Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Mai 2009

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Lundi 4 mai 2009. Où vont toutes ces routes ?

Il y a des carrefours
Il y a des priorités
Il y a des signalisations

Les manquer
c'est courir
à l'accident

Mais que veut-on de moi ?
Et où vont toutes ces routes ?



Mercredi 6 mai 2009. Pas de Pléiade pour les Minuit morts...

Après nettoyage dans mes Alertes Google de ces dernières semaines, deux articles qu'il aurait été dommage que je manque.

Desnos, de Royallieu, avant déportation...

« L'histoire littéraire pense l'historicité « positivistement », comme une donnée objective : un moment de la durée temporelle auquel appartiennent les événements produits dans ce laps. C'est en priorité cette appartenance qui donne à ces événements leur sens et leur valeur. En fait, ce point de vue repose à la fois sur l'illusion qu'il est possible de saisir la valeur historique d'une œuvre au moment même de son apparition (un retour dans l'histoire), et, corrélativement, sur l'ignorance que tout moment historique est une représentation, c'est-à-dire une vision à partir du présent. La poétique, elle, rapporte l'histoire au présent du dire (du dire l'histoire), qui implique autant l'engagement des singularités discursives que celui des modes de dire et de penser qui font une époque.
Dans le cas du poème de Desnos, « Printemps »,écrit en 1944, c'est lui, le poème, et spécifiquement le premier vers (« Tu, Rrose Sélavy, hors de ces bornes erres »), qui fait son époque, qui marque une situation et qui, au lieu de l'illustrer, l'analyse. C'est d'abord l'atteinte au bien écrire qui fait d'un mal écrire un bien dire : la dissociation du groupe pronom sujet - verbe (« tu [...] erres ») et la greffe d'un syntagme apposé (« Rrose Sélavy »), transforment le « Tu » en « Toi » (« Tu [Toi], Rrose Sélavy, »). La deuxième personne est un sujet adressé, mais se transforme ici en vocatif. Plus qu'une adresse, c'est un appel à l'autre. Et cette valeur tient par l'accentuation de « Tu », qui forme un seul groupe rythmique. Il faut donc lire comme une valeur du poème la disjonction du groupe sujet - verbe. Une disjonction, il faut le remarquer, qui est d'ordre rythmique et non logique : même séparés, le sujet et son verbe restent grammaticalement et logiquement liés.
D'autre part, la présence immédiate du sujet adressé, corollairement avec le rejet du verbe en bout de vers, permet l'intercalation du groupe « hors de ces bornes », qui installe un dispositif prosodique (l'écho de la syllabe [or] : hors / bornes) résumant comme un emblème le statut du prisonnier tendu infiniment vers son évasion.
Les bornes contiennent leur propre extériorité comme une ombre portée. Ce qui est dit ici l'est non par les signes, mais à travers eux. C'est la signifiance qui fait l'histoire, et non la date de rédaction du poème. Plus précisément, c'est la signifiance du poème qui transforme le temps de l'écriture en temps du poème, qui en fait un monument dans l'histoire et pour l'histoire.» (extrait de l'entretien de Patrice Beray avec Gérard Dessons, en hommage à Henri Meschonnic, « Le poème trace la voie de la cité », in Médiapart le 30 avril 2009)

Pas de Pléiade pour les Minuit morts...

« [...] Si les choix de la Pléiade ne sont pas dictés par le marché, ils ne le sont pas non plus par la seule valeur de l’œuvre : les liens personnels, les circonstances, la proximité avec la NRF ont parfois joué. Inversement, il arrive qu’un éditeur s’oppose à une publication en Pléiade d’un de ses auteurs : ainsi Minuit avec Beckett (la maison n’a pu empêcher Claude Simon d’y entrer de façon posthume, car la proposition avait été faite du vivant de l’auteur de la Route des Flandres). [...] » (extrait de l'article d'Édouard Launet, « Quel roman sied au XXe siècle ? », in Libération du 4 mai 2009)


Vendredi 8 mai 2009. Du sarkonazisme à venir.

Pour deux casseroles sur le feu, lectures alternées de Robbe-Grillet, Roger-Michel Allemand, Eugène Sue et Le Clézio. Après déjeuner au Saint-Martin, séance de travail à la médiathèque de l'Institut — on ne croirait pas que c'est au Japon. Sauf que j'en fais quand même deux heures, du japonais...
Bonne nouvelle, mon nouvel Acer capte bien le wifi de l'Institut et j'ai installé Skype.

En ce jour de cérémonie, glacé par un aperçu du sarkonazisme à venir — c'est-à-dire en cours de construction, via les diverses lois déjà votées ou en cours, malgré les troubles, de validation, et qui bétonnent (c'est le cas de le dire) pour le long terme l'ensemble des piliers de notre société (éducation, justice, santé, sécurité, transports, industrie, etc.). Un long terme où l'on sait d'ailleurs très bien se servir du numérique...

« [...] quand apparaissent au grand jour les liaisons dangereuses entre le ministère de la Culture de Nicolas Sarkozy et la chaîne privée détenue par son meilleur ami Martin Bouygues, ça fait désordre.»

Pardon, Philippe ! Il ne s'agit pas de ton Désordre, bien sûr, pour lequel je n'ai que de l'affection, mais de celui qui préfigure l'Ordre du futur, donc déjà valable au présent. Lisez plutôt ! C'est (ce) (que) l'Hadopi empire...

*   *
*

Dénoncé par Albanel, viré par TF1, Isabelle Roberts, Raphaël Garrigos, dans Libération du 7 mai.

C’est le premier martyr d’Hadopi. Cet homme de 31 ans, Jérôme Bourreau-Guggenheim, respon­sable du pôle innovation web de TF1, a été, selon nos informations, licencié pour avoir critiqué le projet de loi Création et Internet (Hadopi). Allons bon. Mais il y a mieux : si Jérôme Bourreau a été viré par la Une, c’est suite à une dénonciation du… ministère de la Culture dont l’hôte, Christine Albanel, est l’artisan de la fameuse loi qui doit réprimer le téléchargement illégal. Et la chaîne qui a abouti au licenciement ne serait pas complète sans mentionner la députée UMP de Paris Françoise de Panafieu  : c’est auprès d’elle que Jérôme Bourreau s’est ouvert de ses critiques envers Hadopi. Critiques transmises au ministère de la Culture qui les a transmises à TF1. Résultat : à la porte.
L’histoire commence le 19 février. Ce jour là, Jérôme Bourreau, qui habite le XVIIe arrondissement de Paris, décide d’écrire à sa députée, Françoise de Panafieu. Le sujet : Hadopi. « Je suivais ça avec beaucoup d’attention, raconte Jérôme Bourreau à Libération, j’avais beaucoup lu sur la question, c’est un sujet qui me touche, d’abord parce que c’est mon métier, et puis parce que je suis passionné par le Web. » Le nouveau et rutilant site de TF1, c’est lui. Pourquoi Panafieu ? « Mes parents m’ont toujours appris que quand on n’est pas d’accord, plutôt que de critiquer, il faut agir. » Alors il écrit, par mail, à Françoise de Panafieu, tout le mal qu’il pense de Hadopi. Ce mail, il l’envoie de son adresse personnelle, chez Gmail. D’abord, il se présente : études à Dauphine (où, badine-t-il, il a rencontré le neveu de Panafieu), « diverses responsabilités dans le secteur des nouveaux médias » et aujourd’hui « responsable du pôle innovation web » de TF1. Puis il déroule en termes mesurés son argumentaire anti-Hadopi. Qu’il conclut ainsi : « Madame la députée, je compte sur ­votre clairvoyance pour porter ma voix. »
Mais sa voix va porter beaucoup plus loin. Le 4 mars, il est convoqué par Arnaud Bosom, président de eTF1 qui s’occupe des activités numériques de la Une. « Et là, raconte Jérôme Bourreau, il me lit le mail mot à mot  ! Et me dit qu’il ne peut pas laisser passer ça, que je n’ai pas le droit d’avoir cette opinion. Mais moi, je ne me suis pas écrasé, mon opinion est libre, et surtout je l’avais exprimée à titre privé dans une correspondance privée  ! » Comment le mail envoyé à Panafieu atterrit-il sur le bureau de Bosom ? Il lui explique que c’est le ministère de la Culture qui l’a transmis. A Jean-Michel Counillon, directeur juridique de TF1, même si aujourd’hui, officiellement, la Une dit n’en rien savoir. En avril, Bourreau est ­convoqué à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Et c’est jusqu’au licenciement que TF1 va.
Le 16 avril, Jérôme Bourreau reçoit sa lettre de « licenciement pour divergence forte avec la stratégie » de TF1. Etonnante lettre, dont Libération a eu copie  : le groupe y reproche à son salarié son mail à Panafieu « par lequel [il] fais[ait] valoir, en tant que salarié du groupe, [son] hostilité au projet de loi Création et Internet ». Et TF1 l’écrit noir sur blanc  : « Cette correspondance nous est parvenue via le cabinet du ministre de la Culture qui l’a adressée le jour même à la société TF1. »
Mais le meilleur est à venir : « Nous considérons cette prise de position comme un acte d’opposition à la stratégie du groupe TF1 [pour qui] l’adoption de ce projet de loi est un enjeu fort », écrit la DRH. Avant de reprocher à Bourreau d’avoir « mis [le] groupe en difficulté, [sa] position faisant apparaître le défaut d’alignement d’un responsable “web” avec la position officielle défendue par la direction. » On résume  : en plus de la délation, on apprend que Hadopi est un enjeu fort de la stratégie de TF1, qui défend officiellement la loi. Ce qui laisse songeur quand on voit, sur le sujet, le manque d’objectivité des JT de la Une. Interrogé par Libération, un porte-parole de TF1 tente de se rattraper aux branches et évoque des « prises de position anti-Hadopi publiques de Jérôme Bourreau à l’intérieur de l’entreprise ». Ce qui n’est pourtant pas mentionné dans la lettre de licenciement.
Jérôme Bourreau lui est « dégoûté » : « La stratégie de TF1, ironise t-il, c’est de gagner de l’argent, pas de soutenir une loi. » Son avocat, Me Emmanuel Noirot, est en train de saisir les prud’hommes : « Pour licenciement injustifié dans la mesure où l’opinion de mon client est une opinion privée politique mais aussi technique sur Hadopi et que, selon le code du travail, un employé ne peut pas être discriminé en fonction de ses opinion politiques. » Me Noirot saisit également la Halde : « C’est une discrimination, un délit d’opinion, c’est purement scandaleux », assène-t-il.
Chez Françoise de Panafieu, où l’on se souvient du mail, on « tombe du platane »  : « J’ai trouvé le mail intéressant, explique Marie-Christine Méchet, son attachée parlementaire, je l’ai transféré au cabinet du ministère pour obtenir un argumentaire. » Méchet, à qui Libération a appris le licenciement de Jérôme Bourreau, se dit « hallucinée : c’est extrêmement grave ». Au ministère de la ­Culture, on ne cache pas son embarras : « Nous sommes extrêmement surpris. » Et si on se souvient du mail, on ne sait pas comment il a atterri à TF1. Evidemment  : quand apparaissent au grand jour les liaisons dangereuses entre le ministère de la Culture de Nicolas Sarkozy et la chaîne privée détenue par son meilleur ami Martin Bouygues, ça fait désordre.


Vendredi 15 mai 2009. Que le tronc.

Migration géante chez le fournisseur (Globat) ? Corruption incidente d'une base de données ? Autre chose ? Je ne sais pas...
Pour l'instant, le JLR2 n'a plus que le tronc, tous les autres liens mènent à une page d'erreur 404. De toute façon, il faut attendre la fin du déménagement. Ensuite, je pourrai tenter un recours ou une réinstallation.

Quoi qu'il en soit, j'ai continué à prendre des notes par devers moi, depuis une semaine et le Berlol, tel le monstre du Loch Ness, refera surface un jour, ici ou là.

L'aventure informatique a pris, ces jours-ci, à l'université notamment, un tour tout à fait dramatique. À partir de la requête administrative pour connecter mon nouvel ordinateur, nous avons découvert, en posant presque naïvement des questions, la véritable nature du réseau universitaire, entièrement tourné vers la sécurité, surveillant tout le monde, et n'ayant en réalité aucun souci d'éducation ou de prospective pédagogique (au contraire, dirais-je même).

Hadopi d'un côté, Big Brother de l'autre, à moins que ce soit le même.
Bien sûr, ceux que je considère comme mes amis vont continuer leurs actions positives, notamment au service de la littérature. Je vais me plonger la tête dans le même sable. À commencer par le cours à préparer pour demain matin...

(Tant que vous ne pouvez pas commenter, c'est que rien ne va plus...)

© Berlol, 2009.