Vitesse d’ado et finesse d’hippopotame

dimanche 28 mai 2023, à 18:48 par Berlol – Enregistrer & partager

Au réveil, ce matin, avec le décalage horaire, la déclaration de Justine Triet après avoir remporté la Palme d’Or de Cannes 2023. Un scandale total pour les macroniens : ils ont dépensé des trésors de pognon public, émis d’iniques décrets contre manifs et casserolades, déplacé des cars entiers de violences policières, et là, au sommet de leur immonde et luxueuse jouissance cannoise, à la dernière minute du direct en mondovision, passée par un trou de souris, PAF !, une contestataire qui leur chie sur les pompes sans crier gare ! Et tonnerre d’applaudissements. Des plans de coupe montrent toutefois que certaines mains ne bougent pas, que certains visages ne sourient pas.
Là-dessus, la ministre, vitesse d’ado et finesse d’hippopotame, envoie un tweet pour bien souligner que les artistes subventionnés ne seraient quand même que des petites putes du pouvoir en place. Et, lui emboîtant le pas, machoire déboîtée, tous les infatués de l’extrême-centre à l’extrême-droite se ruent dans la même flaque boueuse… Puis restent plantés dans la nuit et le silence présidentiel.
Après les Césars et Cannes, faudrait pas qu’un Français gagne à Rolland-Garros… Ou une Française. Ce sont plutôt elles qui l’ouvrent, ces derniers temps.

« Mais, en même temps, c’était moi. Je ne suis pas folle. J’étais assise sur la cuvette. Je ne flottais plus à l’extérieur de mon corps. C’était moi, bel et bien, qui grognonnais et pensais à la place de mes organes pensants ou non, cerveau compris.

On évacue les liquides superflus du corps sans leur attacher le moindre prix, mais la mémoire, elle, engrange ses déchets et, au lieu de les expulser, elle les retient et elle les chérit. On est assise au-dessus de ce trou, au-dessus de cette eau souillée, et on chérit l’horreur du passé tandis que gouttent hors de soi les ultimes millilitres emmagasinés jusque-là par la vessie. Les souvenirs, eux, sont restés imprimés dans la cervelle, dans cette bouse grise abominable qui, de nouveau, la nuit prochaine ou dans dix ans, les remuera au hasard des rêves, tout en leur infligeant sa propre fantaisie nauséabonde.

Ce processus idiot et mollasse de fabrication des rêves me dégoûte autant que la fabrication en moi de la pisse à partir de l’eau que j’ai bue. » (Infernus Iohannes, Débrouille-toi avec ton violeur, ch. « Sous les viandes / Nos grandes traductions II » par Molly Hurricane, p. 144-145.)

Moi, ça m’inquiète un peu, l’apnée du sommeil. Je me demande parfois si j’en fais. J’ai installé une appli sur mon téléphone pour surveiller mes bruits nocturnes et l’ai utilisée quatre ou cinq fois. Des séquences de légers ronflements ont été enregistrées, rien d’inquiétant. Mais, à ma surprise, entendre mon sommeil m’a paru encore plus angoissant que la crainte de l’apnée.
Accéder à ce qu’on ne sait pas de soi suscite comme une nausée…

« Ainsi, avant même de considérer les contenus des rêves, Volodine nous contraint à déformer ou élargir les conditions d’existence et la nature des activités oniriques. » (P. Rebollar, « le langage des rêves chez A. Volodine », Fukuoka, 2008)

 

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Publié dans le JLR

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