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F.L.E. ET INTERNET AU JAPON
BILAN DU SYMPOSIUM SJDF, ET APRÈS

par Patrick Rebollar (Université Nanzan, Nagoya)

Journée pédagogique de l'Athénée français,
organisée par l'Université Dokkyo,
le 19 novembre 2000.
Mise en ligne, le 7 janvier 2001.

LIENS


 
 

    Nous avons commencé la séance en sondant la trentaine de personnes présentes. Si 29 d’entre elles se disent actuellement utilisatrices du réseau Internet (en fait, toutes celles qui utilisent un ordinateur), elles ne sont que 12 à le faire depuis plus de 3 ans. Du fait de cette nouveauté, 4 personnes seulement utilisent l’Internet dans leurs classes, tandis que 15 l’utilisent peu ou prou à la préparation de certaines classes. Les attitudes sont contrastées : tandis que 7 de ces utilisateurs se disent méfiants vis-à-vis du réseau, 6 vont jusqu’à une attitude franchement critique et 2 sont même assez pessimistes quant à l’avenir ; un avenir que 17 personnes envisagent au contraire avec optimisme. À propos de l’équipement des établissements, 16 personnes disposent effectivement de classes informatisées, mais seules 4 d’entre elles pensent avoir été bien informées au sujet de ces classes ; 10 se sentent mal informées tandis que 2 ne le sont pas du tout. Volontaristes, 18 présents souhaitent suivre une formation informatique, alors que 6 seulement en ont déjà bénéficié, sous une forme ou une autre.
    Ces réponses à main levée montrent que les enseignants sont conscients des transformations en cours, que beaucoup veulent les accompagner mais qu’ils éprouvent des difficultés à s’informer, à se former et hésitent, on les comprend, à franchir le seuil de la classe informatisée.

    Nous savions ainsi à qui nous rendrions compte du Symposium de la SJDF, « FLE + Internet=?», tenu au Congrès de Hirosaki le 19 octobre 2000 - et qui était d’ailleurs arrivé à des conclusions assez similaires, après que chacun eut présenté ses activités réticulaires et qu’on eut débattu publiquement d’Internet pour une première dans le FLE japonais.
    Parmi les 6 participants à cette table-ronde que nous avons eu le plaisir d’animer (les professeurs Thierry Lancien, de l’Université Paris 8, Yamazaki Yoshiro, du Lycée Caritas, Aino Tsuyoshi, de l’Université de Saga, Kasuya Yuichi, de l’Université de Kanazawa, Gilles Guerrin, de l’Université de Gifu, et Christian Bouthier, de l’Université Seitoku), tous enseignants de FLE et auteurs de sites Internet (à l’exception de M Lancien, qui contribue à des sites sans en être l’auteur), 2 seulement (MM Yamazaki et Guerrin) effectuent des cours informatisés, l’un par la pratique du courrier électronique avec un correspondant français, l’autre par la correction permanente des pages web que crée chacun de ses étudiants, tandis que les 4 autres professeurs s’en servent pour la préparation des cours ou pour leurs recherches personnelles.
    Récent paradoxe du manque d’information, M Aino a été le seul japonais à participer au stage COFRENS 2000 de Singapour, pourtant offert à 2 volontaires du Japon. Il envisage maintenant de diversifier son site Internet consacré à Villiers de L’Isle-Adam, pour y abriter un projet FLE en préparation.
M Kasuya, auteur d’un site consacré aux études stendhaliennes, a exprimé des réserves quant à l’enseignement par Internet, surtout lorsqu’il est conçu à partir de programmes institutionnels, lui préférant un réseau électronique libertaire où s’expriment des myriades de particularismes. Dans le cadre d’un cours, il envisagerait d’utiliser le courrier électronique.
    M Bouthier anime un site internet destiné aux communautés francophones et francophiles du Japon. Il diffuse bénévolement de nombreuses informations et crée l’espace de débattre librement qui manquait aux structures associatives même les plus ouvertes (le forum d’expression au sujet de TV5 au Japon en est un très bon exemple).
    Au lycée Caritas, M Yamazaki est directement responsable de l’équipement informatique de sa classe et ses tracas budgétaires, chaque année, révèlent un aspect matériel peu connu des enseignants, tandis qu’à l’université de Gifu, c’est par hasard que M Guerrin a découvert la salle d’ordinateurs, presque abandonnés, qu’il utilise maintenant (et où il propose d’organiser, pour les enseignants qui voudront bien faire le voyage, une seconde journée d’initiation à l’Internet en janvier 2001).
Entre ces deux extrêmes (la nécessité et le hasard), les autres enseignants constatent comme nous que leur établissement dispose de classes informatisées, mais qu’ils ont peu d’informations pour y programmer des cours, et pas de formation pour les préparer: quels types de cours y faire ? quels contenus exploiter? quelle scénarisation interactive proposer aux étudiants? et comment allier, sans craindre l’échec, les exigences et les contraintes logicielles, temporelles et pédagogiques? À Hirosaki, MYamazaki nous a montré une émission de la NHK, réalisée dans sa classe, où l’on voit des élèves joyeux et sérieux tout à la fois, dialoguer avec d’autres élèves, situés à des milliers de kilomètres, par le truchement d’un logiciel. À son tour, M Guerrin nous a montré l’évolution au cours de l’année universitaire d’une des pages web écrites et mises en page par ses étudiants. Tous deux insistent sur la préparation en amont de la classe, la claire définition du protocole de fonctionnement, l’encadrement pédagogique et scénique, voire proxémique de l’usage de l’ordinateur. Ils insistent aussi sur la participation active de leurs apprenants, qui est selon nous leur victoire sur l’apathie consumériste que nous sommes nombreux à constater dans nos classes.
    Outre les interrogations légitimes sur la validité pédagogique de nombreuses propositions, commerciales ou non, utilisant les nouvelles technologies (méthodes traditionnelles transférées sur CD-ROM, exercices à trou d’une affligeante banalité sur le web, visualisation tape-à-l’œil et inexploitable des graphes vocaux, environnement anglophone problématique, etc.), les participants, tant à Hirosaki qu’à l’Athénée français, mettent l’accent sur de triviaux problèmes techniques qui bloquent les machines comme les esprits, au premier rang desquels vient, malheureusement, le « mojibake ». Ce défaut d’affichage, dû à un indésirable transcodage multilingue, est en théorie corrigé mais il continuera d’apparaître, même dans les pages dynamiques dernier cri, tant que tous les ordinateurs et tous les logiciels n’utiliseront pas le même jeu de caractères multilingue (UNICODE).

    En bref et pour éviter les récifs des pannes et des virus, le cap de la compétence technique individuelle doit être doublé par chacun avant qu’il n’entrevoie le rivage radieux de la pédagogie informatisée. L’abord alors d’une cyber-activité de groupe en classe passe par la résolution d’une équation lourdement paramétrée : les objectifs pédagogiques, les ressources disponibles, la compétence des étudiants en français et en informatique, la nature du matériel (ordinateurs, logiciels, connexion) et sa maîtrise par l’enseignant, l’installation locale (grand écran, écrans des étudiants, intervention virtuelle de l’enseignant), les moyens d’évaluation, le désir de créativité de l’enseignant et sa capacité à le faire partager. Pour y réfléchir, la création d’équipes de réflexion et de préparation est une première nécessité, soit dans le cadre d’une formation d’enseignants (l’IFJT a proposé des stages, ce qui est renouvelable si la demande en est exprimée ; stage COFRENS, Cf. M Aino et l’attaché pédagogique de l’Ambassade de france ; stage bénévole de M Guerrin, etc.), soit dans le cadre d’un projet pédagogique d’établissement (comme c’est le cas à l’Université Sophia)*.
    Ces premiers pas de communication publique en matière de FLE assisté par ordinateur ont fait apparaître l’intérêt et la volonté des participants. Ils ont révélé la diversité des projets et des réalisations de ceux qui se sont déjà lancé, en même temps que des déficiences administratives ou techniques invalidantes, des hésitations ou des hontes préventives, l’indigence de certaines propositions commerciales ou bénévoles. Ils ont surtout permis de poser des questions auxquelles nous devrons maintenant nous efforcer de commencer à répondre.
   

LIENS avec les participants :

Thierry Lancien, de l’Université Paris 8
Présentation analytique de son livre Le Multimédia (98)
http://alsic.univ-fcomte.fr/Num2/pothier/defaut.htm

Yamazaki Yoshiro, du Lycée Caritas
http://www.threeweb.ad.jp/logos/bourgogne (en japonais)
http://www.alpha-web.ne.jp/caritas
http://beehive.twics.com/~berlol/relion6.htm

Aino Tsuyoshi, de l’Université de Saga
http://axel.pd.saga-u.ac.jp/htmldata/Villiers.html

Kasuya Yuichi, de l’Université de Kanazawa
http://web.kanazawa-u.ac.jp/~kasuya/toppage.html

Gilles Guerrin, de l’Université de Gifu
http://www.gifu-u.ac.jp/~guerrin/
http://www.gifu-u.ac.jp/~frjp/

Christian Bouthier, de l’Université Seitoku
http://france-japon.net/
http://france-japon.net/new

Attaché pédagogique de l'Ambassade de France
http://www.ambafrance.or.jp/index_main.html

Stages COFRENS :
http://fis.ucalgary.ca/Cofrens/

Page de François Mangenot (formateur COFRENS) :
http://www.u-grenoble3.fr/espace_pedagogique/index.html

Voir aussi :
La page du Pr Nakata Hitoshi (Univ. Kinjo Gakuin), pionnier du CD-ROM FLE au Japon
http://anny.kinjo-u.ac.jp/~nakata/Welcome.html (en japonais)
http://anny.kinjo-u.ac.jp/~nakata/WelcomeF.html (en français)
http://anny.kinjo-u.ac.jp/~nakata/WelcomeE.html (en anglais)

Le site de l'organisation internationale de la francophonie :
http://www.francophonie.org/oif.cfm

[1] Malgré notre sollicitation, aucun représentant de cette équipe n’a pu participer ni au Symposium d’Hirosaki ni à notre atelier de la Journée pédagogique. Il en sera donc question une autre fois…