En total dépit des cris et de la pression des autres

jeudi 23 juillet 2009, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

Enfin, je me décide et commande un Ricoh CX1. Il sera là demain. C’est un peu la faute à T., qui me nargue depuis un mois avec la beauté des photos de son GR II. Ça veut aussi dire que les vacances approchent…

Je sais qu’il faudrait toujours surfer sur la nouveauté parler des livres extraordinaires qui arrivent dans un mois, ou, à défaut, de ceux du mois dernier. Pour l’instant, je laisse cela à des professionnels, d’abord parce qu’ils reçoivent les livres, ce qui n’est pas mon cas, malgré la surface médiatique de mon blog (lol), ensuite parce qu’ils peuvent causer avec les auteurs qui acceptent d’être filmés, ce qui semble devenir un impératif de la promo, surtout en ligne. Et c’est vrai que la campagne littéréticulaire (c’est le mot juste) que mène actuellement Sylvain Bourmeau pour Médiapart, librement diffusée sur Dailymotion, est une grande et belle nouveauté, non par le montage médiatique et technologique dont elle résulte mais bien par la profondeur, la qualité et la régularité des entretiens proposés.

De mon côté, les piles de livres commandés depuis plusieurs années et pas encore lus atteignent des hauteurs vertigineuses. Peut-être un peu parce que je passe trop de temps en connexion, peut-être aussi parce que j’ai plus de travail qu’avant, surtout depuis qu’on est passé à quinze semaines de cours par semestre, à quoi il faut ajouter six ou sept semaines d’examens, de corrections et de concours, quatre semaines d’encadrement de stage à l’étranger, les préparations de cours de littérature qui bouffent encore une bonne trentaine de samedis. J’espère que le total ne dépasse pas le nombre de semaines annuel. Quoique… ça ne m’étonnerait qu’à moitié.

Et puis je me suis lancé depuis un mois dans un grand projet bibliographico-documentaire nommé Para-Post-Exotisme qui prend aussi du temps, que ce soit à concevoir (sous WordPress), à remplir (exactitude des références) ou à défendre (pionniers et ayant droits). Les intéressés compétents peuvent m’écrire parce que l’accès en est restreint.

Alors forcément, quand je choisis un livre, au milieu des piles qui bruissent d’appels et de promesses, il a intérêt à exceller, au moins jusqu’à me faire oublier la boucherie sélective qui l’a amené entre mes mains. Et quand c’est le cas, comble du luxe, je reste avec lui des semaines en total dépit des cris et de la pression des autres. C’est exactement ce qui se passe avec EquatoRia de Patrick Deville, depuis près d’un mois déjà.

« Il s’agit d’un plan publicitaire succint, et destiné à être offert, dont l’impression a déjà été payée vingt fois par toutes les entreprises dont les logos maculent la moitié du document, parmi lesquels je repère de loin DHL et la compagnie maritime Delmas. Je prends l’objet en main afin d’en estimer la valeur en connaisseur, dissimule mon euphorie en constatant qu’il mentionne le nom de presque toutes les rues de Luanda, compose une moue dubitative. L’homme en demande cinquante dollars, un petit mois de salaire. Alphonse hausse le ton. L’homme essaie de reprendre le plan, feint de s’éloigner. J’essaie de calmer le jeu, lui fais remarquer que les Américains ont payé moins cher le plan des rampes de missiles du pacte de Varsovie. L’homme dit qu’il s’en fout, affirme que celui-ci est une pièce rare, qu’il m’arrache des mains.
Alphonse lève les yeux au ciel, me répète que je n’aurais pas dû l’accompagner, que cet homme est un brigand. J’ai peur que mon plan soit déchiré dans l’algarade, sors les billets. Alphonse me répète que ce plan est inutile puisque personne ici n’utilise, ni même ne connaît le nom des rues. Que je jette mon argent par la fenêtre. Je déplie mon plan sur la boîte à gants, repère les points cardinaux, annonce, triomphal, que notre pizzeria est sise en haut de l’avenue du Commandant-Che-Guevara. Alphonse hausse les épaules et met le contact.

Un soir, je déplie le plan arraché de haute lutte à l’ennemi sur une table de mon QG qui est la pizzeria de mon ami indien de Portimão. J’ai appris la topographie de Luanda dans les romans de Pepetela, tout spécialement les aventures de son Jaime Bunda, parodie de James Bond, dont j’ai pu vérifier ces derniers jours l’exactitude des parcours en ville.
Les noms des rues offrent ici le plaisir pervers d’y lire les stigmates de la Guerre froide. Avec des gestes de général en campagne, je décide que pour nous rendre chez Pepetela, nous descendrons demain l’avenue Che-Guevara sur toute sa longueur jusqu’à l’avenue Lénine, que nous prendrons à droite jusqu’au Largo do Kinaxixe. Après, j’hésite encore, rue du Maréchal-Tito, ou rue Gamal Abdel Nasser puis avenue Nehru. Mon aide de camp indien me conseille de m’en remettre à Alphonse, qui est ici depuis vingt-sept ans.» (Patrick Deville, Equatoria, Paris : Seuil, 2009, p. 116-117)

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Publié dans le JLR

6 réponses à “En total dépit des cris et de la pression des autres”

  1. brigetoun dit :

    vous devriez les recevoir ces livres parce qu’à vos rares (re-lol) lecteurs vous faites passer un très très grand désir de vous suivre dans vos lectures.
    J’ai aussi une belle provision en attente, d’anciens livres ‘papier » et d’e-books, et j’étais incapable, pour plongée un peu grande dans ce qui m’entoure, de lire – je me promets une grande plongée en août, en rajoutant peut-être Patrick Deville au tas

  2. LM dit :

    Equatoria, superbe livre en effet.

  3. Bikun dit :

    GRII?? C’est une belle bête ça…le GRIII est sur le point de sortir! Sans doute ce qui se fait de mieux en matière de petit compact. Pas trop cher quand même? J’ai depuis janvier un autre boîtier, toujours réflexe mais plus petit. Un plaisir de l’avoir entre les mains, de pouvoir le prendre n’importe quand. La photo dans la rue redevient un plaisir!

    Bon, moi je n’ai plus de blog, détruit sans mise en garde par Globat…
    Venant de traverser une période d’intense activité, je n’ai pas eu le temps de m’y remettre, mais je vais le remettre en route (tout réinstaller) prochainement…

    Bonnes lectures!

  4. Berlol dit :

    Salut Bikun !
    C’est un quoi ton nouveau boîtier ?
    Pour ton blog, j’avais prudemment laissé le lien. J’ai eu moi aussi de nombreux problèmes avec Globat, mais j’ai ferraillé, écrit, protesté et j’ai réussi à protéger mes blogs dans la migration…
    Bonne chance pour le remontage !
    A+

  5. Bikun dit :

    Mon nouveau boîtier est un Canon 5D Mark II. J’ai hésité avant de faire l’investissement car (sans parler du côté financier) d’un côté c’est un cran en dessous de ce que j’avais avant (le 1D) mais côté capteur numérique et qualité des fichiers c’est 2 crans au dessus! 21 bons millions de pixel, le rêve enfin réalisé et des sensibilités incroyables: 3200 voire 6400 iso exploitables, on va bientôt pouvoir photographier dans le noir! Enfin, il faut coupler tout ça avec d’excellents objectifs (que j’ai par ailleurs). Mes récents travaux et résultats me donnent raisons sur mes choix! Pour mes clients aussi c’est un gain en qualité.
    Pour Globat, j’ai bataillé aussi mais comme j’étais débordé travaillant 7j/7 19h par jour en juin, j’ai dû mettre cela de côté. Résultat, ils ont fait sauté le blog et n’ont même plus de backup. Ne reste que le nom de domaine qui pointe sur mon autre domaine! Grrrr…
    J’ai un bémol à mettre sur le Ricoh CX1: le zoom de 200mm. A utiliser avec précaution, c’est gros pour un tel appareil. Surtout en intérieur, à éviter, les risques de flous sont assez grands. Tu n’auras pas la même qualité que le GRII qui est équipé d’un superbe objectif.

  6. Berlol dit :

    En fait, j’utilise peu le 200 mais j’aime bien les positions préréglées 28, 35, 50, 85, 105. Et c’est tellement plus lumineux que mon Sony ultraplat ! Normal, diras-tu…
    J’ai hâte que tu rouvres ton site ! Allez, au boulot !