Débrouille dans les interstices

mercredi 10 septembre 2008, à 23:53 par Berlol – Enregistrer & partager

« L’I.S. se bâtit volontairement sur le mode du légendaire et du mythologique : seule la rumeur persistante de son existence séditieuse devrait assurer une activité de propagande efficace dans la perspective d’une révolution libertaire à venir.» (Alexandre Trudel, « Entre Écart absolu et passages : la difficile rencontre surréaliste-situationniste », in Acta Fabula le 8 septembre, recension de Jérôme Duwa, Surréalistes et situationistes, vies parallèles.)

Didier da Silva avoue : « J’adore l’Odyssée mais l’Iliade m’emmerde.» Cent pour cent d’accord avec lui. (Ai juste modifié les majuscules.)

« […] s’appeler Michel Houellebecq en France, à l’heure actuelle, ça coupe beaucoup de choses, hein.» (dans l’interview pour Technikart du mois, lu cet après-midi) — la faute à qui ? Ce n’est quand même pas nous qui avons écrit ces histoires glauques dans ce style exsangue, qui avons répondu avec tant d’irresponsabilité à tant d’entretiens, qui avons produit ces poèmes et ces chansons d’une platitude à faire pleurer de rire si ça n’occupait pas tant de place dans les magasins et les magazines.
Mais les plis du cerveau n’étant pas défroissables, il n’y a aucune chance pour que nos arguments soient recevables jamais de son côté, ni les siens du nôtre. Pour moi, ce n’est pas de la haine, tout juste de l’exaspération et du désintérêt. Pour la plupart des journalistes non plus, je crois, même s’il y a l’expression d’un défoulement verbal qui amuse de moins en moins (au XIXe siècle, on demandait clairement la tête…) et qui témoigne parfois, aussi, c’est vrai, d’une jalousie — car beaucoup voudraient réussir comme lui avec, comme lui, si peu de qualités.

Nombreux courriers envoyés, aujourd’hui. Des projets en cours à ajuster avec des collègues ou des amis, principalement pour l’automne. Ai aussi fait visiter l’appartement du 2e à un jeune couple franco-japonais qui pourrait bien l’habiter prochainement (ça va se décider sous peu).
Revoyons Tombés du ciel (Lioret, 1994). Outre l’amusement et l’intérêt du film, que nous appréciions déjà, une évidence rend triste cette évocation d’une forme d’humanité et de débrouille dans les interstices de la légalité internationale : l’impossibilité d’un tel propos après le 11 septembre 2001 et le délire sécuritaire maintenant en vigueur partout, en faveur partout, surtout dans les aéroports.

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10 réponses à “Débrouille dans les interstices”

  1. vinteix dit :

    100 % d’accord aussi avec Didier da Silva et toi sur « L’Odyssée » et « L’Iliade » (ai juste corrigé les 2 « l »).
    A ce sujet, R.Queneau « classait » les grandes oeuvres en Iliade et Odyssée, les odyssées étant beaucoup plus nombreuses (« Satiricon », « Divine comédie », « Pantagruel », « Don Quichotte », « Ulysse »…)… mais tout de même Proust est dans « L’Iliade »…
    En même temps, et pour le plaisir, ne résiste pas à citer ce propos de Céline (lu récemment) au sujet de Proust : « Proust explique beaucoup trop à mon goût -trois cent pages pour nous faire comprendre que Tutur encule Tatave c’est trop. »

    Quant à Houellebecq, je serai moins dur sur toute la ligne que toi… certes, ses poèmes et ses chansons sont en effet d’une indigence impressionnante… le personnage m’insupporte assez… ses idées sont parfois proches de la puanteur… néanmoins, il est à mes yeux très symptomatique de l’époque, et même si je n’ai lu que son « Extension du domaine de la lutte » (pas un mauvais livre du tout, dans mon souvenir… et l’on m’a dit beaucoup de bien de « La Possibilité d’une île », dont le titre en soi ouvre déjà des horizons immenses de méditation-et-de-rêverie…), pour le dire vite, je pense que sa vision des implications profondes du système politico-économique dominant le monde actuel dans l’intimité des vies individuelles (et notamment dans les rapports amoureux et/ou érotiques) est loin d’être inintéressante… son écriture est à placer dans cette perspective-là, me semble-t-il…

  2. brigetoun dit :

    et je croyais penser cela – mais il me suffit de mettre le nez dans l’Illiade pour inverser l’ordre (s’il faut trancher)

  3. Berlol dit :

    Merci pour les deux « l » tapés trop vite, ai rectifié.
    Si on n’a lu qu' »Extension du domaine de la lutte » il est encore possible d’y croire. Le problème étant justement que tu n’as pas lu les suivants. Comme disait à peu près Pierre Bayard, il est plus facile de défendre un auteur dont on est non-lecteur…
    Vous avez raison, Brigetoun, vaut mieux pas avoir à trancher. Mais qu’est-ce qui vous fait changer de bord ? Le lyrisme ? Le sang ?…

  4. vinteix dit :

    De rien pour les deux « l »… au passage, c’est marrant, parce que j’ai l’impression que c’est une erreur (de frappe ou pas) qui revient souvent… et je le dis d’autant que je la faisais souvent naguère (« en frappant » ou pas !)… jusqu’à ce que je me discipline… (enfin, très relativement)

    Pour Houellebecq, tu as raison… ma vue est forcément partielle/partiale… mais quid de « La Possibilité d’une île » ? l’as-tu lu ?
    En même temps, je maintiens qu’il décrit avec une certaine acuité l’époque contemporaine (acuité à la fois féroce, mordante et délibérément désenchantée, mais tels me semblent, à bien des égards, cette époque et notre monde actuel)…
    maintenant, l’écriture ne serait-elle qu’une description du monde ? ou bien un pas au-delà (quel qu’il soit) ? c’est une autre (et vaste) question…

    Amicalement
    V

  5. Berlol dit :

    Oui, j’ai presque tout lu de lui, mais pas pu finir La Possibilité d’une île, me tombait des mains. Il décrit l’époque, tu dis… Parce que tout le monde serait condamné aux névroses et aux impasses qu’il met en scène comme des destins inévitables. C’est surtout cette malhonnêteté-là qu’on lui reproche — et qui n’est même pas malhonnête puisque c’est ce qu’il pense naïvement
    Parce qu’en myope total, il accuse les contestataires des années 60 et 70 d’être responsables des situations (de merde de ses personnages) d’aujourd’hui, sans voir que c’est plutôt à cause de ceux qui n’étaient pas des contestataires visibles dans ces années-là que la société est devenue ce qu’elle est, ou n’a pas évolué comme il aurait fallu.
    Et puis, oui, comme tu le dis, bien sûr, l’écriture littéraire doit forcément être quelque chose de plus que la (vraie ou en l’occurrence fausse) documentation d’une époque.
    Je cite Léo Scheer hier, qui comme par hasard traite quasi du même sujet… Lire aussi ce qui précède cette citation :
    « Cette action a donné d’excellents résultats du côté de la vie intellectuelle française, c’est une période florissante de la pensée, marquée par des livres importants, dont nous aidions la publication, (c’est ainsi que j’ai découvert le domaine de l’édition), mais assez médiocre dans celui de la transformation de l’Etat, de ses pratiques et de sa mentalité.»

  6. A Vinteix, à propos de Céline expliquant Proust: « mais quelles trois cents pages! »

    Amicalement

    Phil

  7. christine dit :

    j’enfourche une fois encore mon destrier pour lutter contre les moulins à vent du culturellement correct : non seulement je suis plutôt d’accord avec Vinteix, mais j’ai lu tous les livres de Houellebecq, et ce plutôt avec plaisir et intérêt

    même si son personnage médiatique, certaines de ses idées et la façon dont il se promeut m’insupportent aussi, il me semble qu’il a su capter des tendances importantes de notre société, son jeunisme, la négation de la maladie et de la mort, la sexualité et la performance obligatoire, etc. (peut-être suis-je plus névrosée que toi et donc davantage susceptible de m’identifier à ses personnages!)

    quand à décréter que ce n’est pas écrit, qu’il n’y a pas de style, cela me semble également superficiel : récemment j’ai vu le film adapté des Particules élémentaires, qui est très mauvais et où on ne retrouve absolument pas l’esprit de Houellebecq, qui peut-être tient donc tout de même un peu à la façon dont il écrit ; Houellebecq écrit en Houellebecq, comme Angot écrit en Angot : on peut aimer ou pas ; son style, fût-il exangue, est identifiable, et je ne suis pas certaine du tout qu’il soit aussi peu travaillé qu’il l’affirme par dandysme

    (sinon, je parle de toi et de passou dans mon billet de ce soir)

  8. Didier da dit :

    Ah, je me sens autorisé à pinailler, alors : la particule (élémentaire, je veux dire pas aristocratique pour deux sous) de mon nom est en bas de casse… c’est une coquetterie, si vous voulez, Berlol, mais j’y tiens…

    Quant à Houellebecq, je me suis arrêté aux « Particules » justement ; l’élargissement de la vision (et les poses de visionnaire) ne m’avait pas convaincu, mais je l’avais trouvé plutôt doué dans la peinture grisâtre (style adéquat alors, que je dirais « moite », comme les mains d’un laideron à son premier speed dating) de la médiocrité. Il était plus grand dans l’étroit. (Cela dit, son essai sur Lovecraft est très bien, et certains textes de « Rester vivant » savoureux, je pense notamment à « Prévert est un con »…)

  9. Berlol dit :

    Merci Didier, c’est important. Mais si on met la minuscule à « da », je dois modifier le tag en « Silva Didier da ». Ou je le laisse en « da Silva Didier » ? Ou est-ce qu’on vous range, dans les librairies, à D ou à S ?
    Par exemple, Philippe De Jonckheere tient lui à ce que son « De » soit avec majuscule, pour n’être pas une particule de noblesse, justement…

  10. Didier da dit :

    On me range à D, je crois. Mais j’aime assez l’idée d’embarrasser les libraires et les bibliothécaires… A eux de trancher (et à vous, pour le tag) !
    La majuscule c’est pour l’état civil, la minuscule pour les livres… Et comme je n’ai rien contre la noblesse, surtout quand elle est fictive (un peu à la manière de ce cher Villiers de l’Isle-Adam, qui rêvait de comtés fabuleux sur son grabat…)