Ce que le calcul des possibles fait à l’identité

lundi 8 décembre 2008, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

« Le fait est que j’étais de plus en plus renfermé, autiste, énervé, à force de rester des nuits et des nuits enfermé dans un hôtel comme dans une cage. Maintenant la plupart du temps j’étais seul, il y avait infiniment peu de clients, exceptés les habitués. Six nuits sur sept. J’étais tout à fait asocial. Je ne pouvais plus blairer personne. Quand vous vivez à l’opposé des gens, dormant le jour et éveillé la nuit, systématiquement, vous changez de nature, vous devenez une brume perpétuelle. C’est un état qui n’est pas désagréable, on se sent à moitié assommé et en même temps plein de vigueur, de haine et de meurtre. On considère les gens dans la journée comme des objets incongrus. Affairés comme ils sont. Ça n’est pas un métier déplaisant, veilleur de nuit.
C’est un métier dangereux.» (Vincent Eggericx, L’Hôtel de la méduse, p. 173)

Des métiers dangereux, il y en a beaucoup. Journaliste dans The Hunting Party (Richard Shepard, 2007), par exemple (vu hier, oublié de le noter). J’ai l’impression que le film n’est pas sorti en France… Est-ce parce que ça ressemble trop à la traque d’un chef serbe ? Ou parce que la solution finalement adoptée n’est pas très… politiquement correcte ? Le scénario est à la fois original et basé sur une histoire vraie, ce qui ne suffit pas à en faire un grand film. En tout cas, Richard Gere vieillit bien.
De même qu’il est dangereux d’être joueur professionnel, sorti de prison dans Revolver (Guy Ritchie, 2005), croyant n’avoir plus que trois jours à vivre et tombant dans une sombre manipulation — ligne narrative prétexte à une réflexion philosophique sur le jeu, la manipulation, et ce que le calcul des possibles fait à l’identité de l’individu. À l’instar de Hunting Party dont l’épilogue naît d’une façon de penser autrement les données, Revolver propose une fascinante, bruyante et dynamique déconstruction du temps et de l’espace… qui oblige toutefois, pour que le spectateur ne soit pas complètement largué, à une voix off un peu trop présente.
De plus, j’ai beaucoup apprécié la bande son de Nathaniel Mechaly, qui a déjà une fort belle carrière (et un site web bien fourni).

Exergue de César en anglais dans les premières images du film. Il aurait dit (forcément quelque part) que, en français : « Le plus grand ennemi se cache là où on ne l’attend pas.» ou « Le pire ennemi se cache là où on l’attend le moins.»
Fort intéressant, comme idée — en fait l’idée c’est sans doute que c’est parce qu’il est caché là où on ne s’y attend pas qu’il est notre pire ennemi. Mais je ne retrouve nulle part (cause principale du retard de ce billet) de citation approchante dans les corpus césariens (tiens ! Nisard !)… Serait-ce une parole attribuée ? Une légende ? Une pure invention ?
Y a-t-il un latiniste dans le réticule ?

Je boude la projection et les commémorations du film Hiroshima mon amour à l’Institut franco-japonais. Un, parce que j’ai déjà le film dans la dernière édition dévédé avec suppléments. Deux, parce qu’il doit y avoir un monde fou et que je ne suis pas d’humeur à parader. Trois, parce que j’ai des convictions au nom desquelles je ne veux pas revoir ni saluer Marie-Christine de Navacelle, directrice de l’Institut il y a une petite dizaine d’années. Quatre, parce que commémorer Hiroshima à Tokyo juste le lendemain de Pearl Harbor m’apparaît comme une faute de goût sinon d’éthique.

Mais le fait est…

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Publié dans le JLR

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