2007 à 10:19, par brigetoun :

est ce ici que je ne dois plus venir

3. Le dimanche 8 juillet 2007 à 16:54, par Berlol :

Quelqu'un vous a dit de ne plus venir ici ? Que vouliez-vous dire ?

4. Le dimanche 8 juillet 2007 à 21:08, par brigetoun :

j'ai eu un commentaire extrèmement désagréable une fois encore sur mes commentaires idiots sur des blogs, puis un pour insister, proche de consultations m'arrivant par l'intermédiaire du votre, entre autres mais seuls identifiables. Je m'en voudrais d'être pénible

5. Le lundi 9 juillet 2007 à 01:43, par Berlol :

Bah oui, mais il n'y avait rien d'idiot à proposer Hugo quand c'était Nerval. Pour le reste, je ne lis presque rien d'autre, et surtout pas les blogs politiques où je crois savoir que vous allez parfois...

6. Le lundi 9 juillet 2007 à 04:58, par patapon :

Non, n’en déplaise à Guy Birenbaum (qui d’ailleurs ne va pas si loin), je ne crois pas du tout, mais alors pas du tout, que Xavier Darcos doive être le fossoyeur de l’Éducation nationale. Je l’ai entendu l’autre jour sur France Culture, et je peux te dire que cet homme intelligent et compétent n’a pas le couteau entre les dents !

7. Le lundi 9 juillet 2007 à 06:37, par Berlol :

Tu es bien sûr de toi. Plaise au ciel que tu aies raison ! Ceci dit, nous verrons, l'été sera long (malgré la météo en France).



Lundi 9 juillet 2007. Fini pour moi, les poêles à revêtement !

Il y a tellement d'expériences à tenter que je n'ai parfois pas le temps de les approfondir. Pourtant...
C'est vrai, Second Life, c'est un truc de longue haleine. Donc pas étonnant que je n'aie pas eu le temps d'y replonger depuis samedi. D'ailleurs, je n'ai jamais, mais alors jamais eu de goût pour les jeux vidéos. En revanche, après être passé du site de Fançois Bon au blog Cluster 21, puis au compte rendu du colloque Dilicom de juin dernier, j'ai visité avec enthousiasme le blog de Jean-Michel Billaut pour y découvrir l'offre totalement nouvelle (pour moi) de Vocal Fruits, une plate-forme en web 2.0 capable de récupérer des fils RSS pour en diffuser la synthèse vocale, disponible tout de suite en ligne, en podcast ou sur téléphone mobile.
J'ai essayé ce matin, et décidé d'y inscrire (affilier ? comment dire ?) le JLR, à titre expérimental. Le résultat est assez intéressant. Tout nouvel inscrit dispose d'un crédit de 100 écoutes. Largement le temps de voir (et d'entendre) si on a envie de continuer (et de payer).
Essayez ! Mais je ne sais pas comment ça marche quand on n'est pas inscrit. Vous me direz.

Au dîner d'avant hier, M. avait relevé que j'avais signé dès son lancement la pétition pour Arrêt sur images. Lui aussi, d'ailleurs. J'ai vérifié. Il disait qu'il regardait de temps en temps la liste des nouveaux signataires, chose que je n'avais pas eu l'idée de faire. Ça les fera-t'y revenir en Poitou-Charentes ?

Non, je ne dirai pas maintenant tout le mal que je pense de l'initiative Blogauteurs, de la tournure que ça prend. Ni des dents à rayer les parquets qui se cachent derrière les dévouements de samaritains. Mais seulement l'ineptie, digne des meilleurs charlatans de foire, de ce slogan accrocheur : « Cliquez ici et devenez écrivain grâce à Internet ».
Si au moins on savait ce que c'est qu'un écrivain, ou même un auteur !
Ceci dit, j'ai peut-être tort. C'est vrai qu'on n'a pas besoin de savoir ce que c'est qu'un capitaliste pour jouer au loto.

Heureusement que j'ai pu me sortir de tout ça et... aller au sport avec T., après le déjeuner.
Avant d'y être, on est passé dans un grand magasin où j'ai enfin réussi à acheter une poêle pour remplacer celle qui, à Nagoya, perd son revêtement cancérigène (fini pour moi, les poêles à revêtement !). On a aussi acheté un système pour l'arrosage automatique quand on ne sera pas là, tout un long mois. Marrant, d'ailleurs, parce qu'après ça, j'ai reçu un courriel de notre hôtesse française pour vérifier nos dates et aussi dans le but de savoir quand on pourra arroser chez elle...
Lecture en pédalant, je finis presque le Bayard. Il a tout compris. J'expliquerai quoi et pourquoi demain, ou après demain...
En attendant, juste ce placement du mot plasticité, qui est admirable.

« Reconnaître que les livres ne sont pas des textes fixes, mais des objets mobiles, est en effet une position déstabilisante, puisqu'elle nous confronte, par le biais de leur miroir, à notre propre incertitude, c'est-à-dire à notre folie. C'est cependant, plus franchement que Lucien [des Illusions perdues], en acceptant le risque de nous y confronter que nous pouvons à la fois approcher les œuvres dans leur richesse et échapper aux situations de communication inextricables dans lesquelles la vie nous place.
En effet, reconnaître à la fois la mobilité du texte et sa propre mobilité est un atout majeur qui confère une grande liberté pour imposer aux autres son point de vue sur les œuvres. Les héros de Balzac montrent bien la remarquable plasticité de la bibliothèque virtuelle et la facilité avec laquelle elle peut se plier aux exigences de celui qui est décidé, livre lu ou non, à faire valoir, sans se laisser détourner par les remarques des soi-disant lecteurs, la justesse de sa perception des choses.» (Pierre Bayard, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?, p. 131-132)

Commentaires

1. Le lundi 9 juillet 2007 à 14:12, par jenbamin :

oui, ça marche ! (mais c'est pas franchement la même voix que le cours sur Flaubert...)

2. Le lundi 9 juillet 2007 à 14:53, par Berlol :

Eh oui, la synthèse, c'est pas le fun ! (enfin, pas encore)



Mardi 10 juillet 2007. Quelques points spéciaux à des dentelles.

Serait-ce la saison des pluies ? Avec un mois de retard.
Bah, qu'importe. J'ai ma journée à faire, avec les cours qu'on m'extorque pendant deux semaines.

Ce que ne dit pas le titre élégamment provocateur de Pierre Bayard.
C'est qu'avançant dans sa galerie d'œuvres commentées (une par chapitre) et pendant que l'on croit avoir affaire à un catalogue de conseils divers et de gentils paradoxes, il élabore en fait et sans le dire une véritable théorie de la lecture et de ses représentations, moins complexante que les précédentes, qu'elle soit de Constance ou d'ailleurs. Créant, reprenant ou détournant des concepts comme ceux de bibliothèque collective, bibliothèque intérieure et bibliothèque virtuelle, de livres-écrans, livres intérieurs et livres-fantômes, il propose de refonder l'approche de la réception des livres — lus ou non — en fonction de contraintes sociales lourdes, de positionnement momentané des commentateurs,  et de fantasmes personnels et structurants des lecteurs.
Et je ne parle pas d'élégance pour rien, car quand certains nous assènent des pavés de 600 pages bourrées jusqu'à la gueule d'argot de l'ingénierie sémantico-pragmatique (dans quoi j'ai donné, moi aussi), Pierre Bayard brode quelques points spéciaux à des dentelles prises sur des œuvres qu'il donne, de surcroît, envie de lire.

« Ainsi les livres dont nous parlons ne sont-ils pas seulement les livres réels qu'une imaginaire lecture intégrale retrouverait dans leur matérialité objective, mais aussi des livres-fantômes qui surgissent au croisement des virtualités inabouties de chaque livre et de nos inconscients, et dont le prolongement nourrit nos rêveries et nos conversations plus sûrement encore que les objets réels dont ils sont théoriquement issus.

On voit comment la discussion sur un livre ouvre un espace où les notions de vrai et de faux, contrairement à ce que croit l'esthète aux lunettes à montures dorées [de Je suis un chat, de Natsume Sôseki], perdent beaucoup de leur validité. Il est d'abord difficile de savoir avec précision si l'on a ou non lu un livre, tant la lecture est le lieu de l'évanescence. Il est ensuite à peu près impossible de savoir si les autres l'ont lu, ce qui impliquerait d'abord qu'ils puissent eux-mêmes répondre à cette question. Enfin, le contenu du texte est une notion floue, tant il est difficile d'affirmer avec certitude que quelque chose ne s'y trouve pas.
L'espace virtuel de la discussion sur les livres est donc marqué par une grande indécision, qui concerne aussi bien les acteurs de cette scène, inaptes à dire rigoureusement ce qu'ils ont lu, que l'objet mobile de leur discussion. Mais cette indécision ne présente pas que des inconvénients. Elle offre aussi des opportunités si les différents habitants de cette bibliothèque fugitive saisissent leur chance et en profitent pour la transformer en un authentique espace de fiction.» (Pierre Bayard, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?, p. 140-141)

Dans l'actualité littéraire, on signale un faux. Il s'agit de La Légende de Novgorode, ouvrage mystérieusement apparu dans les années 1990 et attribué à Blaise Cendrars en 1907, allez hop ! Le ton des commentateurs diverge quelque peu, de l'Arrêt public délivre à l'Alamblog, mais le fait reste : la mystification a eu lieu et a profité essentiellement à... une maison d'édition au goût de phénomène optique, l'ouvrage n'étant pas dans son soi-disant catalogue mais bien disponible en librairie... Interview de l'auteur putatif, Kiril Kadiiski, qui s'en défend, dans Courrier International, de la thésarde sous pression depuis, Oxana Khlopina, et, ci-dessous (parce qu'on ne sait pas si ça restera en ligne...), l'article qui a mis le feu aux poudres, dans le Figaro littéraire du 28 juin.

« Un faux Cendrars au goût bulgare, par Raphaël Stainville

Une jeune universitaire, Oxana Khlopina, dénonce pour la première fois, preuve à l'appui, une imposture : le manuscrit de la Légende de Novgorode aurait été fabriqué par un érudit bulgare.
EN 1995, à Sofia, Kiril Kadiiski, poète bulgare, fin lettré, traducteur dans sa langue de Villon, Verlaine, Mallarmé, Rimbaud, entre autres, et grand connaisseur de la littérature russe, découvre au hasard de ses lectures chez un bouquiniste un livre endommagé, presque en lambeaux, prisonnier dans un volume de Mikhaïl Artsybachev.
Sur la couverture noire, auteur, titre, éditeur en blanc sont mentionnés en russe : « Frédéric Sause(r), Légende de Novgorode, traduit du français par R. R. Sovonov - Moscou-Saint-Pétersbourg - 1907. » L'écrivain tient entre les mains le premier poème de celui qui n'était encore qu'apprenti bijoutier, mais qui devait bientôt prendre pour nom de plume Blaise Cendrars. Douze ans après cette découverte inouïe, une jeune universitaire, Oxana Khlopina, dénonce pour la première fois, preuve à l'appui, une imposture : La Légende de Novgorode est un faux, à ranger aux côtés de La Chasse spirituelle de Rimbaud.
L'histoire, il est vrai, était trop belle. Que l'on songe seulement. Pendant près de quatre-vingt-dix ans, La Légende de Novgorode, le premier poème de Blaise Cendras, que l'écrivain mentionnait toujours avec obstination en tête des bibliographies qu'il dressait lui-même, avec les mentions « épuisée » ou « hors commerce », restait obscurément introuvable. Lui-même avait toujours assuré qu'il ne possédait ni manuscrit ni aucun des quatorze exemplaires de ce premier livre que son ami R. R. édita à Moscou après l'avoir traduit en russe, « engloutissant ses dernières économies avant sa mort pour me faire une énorme surprise et m'encourager », écrira Cendrars dans Le Lotissement du ciel, dernier volume de ses Mémoires, sans lever le voile sur l'identité de ce vieil homme, savant linguiste qu'il avait rencontré lors de son premier séjour russe entre 1904 et 1907.
Les spécialistes, pour leur part, à force de recherches vaines et habitués qu'ils étaient aux tours de passe-passe de l'auteur de la Prose du Transsibérien et de Moravagine, tenaient alors cet ouvrage pour un mythe. Jusqu'à ce que l'improbable devienne pourtant réalité en 1995. L'ouvrage retrouvé à Sofia de seize pages imprimées en caractères cyrilliques sur un papier ocre clair, foncé par le temps, correspond aux descriptions les plus anciennes qu'en fit Cendrars.
Seule la date de l'édition diffère - 1909 dans les écrits du poète - et le nombre de page - 144. Des détails discutables. Trop ténus cependant pour remettre en cause ce « miracle ». L'émotion dissout les doutes. Miriam Cendrars, fille et biographe du génial poète, peut enfin vérifier l'existence de ce poème dont seul son père avait gardé la mémoire.

Une enquête romanesque

« "C'est alors seulement que j'étais un vrai poète./ Lorsque l'on a dix-sept ans — comme a dit Arthur Rimbaud — / on a que poésie et amour en tête..." Ainsi s'ouvre La Légende... dont tout le monde loue « l'étonnante modernité ». La BNF cherche à se porter acquéreur de La Légende de Novgorode mais demande, comme il est d'usage, des expertises. L'analyse du papier confirme qu'il est bien d'époque. Mais, avant que l'analyse de l'encre ne vienne dissiper les derniers doutes, un collectionneur suisse rafle la mise, pour, selon nos sources, plus de 50 000 dollars. Avant qu'il ne change de mains. Les chercheurs, privés de cet unique exemplaire connu de l'édition originale, sont déçus. Ils doivent se contenter du fac-similé accompagné de sa restitution inédite en français et publié chez Fata Morgana. D'autant que certains d'entre eux n'ont pas manqué de remarquer que ce long poème en prose, qui porte en germe des images, des pensées et des faits qui réapparaîtront au fil de l'œuvre encore à venir de l'écrivain suisse, aurait pu justement être établi à partir d'une parfaite connaissance de ses écrits futurs. La Légende de Novgorode mentionne notamment des éléments que Blaise Cendrars n'évoquera que très tardivement dans ses Mémoires.
C'est le point de départ de l'enquête romanesque, littéraire et quasi policière d'Oxana Khlopina, jeune universitaire russe de 28 ans, originaire de Novossibirsk, qui, pour les besoins de sa thèse de doctorat (Blaise Cendrars, une rhapsodie russe) qu'elle vient de soutenir à Nanterre sous la direction de Claude Leroy, est allée de Saint-Pétersbourg à Paris, en passant par la Suisse et la Bulgarie, chercher des pièces à conviction. Elle remarque ainsi que Blaise Cendrars, lorsqu'il évoquait ce poème, le décrivait comme une « épopée cocasse et héroïque » quand la simple lecture de la Légende de Novgorode fait apparaître des accents tragiques. Par ailleurs, le poème présente quelques incohérences, comme des anachronismes, à l'image de l'évocation de « l'hôtel d'Angleterre » de Saint-Pétersbourg, devenu universellement connu après la mort tragique de Sergueï Essenine dans l'une de ses chambres, écrivant avec son propre sang un poème d'adieu. Si cet hôtel de luxe existe bien depuis 1876, il ne prendra ce nom qu'en 1925.
Mais ce qui n'est que faisceau de présomptions va bientôt s'infléchir en preuves irréfutables à mesure que la chercheuse analyse de manière systématique l'orthographe et la grammaire de ce texte russe traduit du français en 1907. En effet, une réforme orthographique a eu lieu en 1917. « Cette réforme, souligne-t-elle, qui visait à une simplification de l'orthographe russe, revêtait un caractère hautement symbolique pour le nouveau régime bolchevique, introduisant notamment une rupture radicale dans la façon d'écrire, si bien que tout ce qui avait été publié auparavant devenait non seulement politiquement, mais également visuellement dépassé, donc de facto illisible.»

L'étrange Monsieur Kadiiski

Des lettres disparaissent, des terminaisons et des préfixes sont modifiés, de même que la grammaire évolue. Or le poème ne résiste pas à cet examen linguistique. Il ne peut avoir été écrit par un russophone avant 1917, ni même par un Russe ayant appris à lire avant la réforme. De toute évidence, c'est un faux, établi par quelqu'un qui possède, certes, une parfaite maîtrise du russe moderne et qui a connaissance des principales règles orthographiques d'avant 1917, mais dont les corrections systématiques apportées a posteriori au poème écrit en russe moderne sont lacunaires. Oxana Khlopina aurait pu s'en tenir à cette découverte, se satisfaire de cette démonstration simple, évidente et imparable, mais son travail avait comme un goût d'inachevé. Il lui fallait comprendre quand et comment cette mystification avait pu s'opérer. La clé de l'énigme s'étalait sous ses yeux, inscrite en lettre blanche sur fond noir. Intriguée par la police de caractères dans laquelle est écrit le titre sur la première page, la chercheuse reconnaît une police de caractères cyrilliques pour ordinateurs, dite Izhitsa.
Créée en 1988, elle était dans les années 1990 la seule police de caractères informatique à large diffusion capable de transcrire les caractères russes disparus après 1917. Vérifiant cette hypothèse à l'aide d'un ordinateur, Oxana Khlopina reproduit à l'identique la page du titre retrouvé en Bulgarie. Mais il ne peut s'agir d'une simple coïncidence s'agissant d'une version légèrement retouchée, agrandie dans sa hauteur et réduite dans sa largeur. Si bien que la date d'impression ne peut pas être 1907, comme l'analyse linguistique l'avait déjà démontré. Elle est même postérieure à 1988. L'étau se resserre. D'autant que la jeune femme trouve également sur le marché aux livres de Sofia, là même où fut découvert le poème de Cendrars, une collection de livres pour enfants dont la page de titre utilise la même police allongée de caractères Izhitsa.
Et pourtant, trop respectueuse de l'homme de lettres qu'elle ne rencontra qu'une fois à la Rotonde, toute timide alors et pétrie d'admiration, la jeune universitaire se refuse à livrer le nom de celui que tout accuse : une parfaite connaissance de la langue russe et de ses subtilités, des qualités de poète, une connaissance des techniques de l'édition, la Bulgarie : Kiril Kadiiski. Celui-là même qui découvrit le faux Cendrars. N'est-il pas ce grand connaisseur de la littérature russe qui traduisit Tioutchev, Bounine, Blok, Volochine et Pasternak ? N'est-il pas ce poète délicat, couronné notamment en 2002 du prix Max-Jacob étranger pour Les Cinq Saisons et autres poèmes ? Cet éditeur bricoleur qui fonda en Bulgarie sa propre maison, Nov Zlatorog ? Pour l'heure, celui qui, depuis 2003, dirige le Centre culturel bulgare en France, se montre bien embarrassé. « Je ne suis pas un expert de Cendrars, vous savez », s'excuse-t-il comme pour se disculper d'un acte qu'il n'aurait pu commettre. À voir. L'affaire Sauser ne fait que commencer. La légende de Novgorode court toujours.»

Commentaires

1. Le mercredi 11 juillet 2007 à 07:28, par F :

merci d'avoir recentré le caractère global et structuré du travail de Bayard, du coup ça ouvre passerelles sur nos pratiques de lecture Net

il pleut aussi sur Fribourg (Suisse)

suis à fond dans Rancière, vraiment on n'aurait que 2 bouquins de théorie comme ça tous les ans ça suffirait

2. Le mercredi 11 juillet 2007 à 12:01, par Dom :

C'est quand même très très très Constance - Iser, avec la petite fixette habituelle des psy sur l'aspect libidinal des choses et l'élégance en plus, en effet.

Et il s'agit bien de "parler" des livres, pas de les comprendre, interpréter, goûter, etc. Tu te vois présenter l'argument à un talmudiste ?

Sur la plasticité du texte, toujours le même constructivisme vulgaire, presque réflexe, comme on dit marxisme vulgaire, des penseurs français, c'est agaçant à la fin : c'est pas que le texte est plastique, c'est que le sens n'y est pas, il est dehors, dans la permanence et la consistance du monde vécu (qui comprend en effet le collectif, etc.).

3. Le mercredi 11 juillet 2007 à 12:07, par Dom :

Je l'ai lu ou pas ? (Oui mais je l'ai plus sous la main et je ne m'en souviens qu'à moitié, à peine...)



Mercredi 11 juillet 2007. La très faible taille des grains.

Entendu au 20-Heures de France 2 : « Nicolas Sarkozy [...] continue à se démultiplier [...] », en faisant allusion à son déplacement en Algérie juste après les institutions européennes. L'emploi de ce verbe en politique est assez récent ; T. me l'avait fait remarquer dans un article de presse qu'elle préparait pour sa classe, il y a quelques semaines. Un personnage est partout, il se multiplie ou il multiplie ses activités ou ses déplacements. L'ajout du dé- intensif ambiguïse, sauf si l'on se réfère au pédalier des coureurs cyclistes : la pente est rude et pour la monter il faut disposer d'un choix de petites vitesses (qui démultiplient l'effort). Démultiplier est alors synonyme de s'adapter, savoir choisir le bon rythme, et donc pouvoir être partout puisqu'on a su tenir. Multiplier son action peut d'ailleurs se faire en se démultipliant comme en passant la surmultipliée... L'important, en fait, c'est la répétition du multiple, c'est-à-dire du nombre : à lui tout seul, il fait nombre, il est plusieurs à la fois, il est partout et remplace tous les autres, c'est le surhomme dans tout son non-dit. De plus, il donne l'exemple à tous les fainéants et à tous les vauriens qui ont déjà du mal à être UNE personne, à avoir UN boulot et UNE place dans le monde. En même temps, il fascine et fait rêver tous ceux qui voudraient zapper, faire mille choses en très peu de temps, sans les approfondir, peut-être, et plutôt que d'en bien faire ne serait-ce qu'une seule.
On pourrait comme cela trouver de nombreuses phrases des journaux télévisés qui, depuis quelques semaines, soutiennent, littéralement, l'action du président de la République. Doit-on n'y voir que leur désir naïf d'une réussite (en attendant d'éventuels problèmes) par simple dynamisme ? N'est-ce pas teinté d'un cocorico bien nationaliste (NS va résoudre en quelques heures les problèmes que l'Europe affronte depuis des années...), qui s'affiche d'ailleurs dans l'évidence affirmée que la présidence du FMI aille à Strauss-Kahn.
La séduisante démultipliée française pourrait ainsi se nommer arrogance dans d'autres pays, hyperactivité mégalomaniaque chez un psy, voire saupoudrage et poudre aux yeux chez un sceptique — où l'on perçoit que le sème du nombre est négativement orienté par la très faible taille des grains.

Tout ça par jalousie de ne pas pouvoir, du fait de la pluie, faire de vélo moi-même. Ni même aller suer au centre de sport puisque je sors ce soir, après deux réunions, avec Sophie, Benoît et ma collègue C., jusqu'à pas d'heure (retour avant minuit, comme la semaine dernière, en fait...). Dans le quartier de Fushimi, près du centre et au croisement des deux lignes de métro qui nous rendent service à tous les quatre, on dîne d'abord dans un restaurant de spécialités de Nagoya (ailes de poulet grillé, brochettes au miso, etc.) avant d'aller boire un coup dans un... bar à tapas, où l'on se promet de revenir s'en taper.
J'aime ces discussions où alternent et se mêlent sujets sérieux et légers, brèves narrations d'anecdotes, échanges de goûts et de références allant de nos domaines de spécialisation aux succès les plus largement populaires, voire ineptes mais amusants.
Il a ainsi été question de nos vies dans différents pays, de certains de nos cours, des situations et fonctionnements universitaires, de la violence, des médias, mais aussi de l'intérêt de la série Lost, d'Adb Al Malik et de Grand Corps Malade, et même d'Alizée revue par Benassi, c'est dire !... Sophie a évoqué une jeune comique américaine très talentueuse dont elle n'avait pas le nom. Elle nous le dira...
(Sur Alizée, je sais parfaitement à quoi m'en tenir, mais il se trouve que c'est en phase avec nos étudiants qui ont entre 18 et 22 ans et que nous voyons presque tous les jours, ce qui nous met dans l'obligation professionnelle de connaître ce qui est de leur âge en France, même s'il nous incombe après d'élargir et de faire découvrir d'autres choses.)

Commentaires

1. Le mercredi 11 juillet 2007 à 11:37, par Dom :

"L'ajout du dé- privatif ambiguïse".

Non, c'est l'autre dé-, perfectif en latin et intensif en français, comme dans démanger, débattre, défaillir, dégoutter, délaisser, découper, démener, dénombrer, départager, dépasser, détailler, détenir, dévisager, déperdition, décadence, etc. (TLF). Parfois il y a les deux formes, comme desservir.

Ah, ça fait du bien de soulever des problèmes de fond.

2. Le mercredi 11 juillet 2007 à 14:11, par Berlol :

En effet, merci du correctif (que je corrige). Par bonheur, je n'ai pas été tenté de bâtir d'argumentation sur ce privatif. Et ça fait du bien de voir qu'il y a des lecteurs attentifs !

3. Le mercredi 11 juillet 2007 à 21:20, par brigetoun :

ne vous risquez pas à dire à un membre de cette belle équipe qu'ils donnent une certaine impressiond'arrogance, ils s'en offusquent, ne comprenant pas

4. Le jeudi 12 juillet 2007 à 16:27, par Berlol :

« Image d'Épinal, comme une étape du Tour de France... Derrière les barrières, les spectateurs, pressés, pour voir surgir le vainqueur de l'étape du jour, Nicolas Sarkozy. Pour l'Élysée, pas de hasard mais un symbole : Épinal...» [puis reportage sur De Gaulle...] (au 20-Heures, France 2, 12 juillet)
Beau filage de métaphore ! Voilà une preuve de plus, s'il en fallait, de l'ingénieuse persévérance de fourmi avec laquelle un/les média(s) travaille(nt) une image jour après jour, en petites touches, qui enfoncent le concept dans les cerveaux sans que personne ne le voit entrer. Personne ? Vraiment ?...

5. Le vendredi 13 juillet 2007 à 01:17, par Berlol :

La jeune comique américaine dont Sophie parlait se nomme Anjelah Johnson. Voir par exemple ici. (Et en plus j'arrive à comprendre.)

6. Le vendredi 13 juillet 2007 à 03:50, par m sonnet :

A propos d'Epinal : dans Libé d'hier, 43 % des électeurs de gauche portent un jugement favorable sur le vainqueur de l'étape, ça laisse rêveur quand même presqu'un sur deux, et ça fait peur pour la suite des événements
Combien d'indéboulonnables resterons-nous dans les 20 % en ayant une opinion "très négative" comme ils disent ???



Jeudi 12 juillet 2007. Au-dessus d'un vide effrayant et beau.

Tombé dessus puis retombé dedans. Près de quinze ans que je l'avais soigneusement évité, rangé, classé, déminé par son confinement dans le silence. C'est qu'il avait pris une telle importance, dans ce temps-là ! D'autres de la même époque, et qui m'avaient été plus chers encore, ne présentaient plus le même danger, récemment. L'histoire avait avancé, des souvenirs fanés, et je m'en repassais de temps en temps. Dans ce journal, même, je m'étais ouvert des veines de ces temps, disant mon étonnement à pouvoir voir, avec You Tube, ce qui n'était autrefois que musique dans sa toute puissance. Car voir, vingt ans après, de la perte et du gain conjugués, me rendait, me rend perplexe, comme un que le vertige figerait au-dessus d'un vide effrayant et beau.
Mais pendant plus de deux ans, je n'avais plus vraiment écouté de musique. Ce que j'appelle écouter.
Depuis que j'ai réinstallé un service musical minimum — ampli, platine CD portable et enceintes à deux voies —, je sors des disques. Qui me déçoivent, ou qui ne me déçoivent pas trop. Mais rien d'extravagant. Hier, pendant l'entrain un peu retrouvé avec le Junk Collector de Tommy Guerrero, un toucher de guitare a brillé, fugace et suffisant à raviver le souvenir. Enfin, ce matin, somnambulesque résolution, j'ai sorti l'album Vini Reilly de Durutti Column (1989) et je l'ai mis dans l'appareil.
Pendant cette extraordinaire période de déracinement, d'angoisse et d'émerveillement mêlés que furent mes premières semaines au Japon, ce disque a été tous les matins celui qui démarrait à l'heure du réveil. Deux mois environ. Il a ainsi ouvert, coloré, déteint, s'est profondément enfoncé dans les souvenirs de cette arrivée, des premières images, rencontres, odeurs, et le réécouter peut me nuire grave — parce que c'était encore la jeunesse, parce que je vivais avec quelqu'un d'autre et parce que ces courants musicaux étaient ce qui me tenaient le plus arrimé à ma vie en France, choses diverses dont le souvenir me coûte. Finalement, ça s'est plutôt bien passé ; les sentiments musicaux n'étaient pas plombés par les tonnes de Berlol morts.
En voici le premier et le dernier morceaux.

Je n'ai heureusement pas eu (le loisir de pousser trop loin dans) le passé. Il a plu très fort, plusieurs fois. Vers midi, c'était la nuit. Mais pas dans mon cœur. Trois cours m'attendaient et je m'y suis bien donné. Puis David et moi avons fait passer un oral blanc pour quelques étudiantes qui passent un examen dimanche. Les deux tiers l'auront haut la main, pour les autres ça dépendra des questions posées et des examinateurs.

Crevé par tout ça, j'ai dîné en regardant Danny the Dog (Louis Leterrier, 2005), histoire d'un homme — instrumentalisé pour tuer et —  sauvé par la musique...

Commentaires

1. Le jeudi 12 juillet 2007 à 10:37, par bernardg :

la première moitié du billet on vous croirait raccroché au mode junkie pour de bon...

2. Le jeudi 12 juillet 2007 à 16:33, par Berlol :

Plus de peur que de mal... Merci du petit mot.

3. Le samedi 14 juillet 2007 à 16:40, par olivier :

Etrange, étrange...
J'espèrais pouvoir glisser une ligne sur la musique, et voilà que je trouve ce "post"... Qui m'ouvre un boulevard... Tu parles de Durutti Column (que je ne connais pas, sauf que je viens d'en trouver la référence sur le net en cherchant des infos sur un autre groupe) et je me demandais si, toi, dans ta grande science de la musique des années 80 tu te souvenais de "Alex et les lézards"?? Personnellement, je n'en connaissais que couic, mais il se trouve que le bassiste du groupe participe au même cours intensif de japonais que je suis ce mois-ci sur Tokyo... On trouve deux morceaux sur Youtube : "Martine" et "Dur dur"!!! Est-ce que cela réveille quelques souvenirs???

4. Le samedi 14 juillet 2007 à 17:32, par Berlol :

"Dur, dur", oui, je m'en rappelle très bien (l'autre, pas du tout). Plutôt amusant, mais pas tout à fait la même catégorie que Durutti Column... Si tu as eu la curiosité d'écouter les morceaux que je propose, tu as dû t'en rendre compte. Et qu'est-ce qu'il fait à Tokyo, ce bassiste ?

5. Le mercredi 18 juillet 2007 à 14:55, par olivier :

mmm, évidemment, rien à voir... Juste un effet de coïncidence "de dates"... heu, quoi qu'il fait??? Il a monté une petite boîte pour faire des affaires avec les Japonais, mais dans quoi?? Aucune idée, il reste très très évasif sur la question... Et, apparemment, il continue à "basser" de temps en temps...



Vendredi 13 juillet 2007. Passage, tissage, glanage, etc.

Curieux de savoir combien de personnes avaient écouté Durutti Column depuis la mise en ligne (moins de 24 heures), je suis allé consulter les statistiques de mon domaine (ce que je fais peu parce que plus compliqué que les statistiques du blog). Là, surprise, ça m'a d'abord sauté aux yeux, j'ai constaté que, rien que pour ces 13 premiers jours de juillet, les trois requêtes les plus fréquentes sur le blog sont : Volodine (294 pages vues), Duras (180) et Molloy (159) — alors qu'il n'est question d'aucun des trois ce mois-ci. Là, tout de suite, un grand rayon de plaisir, comme du soleil (il pleut, un typhon arrive...).
Rayon audio, justement, le mp3 le plus écouté de ma toute petite série est l'extrait des Pêcheurs de perles version supermarché japonais (227), suivi du cours sur Flaubert du 12 mai (56) et, plus loin, enfin, les Durutti Column : 54 pour l'un et 52 l'autre, soit plus de deux fois par heure.
On voit bien que le silence des commentateurs, qu'il nous faut sagement envisager de concevoir comme une forme de sagesse, n'empêche pas une grande activité de passage, tissage, glanage, etc. Exactement ce que je fais moi-même par ailleurs...

En revanche, la requête du mot flaubertible n'a eu que 15 occurrences. À y réfléchir, c'est sans doute normal puisque le mot n'existe pas (ou pas depuis plus de quelques semaines). Or les gens cherchent à partir de termes qu'ils connaissent déjà (on ne peut chercher à partir d'un mot qu'on ne connaît pas...). Actuellement, cette recherche ne peut s'effectuer qu'à partir du blog, en voyant le mot dans la colonne de droite, ou après une requête flaubertienne classique qui aura fait connaître ce terme, ou suite à réception du dernier Bulletin Flaubert, par exemple, parce qu'il le mentionnait.

Centre de sport en matinée, avec lecture de Bergounioux à vélo. J'aime son écriture, son style, sa fermeté, ses idées, alors que je ne peux partager ces dernières — du fait même de l'endroit où je suis, suis-je tenté de dire. En effet, un tel centre de sport représente parfaitement les changements sociaux que Bergounioux regrette...
J'ai d'ailleurs tiqué dès le début car je ne puis appartenir au nous qu'il emploie (c'est le premier mot). Implicitement nous collectif humain, ce n'est qu'après plusieurs pages que l'on comprend que son nous représente un petit nombre de personnes, éduquées, voire intellectuelles, nées vers le milieu du XXe siècle et toutes issues du centre de la France. Ce qui ne le prive cependant pas, et souvent, d'une certaine valeur universelle...

« Notre heure ne vaut sans doute pas mieux ni moins qu'aucune autre. La masse des injustices et des cruautés, le volume des souffrances que le genre humain s'inflige à lui-même n'ont pas dû varier beaucoup depuis l'époque de Kant. Ce qui a changé, c'est que nous savons. Et nous savons parce que nous sommes, réellement, partie prenante. Nous tenons par mille attaches solides, réciproques, agissantes, à l'ensemble de nos semblables. Ce qui les atteint se répercute promptement jusqu'à nous et nos gestes les touchent en plein. La première condition de notre bonheur, c'est leur bonheur, car ils ne font plus qu'une seule et même chose. L'universel concret est devenu la cause efficiente de nos actions. Il reste à en faire la cause finale ou, mieux encore, la raison.
Il n'est pas vrai que nous nous enfoncions dans la désolation ni, pour paraphraser Saint-Just en le contredisant, que le bonheur soit une vieillerie en Europe, et ailleurs. Nous venons de loin.» (Pierre Bergounioux, La Fin du monde en avançant, Fata Morgana, 2006, p. 14)

Dans la pluie qui nimbe la journée et avec des téléviseurs qui, ici ou là, nous montrent la progression du typhon, actuellement du côté d'Okinawa, David et moi allons déjeuner en ville. Au Tiger Cafe de Sakae, précisément. Et d'abord parce que c'est à côté d'une grande agence de voyage H.I.S. où nous devons aller demander un devis pour notre groupe orléanais de 32 personnes en février prochain.. Nous allons ensuite dans une autre agence, pour demander la même chose, le but étant de mettre les agences en concurrence — même si l'on est déjà sûr, en fait, d'avoir le devis le moins cher...

Dans la même journée, je reçois l'annonce de parution du numéro 10 de la revue Glottopol, dans laquelle j'ai un article, et l'annonce d'un futur colloque sur Claude Simon auquel je vais de ce pas candidater.

En soirée, je reçois un nouveau commentaire de Bob, en réponse à Dom, et toujours sur le sujet du racisme (billet du 1er juillet). Mais je ne peux le laisser en ligne pour les raisons que l'on va lire dans le courrier que je lui envoie, grâce à l'adresse qu'il a donnée en postant son commentaire... et qui me revient peu après avec la mention Adresse invalide.
En voici donc la teneur, comme à chaque fois qu'un différend de ce type est apparu dans le JLR. Les crochets "[...]" sont de moi, afin de publier ici sans les mots indésirables.
En fait, si on lisait bien Bergounioux, il avait déjà répondu ce matin...

« Bonjour,
Vous avez posté ce commentaire :

   > a dom,
   > Je n'ai jamais cru à la réalité formelle, légale, abstraite...Je crois
   > au contraire en la réalité concréte, pratique, vécue...Les bi[...], les
   > cr[...], les ra[...], les bou[...], le nia[...], les racailles, les
   > weshs...lorsqu'ils s'organisent sont percus comme des mouvements
   > dangereusement "communautaristes", qu'on a vite fait de releguer comme
   > supplétifs d'Al caida S.A. Car ces barbares sempiternels, comme tout le
   > monde sait, veulent détruire la "civilisation occidentale", rien de
   > moins... Cessez l'hypocrisie, la dénégation, le déni le racisme français
   > est structurel, il est issu d'un vieil héritage qu'il convient
   > d'explorer! Vous êtes dans un pays qui a un ministère de l'identité
   > nationnale (et de l'immigration), surtout ne l'oublier pas... Sachez
   > aussi qu'un lumpen "blanc" d'Outreau, un peu dégrossi, deviendrait un
   > bon cadre dans les Dom Tom!
   > www.montraykreyol.org/spi...

Je ne suis pas en désaccord avec vos propos mais, à cause des termes insultants qu'ils contiennent, je ne peux les mettre en ligne pour deux raisons : la première, c'est que je serais légalement responsable en cas de plainte pour insulte ou diffamation de la part de toute personne se sentant insultée ou diffamée par ces termes (je vous cite : "Les bi[...], les cr[...], les ra[...], les bou[...], le nia[...], les racailles, les weshs"), la seconde c'est que je ne me suis moi-même jamais autorisé à employer l'un de ces termes pour désigner qui que ce soit, et que je n'ai pas l'intention de commencer aujourd'hui (sauf "racaille" qui n'a pas de contenu ethnique ou racial). Il y en aurait même une troisième qui serait que la présence de ces mots attirerait, via les moteurs de recherche, d'autres personnes qui, sans s'occuper de qui ou quoi, renchériraient dans un sens ou dans l'autre. Ce qui ne constitue en aucun cas une discussion.
En conclusion, je peux valider un commentaire qui véhicule correctement vos idées, mais sans aucun mot qui présente un risque d'insulte ou de diffamation.
Si je puis me permettre, je pense que dans votre colère légitime vous faites une erreur de stratégie (outre ce que j'ai déjà dit dans mon commentaire après vôtre premier) : il n'y a pas de règlement d'un problème tant qu'on maintient une attitude agressive et des termes insultants. Et si l'on ne peut s'en empêcher, il faut savoir que la réponse adverse sera TOUJOURS proportionnée, ce qui signifie précisément : l'escalade de la guerre. Or cette escalade peut être un souhait caché, éventuellement au fond de vous-même, même si vous vous en défendez. Si l'on veut discuter, et discuter POUR résoudre des problèmes aggravés par des siècles de comportements qui font honte à des Français d'aujourd'hui, dont je suis, il faut commencer par retirer certains mots de sa propre bouche. Ça peut paraître bizarre, mais pour discuter, il faut retirer des mots.
J'attends, si vous le voulez bien, votre commentaire modifié. Sinon, je le publierai de toute façon, sans les mots indésirables, et avec le contenu de ce courrier en explication.
Nous menons peut-être le même combat, mais à défaut des bons mots, nous ne pouvons pas encore le savoir.
Cordialement.»

Commentaires

1. Le vendredi 13 juillet 2007 à 09:54, par Dom :

Je ferai pas le troll, promis.

2. Le vendredi 13 juillet 2007 à 10:51, par Où y 'a d' la hyène, y' a pas d'... :

Il est piquant de constater que certains peuvent gaillardement envisager de dialoguer avec un individu qui use des termes "hyène sioniste", et ne craignent pas de penser, ni d'écrire, qu'ils mènent "un même combat". Il est vrai que, mortifiés "par des siècles de comportements qui font honte à des Français d'aujourd'hui, dont je suis", ils en arrivent à prétendre sans honte que " Bientôt, il ne sera plus si important que ça d'être français."
自虐、vous avez dit 自虐 ?
Les "souchiens francaouis", et qui s'honorent de l'être, ne peuvent que leur suggérer de s'éviter désormais toute promiscuité coupable avec un peuple si odieux. Comment par exemple fouler le sol d'Orléans, et rencontrer à chaque coin de rue l'effigie de cette Jeanne qui s'est permis de se battre, et de mourir pour la France? Quelle complice des esclavagistes, des discriminateurs et des sionistes!
Pensez aux collusions dont les défenseur-e-s des opprimé-e-s vont vous soupçonné-e-s! (Oh! Pardon!)

3. Le vendredi 13 juillet 2007 à 10:58, par brigetoun :

après le plaisir de Bergougnoux dont j'avais bien besoin, désir de pouvoir être incluse dans ce "nous", perplexité sur le rapport avec le commentaire puis accord sur les termes choisis de votre réponse. Il est des termes que l'on ne peut utiliser ou penser sans se ravaler

4. Le vendredi 13 juillet 2007 à 15:02, par Berlol :

On voit déjà que tout le monde n'aura pas l'intelligence de Brigetoun et de Dom. Savoir lire et réfléchir n'est pas également donné à tous. Principalement, je n'ai pas écrit que je mène "un même combat" que Bob, mais que dans une situation où l'échange d'idées est rendu impossible par des choix de paroles insultantes ou blessantes "nous menons peut-être le même combat" mais ne pouvons nous en rendre compte — il s'agit donc d'un point de vue général (et je pourrais en dire de même pour ce nouvel anonyme courageux). Or, ce que vous faites, l'anonyme, est plus grave encore : ou vous croyez savoir lire mais vos idées vous abusent sur votre propre niveau, ou vous tordez sciemment les propos des autres pour créer de la dispute, ce que vous pensez être au profit de votre camp.
Quant à "hyène sioniste", ma foi, j'aimerais bien qu'on me dise qui cela désigne. C'est une métaphore ridicule qui n'a elle non plus rien à faire dans une discussion. Mais vous êtes sans doute trop "français" (ne voir que Jeanne à Orléans, quel fantasme, quelle bêtise !) pour comprendre que l'humain est terrien et d'une seule race, qu'il n'a à l'origine pas de "pays", qu'il n'y a pas de groupe ethnique, régional, linguistique ou religieux qui soit supérieur à quelque autre que ce soit, et que tout le dissensus créé ne sert qu'à focaliser de pauvres hères sur leurs malheurs pendant que les vrais puissants, sans distinction de frontière ou de passeport s'enrichissent et s'enrichissent. Si vous étiez réfléchi, ou un peu intelligent, vous sauriez comprendre tout cela, discuteriez sans vos armes ou nous foutriez la paix.

5. Le vendredi 13 juillet 2007 à 21:52, par Où y 'a d' la hyène, y' a pas d'... :

"les adeptes de Finky, la Hyène sioniste"
Extrait du fiel du dénommé Bob, commentaire à votre billet du 1er juillet.
Qualifier de "ridicule" cette expression en apprend long sur vous.
Je vous laisse au public que vous méritez.

6. Le vendredi 13 juillet 2007 à 22:08, par Berlol :

Oui, ça, pour le 1er juillet, je le savais. Mais il n'y a pas que Finkielkraut, dans la vie (quoique...). Décidément, vous n'avez pas beaucoup de finesse dans la comprenette...
Vous nous laissez ? Vraiment ? Alors, merci.

7. Le vendredi 13 juillet 2007 à 22:39, par F :

content de te savoir avec Bergou, comme j'aimerais tellement qu'on puisse une fois vous l'expédier 10 jours au Japon ! t'aurais plutôt suggéré son récent "qu'est-ce que le passé?" - à noter (dans son 1er "carnet de notes" justement), que l'ordi fait son apparition chez lui en 1984... il dit jamais tout, en vieux corrézien qu'il est.

8. Le vendredi 13 juillet 2007 à 22:57, par Berlol :

84, ah, ouais ! Moi, j'étais encore loin d'en avoir un ! D'ailleurs, j'étais sous les drapeaux...

9. Le vendredi 13 juillet 2007 à 23:57, par F :

tiens, tu devrais nous raconter ça...

10. Le samedi 14 juillet 2007 à 04:19, par christine :

expédier Bergounioux ... comme vous y allez F !... moi c'est 85 seulement mon premier amstrad (pour fêter ma réussite à l'agreg)
sinon je passais juste pour dire que j'aimais bien ta formulation (qu'on va dire, pour faire comme les journalistes) éponyme : " le silence des commentateurs, qu'il nous faut sagement envisager de concevoir comme une forme de sagesse, n'empêche pas une grande activité de passage, tissage, glanage, etc. Exactement ce que je fais moi-même par ailleurs... "

11. Le samedi 14 juillet 2007 à 04:46, par F :

quand je dis "expédier" c'est pour me souvenir de l'effort que ça avait été pour que Pierre accepte un voyage en Allemagne, alors pour le Japon il faudrait vraiment s'y mettre en équipe : mais suis sûr que Kyoto lui serait un énorme choc - il est bien allé à Cuba une fois...

allez, apprenons la sagesse de nous taire (journée rangement nettoyage vidage, ça fait récré de passer là)

12. Le samedi 14 juillet 2007 à 05:28, par Berlol :

Je serais très heureux qu'il vienne mais suis malheureusement très éloigné des instances et des puissances invitantes pour le leur suggérer (ai cessé certaines activités, coupé des ponts, etc.)
Prenez un peu de temps pour le Glottopol, ça vaut le coup (et pas que pour mon article).

13. Le samedi 14 juillet 2007 à 07:07, par vinteix :

Si Orléans se résumait à Jeanne d'Arc, ce serait bien misérable ! comme de dire que Agen se résume aux pruneaux ou Lyon aux cannelles ! autant tout réduire à une lecture d'images d'Epinal ou au dictionnaire des idées reçues !
Pour moi, Orléans, mais c'est évidemment très subjectif, c'est aussi le souvenir, entre autres, du passage de G.Bataille, bibliothécaire dans cette ville, même s'il ne l'a guère aimée...
Bref, peu importe...
Je ne dirais pas "je" si j'étais seul...

14. Le dimanche 15 juillet 2007 à 00:42, par jenbamin :

Pour ou contre les salles de sports ? Moi j'aurais tendance à être plutôt pour (encore qu'à vrai dire je préfère le plein air...), mais j'ai deux copains qui ont plutôt l'air d'accord avec Bergounioux (avec ce que tu supposes être l'avis de Bergounioux) pour être contre :

« Dans les conditions actuelles, même les biens matériels deviennent des éléments du malheur. Si durant les crises économiques intérieures du passé la masse de ces biens, en l’absence de sujet social, ressemblait à de la surproduction, elle produit aujourd’hui, où les groupes puissants ont pris la place et la fonction de ce sujet social, la menace du fascisme international : le progrès devient régression. Le fait que l’usine aseptisée et tout ce qui en fait partie (Volkswagen et palais des sports) liquident brutalement la métaphysique, pourrait être indifférent, mais qu’ils deviennent eux-mêmes une métaphysique, un rideau idéologique derrière lequel se concentre le désastre réel, n’est pas indifférent. » (Adorno & Horkheimer, La dialectique de la Raison, p. 18.)

À part cela, j'avais eu moi aussi un sentiment très particulier en lisant « La fin du monde en avançant » il y a quelques mois. À la fois, une admiration sans réserve pour sa prose — son style s'épure avec les années, je trouve, il va vers une ascèse plus grande encore, impressionnant et magnifique —, et une forte réticence sur le très profond pessimisme qui semble l'habiter — et beaucoup plus dans ce livre que dans tout ce que j'ai pu lire de lui ailleurs. Il y a bien des points de son analyse sur lesquels je serais prêt à le rejoindre — oui, il a raison, ça va pas fort le monde... —, mais sur la conclusion je ne le suis plus du tout. C'est justement au nom de ce constat très critique du monde (qu'il me semble) qu'il faut se retrousser les manches au plus vite, et non pas baisser les bras.

Juste un exemple : le bouquin de Bergounioux se termine par un constat du très grand danger qui menace la littérature, jusqu'à sa possibilité d'exister. (Je dis ça de mémoire : je n'ai pas le bouquin sous la main, il est resté à Paris — pas moi !) À mes oreilles, ces lignes ont directement fait écho à celles qui ouvrent la « Théorie esthétique » d'Adorno : « Il est devenu évident que tout ce qui concerne l'art, tant en lui-même que dans sa relation au tout, ne va plus de soi, jusqu'à son droit à l'existence. » (en 1969, déjà !) Mais précisément, dans un cas, c'est la conlusion, dans l'autre c'est le point de départ de la discussion, pour savoir comment lutter contre ce constat sans se mentir sur le péril qui guette (parce que c'est en ne se mentant pas qu'on a une chance de lutter).

En fait, bien plus que ses idées, ce sont les phrases de Bergounioux, sa syntaxe, qui résument l'ensemble du problème : oui, la littérature est « encore possible », ce dont témoigne admirablement chaque ligne de son livre, mais en même temps cette possibilité est subordonnée (pour Bergou, en tout cas) à l'exigence d'une ascèse et d'une rigueur sans compromis.

15. Le dimanche 15 juillet 2007 à 17:26, par Berlol :

Tout à fait d'accord, il y a pour moi le même hiatus chez bergounioux entre style, pertinence et horizon. Comme si la vue perçante se brouillait sur une certaine zone.
Merci pour citations d'Adorno et Horkheimer — que je n'ai pas encore lus (mais il y en a un sur mon bureau, qui attend son tour...).



Samedi 14 juillet 2007. Dès trois heures, tous les verts sont ternis par les gris.

144. Je vois, te dis-je, je mets mes yeux dans tout ce gris. Au-dessus des frondaisons paniquées, secouées, il n'y a que du gris, des gris qui se chevauchent — et se déchirent et passent, et d'autres qui les suivent. Dès trois heures, tous les verts sont ternis par les gris. Nuées intempestives qui s'épanchent durant cinq jours. Signaux rouges aux médias, jusqu'en France, pas banal. Je te vois, belle trajectoire, et demain dès l'aube... je sortirai, caparaçonné et botté — comme aujourd'hui, croyant travailler pour demain... jusqu'à recevoir la décision officielle : plus d'Open Campus, plus de cours à préparer !

Dans l'après-midi, au bureau d'où je vois la pluie tomber mieux qu'à la maison — c'est mon défilé à moi. Je pioche au hasard parmi les films pas encore vus. C'est La Chambre des officiers (Dupeyron, 2001). N'ayant rien lu sur le film, je ne m'attendais pas du tout à une histoire de gueules cassées, c'est très émouvant.

Dans le faux silence de la pluie continue et dans la nuit qui tombe, une petite lampe pour finir deux livres, deux Pierre. Et m(')éditer.

« Bien sûr, on a consenti à s'équiper, à s'engager dans ce nouvel âge de fer. On a même surmonté l'opiniâtre sédentarité paysanne à laquelle la littérature avait donné quelques titres de noblesse — « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » « Cultivons notre jardin ! » « La terre et les morts » — pour se tailler un empire colonial. Mais ce fut sans la conviction lyrique, la participation d'un peuple acquis aux procédés de l'échange impersonnel sur le marché, au calcul rationnel des chances pacifiques de gain pécuniaire. On a vu longtemps, encore, d'un côté, les représentants des deux cents familles sur les marches du Palais Brongniart, en fin de séance, à Paris, de l'autre, une nation de petits exploitants et de boutiquiers, d'artisans et de rentiers menant une existence un peu étriquée mais savoureuse et satisfaite, jalouse et nuancée dans le cadre harmonieux des terroirs. En témoignent non seulement les livres de Colette, la Bourguignonne, ou d'Alain-Fournier, l'enfant de la Sologne, mais tout ce que Proust a tiré d'Illiers-Combray, les pages que la propriété viticole languedocienne dictait, il y a peu encore, à Claude Simon.
Si l'éveil de la littérature française, à la Renaissance, et son rayonnement à l'époque classique et au siècle des Lumières sont tributaires de l'État centralisé, son éclat persistant, aux XIXe et XXe siècles, vient, en partie, du retard économique tenace, plus ou moins délibéré, d'un pays où ce genre de réussite n'a jamais été un article de foi, l'argent la mesure de toute chose.» (Pierre Bergounioux, La Fin du monde en avançant, p. 51-53)

« À la limite, la critique atteint sa forme idéale quand elle n'a plus aucun support avec une œuvre. Le paradoxe wildien consiste à faire de la critique une activité intransitive et sans support, ou plutôt à en déplacer radicalement le support. Pour dire les choses autrement, son objet n'est pas une œuvre — n'importe laquelle peut faire l'affaire comme n'importe quelle bourgeoise de province chez Flaubert —, mais le critique lui-même :
"Je m'amuse toujours de la sotte vanité de tant d'écrivains et artistes contemporains, qui semblent convaincus que le rôle primordial du critique est de parler de leurs médiocres œuvres." [Oscar Wilde, "La critique est un art", in Œuvres, La Pochotèque, 2000, p. 814]
[...] Le paradoxe de la lecture est que le chemin vers soi-même passe par le livre, mais doit demeurer un passage. C'est à une traversée des livres que procède le bon lecteur, qui sait que chacun d'eux est porteur d'une partie de lui-même et peut lui en ouvrir la voie, s'il a la sagesse de ne pas s'y arrêter.
[...] Au-delà de la possibilité de découverte de soi, le discours sur les livres non lus nous place au cœur du processus créatif, puisqu'il nous reconduit à son origine. Car il donne à voir le sujet naissant de la création, en faisant vivre à celui qui le pratique ce moment inaugural de séparation de soi-même et des livres où le lecteur, se libérant enfin du poids de la parole des autres, trouve en soi la force d'inventer son propre texte et de devenir écrivain.» (Pierre Bayard, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?, p. 152-155)

Rien qu'avec les liens sur Combray et les Œuvres d'Oscar Wilde, on devrait en avoir pour des semaines...

Commentaires

1. Le samedi 14 juillet 2007 à 21:05, par brigetoun :

ça souffle sain et intelligent chez les Pierre. Mais me reste un petit amour nostalgique pour le monde que décrit Bergougnioux (moi profondément réac) et si je me suis toujours passée des critiques pour mes passages par le livre, pour diversifier un peu et sortir de mes relectures nourrissantes il y a le net et le temps. Au risque d'en rester à des bribes. Il est vrai que je n'ai pas à parler de livres, mon privilège, mais juste à me construire pendant qu'il me reste un peu d'avenir. Et pour cela le papillonage est néfaste

2. Le samedi 14 juillet 2007 à 22:02, par Berlol :

"I am always amused by the silly vanity of those writers and artists of our day who seem to imagine that the primary function of the critic is to chatter about their second-rate work. The best that one can say of most modern creative art is that it is just a little less vulgar than reality, and so the critic, with his fine sense of distinction and sure instinct of delicate refinement, will prefer to look into the silver mirror or through the woven veil, and will turn his eyes away from the chaos and clamour of actual existence, though the mirror be tarnished and the veil be torn. His sole aim is to chronicle his own impressions. It is for him that pictures are painted, books written, and marble hewn into form." (Oscar Wilde, The critic as Artist, p. 140 de l'édition en ligne)

3. Le samedi 14 juillet 2007 à 23:13, par brigetoun :

le plaisir de l'anglais quand il esr celui-là et qu'il ne vous est pas imposé sous peine d'être "dépassé"

4. Le dimanche 15 juillet 2007 à 00:40, par m sonnet :

Brigetoun, s'il vous plait, excusez-moi, mais ça me fait un petit peu mal le nom de Bergounioux écorché et je ne peux pas m'empêcher de le dire : pas la peine le deuxième "g", merci et ceci n'est pas une agression, loin de là

5. Le dimanche 15 juillet 2007 à 01:26, par Berlol :

C'est vrai que les noms, c'est toujours sensible. Je rectifierai, à l'avenir. (En plus, après, c'est indexé fautivement...)

6. Le samedi 21 juillet 2007 à 01:36, par brigetoun :

mea culpa - j'aurais du corriger dès que j'ai vu le commentaire s'afficher



Dimanche 15 juillet 2007. S'avouer fétu dans la tourmente.

J'avais mis mon réveil exprès à six heures moins le quart pour sortir dans le typhon. Que personne ne s'inquiète, je suis de nature prudente. Mais c'est tellement excitant de s'avouer fétu dans la tourmente, d'avoir le vent et l'eau qui entrent de partout. Rien que l'idée, ça me rappelle Dieppe. Enfant, les jours de tempête, ma grand-mère m'équipait et j'allais sur l'esplanade, sur les galets, sans trop m'approcher de l'eau, pour voir les vagues sauter la digue. J'étais fasciné, hébété par cette force sans cesse. Quand je rentrais, j'étais saoul, suffoqué et j'allais me coucher un long moment pour absorber tout ça et m'en sortir.
Ce matin, on était loin de Dieppe. Du ciel bleu commençait à apparaître, il n'y avait plus de vent. Je me suis recouché illico.
Même si l'université a pris la décision qui s'imposait hier en annulant la manifestation d'aujourd'hui, le beau temps qu'il a fait, finalement, fera regretter. Et l'arrivée de la chaleur d'été d'ici, lourde et enveloppante d'humidité.

Je rêve d'un monde où QuickTime n'existerait pas. Chaque fois que des amis mettent en ligne quoi que ce soit destiné à QuickTime, c'est un crève-cœur de savoir à l'avance que ça ne va pas marcher, et ce, sur chacun de mes ordinateurs. Je ne sais pas comment ça se passe pour les autres sous Windows ; je crois que ça vient de Total Recorder qui gère tout le son et qui ne doit pas apprécier QuickTime. Or, pour moi, entre Total Recorder et QuickTime, y'a pas photo.
C'est le cas à nouveau ce matin avec les mises en ligne de la Nuit Remue | 2 qu'a effectuées François Bon. Je clique sur un lien, par exemple Dominique Dussidour, 1, et ça ne rate pas : ouverture d'une petite fenêtre et la barre QuickTime qui vient dedans, le curseur qui bouge et... pas de son. Heureusement, le code n'est pas trop sophistiqué, je peux récupérer l'adresse du lien, l'ouvrir dans une nouvelle fenêtre dont je demande le code source pour trouver le nom du mp3, l'ajouter dans la barre d'adresse et le faire ouvrir dans Real Player pour entendre DD lire Béatrice Rilos. Et la manip est à refaire pour chaque lien... Autant dire que je ne vais pas tout écouter aujourd'hui ! D'ailleurs ça se déguste (un peu comme, pour une fois en écrivant dans la nuit, ce Glen Deveron qui a l'âge de mes étudiants).

D'autant que j'ai déjà eu mon compte, avec trois épisodes de Combray et la moitié de Pour un oui ou pour un non— même en mauvaise qualité vidéo, c'est toujours magnifique de voir et d'entendre la finesse 100% sarrautienne de Trintignant et Dussollier. D'ailleurs, c'est aussi Dussollier qui lit les épisodes de Proust écoutés ce matin. Le Sacripan qui met ces choses en ligne, j'aimerais bien lui serrer la main...

Je sors faire du vélo, dans ce cocktail tournant de nuages blancs, de vent tiède et de soleil brûlant. Deux heures tranquilles par les rues de Nagoya-Est. Je vais jusqu'à Ikeshita, je remonte sur Imaike, je tourne dans les rues de Kakuozan, je regarde les gens, où sont les supermarchés, les entrées de métro, les écoles, je respire les quartiers — pour choisir celui où j'habiterai peut-être en 2009.
J'essaie de retrouver la boulangerie aperçue l'autre jour en passant en voiture, elle doit être fermée le dimanche. À la place, sur une autre avenue, je trouve une petite pâtisserie nommée Le Chapon fin. J'y achète une part de clafoutis (très bon, pas trop sucré, avec des cerises qui ne sortent pas d'une boîte de conserve) et deux cannelés (étonnants, les meilleurs mangés au Japon — d'ailleurs, je n'en ai mangé qu'au Japon...)

De retour au bureau, après séchage sous la clim, je travaille, puis je lis.

D'une part, il est rare que je m'empresse de finir un livre, d'autre part, j'en commence toujours un ou deux autres avant (Moï et Di Folco). De sorte que je ne suis jamais sans un livre ou deux en cours de lecture. Les fils RSS procurent, je m'en rends compte maintenant, le même genre d'infinitude. Sur cent et quelques fils automatiquement tenus à jour, il y a toujours moyen de trouver pitance. Ce qui m'amène à prendre conscience que le JLR n'est peut-être pas qu'une expérience destinée à vivre littérairement les nouvelles technologies, ou un exutoire de mes petites misères, mais sans doute aussi un exorcisme contre la mort, un engin magique destiné à conjurer les forces qui, en nombre, tapies, voudraient me faire disparaître. Consciemment ou pas, je me dis que ça doit être le cas pour un bon nombre d'entre nous.
C'est peut-être ça qui manque à mon article dans Glottopol. Quoique... (Les amateurs y retrouveront les frites du Saint-Martin, — où T. est allée sans moi hier, entre parenthèses — et le sudavélo, mais je recommanderais surtout les grés, p. 182-185)

« Mais qu’'est-ce qu'’une dépendance, ou une addiction, sinon une impérative nécessité de continuité, au sujet de quelque chose qui peut être jugé nuisible dans les cas d’'excès de continuité. L'’individu sujet à cette emprise est fermement convaincu que son identité et sa survie sont intimement liées à sa pratique (tabac, alcool, travail, internet, etc.). De plus, il se trouve privé, si intelligent soit-il, des facultés de jugement qui lui permettraient de mesurer l'’empire du vice ou du toxique, et le danger pour sa survie. L'addiction agit à la façon d'’un virus doté d'’un leurre de continuité (l'’individu pense que ce besoin est une part de lui-même) pendant que la sape que mène ce virus vers le discontinu va bon train dans l'’ombre (le virus produit l'’infection, la maladie ou un processus létal tout en travaillant lui aussi à sa continuité en tant qu'’espèce). C'’est donc un cas de mouvements inverses et simultanés, vers le continu en conscience, vers le discontinu en inconscience : continu sensationnel, discontinu métabolique.» (Patrick Rebollar, (Dis)continuités d'un lieu d'écriture virtuelle, Glottopol, n°10, juillet 2007, p. 178)

Commentaires

1. Le dimanche 15 juillet 2007 à 09:56, par F :

aucune idée de ce que c'est total recorder - mais comme mes fichiers sont en mp3 il faut vraiment que ce soit chez toi que ça ne fonctionne pas (j'utilise simplement l'instruction embed et je ne fais pas appel à quicktime, le pb est plutôt dans ton navigateur qui doit l'appeler par défaut, alors que ce n'est pas moi qui le spécifie!) - à part ça, je peux mettre un avertissement en haut de page : "nous recommandons ordinateurs apple pour un usage agréable et facile de l'internet" ? et bon après cyclone (il a fait s'envoler le mur des voisins?)

2. Le dimanche 15 juillet 2007 à 10:11, par Fbis :

je confirme : dans les prefs firefox "telechargements" tu peux specifier le lecteur audio que tu souhaites pour chaque suffixe, il suffirait que tu entres mp3 et que tu y associes ton recorder ?

3. Le dimanche 15 juillet 2007 à 10:52, par Fter :

et fin de l'intrusion intempestive - mais tenais à te remercier de "glottopol" que je termine à l'instant (lignes un peu larges pour le confort de la lecture pdf!) - notions de discontinuité et tri abordées, notion de fiction et de vérifiable, et toute ta variation sur ce beau et ancien mot de "gré" (Littré le fait remonter à la Chanson de Roland!), ça concerne l'ensemble des praticiens - bizarre, je n'arrive pas à dire "dans l'internet", alors que je déteste l'expression "sur Paris" - le "dans" me semble trop laisser le contenu dans son immersion, tandis que "sur le Net" implique qu'on ait isolé ce contenu de la masse indifférenciée des données et qu'il soit apparu sur notre écran ? je termine en notant que le menu de samedi il y a 8 jours était absent, et en remerciant pour le mot "connivence"
bizarre : hier, en faisant rangement ai jeté énorme pile de notices et modes d'emploi, imprimantes successives, scanners idem, logiciels norton ou autres, conservés précautionneusement alors que j'en fais rarement usage - mais n'ai pas pu me débarrasser du manuel "4D First", mon 1er logiciel construction base de données en 1993, énorme nostalgie du saut mental en programmant ce truc là
et petite réserve pour la fin : la menthe et le chewing-gum ?

4. Le dimanche 15 juillet 2007 à 11:12, par christine :

ça marche aussi sur pc, je vous rassure Fbis !
... mais quand même pas spontanément : sous firefox (que j'utilise en général) rien ne se passe quand je clique (pourtant j'ai déjà essayé de reparamétrer comme vous le suggérez) : je suis obligée (comme d'ailleurs pour écouter France Culture ou regarder France Télévision en ligne) d'utiliser explorer, qui ne me sert qu'à ça (c'est donc un coup du méchant windows !)

5. Le dimanche 15 juillet 2007 à 11:24, par janu :

(Pareil pour moi, ça ne marche qu'avec iexplorer, rien à faire... - mais pas ce problème pour la radio et autres).

6. Le dimanche 15 juillet 2007 à 14:37, par Berlol :

Mille mercis pour la recommandation de mon article dans tes pages !
Total Recorder, c'est le logiciel avec lequel je capture, découpe, modifie, formate, reformate et enregistre le son qui passe dans l'ordinateur, et notamment France Culture, en direct comme en différé. Vital donc. Pour QuickTime, je ne dis pas qu'il y a quelque chose que tu as mal fait, François, je dis que le monde serait mieux si QuickTime n'existait pas. J'ai bien sûr déjà réglé mes paramètres Firefox et tout est sur RealPlayer. Mais voilà, quand quelqu'un crée certain type de lien non direct avec du mp3, ça lance QuickTime quand même ! Ça fait pareil avec les liens audio de Philippe De Jonckheere (qu'on ne peut pas accuser non plus d'être mauvais programmeur...). J'ai maintes fois essayé de retirer purement et simplement QuickTime de l'ordinateur mais des ouvertures de liens proposent régulièrement de le réinstaller, et je cède, dans l'espoir qu'une nouvelle version fonctionnera correctement...

7. Le dimanche 15 juillet 2007 à 15:01, par F :

je n'avais aucune idée de ces difficultés - désormais j'utiliserai lecteur flash, et merci l'avoir testé au réveil, pendant que je prends le chemin inverse!

8. Le dimanche 15 juillet 2007 à 15:09, par Berlol :

Les réseaux, les fuseaux...
Bonne nuit !

9. Le lundi 16 juillet 2007 à 01:47, par jfp :

lu glottopol (encore une revue que je ne connaissais pas) et opiné et agréé. Le piège de l'addiction vient aussi à mon avis de ce qu'à un moment premier, le corps est pris (épris) au moment où la mémoire s'éprend de cette emprise (dès lors, tout un cycle physico-chimique se déclenchera "à l'idée" même que cet événement survienne à nouveau), le désir de continuité est sans doute celui de renouveler indéfiniment (éternellement?) cet accord fantasmatique corps-esprit, ressenti dans tout projet de vie comme un moment-miracle de dé-corporéité et j'ose à peine t'envoyer ce texte jargonouillé car à la relecture ça me paraît tout à coup bien vaseux, mais bon, il vaut comme un petit salut de marseille où, peuchère, le soleil et le rosé-apéro m'ont peut-être un peu tourneboulé le carafon...

10. Le lundi 16 juillet 2007 à 01:53, par F :

à cette heure-là, déjà ?

11. Le lundi 16 juillet 2007 à 02:02, par jfp :

Heu, c'est un peu les vacances et la sieste tend ses bras à 15 h... et j'en connais qui costauds et plein de seve ne crachent pas sur le blanc sec frais saucisson roboratifs dès les 10...

12. Le lundi 16 juillet 2007 à 02:14, par Berlol :

Mmouais ! J'en prendrai bien une petite rondelle. Et y'a des cigales, aussi ?

13. Le lundi 16 juillet 2007 à 02:24, par jfp :

un bruit si assourdissant qu'on s'entend plus déboucher les bouteilles

14. Le lundi 16 juillet 2007 à 02:26, par Berlol :

'tain, je m'en doutais !

15. Le lundi 16 juillet 2007 à 02:35, par christine :

veinard ! j'ai bien essayé de rapporter un peu du soleil marseillais dans ma valise mais à Paris il n'a tenu que 3 jours ...et à tokyo, comment vont les fétus, entre typhon et tremblement de terre ?

16. Le lundi 16 juillet 2007 à 02:42, par jfp :

ks ks ks ks ks - assourdissant ! pour précision c'est sur la côté bleue, pile entre l'estaque et carry, ça s'appelle xxxx, un bled dont cendrars parle dans la main coupée, depuis la terrasse : vue sur la mer à 180°; à l'est, au loin, la découpe minérale des îles du Frioul, Pommègues, Tiboulen de Maïr et Maïr, en face, le phare de Planier, à droite, quelques barques (ce sont les bretons qui les appellent 'pointus') en lisière du parc marin de carry. Il doit faire au moins 30° à l'ombre, d'où les glaçons dans le verre, même si ça ne se fait pas...

17. Le lundi 16 juillet 2007 à 02:50, par Berlol :

Tremblement de terre, oui, j'ai vu ça à la télé, comme tout le monde... N'en rajoute pas, JFP, c'est déjà assez dur comme ça...



Lundi 16 juillet 2007. Laisse les maisons grises et va-t'en.

« [...] Pas facile de se sentir heureux
Quand on se lève de bon matin
Aller prendre son train
Fais ta valise
Laisse les maisons grises et va-t'en

Vole vole vole
Va dans un pays où y a du soleil tout le temps
Vole vole vole vers de nouveaux continents
Vole vole vole je te le répète ici tu perds ton temps
Et regarde où va le vent
[...]
T'es plus tranquille si tu vis comme un vieux et c'est bien
C'est bien plus drôle de tomber amoureux
D'une fille ou d'un pays
Qui te rendra heureux [...]»


C'est comme si, dès 1979, l'année où j'allais passer le bac, Véronique Sanson avait tracé mon parcours avec Celui qui n'essaie pas (ne se trompe qu'une seule fois). Non pas révélé mon destin (je n'y croyais pas) mais bel et bien provoqué l'aventure. Car je l'écoutais beaucoup, à cette époque, disons entre 15 et 20 ans. Cette chanson, j'ai dû l'écouter mille fois. Je pensais qu'elle pensait à elle-même, à son voyage en Amérique, son aventure personnelle, comme souvent dans les chansons populaires. Encore que le masculin vieux, amoureux, heureux, s'adressait plutôt... à moi. J'ignorais que j'étais en train d'inscrire un programme dans mes cellules, un programme qui s'activerait dès que l'occasion se présenterait, soit... une bonne dizaine d'années plus tard.
Mais qu'est-ce qui s'est passé, après, dans la carrière de Véronique Sanson ? Quelle mouche l'a piquée, de se croire rockeuse ou crooneuse ? De se mettre à chanter avec la grosse voix ? Comme si elle avait oublié le sens de ses propres paroles, par exemple quand elle chantait « Caresse-moi... », avec un toucher de voix qui donnait des frissons, qui était d'une justesse poétique totale, avec sa retenue, indépassable, dans un sens — avec Julien Clerc, c'était parfait —, et quelques années après, dans la furie de la scène elle se met à le crier, avec ce qui était à mes yeux une sorte de vulgarité, de rapport à la foule d'où la poésie s'était envolée. 
Bien sûr, elle pouvait légitimement faire ce genre de show, rock ou jazz, ou gospel, si ça lui plaisait, mais avec de nouvelles chansons, faites pour ça, paroles et musiques adaptées, ce qu'elle fit en partie (et qui lui fera perdre progressivement sa voix).
Alors aussi pour Celui qui n'essaie pas... Ici, en 1979, juste, plein de variations, de tempos, malgré le dérangement. Et puis ici, en 1981, avec orchestre lourd et trop cadencé (pressé ?), paroles hachées.
Dit comme ça, je n'y serais pas allé.

« On donne aux mots une deuxième dimension, élaborée inconsciemment à partir de sédiments : livres lus et poésies récitées, événements subis, émotions éprouvées, paroxysmes climatiques vécus, traditions prisées ou non — sables, graviers, limons en proportions inégales selon le parcours de chaque vie dans des territoires inconnus. Chaque terre est une terre étrangère car les écrivains en brouillent les collines, les vallées et les falaises avec leur mémoire personnelle, imparfaite et décalée.
Pour ma part, je me suis toujours sentie en terra incognita. Je ne me sens propriétaire d'aucun espace : tout est à conquérir, chaque herbe, chaque poussière. La pratique de langues multiples et l'adhésion aux cultures respectives neutralisent le sentiment d'appartenance : on se transforme en étranger universel. On est soi et l'autre.» (Anna Moï, Espéranto, désespéranto / La francophonie sans les Français, Paris, Gallimard, 2006, p. 16-17)

Pédalant sur mon petit vélo statique, transpirant, ces lignes m'ont fait repenser à Bergounioux, sur les écrivains français, leur côté réac et terroir, parfois... À pourquoi je viens de passer dix ans presque de silence sur Claude Simon, d'épochè sur son œuvre pour éviter un mauvais jugement. Il avait été pour moi l'auteur qui incarnait la liberté littéraire, l'expérimentation formelle avec contestation politique embarquée (embedded), mieux que tous les autres. J'étais un fan, j'avançais en même temps dans l'université et la recherche. Aussi quand j'ai vu débarquer les études sur Simon et la terre, Simon et la famille, et qu'ils n'avaient pas tort, dans un sens, j'ai eu besoin de remonter tout en haut de mes montagnes d'illusion. Et partir s'est présenté, ce que j'ai fait.
Ayant bien fait mon chemin (mais pas ici, le violon est faux, ni là, c'est la cata...), continué à accumuler des livres et des études, je vais peut-être enfin pouvoir revenir vers Claude Simon...

« [...] la voix de Sabine parut se déchirer soudain, se tordre, s'élevant dans un cri, une protestation désespérée, furieuse (et même hargneuse, indignée, butée), disant : « Je ne veux pas mourir ! », le vieil homme se contentant sans doute de la regarder sans rien dire, car au bout d'un instant la voix — la protestation, le défi — s'éleva de nouveau, quoique plus faible [...] » (Claude Simon, L'Herbe, Minuit, 1958, p. 175)
Pathétique rage — et peur — de se voir vieillir...
(Et je vous jure que j'ai du chagrin...)

Ah ! Superbe Répliques, samedi dernier. À écouter en sirotant un jus de fruit. Critiques et désaccords ne m'ont jamais empêché de reconnaître des qualités à Alain Finkielkraut, et en particulier celle d'avoir souvent des invités intéressants. Cette fois, il a demandé à Pierre Encrevé et à Bernard Cerquiglini comment se portait la langue de France. À quoi ils ont tout de suite répondu que le français n'était pas seulement la langue de France. Le ton était donné mais la bonne humeur ne les quitta point, jusqu'à la fin, malgré les accusations, déboutées l'une après l'autre, du pessimiste de service, qui sait admirer sans jamais être convaincu. Fienkielkraut a même essayé une sorte de compliment à la langue de Sarkozy ! Savoureux...
Il y a aussi un moment où la qualité de savoir recevoir s'inverse. C'est quand, à des résultats probants et des analyses claires de la part de personnes reconnues, on reste, s'étant d'abord présenté comme amateur, imperméable à tout, continuant à défendre des idées fixes sans rien accepter de celles des autres, tout en leur faisant des compliments. Est-ce se montrer homme du monde ? Est-ce être grand seigneur ? Non, cela s'appelle l'hypocrisie.

Commentaires

1. Le lundi 16 juillet 2007 à 09:24, par brigetoun :

ou laisser apparaître sous le prétendu amateur l'idéologue en voie d'ossification. Il faut absolument que je trouve un moment pour les écouter.

2. Le lundi 16 juillet 2007 à 11:47, par Caroline :

L'émision de samedi dernier est un bijou dans le genre "Finkie fait tout pour de se rendre détestable". Ce matin (lundi, ici), invité d'Ali Badou, toujours dans le même rôle, il fut grandiose. Je reconnais que c'est quelqu'un que j'écoute volontiers car c'est toujours l'occasion pour moi d'invectiver le poste de radio tellement il m'énerve ! C'est de la radio interactive, sauf que je ne crois pas être écoutée.

3. Le lundi 16 juillet 2007 à 13:11, par Laure L :

Je suis très heureuse que tu parles de Bahia (que j'adore !)
Merci pour les liens vidéo.
Autre vieille chanson, superbe, Le Maudit, mais je n'ai trouvé qu'une vidéo assez récente (donc pas la meilleure période, je te l'accorde) : www.dailymotion.com/relev...

4. Le lundi 16 juillet 2007 à 14:37, par christine :

tu mets le doigt avec ta citation sur quelque chose que j'ai jadis essayé (sans y parvenir vraiment) de décrire en écrivant sur l'imbrication des lectures "studieuse" et "poignante" à propos de Claude Simon : la manière très singulière dont son écriture mêle l'extrême modernité formaliste et l'émotion profonde du lieu commun de l'humaine condition souffrante, appellant à la fois chez son lecteur distance et empathie ... et depuis l'épochè dure (!) et je suis quelque peu perplexe devant l'inflation critique

sinon, très bien ton article dans "Glottopol" : pour le prendre par le petit bout de la lorgnette, j'ai enfin compris que les frites du Saint-Martin n'étaient pas une bombe à cholestérol comme je le pensais naïvement, mais un "élément intra-diégétique (qui) prend une valeur incitative, performative, au point que certains lecteurs en font un élément extra-diégétique", ce qui est tout de même beaucoup plus chic !

5. Le lundi 16 juillet 2007 à 21:04, par brigetoun :

oh merci à vous pour ce rire matinal. Bon je prends la journée.
Caroline, écouter Répliques comme France inter le matin c'est excellent pour le teint

6. Le mardi 17 juillet 2007 à 02:58, par patapon :

Non, il n’y a pas d’ “hypocrisie” (simplement ce que Platon – relisons-le- appelle “asteia”, et que nous traduisons par “urbanité”). Des contradictions, certes, mais dans le respect mutuel, et alors… ? C’est vrai, les discours de Sarkozy (p.e. en partie écrits par Guaino, dont la solidité et la culture sont indiscutables, qu’on l’aime ou non) tranchent sur la grisaille ambiante et le discours nunuche de la bien-pensance. Il est vrai aussi que vouloir abolir l’éloquence politique pour lui substituer la causerie familière ou gouailleuse (Ségo excellait là-dedans), c’est oublier Jaurès (qui se réclamait de Michelet et de Plutarque) ou Blum (qui n’hésitait pas à citer Mallarmé)…Cela dit, j’aurais aimé voir aborder d’autres problèmes: celui en particulier de la “langue” des banlieues, qui n’est pas pour moi une langue à part entière, puisqu’elle se cantonne à un seul registre de communication, celui de la revendication agressive (demande-toi comment traduire le Discours de la Méthode dans cet idiome-là..). Bonne émission en tout cas, et j’aime beaucoup Cerquiglini (avec qui j’ai dîné le mois dernier) tout comme Finkielkraut - et son “chagrin philosophe”, comme dit l’autre...

7. Le mardi 17 juillet 2007 à 04:38, par Dom :

Avec le critère du Discours de la méthode, la plupart des "idiomes" n'accèdent pas au statut de "langues à part entière". Pente savonneuse ?
Comme l'a très bien caractérisé un des deux intervenants, la "langue des banlieues" est un sociolecte générationnel. Ce n'est jamais la seule langue que ses locuteurs connaissent, pratiquent et comprennent. Y recourir avec à-propos mobilise une bonne dose d'intelligence pratique. Elle ne se cantonne nullement au seul registre de la revendication, agressive ou pas. J'entends régulièrement autour de moi des conversations entières qui sont tenues dans cet "idiome" et abordent tous les types de sujets, même si le fait de l'employer n'est sans doute jamais exempt de toute provocation (il s'agissait souvent de conversations entendues, mais à peine comprises, dans les transports en commun, et avec une intensité sonore telle qu'on comprenait vite que la virtuosité linguistique était revendiquée pour elle-même). Il y a d'excellentes raisons pour lesquelles elle peut intéresser les linguistes; personne, et surtout pas les plus habiles de ses usagers, n'a jamais revendiqué qu'elle soit objet d'enseignement, de normalisation, de grammaticalisation. Mais rien n'empêche de l'employer à des fins esthétiques, comme tout argot, jargon, variante, voire même comme toute tentative de transcrire littérairement la langue orale.
À noter que l'hypercorrection puriste a encore frappé lors de l'émission, AF a prononcé joug en faisant sonner le g final, prononciation de lettré parfaitement étrangère au génie de notre si belle langue à part entière. À chacun ses Jislaine.

8. Le mardi 17 juillet 2007 à 08:14, par sans :

... et "cong", ça se dit chez les lettrés?

9. Le mardi 17 juillet 2007 à 14:10, par Dom :

Pas attesté, non.

10. Le mardi 17 juillet 2007 à 14:57, par Berlol :

Urbanité n'est ni estime réciproque ni connivence compréhensive, elle est la charité dans le discours. Quant à Platon, il n'avait ni radio ni adresse e-mail. Arrêtons de croire qu'on peut gagner des points dans la parole en sortant son Platon, son Descartes, son Kant, son Heidegger...

11. Le mardi 17 juillet 2007 à 15:35, par patapon :

L'urbanité n’est pas la charité (notion chrétienne): elle signifie estime de l’autre et respect de sa dignité, et n’exclut nullement la controverse - bien au contraire elle la rend possible. Que Platon n’ait pas eu accès à la Toile ne change rien aux données du problème : comment apporter la contradiction à l’autre sans que cela débouche sur l’invective.

12. Le mardi 17 juillet 2007 à 16:16, par Berlol :

Je comprends ce que tu veux dire et je suis d'accord, en principe. Mais dans le cas qui nous occupe, cela ne fonctionne pas aussi clairement et bonnement que tu veux bien le dire. Pour ma part, j'ai entendu, et j'ai l'impression de n'être pas le seul, quelqu'un qui a son émission, son pignon sur opinion, qui a reçu deux linguistes, qui a dialogué avec eux pendant près d'une heure, et qui a répété de temps en temps, en substance, que ce qu'ils disaient était très intéressant mais que ça n'allait pas le faire dévier, lui, d'un pouce de ce qu'il pensait, des analyses qu'il avait déjà faites, répétées partout, mises en boîte et vendues, et qu'à la fin, quand il les a remerciés, c'était un peu avec la condescendance de celui qui sourit en disant "Nice Try", c'est gentil d'avoir essayé, très intéressant, mais dès le début, vous n'aviez aucune chance de m'infléchir, c'était juste pour montrer que vous étiez autorisés à parler, et que ça n'a aucune incidence sur moi et ceux qui me suivent...
Tu me diras que c'est l'abus de Pour un oui ou pour un non... Et tu auras raison, parce que là, chez Sarraute, on va un peu au fond des choses. Un peu...



Mardi 17 juillet 2007. De passage ne ramasse pas cette daube.

Je m'inscris tout de suite, avant de revenir sur ma journée, parmi les cinq personnes intéressées pour aller Vers un Internet de littérature, de François Bon. Dans ce JLR, depuis bientôt quatre ans, j'ai maintes fois accusé éditeurs, libraires, distributeurs, voire auteurs d'être de dangereux aveugles — ou de prendre sciemment le risque de noyer la littérature avec l'eau du livre. Des échoppes aux ministères, on crie haro sur le Net, et on continue joyeusement la gabegie du réseau de distribution physique (de gros intérêts en jeu). Aussi me sens-je moins seul de lire quelqu'un qui postule la possibilité de chemins séparés entre créateurs de littérature, d'un côté, et chaîne du livre, de l'autre. Alea jacta est.

Tour des blogs, au matin. Trous d'air avec la pelle du large. Dans le courrier, une alerte Google disposée il y a plus d'un an sur l'expression Nouveau Roman, qui produit deux ou trois messages par semaine. Ça vient cette fois de Wikipédia, où je n'avais pas encore eu la curiosité de voir ce qu'on en dit, il est vrai. C'est indigent, monstrueux. Ça commence par : « Le Nouveau roman littéraire fut créé en 1950.» J'en reste sidéré. Une version précédente, archivée, proposait même 1885 ! (Je ne suis pas remonté plus loin...) Moi qui voulais monter au bureau tôt, là, il y a urgence. Comme j'ai déjà un profil pour contribuer, je m'identifie et vais modifier tout de suite cet intitulé. Ce que je mets n'est pas parfait, juste un radeau de fortune, pour qu'un surfeur de passage ne ramasse pas cette daube, en attendant de voir si on peut faire mieux. Et puis dans l'après-midi, je vire quelques noms de jeunes auteurs du XXIe siècle, semble-t-il, qui avaient été mis avec le groupe historique (des années 50-70), comme si l'expression n'avait pas de majuscules, que tout le monde pouvait s'y inscrire avec son nouveau roman (problème du titre, en effet). Bref, voici la version actuelle, qui tient un peu mieux la route.
Et si les nouveaux romans, c'est ça, alors même l'Internet de littérature sera pourri ! (Je ne comprends même pas que La Feuille s'en fasse l'écho.)

Dernier mardi de cours (du semestre) — enfin !
Quand on sort, il pleut. Je donne mon parapluie à deux étudiantes qui n'en ont pas et qui vont jusqu'au métro (il reviendra).

Vinteix m'écrit sur Jean-Louis Murat, pour me faire voir son coup de gueule, enfin quelqu'un qui dénonce quelque chose, et comment c'est récupéré (à côté de Murat agité, on peut voir Catherine Angot et Élisabeth Guigou). Ce que Vinteix ne sait pas, de ce genre de coïncidences qui favorise l'amitié, c'est que depuis quelques jours, j'ai réécouté trois disques de Murat (je les ai presque tous, depuis le début, même les derniers, achetés alors que je n'écoutais plus de musique, preuve de confiance s'il en est), et suis très content de pouvoir réentendre l'épaisseur de sa voix, les travaux rustiques et sonores autour du silence.

Pas comme la coïncidence d'hier. Moi qui ne suis d'habitude jamais là le lundi, j'y étais quand est passé un collecteur NHK, qui voulait percevoir la redevance télé, avec son appareil électronique autour du cou. Oui, ça existe aussi ici, cette arnaque. J'ai dit que je ne regardais pas la télé, lui ai fermé la porte au nez. J'ai toujours mieux à faire que la télé.

« En adoptant le pseudonyme d'Anna Moï, j'usurpai une nouvelle identité qui me rendit doublement libre, presque hérétique : moï signifie sauvage — bon sauvage ou mauvais sauvage selon les cas. Aujourd'hui, le mot est politiquement incorrect et il est remplacé par la locution « minorité ethnique ». Au Vietnam, l'origine ethnique est précisée sur les CV et les pièces d'identité. Nationalité : vietnamienne. Ethnie : Kinh (terme vernaculaire pour l'ethnie viet).
Je revendique, de moï, la qualité ou la tare, les défauts de couleur de peau et d'appartenance. Je suis consanguine des sauvages et des étrangers sur touts les sols piétinés et n'échangerais ma condition contre aucune autre.
De mon enfance, je conserve le souvenir ébloui de deux étés sur les hauts plateaux du Vietnam, où la terre rouge était cultivée par des moï Jaraï et Xedang. Je bus leur miel et mangeai leurs patates douces grillées sur un feu de bois. Je suis reconnaissante.
An signifie « tranquillité ». Nam, « sud » ; an-nam-moï, « tranquillité-sud-sauvage » ; anna moï : anna sauvage. Anne, de l'hébreu Hannah, ou la grâce.» (Anna Moï, Espéranto, désespéranto, p. 43-44)

Commentaires

1. Le mardi 17 juillet 2007 à 15:46, par sans :

Je n'aurais plus internet là où je vais.
Même si le propriétaire des lieux est du genre nombriliste (placer 5 liens perso aux premières places dans les liens conseillés, faut le faire...) je le remercie pour les textes qu'il m'a fait connaître, non par des explications de texte, mais par des extraits choisis.
Merci



Mercredi 18 juillet 2007. La tête dans les failles terrestres.

Pfffuuuuu ! C'est la dernière semaine de cours ! L'avant-dernier jour ! On en a marre, et les étudiants aussi. On fait des dictées de numéros de téléphone, et puis des jeux à base d'étymologie et de morphologie. Ça les intéresse mais ce qui les intéresse le plus, c'est de savoir si ça sera dans l'examen...

Après une brève réunion, je vais en vélo à la poste d'arrondissement pour chercher un recommandé. De nouvelles cartes de crédit ! Alors que celles que nous avons ne sont pas périmées... Ah ! C'est la banque qui est périmée ! Elle a fusionné, changé de nom, modifié ses règles de fonctionnement, et donc changé toutes ses cartes...  aux frais des clients, je suppose.
Pendant qu'on parle du Japon, allons-y.  L'une des plus grandes centrales nucléaires du monde, sinon la plus grande, est donc fermée, tout le monde a dû l'entendre, ça a été dit partout. De même que tous les incidents qui ont été cachés depuis des décennies commencent à être révélés. Le premier ministre fait les gros yeux. Apparemment, les calculs effectués avant la construction de la centrale n'avaient pas permis de savoir qu'une faille sismique passait par là...
Aujourd'hui, encore, on apprend que les grandes tours de Tokyo ne résistent pas si bien que ça aux ondes lentes, dites aussi ondes silencieuses, découvertes et étudiées depuis peu. Dans la tour de Roppongi, où vivent les nouveaux parvenus, des ascenseurs n'ont pas été arrêtés par un système anti-sismique mais parce qu'ils se sont mis en travers et ont buté contre les murs.
Je me ressasse tout cela en pédalant et m'aperçois que j'ai tout de même plus de chances de mourir renversé par un chauffard, surtout si j'ai la tête dans les failles terrestres...

Beigbeder ne m'intéresse pas plus que Houellebecq, qu'il admire par ailleurs. J'apprécie parfois son attitude. Son snobisme, surjoué, me rappelle quand même la chanson de Boris Vian... Mais il ne lui arrive pas à la cheville. D'ailleurs, c'est plus un parasite du monde littéraire qu'un grand auteur, en fait.

Thomas Clément : « Justement, y'a un truc que je comprends pas, c'est que, heu, donc, ton nouveau roman Au secours pardon vient de sortir et t'as refusé toutes les télés, quasiment, et t'as accepté tout naturellement de venir chez moi alors qu'on se connaît à peine...
Frédéric Beigbeder : — Eh ben, heu, c'est très simple, c'est du snobisme.
TC : — Alors que ton attachée de presse était même pas chaude, hein, pour être très franc avec toi.
FB : — C'est du snobisme. C'est parce que je suis incorrigiblement snob et que je préfère être interviewé ici par toi que par tous les autres animateurs de télé qui m'ont proposé gentiment mais... je crois que ça sert à rien, en fait. Aujourd'hui, je crois que pour un écrivain d'aller vendre son livre à la télévision, c'est parfaitement inutile. Et dans mon cas, c'est même agaçant. Donc, je préfère pas.
TC : — C'est risqué quand même de baser toute ta promo sur un tomcast !
FB : — Eh ben, j'ai peut-être tort, mais je pense que le but d'un écrivain n'est pas de se vendre. Et que même l'expression "en promo" est assez ignoble. Et moi je trouve que je suis pas en promo...
TC : — Et t'as vu mon tomcast avec Jean d'Ormesson ?
FB : — Très bien...
TC : — Il avait une belle phrase à ce sujet.
FB : — Je me souviens pas mais...
TC : — Si, c'était : un livre qui passe à la télé est un livre déformé et un livre qui ne passe pas à la télé est un livre perdu.
FB : — Eh bah alors dans ce cas je préfère être perdu que déformé. Je crois que c'est clair. Nous ne sommes pas à vendre. Je ne suis pas un vendeur d'aspirateurs. J'ai écrit un livre. Ça m'a pris du temps. Que les gens le lisent ou non, m'est presque égal, à vrai dire. C'est affreux, hein. Le travail de l'éditeur, c'est de vendre, mais le travail de l'auteur, c'est juste d'écrire. C'est pas d'aller vendre, d'aller supplier à genoux, par pitié, lisez mon livre, lisez mon livre. J'crois pas. Je crois que d'ailleurs, ça, dans le cas de gens qui ont un peu de notoriété, c'est même contre productif, parce qu'on a l'impression que le type a dû écrire un truc très mauvais, s'il est en train de supplier dans toutes les émissions qu'on l'achète. C'est bien la preuve que c'est nul. Pour moi, c'est ça. D'ailleurs, mon bouquin, bah, i marche quand même, sans télés.» (Beigbeder, interviewé dans une baignoire par un blogueur...)

Commentaires

1. Le mercredi 18 juillet 2007 à 21:16, par brigetoun :

quand on oublie que le dandysme n'est supportable et parfois délectable que s'il y a de l'intelligence, et si possible une vision, derrière

2. Le jeudi 19 juillet 2007 à 03:33, par Berlol :

Oui, c'est pour ça que je dis qu'il est surjoué, son snobisme...



Jeudi 19 juillet 2007. Contretemps d'auteurs du XXIe siècle.

Ai repéré plusieurs personnes qui, ayant publié un nouveau roman dans l'année, ou la précédente, s'étaient inscrites tout naturellement dans la page Nouveau Roman de Wikipédia. Il faut passer un peu de temps dans l'historique de la page pour s'en rendre compte, mais encore hier un certain Johann Vergez, auteur de deux romans en 2006 et sans doute... de sa propre page Wikipédia, en sus de son site — une stratégie de promotion comme une autre dans un champ social en profonde mutation, on le sait. Je ne critique pas les qualités littéraires de cet auteur, que je n'ai pas lu (et qui va sûrement arriver ici en remontant le flot de ses stats), mais je lui dénie toute possibilité, capacité de faire partie du Nouveau Roman. Comme du Romantisme ou de la Pléiade, d'ailleurs.
À ce propos, je trouve que la convention (typographique ?) de nommer les mouvements littéraires sans majuscules aux initiales est une stupidité. Je ne sais pas à qui elle remonte. On parle bien de la Troisième République ou de la Quatrième, avec majuscules, mais on ravale l'impressionnisme ou l'existentialisme, qui ont cependant un égal statut de noms propres dans la culture française. Notez d'ailleurs que la Pléiade a eu droit à sa majuscule (bien avant de devenir une collection chez Gallimard) ; j'attends la cartésienne explication. Il faudrait peut-être que, comme en 1997 — dix ans, déjà —, j'aille poser la question sur une liste de typo (Cf. feu Jean-Pierre Lacroux, Orthotypographie,  vol. I, Cf. Berlol).
Hier toujours, un responsable (administrateur Wikipédia), dûment questionné, refuse donc de renommer la page nouveau roman en Nouveau Roman, pour raison de convention typographique alors que les majuscules du NR se sont imposées dans la plupart des publications depuis 30 ans — et qu'elles permettraient peut-être d'éviter les inscriptions à contretemps d'auteurs du XXIe siècle...

« L'adéquation entre le conceptuel et l'instinct.» C'est ainsi que Coco, ou Rosie, définit le travail de Coco Rosie dans les 14 premières minutes de l'émission Décibels du 10 mai, émission que j'avais manquée tout comme j'avais manqué sa première diffusion en novembre 2005. La suite, au sujet de George Sand et Frédéric Chopin, avec Marie-Paule Rambeau, est aussi très intéressante.

À part ça, je suis heureux d'écrire que j'ai bien fait mes trois derniers cours du semestre. Déstressé les étudiants de 1ère année en vue des examens, et mis la pression sur ceux de 3e et 4e année pour la préparation de leur rapport ou mémoire. Deux poids deux mesures qui tiennent à la fois au niveau de français et au degré d'implication dans la réalisation de quelque chose de concret.

Après, j'ai lu Mérimée, pris quelques notes. Peut-être pas les plus fortes dans mon processus de préparation. Va falloir que je m'implique un peu plus, moi aussi, vers quelque chose de concret. Dans quoi j'ai moi-même mis le doigt et qui devrait déjà m'avoir happé tout entier...
En dînant, je regarde un C dans l'air, sur Ségolène Royal. Christian Barbier décrit, je crois, très bien la situation, avec une grande perspicacité. Mais, bon, pas mémorable. En fait, je m'ennuie un peu, dans ces émissions. Ce soir ou Jamais me manque.

Commentaires

1. Le vendredi 20 juillet 2007 à 01:42, par Alain :

Bonjour,
Il se trouve que je me suis chargé de l'édition d'Orthotypographie, que vous citez (mais c'est le volume II qui est concerné, je crois).... Mon explication (pas celle de Jean-Pierre Lacroux, que je trouve vaseuse et que j'ai eu du mal à « émender » un peu) sur les capitales ou bas de casse aux noms des mouvements (littéraires, artistiques, politiques...) est la suivante :
On met une cap initiale aux noms de mouvements dont l'appellation est un nom propre : Dada, les Fauves, etc., pour éviter une possible confusion avec « à dada sur mon cheval, mon cheval est un vrai fauve... ».
On n'en met donc pas aux mouvements en -isme, puisqu'on ne saurait les confondre avec autre chose. A contrario on met une cap dès que la confusion est possible, donc on écrit *Nouveau roman* avec une cap, *Figuration libre* avec une cap, etc. : vous avez raison et Wikipedia a tort (ce ne sera pas la première fois !)
À part ça, les PDF du Lacroux sont également disponibles sur mon site Web - je ne suis pas certain de la pérénité du site de la part de l'ange... - et je suis en train de passer tout le texte en HTML, pour en faciliter l'accès : les lettres A et B sont faites, la lettre C est en train : ça prendra le temps que ça prendra !
Peut-être à plus tard (je ne passe pas souvent ici, donc réponse et discussion éventuelle par mail privé, merci d'avance).
Très cordialement
Alain

2. Le vendredi 20 juillet 2007 à 01:43, par Alain :

Oups : erreur d'URl de mon site Web ! Aller (éventuellement) à www.alain.les-hurtig.org (avec les WWW).

3. Le vendredi 20 juillet 2007 à 03:33, par Berlol :

Merci, Alain. Pour les précisions de convention et pour l'adresse pérenne d'Orthotypographie.
J'aurais préféré que vous me disiez *Nouveau Roman* plutôt que *Nouveau roman*, vu que "roman" est un nom, mais on ne peut pas tout avoir... Ceci dit, pour mon usage personnel et dans mes travaux, je continuerai, indécrottablement, à écrire Nouveau Roman.

4. Le samedi 21 juillet 2007 à 04:53, par Charlotte :

Vous avez doublement raison, Berlol, on écrit "le Nouveau Roman" tout comme "la Nouvelle Vague" dont Wikipédia respecte certainement la typographie.

5. Le samedi 21 juillet 2007 à 05:46, par Berlol :

Merci, Charlotte ! J'ai vérifié et en effet La Nouvelle Vague a ses deux majuscules. Chose amusante, l'expression "Nouveau Roman" a été proposée le 22 mai 1957 par Émile Henriot, dans Le Monde, tandis que "Nouvelle Vague" est de Françoise Giroud, dans L'Express du 3 octobre, la même année.

6. Le dimanche 22 juillet 2007 à 23:44, par Alain :

L'abus des capitales nuit : dans « Nouveau Roman », on en a à l'évidence une de trop.



Vendredi 20 juillet 2007. Je m'enfuis presque du sport.

« En colorant un texte, on veille à la limpidité et on fait attention, identiquement, au dosage des nuances et des tons, du brillant et de la matité.
Mais la véritable parenté entre l'art de la laque et celui du langage est dans la préparation du fond et la superposition des couches. Quand je regarde un artiste étaler sa première couche de laque avec un pinceau en cheveux humains, j'ai une impression de déjà vu, même si je n'ai jamais écrit au pinceau. Quand il ponce la laque séchée au papier émeri extra-fin et ensuite à l'os de seiche, j'ai le sentiment d'avoir accompli les mêmes gestes de polissage. Quand je le vois traquer une poussière ou un cheveu perdu au milieu du tableau, je me vois gommer, raturer, apurer.
Les strates de ma langue invisible sont multiples. On décomptera : les langues que je connais, les cultures qui ont dessiné le paysage de ma vie, les aléas de mon destin. Des couches légères et d'autres plus pesantes que je mis des années à décaper et à polir.
Ultimement, quand la surface est parfaitement lisse, elle reçoit les couches de laque décoratives, les plus délicates et les plus belles. L'ultime opération de ponçage s'effectue avec une poudre végétale rouge extrêmement fine appelée
bôt chu, qu'on étale avec la paume de la main.
Les couches de laque superposées, transparentes, sont invisibles une fois l'œuvre terminée. Elles sont imperceptibles à l'œil, qui distingue seulement de la profondeur
(Anna Moï, Espéranto Désespéranto, p. 48-49)

C'était ce que je voulais recopier hier...
La fin du livre d'Anna Moï m'a moins convaincu de sa nécessité. Des idées fortes et que je partage en partie sur la francophonie, notamment sur l'hypocrisie des Français dans ce jeu collectif, mais pas correctement cousues entre elles, débouchant sur des impasses discursives, pas spécialement poétiques.

En selle statique, ce matin, je lisais Catherine Malabou. Encore, oui, toujours pas fini, c'est que la philo et moi, ça fait deux...
Cependant, les idées rentrent et agissent tout de suite. Je ne suis pas sûr de les comprendre tout à fait, tant il me manque de contexte, mais elles déclenchent un mécanisme dans mon cerveau au sujet de tout autre chose. Lisant donc sur la plasticité des concepts, quelque part entre Hegel et Heidegger, j'ai d'un seul coup le cerveau qui se met en marche au sujet de Mérimée (il y aura une Colomba, lundi, sur TV5 Monde). J'entrevois quelque chose, une piste à explorer, une relation à un autre voyageur, amateur d'art, un peu plus ancien, lui aussi prestigieux et innovateur. Je ne dis pas qui, secret défense. Je finis mes exercices gymnastiques par cent abdominaux mais je m'enfuis presque du sport pour coucher ça sur du papier-écran...
Depuis, je lis. Au bureau. Dans le train.

Sauf le temps du déjeuner, avec David, un collègue japonais et Maxime, un étudiant français entré cette année dans notre faculté d'économie (phénomène rarissime car il faut d'une part maîtriser le japonais et d'autre part avoir choisi de ne pas finir ses études en France). Au Downey, on retrouve trois de nos étudiantes... qui devraient être en train de réviser.

Après, c'est bon, l'idée est bien posée, je peux passer une soirée tranquille avec T. retrouvée. Elle a fini ses examens, doit noter ses copies, a fait beaucoup de piscine, est en pleine forme.

Commentaires

1. Le vendredi 20 juillet 2007 à 20:34, par brigetoun :

si toute écriture était aussi exigeante que la sienne. Mais aussi si tout ce qui passe pour de la laque était le résultat de ce travail.



Samedi 21 juillet 2007. Les petit cris de leurs têtes coupées.

Par une autre alerte Google / Nouveau Roman, découverte d'une exposition Project for a Revolution in New York, à la Matthew Marks Gallery... de New York (si quelqu'un y va, c'est jusqu'au 17 août). Catherine et Alain Robbe-Grillet sont évidemment à l'honneur et à l'affiche.

C'est toujours pas la grande chaleur. Normalement la mi-juillet sonne le glas des courants d'air à l'ancienne, la chaleur devient trop accablante, nuits comprises, et fermer tout pour climatiser s'impose. Donc on est en train de faire des économies. Ce qui tombe plutôt bien, vu que la centrale nucléaire qui alimente en partie Tokyo en électricité est fermée, et sans doute pas que pour huit jours. Et comme les travaux de construction d'à côté sont terminés, le bâtiment a dû être officiellement livré la semaine dernière, on peut laisser tout ouvert, mettre des katorisenko (sorte d'encens anti-moustique, on en a trouvé un petit assortiment à emporter en Corse).
Matinée rangement et courrier, réservation de voiture Avis pour le mois prochain (12 % moins cher si paiement en ligne). Puis on va déjeuner au Saint-Martin, T. et moi. Elle prend du poulet sauce moutarde et moi, gigot d'agneau frites. Le chef a fait des petits cannelés tout à fait délicieux pour accompagner le café.
Après la sieste, pendant que T. continue le réaménagement complet des plantes sur le balcon, je vais en vélo faire des courses au centre commercial Laqua de Korakuen, à deux kilomètres. Mes trois tickets de caisse en font foi, clin d'œil à un journal intime dont je m'étais servi en novembre dernier...
Ça se lit de droite à gauche, horaires consignés. Chaussettes et boxer shorts, chez Eddie Bauer, dernier disque des Chemical Brothers chez Shinseido, courses alimentaires au Seijo Ishii (vin, pain, camembert, parmesan, cheddar, saucisson, jambon de Parme, aspic de dinde, thé Eden Rose de Betjeman & Barton, trois tablettes de chocolat au lait — et je peux déjà dire ce soir que le Villars est meilleur que le Lindt).

Tout ça bien calé dans mon panier de vélo, je rentre tranquillou, range dans le frigo, sauf le camembert, et vais rejoindre T. sur le balcon.

Comme j'ai été absent pendant une dizaine de jours, je n'ai pas vu les lys. Il n'en reste qu'une fleur, que T. a coupée dans la semaine pour la mettre dans un vase. Elle est encore belle.
Mais c'est surtout le citronnier que je suis heureux de voir. Une bonne quinzaine de fleurs a éclos et déjà les minuscules protubérances des citrons futurs arrivent derrière les fleurs, visibles dès que les pétales séchés tombent. Après consultation de la littérature spécialisée, il appert que nous n'avons pas assez de feuilles sur les branches pour garder tous ces fruits. Je propose de ne garder qu'un fruit par branche maîtresse. Adoptée à l'unanimité des deux votants, la motion est immédiatement mise à exécution et je coupe tous les citronniaux.
T. simule les petit cris de leurs têtes coupées...

Commentaires

1. Le samedi 21 juillet 2007 à 15:32, par christine :

tiens ... l' "élément intra-diégétique" est accompagné cette semaine de gigot d'agneau, métaphore de l'innocence sacrifiée que les petits cris des citronniaux aux têtes coupées file à merveille ... quel talent !

2. Le samedi 21 juillet 2007 à 15:53, par Berlol :

Quel talent... tu me prêtes ! Merci !

3. Le samedi 21 juillet 2007 à 21:56, par Manu :

Alors Berlol, tu t'y mets quand au MP3 ? "We are the night" acheté à 10 euros sur Virgin. Encodé à 320Kbps (à partir du master en plus j'imagine/j'espère), je crois que ça vaut la qualité CD (voir débat ici: fr.forums.audiofanzine.co... Toi qui as épuré ton installation hi-fi, voilà de quoi te débarasser aussi du lecteur CD ! Evidemment, il manque le livret... (à ce propos, au lieu d'une simple pochette en jpg, je trouve qu'ils devraient le joindre sous forme de pdf par exemple). A+

4. Le dimanche 22 juillet 2007 à 00:21, par brigetoun :

ça donne quoi le cri d'une tête de citron coupée ?
Nous aussi ce n'est pas la grande chaleur (33 les meilleurs jours) et j'en venais cette nuit à regretter presque les 28 degrés nocturnes de l'été dernier




Dimanche 22 juillet 2007. Contre l'eau pour avancer.

Pas toujours évident de choisir un dévédé...

Romain Goupil : « On a été élevé en classe, dans des lycées, dans des lycées non mixtes, sur une structuration verticale, c'est-à-dire [qu']on doit obéir. Obéir avec des notes, de 1 à 20, avec des classements, avec "passer en classe supérieure", on est formaté comme enfant depuis tout môme pour obéir, pour cette obéissance. Et là, tout d'un coup, autour d'une crise, parce qu'il y avait des milliers et des milliers de mômes dans la rue, ils disent "bah, on peut peut-être — ensemble — discuter", c'est-à-dire un fonctionnement horizontal. Et là, c'est parti d'une crise, mais 68 est le départ d'un truc qui existe encore maintenant, de remettre en cause. Et c'est pour ça qu'il y a eu le Discours de Bercy, et c'est pour ça qu'il y a eu les prises de position contre 68 : on ne tolère pas, ou toute une partie de l'appareil d'État, du gouvernement, des structures de force ne tolèrent pas que les individus puissent, à l'image de ce qui s'est passé en 68, s'exprimer par eux-mêmes, critiquer, avoir qu'une voix vaille une voix, et qu'on n'a pas besoin de représentants, de types qui soient nos chefs, nos petits chefs, nos représentants et après qui ne rendent plus de compte pendant cinq ans, dix ans ou quinze ans. Donc, il y a quelque chose autour de 68 qui, bien sûr, n'est pas encore entièrement abouti. Il se trompe complètement sur son Discours de Bercy. Non seulement la critique de 68 est absurde, et c'est un retour en arrière, quand il dit il faut tourner la page de 68...
Frédéric Mitterrand : — Mais qui, il ?... (rires)
Romain Goupil : — Je pense à Sarkozy qui pendant vingt minutes va intervenir sur la critique de 68, sur les valeurs d'obéissance, d'ordre, de travail, qu'on a remis en cause toutes les valeurs... Mais ce qu'il ne comprend pas, c'est qu'on ne les a pas encore remises suffisamment en cause. Il y a quelque chose au niveau de ce qui se passe, en général, qui est une fracture complète entre tout ce qui a été les années précédentes sur l'obéissance et la verticalité, et maintenant un fonctionnement tout d'un coup horizontal où on aurait peut-être les moyens de prendre notre vie en compte un par un ou en tenant compte de la vie des autres, quelque chose qui, effectivement, va tout à fait contre le fonctionnement classique et habituel qui leur vaut places, honneurs et puissance. C'est absurde, ce fonctionnement, c'est ce qui a été remis en cause en 68, contre nous-mêmes, contre les organisations gauchistes et les petits chefs et les leaders, que j'étais, bien sûr. Mais il y a quelque chose dans 68 qui, encore heureusement, est toujours présent dans la société française et c'est pas d'un petit discours qu'ils vont balayer ça, j'espère, en tout cas.»

Romain Goupil : « J'ai bossé longtemps avec lui. Il est fou et tu pourrais trouver trois phrases plus loin ou dans un autre extrait le contraire de ce qu'il vient d'affirmer...
Frédéric Mitterrand : — Il cherche tout le temps, en fait...
Romain Goupil : — Il cherche et il ne veut pas trouver. Sauf qu'avec l'image et dans son travail, par des fulgurances incroyables, il trouve pour tout le monde, ou il trouve pour nous, il a trouvé à travers ses films, il a trouvé dans des..., au niveau du montage, des fulgurances, même d'images ou d''associations d'images, dans Soigne ta droite, dans Forever, dans plein de films qu'on n'aime pas dans leur totalité. Mais il a un fonctionnement tout à fait poétique, donc faut pas l'écouter...
Frédéric Mitterrand : — Politique ou poétique ?
Romain Goupil : — Poétique, poétique ! Sur la politique, non. Sur la politique, c'est absolument affligeant et tout à fait contradictoire. Et sur les discours, c'est tout à fait affligeant que les gens prennent à la lettre ce qu'il explique, sur une citation, alors que la citation suivante va être exactement le contraire, ou même que dans les films, il va se contredire lui-même, bien entendu. Et c'est ça, où le personnage est magnifique. Mais le prendre comme maître à penser, comme boussole ou comme petit guide rouge de la Nouvelle Vague est absurde. Quand vous voyez, Tout va bien est une sombre merde grave dans l'histoire du cinéma [...]
Frédéric Mitterrand : — Vous êtes fâchés ?
Romain Goupil : — Non. Disons qu'on s'est séparés à la suite de son non-engagement sur Sarajevo. À un moment donné, c'est bien beau de donner des conseils, de dire à tout le monde ce qu'il faut faire. Quand se passe une situation qu'était celle d'urgence absolue, d'une ville assiégée, comme l'était Sarajevo en 1993. Ils demandaient, ils exigeaient, enfin exigeaient..., ils demandaient qu'il soit solidaire et qu'il soit présent à Sarajevo. Il n'y a pas été, ça été le jour où, de cette décision-là, tous ses discours m'ont semblé vains et sans grand intérêt. En me disant, "bah, c'est bien la peine de faire des leçons sur le comportement des uns et des autres pendant la Seconde Guerre Mondiale", si au moment où un des sièges les plus épouvantables, les plus effroyables, et qui allait annoncer d'autres choses terrifiantes dans nos histoires tout à fait contemporaines, qui vont être Kigali, ça ne sert à rien de donner des conseils, ça ne sert à rien de faire des discours si à un moment donné on n'est pas capable de s'engager très précisément aux côtés de ceux qu'on veut défendre et qu'on prend comme prétexte des choses qu'on va renier ou annuler par sa propre pratique.»

Romain Goupil : « La façon dont il faut cogner un truc contre un autre pour créer de l'incertitude et de la pensée... Donc, ma pensée est tout à fait trotskyste. C'est dans Histoire de la Révolution russe, il donne cet exemple, il dit [que] si les gens, les hommes, à la préhistoire, ils n'avaient pas été paresseux, ils n'auraient jamais inventé la roue, et on aurait continué à pousser d'énormes... Donc, la paresse, c'est le moteur de l'Histoire. C'est-à-dire être paresseux et ne rien foutre, c'est ça qui crée l'avancée. Donc, je me revendique comme ex-trotskyste et comme trotskyste de toujours, le plus branleur et le plus paresseux, c'est ça qui va créer. Et non pas travailler plus, valeur travail au centre de la campagne, et tout ce que j'ai pu entendre comme sottises. Bien sûr que le travail est une abomination. La passion, la création, le fait d'avoir envie de faire des choses, même pas spécialement dans la création, je voulais pas dire la création, l'écriture, et tout, bien sûr que ça c'est des activités humaines, mais le travail, absurde et tout, on a lutté, à travers le marxisme, contre cette idée d'exploiter l'homme par l'homme pour le bénéfice de quelques-uns, je reste sur ce fonctionnement.»

Trois instants, donc, de l'émission Ça me dit, l'après-midi d'hier. Et toujours cette superbe gouaille, cette parole séduisante et — à mes oreilles — souvent juste de Romain Goupil. Et dire que je n'ai toujours pas retrouvé, ça doit faire trois ans maintenant, mon coffret de trois dévédés de ses films ! À qui l'avais-je donc prêté ? Je crois que je vais le racheter...
Écoutant cela, j'étais en train de constituer un corpus mériméen, de faire les liens pour relier tous les documents en vérifiant la bibliographie. Etc.

(Pour Sarkozy à Bercy, c'est par exemple ici.)

Dans l'après-midi, T. et moi allons au centre de sport. Elle y a un cours de natation. Pour moi un peu de vélo avec Rue des boutiques obscures, vraie joie de retrouver cette écriture fluide et imprécise de Modiano, puis à la piscine aussi, nager et marcher. Mais beaucoup de monde dans les lignes, et des crawleurs éclabousseurs, des qui croient que la force s'exerce verticalement contre l'eau pour avancer...
Puis un peu de terrasse au soleil (très voilé), sauna, bain chaud, bain froid, la totale, quoi.

On rentre pile pour que je puisse jouir de Furia à Bahia pour OSS 117 (Hunebelle, 1965) qui passe sur TV5 Monde. Jouir dans la parodie et le décalage, bien sûr. Demongeot n'est pas de mon goût. Où l'on trouve aussi en filigrane une critique de ces faux libérateurs de peuples, vrais tyrans en herbe. Goupil a eu aussi des mots très justes contre Che Guevara, d'ailleurs. Quelle stupidité, utile sans doute au capitalisme, que cette icône qu'on en a fait. Lire aussi le très beau Pura Vida, de Patrick Deville, sur William Walker.

Commentaires

1. Le lundi 23 juillet 2007 à 02:13, par brigetoun :

j'écoute sur mai 68 des stupidités sur France Inter. Remise en cause du travail ? non droit à l'intelligence (et à un revenu correct et moins de flicage pour les travailleurs).Seulement, nous étions idiots : ça a servi à débloquer la société française qui était sclérosée, bonne chose nous étouffions, mais ça a servi aussi et surtout aux entreprises
D'accord pour Goupil, mais là c'est Goasguen (fac de droit dure) et Mélenchon qui était lycéen et qui est bien gentil mais rigide.

2. Le lundi 23 juillet 2007 à 03:44, par Berlol :

Le coup de barre à droite des années suivantes (69-75) n'était pas obligatoire... N'est-ce pas ce genre de coup politique que Sarkozy est en train de refaire ? Et avec le large consentement de qui ?



Lundi 23 juillet 2007. S'imprégner de l'ambiance avant décollage.

On sent que la rentrée littéraire approche. Le fait qu'elle soit médiatiquement mondialisée (Cf. article de 2000, quelques surprises...) ne l'empêche pas d'être toujours aussi germanopratine, de prime abord, en tout cas, au vu de quelques blogs, sites d'éditeurs, etc. Ça pourrait commencer très bas, comme d'habitude chez Assouline, avec Mazarine Pingeot. Mais je n'irai pas dans ce sens et je ne finis même pas son billet. Heureusement pour moi, j'ai d'abord vu la rentrée par le haut, hier, quand je cherchais de nouveaux liens sur Patrick Deville, en voyant dans le toujours aussi catastrophique site du Seuil qu'il y aura un nouvel ouvrage d'Antoine Volodine (23 août), Songes de Mevlido. Ai copié le pdf du catalogue de rentrée, pour lecture des autres nouveautés, de toute façon, il n'y a que ça qui marche dans le site, que ce soit avec Firefox ou IE.
Ça ferait dans les 460 pages. Ici, quelqu'un dit l'avoir déjà lu. Quelques pages en sont reproduites dans la NRF de juin. L'auteur en lisait des bouts à Aix, début juillet. Deuxième dans la sélection de Technikart, entouré de Chevillard, Darrieussecq et Olivia Rosenthal, que du beau monde ! Si en plus la liste s'allonge, va falloir que je fasse tourner la planche à billets...

« Une guerre longue et généralisée, de tous contre tous, a ravagé le monde. Une nouvelle société s’est mise en place, qui peine à panser ses plaies et reproduit sans y croire les discours moraux de l’avant-guerre. La plus grande confusion idéologique règne, ce qui permet aux anciens génocideurs de s’accaparer le pouvoir politique.
Mevlido, policier dépressif, hanté par les images de sa femme que des enfants-soldats ont assassinée vingt ans plus tôt, est invité par sa hiérarchie à suivre un traitement psychiatrique. C’est un homme qui approche la cinquantaine. Il vit avec Maleeya Bayarlag, une faible d’esprit, dans un ghetto où se côtoient miséreux, réfugiés, drogués, malades mentaux et vieilles mendiantes qui entretiennent encore le mythe de la révolution mondiale et du Parti. À cette population se mêlent des chamanes coréennes ou « mudangs » qui dansent et chantent pour les morts, et aussi des oiseaux mutants dont la présence envahissante a donné un nom au ghetto : Poulailler Quatre. Jour et nuit à Poulailler Quatre résonnent les caquètements des volatiles, les chants sorciers et les slogans bolcheviques des mendiantes, prononcés dans une langue que nul ne peut à présent décrypter.
Rêves éveillés ? Mémoire d’une vie antérieure ? Naufrage dans la folie ? Mevlido se sent investi d’une mission dont pendant son sommeil une corneille géante vient régulièrement lui rappeler les exigences. Sous les pluies torrentielles et la chaleur, dans la nuit que peuplent oiseaux et araignées, il mène une enquête sur un attentat terroriste dont il a été à la fois témoin et complice. Autour de lui, que ce soit dans ses cauchemars ou dans la réalité, toutes les femmes qu’il aime disparaissent. Et justement, une des victimes de l’attentat ressemble à Verena Becker, dont il n’a jamais fait le deuil. Cette ressemblance l’accable.
Au cours d’une nuit terrifiante, Mevlido s’affronte à un ennemi personnel, un vautour semi-humain. Le combat dégénère et il perd la vie. Commence alors pour lui une plongée dans un univers obscur où ses propres souvenirs sont mis en scène de façon déformée, parfois sous la forme d’un récit qui confirme qu’il a bel et bien vécu une existence de moine-soldat avant de naître. Seul le chant des mudangs, entendu de loin en loin, lui permet de ne pas sombrer dans une totale amnésie. Les années se succèdent, sa mémoire se délite, mais l’image de Verena Becker reste en lui. C’est vers cette image qu’il va, c’est là qu’il désire se fixer à jamais.» (Extrait du pdf Rentrée littéraire 2007 des Éditions du Seuil)

En attendant ces joies-ci, je me livre à celles du XIXe siècle, avec Mérimée et le volumineux corpus que j'ai maintenant fini d'ordonner — en attendant de voir, ce soir, étonnante coïncidence, sur TV5 Monde... Colomba ! Adaptation de Laurent Jaoui, coproduction Arte et France 3, 2005.
T. le regardera avec moi, pour s'imprégner de l'ambiance avant décollage...

Dans l'après-midi, nous allons marcher jusqu'à Ichigaya pour des cartouches. D'encre, pour imprimante.
Dans une librairie, T. achète une énième revue de natation et moi un énième livre de lecture facile en japonais, sur les mythes grecs, cette fois. Jusqu'à maintenant, T. a mieux profité de ce genre d'achat que moi.
Puis je me fais une heure de sofa dans la Rue des boutiques obscures...

« — Voulez-vous que je joue quelque chose de particulier, mes dames, messieurs ? demanda-t-il d'une voix froide où perçait un léger accent américain.
Le Japonais, à côté de moi, ne réagit pas. Il était immobile, le visage lisse, et je craignis de le voir basculer de son fauteuil au moindre courant d'air, car il s'agissait certainement d'un cadavre embaumé.
Sag warum, s'il vous plaît, lança la femme du fond, d'une voix rauque.
Blunt eut un petit hochement de tête et commença à jouer Sag warum. La lumière du bar baissa, comme dans certains dancings aux premières mesures d'un slow. Ils en profitaient pour s'embrasser et la main de la femme glissait dans l'échancrure de la chemise du gros rougeaud, puis plus bas. Les lunettes cerclées d'or du Japonais jetaient de brèves lueurs. Devant son piano, Blunt avait l'air d'un automate qui tressautait : l'air de Sag warum exige qu'on plaque sans cesse des accords sur le clavier.» (Patrick Modiano, Rue des boutiques obscures, Gallimard, 1978, p. 57)

Commentaires

1. Le lundi 23 juillet 2007 à 20:16, par Dom :

A propos of nothing, sur le blog de Quatremer, journaliste embedded à Bruxelles :

"Ce matin, les ministres des affaires étrangères de l'Union ont trouvé sur la table de négociation de la Conférence intergouvernementale (CIG) la première mouture de ce texte rédigé par les jurisconsultes du Conseil des ministres. C'est peu dire qu'elle est indigeste : 296 articles occupant 147 pages qui ne peuvent être compris qu'en ayant sous la main les traités de Maastricht de 1992 et de Nice de 2001, suivi de 69 pages de « protocoles » précisant ce qu'il y a dans les traités, et de 63 pages de « déclarations » unilatérales. Soit 279 pages bien tassées. Les vacances des ministres des affaires étrangères s'annoncent studieuses."

LOL. Tout ça pour ça.

2. Le lundi 23 juillet 2007 à 20:50, par brigetoun :

Dom faut bien ça pour prévoir et enrayer tout risque d'initiative.
Pour la planche à billets moi je creuse mon avenir (petit magot tiré de la vente de mon appartement et sur lequel je vis) - alors je crois que je me contenterai d'une curiosité platonique en attendant que cela arrive en poches (mais j'ai cédé aujourd'hui pour Pagano) et me réjouissant qu'il y ait encore des lecteurs pour me faire signe en parlant de ce qu'ils lisent et surtout pour acheter les livres à leur sortie, et faire vivre l'édition



Mardi 24 juillet 2007. Perdus dans un ciel enfin.

Me revient qu'hier — ça doit être le choc Volodine, ou alors parce que ça s'est passé très simplement — on nous a installé le téléphone à fibre optique, avec l'accès internet en même temps. Sont venus à trois, deux hommes et une femme, rôles bien répartis, la dame pour le contact et les explications générales, tarifaires, un jeune en salopette qui change boîtiers, fils, vérifie avec un ordinateur, ne s'occupe que de téléphonie, puis un homme plus âgé, avec un autre portable, chargé lui de reconfigurer l'accès internet du réseau local, que ça fonctionne sur nos ordinateurs, puis que l'imprimante en réseau marche. On ne voit pas trop la différence. C'était déjà 100 Mbps. Faudrait qu'on regarde trois ou quatre flux vidéo en même temps...

Hélas, je ne passe par encore par la fibre optique pour quitter T. — et aller au bureau, à 350 km. Reprise du shinkansen, donc, et du cadrage narratif de Colomba (ce que le narrateur livre de lui-même, ses parti-pris non dits). Jusqu'à ce que je m'endorme, les yeux perdus dans un ciel enfin bleu.

Un examen à surveiller avec deux de mes collègues. On fait un peu les pitres ; nos ouailles apprécient.
Puis cascade de joies : 1. livraison de l'appui-tête adaptable à mon fauteuil de bureau (montage pas trop galère); 2. une étudiante qui revient d'Aix m'offre un petit paquet d'olives en chocolat de La Picholine ; 3. la NRF de juin est à la bibliothèque et j'en photocopie les pages de Volodine ; 4. l'apothéose : trouvé, installé (version d'essai) et mis en marche, le logiciel ABBYY FineReader 8.0 transforme en un quart d'heure en texte, sous mes yeux éberlués, le pdf-image de Fumée de Tourgueniev (traduit par Mérimée dans les années 1860, trouvé sur Gallica). Avec un taux d'erreur relativement faible, plusieurs centaines d'images de pages deviennent du texte, tout bonnement cherchable, indexable, éditable, etc., sans aucune action humaine, et sans même scanner puisque c'est du pdf récupéré. C'est qu'à part une ou deux pages par-ci par-là avec notre imprimante-scanner de Tokyo, j'en étais resté, en matière d'OCR, à l'usage intensif que j'en avais fait dans les années 1989-1991 — préhistoire durant laquelle j'avais numérisé, des mois durant, tout Claude Simon. Ceci dit, aujourd'hui comme dans les années 80, la numérisation d'un livre ancien demande des heures de relecture pour traquer les erreurs du scanner. Il se trouve qu'avoir un texte impeccable n'est pas mon objectif de cette année. Je veux juste pouvoir repérer quelques emplois d'une petite liste de mots, et s'il m'en manque 5 % à cause de taches, craquelures ou lettres mal encrées, ça n'a aucune importance. Si besoin, il sera toujours temps de fignoler a posteriori.

« Le préposé à l'idéologie, Balkachine, n'était plus là pour vérifier la férocité des impacts, et, au fond, l'interrogatoire se déroulait sans grande casse. En raison du grade de l'accusé, qui était tout de même commissaire, Balkachine s'était déplacé, mais pour s'éclipser au bout d'un quart d'heure, après un discours sur la morale prolétarienne qui avait endormi tout le monde. C'était une séance d'autocritique bâclée, une de plus : un moment théâtral qui avait eu sa raison d'être autrefois, deux ou trois cents ans plus tôt, au temps où les guerres contre les riches n'étaient pas toutes perdues, mais qui aujourd'hui, à la fin de l'histoire — pour ne pas dire à la fin de tout —, avait dégénéré en pure sottise rituelle.
— Je mesure l'étendue de mon abjection... Je ne mérite pas qu'on me confie des responsabilités, dit Berberoïan dans un murmure.
En réalité, il savait qu'après le blâme que lui décernerait l'assemblée, tout redeviendrait comme avant. Il appliquerait du mercurochrome sur sa plaie et il irait se réinstaller derrière son bureau de commissaire, par exemple pour fumer une cigarette en compagnie de Mevlido, et tout deux se pencheraient de nouveau sur les dossiers criminels abandonnés depuis le matin. Rien n'aurait changé dans la société ni dans les mœurs de la police. On serait simplement allé ensemble un peu plus loin dans la défiguration des valeurs révolutionnaires. On aurait fait à contrecœur un petit pas supplémentaire vers la barbarie et la mort de tout espoir.
— J'ai trahi la confiance de la classe ouvrière, souffla encore Berberoïan.»
(Antoine Volodine, extrait de Songes de Mevlido, paru dans la Nouvelle Revue Française, juin 2007.)

Commentaires

1. Le mardi 24 juillet 2007 à 08:40, par F :

hé hé, Melvido suis dedans, j'en ai 461 pages, avec fin écrite on dirait par Soudaieva elle-même !
REVE MILLE ANS ! REVE MILLE ANS SANS CROIRE QUE LE SONGE EXISTE !
suis vraiment impressionné par la façon dont il embarque tous les registres les uns avec les autres, de la SF à la poétique toute nue, plus toute une cinétique urbaine

2. Le mardi 24 juillet 2007 à 14:39, par Berlol :

pfffff !

3. Le mardi 24 juillet 2007 à 15:12, par christine :

pfffff ... aussi : ça donne envie mais il va falloir patienter quelques semaines !
et merci pour le conseil logiciel, berlol : j'ai téléchargé et j'essaie dès que j'ai un moment - ça a l'air magique

4. Le mardi 24 juillet 2007 à 19:35, par F :

oui j'ai mérité les pff pff mais c'était pas de l'esbroufe, un vrai bouquin à lire avec les dents, plus âpre que les précédents Volo, un côté politique direct comme le vieux "Lisbonne..." et la même santé - il m'a vraiment happé - ça n'empêche pas que la bonne vieille NRF avant-sorte des textes costauds, il y avait eu Sevestre* et la suite en 4 numéros des petites nécrologies fictives de Stéphane Audeguy l'an dernier, à rendre jaloux à bien autre échelle que les pff pff de berlol (il devrait faire plus de vélo, peut-êtrre)
*
au fait c'est lui qui est derrière
www.synapse-fr.com/typogr...
?

5. Le mardi 24 juillet 2007 à 20:46, par Berlol :

Attends ! je reviens du sport où j'ai lu Lisbonne dernière marge ! C'est de la télépathie, là !...
Mais qui est derrière Synapse ?



Mercredi 25 juillet 2007. Promesse au bout du totem.

Après une surveillance d'examen matinale et sans problème, je parcours mes étagères en quête du livre à emporter au sport et, m'étant auto-gendarmé contre l'aigreur envieuse, je me tourne vers l'enfilade des Minuit pour attraper le Volodine jauni mais pas encore lu. C'était le premier Volodine acheté, avant même de m'exiler au bout du monde, resté intouché comme une ultime promesse au bout du totem horizontal, après les solides Beckett, les Pinget, les Robbe-Grillet, les Simon, sur lesquels tranchent les plus jeunes, les Bon, les Chevillard, les Deville, les Échenoz, les Toussaint, et même des très récents, des Clémençon, des Laurrent, des Mauvignier, des NDiaye, des Ravey...
C'est donc en plein Portugal que je pédale et sue. Et quelque part très loin pendant ce temps, sans connaître mon choix, François poste cet étonnant commentaire sur le lien Mevlido / Lisbonne...

« Puis, longeant la ligne de tramway, ils gagnèrent la rue de São Paulo, presque déserte. Je me rappelle ma première visite ici, en 1975, dit-elle. Et lui : Oui, le Sicherheitsgruppe a loupé alors une splendide occasion de mettre ses fichiers à jour. Toute votre racaille a grouillé ici pendant les mois chauds de 75. Et vous aviez relâché votre vigilance. On aurait pu moissonner des renseignements à la pelle. Et elle : Sale connard de flic, sale dogue, tu n'as en tête que ta mission de tueur, fils pourri de la flicaille et de l'impérialisme, valet des Américains, sale garde-chiourme des esclaves bedonnants, sale chien, tueur à gages des sociaux-traitres, social-vendu toi-même, sale dogue, mon dogue. Et lui : Sale petite connasse de terroriste.» (Antoine Volodine, Lisbonne dernière marge, Paris : Minuit, 1990, p. 12)

« Ma nouvelle carapace, songea-t-elle. Elle se tortillait, ensanglantée et grumeleuse, à la frange de l'abîme, sans oser habiter cette identité étrangère, qui allait coller à son corps jusqu'à sa mort, et même au-delà. Elle n'osait pas regarder non plus en direction du précipice. La violence de l'arrachement à soi-même n'a pas d'équivalent dans l'arsenal des tortures. Kurt l'avait prévenue : dès qu'il serait retourné à Bonn, il s'emparerait du premier cadavre non identifiable pour aider à brouiller les pistes derrière elle et pour refermer, avec son cercueil, le dossier d'Ingrid Vogel. Il ramasserait, dans une quelconque carcasse de voiture carbonisée, une quelconque petite conne que personne n'aurait réclamée à la morgue, et il en ferait le double en cendres d'Ingril Vogel ; sous son influence, la mère d'Ingrid, dépressive et impressionnable, signerait l'acte d'identification des restes racornis. Et : l'inhumation sous la pluie, la poignée de sympathisants tous déjà fichés et re-fichés, membres, au sens large, de la nichée en voie d'extermination. Et elle, là-bas, sur une côte chinoise ou coréenne ou pire encore, à des distances infinies, ignorant tout de son présent, censurant sans cesse sa mémoire.» (Ibid., p. 19)

Réunion d'après-midi, juste le temps de lire le catalogue des nouveautés du Seuil. Je commanderai Salvayre, bien sûr, et peut-être Fournel... On verra.
Sous la houlette de David, j'assiste ensuite en observateur critique à la première session chez nous du TCF. Quatre étudiantes s'y sont inscrites et l'épreuve est intelligemment faite. Il n'y a guère que la qualité du son de l'épreuve orale, sur CD, qui soit à pointer. Les voix masculines, en effet, sont assourdies et parfois difficiles à saisir, surtout pour des oreilles étrangères. On essaie de diminuer les basses, la résonance, mais on n'améliore qu'à peine un son mauvais à la base. Sans doute un mauvais microphone...

Excellent dîner indonésien, en haut du centre commercial La Chic, à Sakae. Sophie y a déjà ses habitudes, y connaît un serveur sympathique, que nous découvrirons originaire d'Ubud quand Andreas montrera des photos de Bali sur l'ordinateur portable qui ne le quitte jamais.
Quelques précisions à ajouter, mais pas le temps...

Commentaires

1. Le jeudi 26 juillet 2007 à 14:51, par christine :

à propos de Volodine, et parce que vous présentez implicitement, FB et toi, "Lisbonne dernière marge" comme son premier roman (ce qui me rappelle que c'est l'exemple que choisit toujours un mien collègue amateur de SF pour stigmatiser le snobisme des amateurs de Minuit), est-ce que vous avez lu ? et si oui qu'est-ce que vous en pensez ? et si non savez vous comment lui même en parle ? ses premiers romans, publiés sous couverture SF dans la collection Présence du futur ? (je précise que je ne les ai pas (encore) lus moi-même)

2. Le jeudi 26 juillet 2007 à 14:55, par Berlol :

Je sais que ce n'était pas son premier roman. J'ai acheté le volume Denoël de 2003, avec ses 4 premiers romans, et j'ai la ferme intention de l'emporter sur la plage cet été...

3. Le jeudi 26 juillet 2007 à 15:25, par christine :

j'attends tes conseils avisés, alors ... je précise que "le snobisme des amateurs de Minuit" n'était absolument pas un reproche : mon collègue m'inclus (par taquinerie) et surtout je m'inclus moi-même dans cette étrange tribu (avec deux étagères à paris et quelque chose comme 3 ou 4 dans ma bibliothèque annexe de province!) ... donc j'aime beaucoup ton titre et l'idée du totem

4. Le jeudi 26 juillet 2007 à 23:37, par Berlol :

Il y a certainement un snobisme Minuit, tant de la part d'auteurs, flattés d'être auprès des "solides", et pas toujours à tort, que chez les lecteurs collectionneurs parmi lesquels je revendique d'être inclus. La qualité du papier fait que la collection tourne — hélas — du beige au jaune puis au marron en moins de trente ans, même pour les volumes tenus à l'écart de la lumière. Mais l'attachement, le mien en tout cas, est dans l'immatériel : l'histoire de la maison d'édition, l'importance et la qualité littéraire de ses auteurs des années 50-70 provoquent une sensation d'appartenance qui est moins liée aux livres eux-mêmes qu'à leur contenu et à leur entourage historique et humain, une sorte de culture Minuit (sans aller jusqu'au culte). Sensation qui n'existe pas du tout chez moi avec "la blanche" de Gallimard, trop éclectique, trop floue, j'allais dire trop banale. Idéologiquement, la plus proche serait peut-être "fiction & Cie" du Seuil...

5. Le vendredi 27 juillet 2007 à 00:53, par brigetoun :

j'aime bien votre échange. S'ajoute pour nous les petits un petit snobisme du désir insatisfait, de l'envie et d'une petite culpabilité dans l'achat du fait d'une rareté des parutions en "poches"

6. Le vendredi 27 juillet 2007 à 02:04, par Berlol :

D'où l'intérêt, tout de même, de la nouvelle politique Minuit avec le développement de la collection "Double", même si ce n'est pas à un aussi "petit" prix que d'autres poches....

7. Le vendredi 27 juillet 2007 à 02:20, par christine :

je suis aussi très attachée à mes collections POL et Verticales, même si elles sont moins anciennes
le grand intérêt des Minuit pour ceux qui comme moi ont toujours du mal à trouver de la place pour tous leurs livres, c'est que ceux-ci aident à optimiser le remplissage des bibliothèques en se rangeant sur des étagères de petite hauteur, comme les livres de poche (à quelques exceptions près comme le Méridien de Greenwich d'Echenoz, de plus grande taille et que je ne sais jamais où ranger - mais qui mérite d'être exceptionnel aussi par son format!)

8. Le vendredi 27 juillet 2007 à 02:30, par Berlol :

Oui, je pense aussi à L'Île atlantique de Tony Duvert. Embêtants, avec des étagères plus hautes, quand on veut en poser d'autres dessus...



Jeudi 26 juillet 2007. Le tour que leur joue le vélo.

Même si le premier ministre, Claude Guéant, veut les rassurer, je doute un peu que les Français, qui étaient fiers hier encore de leur président de la République, apprécient bien qu'il aille vendre du nucléaire à Tripoli, où le solaire serait peut-être mieux adapté. Mais ils sont en vacances, les Français, épuisés par tous ces scrutins, heureux de voir des infirmières libérées et fort préoccupés par le tour que leur joue le vélo. De son côté, le conseiller aux bas-côtés, François Fillon, assure que la descente de Vizille sera très bientôt sans danger.

Le soir.
Oui, ça n'intéresse personne. Je m'en doutais un peu. Allez, on y va ?

Violente averse, de 11h10 à 11h19. J'étais en surveillance d'examen, avec 75 étudiants et leur professeur qui ne m'a pas adressé la parole de toute l'heure. Je l'avais sentie venir, cette pluie. Du côté des fenêtres, je guettais les nuages. Cétait amusant de voir les têtes d'étudiantes (en majorité), sorties de leur concentration sur une quelconque critique de Poe, relever la tête vers la fenêtre d'où venait le bruit de la pluie, soudain plus fort que celui de la climatisation, s'en étonner, puis replonger dans leur travail. Personne n'a cru que ça durerait.
Sinon, j'avais deux examens avec mes propres étudiants.
Et puis repartir vers Tokyo, en essayant de lire dans le train. Mais comme je n'ai pas assez dormi...

Kennedy et moi (S. Karmann, 1999) est un film très agréable. Je ne dirais pas un grâând film, parce que ça fait plutôt téléfilm, mais un Bacri grincheux jusqu'à la sagesse, à qui répond une Nicole Garcia toute en finesse, une petite ville portuaire sans nom, des adolescents sans raffinement. En fait, si on veut bien regarder un poil plus loin que le bout de son nez, le problème, c'est pas Bacri, c'est tout ce cinéma que les gens autour de lui se font pour se donner l'impression de bien vivre, chacun dans son personnage. Jusqu'au psy, condescendant, avec sa montre, qui n'étais pas sa montre et qui ne le sera plus.
Non, littérairement parlant, je n'apprécie pas du tout Jean-Paul Dubois, je me suis vraiment emm... avec sa Vie française. Cependant, il a d'excellentes idées de personnages et de situations, scénaristiques, en fait.

Commentaires

1. Le jeudi 26 juillet 2007 à 10:34, par christine :

quoi ? les Français ! ... pas tous en vacances, les Français, mais tellement accablés qu'ils ne regardent même plus les infos ...
où alors juste assez pour se dire que ce ne sont pas ces pauvres cyclistes (il est normal qu'ils recourent à la chimie quand ce qu'on leur fait faire n'est pas humain, et de surcroît idiot (quand je pense qu'il y en a même qui pédalent dans des salles de sport!) alors qu'ils pourraient fort bien utiliser hélicoptère et jet privé, comme tout un chacun) qu'il faudrait passer au contrôle antidopage, mais ce président zébulon dont je n'ai jamais été fière, mais alors jamais ! et dont j'aimerais bien qu'il soit exclu du tour, si possible avec toute son équipe ...



Vendredi 27 juillet 2007. Léger comme de l'hirondelle.

Peu à dire sur ce jour calme. Ici, tout au moins.

Avec T., je vais enfin chez l'opticien, dans la grande librairie Maruzen d'OAZO, en face de la gare de Tokyo, pour faire réaliser des lunettes. J'avais déjà mentionné quelques problèmes de vue et je savais que ça viendrait un jour. Ce qui m'a poussé à le faire maintenant, c'est d'une part que j'ai de plus en plus de difficulté à lire les furiganas, ces petits hiraganas qui sont parfois à côté des kanjis pour en indiquer la lecture, et d'autre part qu'il devient visuellement scabreux de faire l'appel en classe, accommodant de moins en moins vite à chaque nom successivement sur la feuille et sur la personne appelée.
C'est la première fois que je passe ainsi tous les contrôles optiques qui déterminent les caractéristiques des verres à porter. T. m'aide un peu pour savoir s'il faut dire que la croix est dans le rond, ou si c'est flou ou pas. Ensuite, c'est l'effarant choix des montures, parmi au moins 500 modèles en exposition. Après vingt bonnes minutes durant lesquelles j'admire la patience de T., pas besoin de lunettes pour ça, nous sommes d'accord sur celles qui me vont le mieux. J'ai hésité parce qu'on va se moquer de moi : elles sont de la marque Porsche. Et en effet, je suis le premier à me moquer de ceux qui n'ayant pas les moyens de se payer les voitures s'offrent les accessoires. Ceci dit, ça me permettra sûrement de lire plus vite.

On déjeune au Tsubame Grill, deux étages au-dessus. L'agneau est très bon, léger comme de l'hirondelle. Puis, nous nous séparons dans le train, T. va au centre de sport pour nager et je rentre pour Mérimée. Entre autres, je travaille sur ceci, à en tirer tout le suc :

« Je n'aime dans l'histoire que les anecdotes, et parmi les anecdotes je préfère celles où j'imagine trouver une peinture vraie des mœurs et des caractères à une époque donnée. Ce goût n'est pas très noble ; mais, je l'avoue à ma honte, je donnerais volontiers Thucydide pour des mémoires authentiques d'Aspasie ou d'un esclave de Périclès ; car les mémoires, qui sont des causeries familières de l'auteur avec son lecteur, fournissent seuls ces portraits de l'homme qui m'amusent et qui m'intéressent.» (Prosper Mérimée, Chronique du règne de Charles IX, préface de 1829)

Quelques blogs ne sont pas autre chose.

Commentaires

1. Le vendredi 27 juillet 2007 à 23:00, par patapon :

Des lunettes Porsche! Mazette!
« Tes étudiantes, se pâmant,
S’écrieront toutes: kakkoii!
Baissant les yeux modestement
Tu ne leur répondras que : oui ! »
Pas mal, hein ?

2. Le vendredi 27 juillet 2007 à 23:03, par brigetoun :

zut je vais sembler complaisante. Pour la dernière phrase, votre blog donne parfois l'impression de l'être

3. Le samedi 28 juillet 2007 à 04:13, par Berlol :

Merci à vous deux. Avec ou sans lunettes, je vois bien vos clins d'yeux !

4. Le samedi 28 juillet 2007 à 05:04, par Manu :

Et avec tes oreilles, quand est-ce que tu nous dis ce que tu penses du dernier Chemical Brothers ?

5. Le samedi 28 juillet 2007 à 23:27, par Berlol :

Quand j'aurai pu l'écouter attentivement ! (Pour l'instant, je n'ai pu écouter que deux morceaux, et eu d'autres choses à faire ! Si c'est pas malheureux, hein...)
Et toi, t'en penses quoi ?

6. Le dimanche 29 juillet 2007 à 02:50, par Manu :

Comme d'hab, à la première écoute je me dis, ça y est, cette fois-ci, ça ne marche pas, ils l'ont raté, et puis, à chaque nouvelle écoute, un nouveau morceau auquel j'accroche, et puis l'envie de plus en plus fréquente de se repasser l'album. Une preuve qu'ils arrivent à surprendre à chaque opus, qu'il ne s'agit pas que d'une simple variation sur un même style, un même thème. Ceci dit je le trouve un peu inégal. Par rapport aux deux précédents, je crois que je le classerais au milieu.



Samedi 28 juillet 2007. Haché de coupes et de sauts.

On ne se lève pas tôt mais on travaille quand même dans la matinée. J'enregistre en même temps la cinquième conférence de l'Université populaire de Caen de Michel Onfray (la série d'été de l'UPC a commencé cette semaine et j'ai enregistré les quatre premières émissions hier). J'écouterai ça très bientôt, notamment parce que c'est sur le XIXe siècle.
Également sur le XIXe siècle littéraire, une série INA sur le canal des Chemins de la connaissance que je n'ai pas encore réussi à attraper (pas de stockage sur le site). J'avais programmé l'enregistrement de nuit au bureau mais le résultat était tout haché de coupes et de sauts, sur près de quatre heures de programmes, insupportable. Faut que je réessaie demain ou lundi, après ça sera râpé (série INA suivante sur Jabès, pour une semaine).

Bain en lisant quelques chapitres, toujours fluides comme l'eau tiède.

« Drôles de gens. De ceux qui ne laissent sur leur passage qu'une buée vite dissipée. Nous nous entretenions souvent, Hutte et moi, de ces êtres dont les traces se perdent. Ils surgissent un beau jour du néant et y retournent après avoir brillé de quelques paillettes. Reines de beauté. Gigolos. Papillons. La plupart d'entre eux, même de leur vivant, n'avaient pas plus de consistance qu'une vapeur qui ne se condensera jamais.» (Patrick Modiano, Rue des boutiques obscures, p. 72)

Au moment de partir au Saint-Martin, T. cafouille avec son téléphone portable déchargé et qui s'était éteint. En fait deux étudiantes l'attendent depuis plus d'une demie heure à la gare d'Iidabashi, sous le cagnard, pour déjeuner avec elle — et je n'en étais même pas averti. Heureusement, Yukie avait encore assez de place pour nous. Les sympathiques et quelque peu timides étudiantes de T. font du français en option et n'en vont pas moins partir dans quelques jours pour un mois de stage linguistique à Toulouse, en famille d'accueil. Elles ont des questions. Nous y répondons en caricaturant le moins possible.
Un de leurs profs les a visiblement effrayées en peignant tout en noir, une France sinistrée par la violence, les questions d'immigration, la pauvreté. J'ai déjà entendu cette chanson. Il faudrait enfermer ce genre de personnes, ou leur barrer l'accès aux étudiants. En voulant valoriser leur spécialité (sociologie, médias, ou je ne sais quoi) et se focaliser sur des problèmes certes bien réels mais sans les recadrer, relativiser, mettre en perspective, ils montrent une catastrophique inaptitude à l'enseignement.

Toujours à quatre, nous allons à l'Institut où il y a une table-ronde sur Hiroshima & Nagasaki (dans un cycle exposition, conférences et films). J'y entre tout de suite, T. fait visiter la librairie puis la médiathèque, me rejoint une heure après. Malgré la qualité indiscutable des intervenants, T. et moi n'apprenons rien que nous ne sachions déjà. Ce qui est somme toute normal : nous faisons partie d'une génération relativement bien informée sur ces sujets, à quoi nous avons volontairement ajouté livres, films ou voyages pour comprendre mieux. Nous n'en dirions pas autant des suivantes, qui ne sont ni informées ni motivées pour en savoir plus par elles-mêmes.
Trois heures ont pourtant passé assez vite, il n'y avait pas de langue de bois. Le Japon par soi victimisé mais incapable de prendre en charge décemment ses victimes réelles (hibakushas) et tout autant incapable de reconnaître ses crimes contre les pays qu'il a tenté de soumettre, ce Japon, toujours dirigé par un parti directement issu du clan des criminels de guerre et directement lié aux milieux de l'extrême-droite et de la mafia, ce Japon-là n'a pas été épargné, même si ce n'est pas une soixantaine de personnes par ci ou par là qui viendra à bout d'énormes collusions politico-militaro-industrielles, toujours prêtes à justifier les deux recours à l'arme atomique.

Pour nous aérer les méninges, nous sortons les vélos et allons jusqu'à Aoyama par Akebonobashi et Shinanomachi. La chaleur directe est un peu tombée, les rues peu encombrées. Ça n'empêche pas que T., en athlète rompue à déjouer les objectifs, reste toujours difficile à cadrer.
C'est trop tard pour les soldes de Villeroy & Boch, ça ferme à 18 heures le samedi. Après deux heures de promenade, à la nuit tombante, on revient par Yotsuya et achetons le pain et les légumes dont nous dînerons, tout poissés de sueur et libérés des stress de la semaine.
Rien à la télé, comme souvent le samedi, que ce soit sur les chaînes japonaises ou sur TV5 Monde.
On lira...

Commentaires

1. Le samedi 28 juillet 2007 à 22:51, par brigetoun :

y-a-t-il vraiment plus de violence et de pauvreté dans nos contrées qu'au Japon ?

2. Le samedi 28 juillet 2007 à 23:25, par Berlol :

C'est une question que je me pose aussi. En apparence, je répondrai que oui. Mais je n'habite que dans deux centres-villes considérés comme chics et la désinformation est ici aussi faite pour montrer une situation la plus lisse possible... Au sujet des élections sénatoriales d'aujourd'hui, une femme au foyer japonaise interrogée pour un reportage de TV française disait que les écarts riches-pauvres devenaient insupportables, que ça ne pouvait plus durer... Ce qui est loin de l'image donnée par les médias japonais.

3. Le dimanche 29 juillet 2007 à 03:29, par vinteix :

Pour info, le Japon, présenté comme un pays très riche l'est certes, globalement, et aussi parce qu'il y a ici un nombre très important de gens immensément riches, beaucoup plus nombreux qu'en France (de mémoire, 20 % des 10 % des personnes les plus riches du monde vivent au Japon, 4 % en France... aux USA près de 25 %)...
mais au niveau de la population des classes moyennes, l'écart en effet entre les riches et les pauvres se creuse de plus en plus, et il y a beaucoup de pauvres et de gens très très modestes au Japon... beaucoup de gens, passés l'âge de la retraite, obligés de continuer à travailler pour subsister...
D'après les derniers chiffres de l'OCDE, au Japon, 15 % des gens vivent en-dessous du seuil de pauvreté (à 50% du revenu médian)... 10 % en France, comme dans la plupart des « pays avancés »... c'est une situation très palpable, visible dans le pays, mais ce qui m'étonne toujours, c'est l'espèce de "résignation" de la plupart des Japonais face à leurs gouvernants... mais semble-t-il que ce soir, les résultats des élections vont montrer un signe positif qu'ils ne sont pas tous "des veaux"... avec l'actuel scandale des retraites, le contraire eût été à désespérer de tout !

4. Le dimanche 29 juillet 2007 à 05:06, par Berlol :

En effet, les résultats qui tombent pour le renouvellement de la moitié du Sénat japonais constituent une défaite historique pour le PLD... J'y reviendrai. Merci pour les chiffres, cher Vinteix.



Dimanche 29 juillet 2007. Lecture plein écran, bien plus confortable qu'avec un livre.

Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur...
Pour ceux que Wikipédia fait régulièrement vomir, j'ai trouvé pire émétique dans le Figaro : les « classiques » sous la plume de Christian Authier, avec que des romanciers vivants — pas trop, quand même —, présentés de façon encore plus brève, superficielle et stupide que sur un site pour téléphone mobile... J'aimerais bien savoir combien on est payé pour écrire ça.

On n'a pas mis la climatisation, aujourd'hui. Pourtant il a fait chaud. Mais je n'ai pas à sortir, je m'installe avec un fort volume de Mérimée en pdf image, lecture plein écran, bien plus confortable qu'avec un livre papier, tout comme pour prendre des notes ou chercher dans les dictionnaires (TLF, Littré, Académie et al., synonymes CRISCO).
Après un long orage plein d'éclairs et de foudres, T. est allée voter. Et... avant la tempête, serais-je tenté de dire, tant les résultats du scrutin sont défavorables au parti d'extrême-droite qui dirige ce pays depuis bien avant la guerre qu'il a perdue. Mais rien n'est certain. On a bien vu, en France, deux échéances électorales être très défavorables au parti chiraquien et ne rien changer du tout à la politique des gouvernements successifs. Le résultat, Sarkozy, va peut-être encore plus loin dans le paradoxe.
Pour revenir au Japon, j'ai l'impression que les électeurs ont toujours accepté la corruption, à la fois comme une fatalité inhérente à la classe politique et comme une certaine forme — enviable — de virtuosité, mais qu'ils n'admettent pas l'incompétence, et la honte que les résultats désastreux de l'impéritie fait resurgir sur eux (le scandale des retraites pèse lourd).

Après le déjeuner, on expédie Le Sicilien (Pierre Chevalier, 1958), dévédé prêté par Christian le jour de la fondue au chalet, film d'un comique proche du troupier, avec Fernand Raynaud, Raymond Devos, Pascale Roberts et Judith Magre. Surtout intéressant pour le contexte, les décors, etc. Pour de l'anthropologie, en fait.
Le soir, à peu près le même intérêt pour À tout Cœur à Tokyo pour OSS 117 (Michel Boisrond, 1966) sur TV5 Monde. Sauf que c'est en couleur, que ça révèle comment on pouvait montrer le Japon en France à cette époque — ce que Mérimée appellerait la couleur locale —, et que Marina Vlady m'a toujours été très sympathique. Elle ressemblait d'ailleurs à une fillette que je voulais embrasser un jour de fugue du patronage...

T. m'a offert un beau livre, selon mes goûts, うめ版, rassemblant les définitions d'une soixantaine d'expressions japonaises, chacune comme tirée du dictionnaire (avec furiganas pour la lecture facile), posée en belle page et illustrée d'une superbe photo contemporaine en page de gauche. Un piège, pour mon temps libre...

Commentaires

1. Le dimanche 29 juillet 2007 à 17:08, par j :

"J'aimerais bien savoir combien on est payé pour écrire ça."
Mais un certain prix mon cher !...

2. Le dimanche 29 juillet 2007 à 17:15, par Berlol :

Mais encore...

3. Le dimanche 29 juillet 2007 à 20:31, par vinteix :

un géant nous quitte : Michel Serrault...

4. Le dimanche 29 juillet 2007 à 20:56, par brigetoun :

géant sais pas - sacré bonhomme en tout cas.

pour le Figaro ses critiques en quoi que ce soit sont à ne pas lire en gros depuis ma jeunesse

5. Le lundi 30 juillet 2007 à 00:53, par vinteix :

... et un autre : Bergman...

6. Le lundi 30 juillet 2007 à 02:47, par Berlol :

Quelle catastrophe ! l'un comme l'autre !
De grâce, Vinteix, si quelqu'un d'autre meurt avant minuit, ne poste rien, sinon ton nom va devenir comme un fil RSS de nécros...

7. Le lundi 30 juillet 2007 à 03:03, par vinteix :

entendu ! faut qu'je fasse gaffe...
d'autant qu'il n'y a pas longtemps, en écoutant un disque de Rostropovitch, je disais à R : "il va bientôt mourir..."
ce qui arriva une semaine après...

8. Le lundi 30 juillet 2007 à 05:29, par Berlol :

Ceci dit, on s'inquiète pour plein de gens et on n'a pas tort.

9. Le lundi 30 juillet 2007 à 06:07, par vinteix :

c'est vrai... je pense souvent aux Gracq, Lévi-Strauss (bientôt centenaires !), Jaccottet, etc.
ceci dit, arrivés à leur âge, en tout cas pour les deux premiers, que peut-on "espérer" de plus ?... c'est déjà "très beau"...
J'ai beaucoup aimé, récemment, la réaction, d'une humilité certes toute nippone, du doyen de l'humanité, un Japonais de 111 ans, qui présentait ses excuses aux journalistes pour tant de longévité, se déclarant "confus d'avoir vécu si longtemps"...



Lundi 30 juillet 2007. Dans l'inconnu, on n'a jamais su.

On ne sait pas par quoi on tient à un vieil acteur. On l'a vu dans tellement de films, dans tellement de rôles, tellement de moments de notre vie qu'il est tout cousu à nous, caché partout dans nos souvenirs. On ne l'a jamais eu en face de soi, on n'a rien en commun et il est pourtant comme un ami. Toujours à plat sur un écran, il a plus d'épaisseur que nos propres parents, quelquefois. Quand on le revoit jeune, on pense à sa jeunesse à soi, comme si on avait été à ses côtés. Et quand on le voit vieux, on se dit que c'est encore lui, qu'il est toujours aussi bon.
Et puis quand il est mort, d'un seul coup on se rend compte que c'est trop tard, qu'il n'y aura pas d'autres films, que l'occasion de boire un coup ensemble ne se présentera plus, qu'on ne saura jamais comment il était en dehors de ses rôles et de ses interviews. On bascule dans l'inconnu, on n'a jamais su qui il était.
En perdant Michel Serrault, j'essayais de comprendre le sentiment qui me l'avait rendu encore plus sympathique que beaucoup d'autres que j'aimais bien. J'ai à peine le temps d'essayer, d'écrire cela qu'un autre nom tombe, qu'un autre sentiment de tristesse explose dans un autre coin du ciel, comme un funèbre feu d'artifice.
Ingmar Bergman ne m'était pas sympathique, non, le mot ne convient pas, ce n'était pas le copain Serrault. De son air austère, sur des photos, un gamin comme moi n'avait pas envie. Plutôt que d'amitié ou de sympathie, ça serait de l'admiration hagarde. L'incompréhension devant le génie. Plus de dix de ses films, tout mélangés, me reviennent à l'esprit, font un bouquet de parfums de moi. J'étais étudiant et tout seul j'allais voir les Bergman — et pas les Fellini — dans les cycles du côté de Saint-Michel, Saint-Germain. J'avais peu d'amis et pas le temps d'en chercher qui partageassent ces goûts-là. Il n'y avait d'ailleurs pas des centaines de gens dans les salles. C'était beaucoup de films en noir et blanc. Monika, récemment revu, Les Fraises sauvages, Persona, Une Leçon d'amour, Le Silence, Sourires d'une nuit d'été ou Sonate d'automne eurent plus d'influence sur moi que Le septième Sceau, apprécié mais pas ressenti. Je ne vois qu'Hitchcock dont le noir et blanc ait autant impressionné ma pellicule intérieure. J'allais sans ordre, sans théorie, au feeling. L'anglais ou le suédois, je ne savais que lire les sous-titres.

Pas de liens, ce serait trop facile.

Du côté des vivants, on est passé entre les gouttes. On a continué le puzzle des vacances. Après les billets d'avion, les contacts, les dossiers universitaires, les travaux de recherche, la location de voiture, c'était au tour des billets de Narita Express que nous avons achetés en allant au sport, à Shibuya.
J'ai bien avancé mon Modiano, très dans le ton du jour...

« Le Paris où nous marchions tous les deux en ce temps-là était aussi estival et irréel que le complet phosphorescent de ce Scouffi. Nous flottions dans une nuit qu'embaumaient les troènes lorsque nous passions devant les grilles du parc Monceau. Très peu de voitures. Des feux rouges et des feux verts s'allumaient doucement pour rien et leurs signaux aux couleurs alternées étaient aussi doux et réguliers qu'un balancement de palmes.
Presque au bout de l'avenue Hoche, à gauche, avant la place de l'Étoile, les grandes fenêtres du premier étage de l'hôtel particulier qui avait appartenu à sir Basil Zaharoff étaient toujours allumées. Plus tard — ou à la même époque peut-être — je suis souvent monté au premier étage de cet hôtel particulier : des bureaux et toujours beaucoup de monde dans ces bureaux. Des groupes de gens parlaient, d'autres téléphonaient fébrilement. Un va-et-vient perpétuel. Et tous ces gens ne quittaient même pas leur pardessus. Pourquoi certaines choses du passé surgissent-elles avec une précision photographique ? » (Patrick Modiano, Rue des boutiques obscures, p. 160-161)

Commentaires

1. Le lundi 30 juillet 2007 à 16:26, par christine :

pareil, pour Bergman ... nous nous sommes peut-être croisés jadis à l'Action Ecoles ou Christine, qui sait ?

2. Le lundi 30 juillet 2007 à 21:10, par martine sonnet :

Les Bergman en festival l'été, ça revenait tous les ans, il me semble que c'était plutôt au Racine, rue de l'Ecole de Médecine, ou au Champo. Dans les Action c'était Lubitsch, Capra, Wilder and co.

3. Le lundi 30 juillet 2007 à 22:51, par brigetoun :

j'ai très peu de DVD mais Bergman domine en nombre. Et j'ai un faible pour les premiers, Monica, la nuit des forains, le rite etc.. pour le noir et blanc et parce qu'ls correspondent à ma jeunesse et à mon début d'émancipation.
Serrault, Bergman, salués par Modiano, belle corbeille

4. Le mardi 31 juillet 2007 à 01:51, par christine :

vous avez raison, martine sonnet, mais comme à la même époque je voyais aussi les autres, je mélange

les films en couleurs sont aussi magnifiques : Cris et chuchotements, Sonate d'automne, Scènes de la vie conjugale et Sarabande

et alors même que je rédige ce commentaire j'entends sur france info qu'Antonioni aussi est mort ! et moi qui le défendais cette nuit contre un jugement (un peu) négatif de Bergman ! quelle hécatombe...

5. Le mardi 31 juillet 2007 à 05:41, par Berlol :

Que vous dire ? Les bras m'en tombent.

6. Le mardi 31 juillet 2007 à 07:07, par grapheus tis :

...et les larmes embuent les yeux.

7. Le mardi 31 juillet 2007 à 07:21, par Berlol :

Ah ! Grapheus ! Vous tombez bien, si je puis dire...
Ça fait au moins trois mois que je n'ai pas pu ouvrir votre blog. À chaque fois, de n'importe quel ordinateur, ça produit un "délai d'attente dépassé"... J'ai pensé que vous aviez changé d'adresse mais quand d'autres vous citent et que je suis leurs liens, ça fait pareil. Et même avec Google, et même avec IE. Bizarre, non ?

8. Le mardi 31 juillet 2007 à 12:13, par christine :

étrange ... moi je consulte très régulièrement et sans aucun problème les billets de grapheus tis (et je profite de l'occasion pour lui dire que c'est avec grand plaisir)

9. Le mardi 31 juillet 2007 à 21:21, par grapheus tis :

Obscurités insondables !
Merci à Christine et à vous de m'assurer de vos visites dans mon petit "chaos" estival. Quand passerai-je à DotClear ou à Spip ?
"Si pressé que tu sois, tu ne peux dire à ton cul de te précéder !"
(proverbe mandingue).



Mardi 31 juillet 2007. Personne ne refroidit.

Je quitte T. assez tard dans la matinée, il n'y a pas de cours, seulement du travail au bureau, sans horaire fixe. Avec l'ordinateur portable en mode pdf+mp3, entendez : lecture & musique, le train acquiert une encore plus grande vitesse — une vitesse littéraire. La musique, c'est une sélection de Orb, Air Liquide, Muslimgauze, de l'électronique rythmée, sans lourdeur ni paroles importunes. La lecture, c'est Mérimée, la Chronique du règne de Charles IX, du XVIe siècle au XIXe, mais assez à la façon XVIIIe, un régal.

Il fait chaud, la fac est calme, il n'y a presque plus d'examens. Mon dernier à faire passer sera demain. Je commence les corrections, fais du courrier. Jusqu'à ce que David et moi nous décidions à aller jouer au ping-pong. Trois quarts d'heure assez habituels, plutôt pas mal, côté forme. Quand arrive un collègue de la fac d'économie, bon joueur, pas vu ici depuis des mois. David et moi en double contre lui, comme ça personne ne refroidit (façon de parler, la salle n'est pas climatisée...). Puis un quatrième arrive, qui jouera avec David pendant que je continuerai avec le collègue d'éco. Les coups me reviennent, les services, le smash de revers, les spoons, comme je les nomme (balles prises très bas, accélérées et montant haut, que l'adversaire croit voir sortir en rigolant et qui fusent sur le côté dès qu'elles touchent la table, leurs trajectoires tenant plus de l'ellipse que de la parabole).
Deux heures en tout. On a perdu au moins deux litres. On est cassé, on fait la course dans les escaliers, on a dix ans. De retour au bureau, on se vide une théière en écoutant les infos. Et là...

Ils auraient eu un pacte secret, se seraient donné le mot. Le mot de passe : mourir. Sur une date, un événement, un constat, la surveillance vidéo, la malhonnêteté des sports, ou des choses plus éthérées encore, nul ne pouvait le savoir.  Ils auraient jugé leur œuvre achevée, derrière eux, inoubliable. Collectors, rétrospectives, intégrales allaient déjà leur train — et eux de trop, carcasses devenues intransportables quand tout voyage si vite. Sans qu'il fût possible de dire comment ils avaient opéré, établi leur plan depuis des années ou quelques jours seulement, il semblait qu'ils avaient scellé cet accord de partir ensemble, fuir, se faire la belle avec les draps des écrans chéris. Beaux draps qu'ils nous laissaient remonter sans eux. Gens du XXe siècle, ils souhaitaient cependant déborder, voir de l'autre côté, mettre leurs dernières œuvres derrière la ligne du XXIe sans être plaqués par un cancer ou une dépression. Ils y étaient parvenus.
Serrault, Bergman, Antonioni.
À l'heure où nous imprimons, la série n'est peut-être pas terminée. La seule certitude...

«Pedro, alors, lui avait dit brusquement :
— Je crois que j'ai trouvé un moyen pour quitter la France... Avec de l'argent, tout est possible...
Il se souvenait que de très minces flocons de neige — presque des gouttes de pluie — tourbillonnaient derrière les vitres de la fenêtre. Et cette neige qui tombait, la nuit du dehors, l'exiguïté de la chambre, lui causaient une impression d'étouffement. Est-ce qu'il était encore possible de fuir quelque part, même avec de l'argent ?
— Oui, murmurait Pedro... J'ai un moyen de passer au Portugal... Par la Suisse...
Le mot « Portugal » avait aussitôt évoqué pour lui l'océan vert, le soleil, une boisson orangée que l'on boit à l'aide d'une paille, sous un parasol. Et si un jour — s'était-il dit — nous nous retrouvions, ce « Pedro » et moi, en été, dans un café de Lisbonne ou d'Estoril ? » (Patrick Modiano, Rue des boutiques obscures, p. 172-173)

« Au centre de Lisbonne, au pied des hôtels de luxe, à deux pas du Ritz, s'étend un domaine de haute poésie que les touristes en général ignorent et que les Lisboètes évitent à cause de sa chaleur accablante : la estufa quente, une serre chaude où est savamment entretenue l'atmosphère d'étouffoir humide des pires zones équatoriales. Le lieu est désert, les voix s'y désagrègent, la pensée s'y désagrège sous la sueur, sous le silence de la végétation vigoureuse, aux verts multiples, sous le chuintement de l'eau qui coule en continu, partout, afin d'augmenter encore la moiteur.
Et lui : Mais ma jolie, ma toute-charmante, qu'est-ce que tu espères trouver là-bas comme climat, en Indonésie ou au Vietnam, là où tu choisiras de t'arrêter ? Là où tu t'arrêterais, si jamais je te laissais partir d'ici après-demain ? » (Antoine Volodine, Lisbonne dernière marge, p. 46-47)

Commentaires

1. Le mardi 31 juillet 2007 à 08:03, par brigetoun :

pour Antonioni c'est vraiment un cinéaste dont les films font partie de mon monde intérieur, et dans les dix minutes suivantes appris la mort la même nuit d'un peintre, notoriété moyenne, thèmes attachants et bonhomme qui touche de très près des gens que j'aime - ces jours sont par trop funêbres (jusqu'au paquet que je prenais dans les lettres que je classe qui s'est révélé être une collection de condoléances)

2. Le mercredi 1 août 2007 à 14:37, par Berlol :

Il est possible qu'Isidore Isou ait été des leurs... Son importance historique et sa disparition synchrone iraient dans ce sens. Mais les médias, déjà obstrués par de légitimes pleurs n'ont plus d'oreille...



© Berlol, 2007.