Pas de Pléiade pour les Minuit morts…

mercredi 6 mai 2009, à 19:07 par Berlol – Enregistrer & partager

Après nettoyage dans mes Alertes Google de ces dernières semaines, deux articles qu’il aurait été dommage que je manque.

Desnos, de Royallieu, avant déportation…

« L’histoire littéraire pense l’historicité « positivistement », comme une donnée objective : un moment de la durée temporelle auquel appartiennent les événements produits dans ce laps. C’est en priorité cette appartenance qui donne à ces événements leur sens et leur valeur. En fait, ce point de vue repose à la fois sur l’illusion qu’il est possible de saisir la valeur historique d’une œuvre au moment même de son apparition (un retour dans l’histoire), et, corrélativement, sur l’ignorance que tout moment historique est une représentation, c’est-à-dire une vision à partir du présent. La poétique, elle, rapporte l’histoire au présent du dire (du dire l’histoire), qui implique autant l’engagement des singularités discursives que celui des modes de dire et de penser qui font une époque.
Dans le cas du poème de Desnos, « Printemps », écrit en 1944, c’est lui, le poème, et spécifiquement le premier vers (« Tu, Rrose Sélavy, hors de ces bornes erres »), qui fait son époque, qui marque une situation et qui, au lieu de l’illustrer, l’analyse. C’est d’abord l’atteinte au bien écrire qui fait d’un mal écrire un bien dire : la dissociation du groupe pronom sujet – verbe (« tu […] erres ») et la greffe d’un syntagme apposé (« Rrose Sélavy »), transforment le « Tu » en « Toi » (« Tu [Toi], Rrose Sélavy, »). La deuxième personne est un sujet adressé, mais se transforme ici en vocatif. Plus qu’une adresse, c’est un appel à l’autre. Et cette valeur tient par l’accentuation de « Tu », qui forme un seul groupe rythmique. Il faut donc lire comme une valeur du poème la disjonction du groupe sujet – verbe. Une disjonction, il faut le remarquer, qui est d’ordre rythmique et non logique : même séparés, le sujet et son verbe restent grammaticalement et logiquement liés.
D’autre part, la présence immédiate du sujet adressé, corollairement avec le rejet du verbe en bout de vers, permet l’intercalation du groupe « hors de ces bornes », qui installe un dispositif prosodique (l’écho de la syllabe [or] : hors / bornes) résumant comme un emblème le statut du prisonnier tendu infiniment vers son évasion.
Les bornes contiennent leur propre extériorité comme une ombre portée. Ce qui est dit ici l’est non par les signes, mais à travers eux. C’est la signifiance qui fait l’histoire, et non la date de rédaction du poème. Plus précisément, c’est la signifiance du poème qui transforme le temps de l’écriture en temps du poème, qui en fait un monument dans l’histoire et pour l’histoire.» (extrait de l’entretien de Patrice Beray avec Gérard Dessons, en hommage à Henri Meschonnic, « Le poème trace la voi de la cité », in Médiapart le 30 avril 2009)

Pas de Pléiade pour les Minuit morts…

« […] Si les choix de la Pléiade ne sont pas dictés par le marché, ils ne le sont pas non plus par la seule valeur de l’œuvre : les liens personnels, les circonstances, la proximité avec la NRF ont parfois joué. Inversement, il arrive qu’un éditeur s’oppose à une publication en Pléiade d’un de ses auteurs : ainsi Minuit avec Beckett (la maison n’a pu empêcher Claude Simon d’y entrer de façon posthume, car la proposition avait été faite du vivant de l’auteur de la Route des Flandres). […] » (extrait de l’article d’Édouard Launet, « Quel roman sied au XXe siècle ? », in Libération du 4 mai 2009)

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Publié dans le JLR

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