Sur « Zazie dans le métro », cours 7

7. Le 29 mai : chapitres 12 et 13version audio

(On commence par des questions et quelques détails sur les chapitres précédents…)

Découpage narratif :

  • Chapitre 12 : Coup de foudre entre Trouscaillon et la veuve Mouaque, il doit retirer son uniforme (p.126-127)
  • Zazie et Mouaque discutent sur le boulevard en allant vers la brasserie du Sphéroïde (127-129)
  • elles y entrent et descendent voir le groupe autour des billards (130-131)
  • les jeux finis, Gabriel emmène son groupe dîner au-dessus, où il retrouve Trouscaillon et Mouaque (132)
  • Zazie se plaint de la qualité de la nourriture, le scandale fait incident (133-136)
  • Chapitre 13 : Gabriel téléphone (plusieurs fois) au café où Mado et Charles sont en pleine déclaration (137-142)
  • Mado monte prévenir Marcelin et discute avec elle (142-146)

Ces deux chapitres de dialogues font la transition entre l’après-midi et la soirée. Gabriel et ses touristes au billard et au ping-pong sont rejoints par Zazie, la veuve Mouaque et Trouscaillon en civil. Tous sont invités au spectacle de Gabriel. Le dîner commence, Zazie fait un scandale parce que la cuisine ne lui plaît pas et Gabriel téléphone au café où Mado et Charles décident de se fiancer pour que ce dernier prévienne Marceline. Charles, fâché, raccroche avant de revenir à de meilleures sentiments envers Gabriel et Zazie. C’est tout de même Mado qui monte ; les deux femmes sympathisent. Sans Marceline, ils partent en voiture.

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— « faire un bout de chemin ensemble » est une métaphore de la vie commune, ici anticipée… avec prudence, comme un mime de la prudence face aux sentiments intérieurs violents. « se regardèrent »… « leurs deux cœurs », expressions classiques, ou stéréotypes que l’on dirait sorties de Balzac ou de Flaubert ou de leurs nombreux imitateurs postérieurs
— « assécher un glasse » ou ‘s’humecter le tube digestif », expressions argotiques du narrateur (et peut-être du quartier) pour « boire un verre », ces expressions contrastent avec « commémorer », de registre plus élevé, qui doit être employé par Mouaque
— café du Vélocipède, boulevard Sébastopol, existe bien, au 79, près de la rue de Turbigo, entre les Halles et la République, aujourd’hui brasserie typique avec grande terrasse
— « halliers » : travailleurs des Halles faisant une pause
— une table de marbre « offrirait » : humanisation de la table, comme dans un monde magique où les objets servent la cause de l’amour
— « demi’toyens » : mot-valise, leurs demis de bière qui sont côte-à-côte, mitoyens
— « serveuse à la chair livide », expressions descriptive typiquement homérique
— le narrateur résume toute la scène et ne nous transmets pas les mots échangés par les deux nouveaux amoureux, une distance classique enveloppe ainsi l’amour dans une narration poétique à la limite du lyrisme
— « halte-là », réflexe de décence de Trouscaillon et procédé pour que ça ne dure pas trop longtemps de la part de Queneau

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— monologue à mi-voix de Mouaque, entendu par hasard par Zazie : mots qui « tombèrent dans les étiquettes d’une » = arrivèrent aux oreilles ;
— « percontative », terme de grammaire (contesté) relatif à la phrase contenant une proposition subordonnée interrogative indirecte (exemple : pour voir si elle n’a besoin de rien), souvent assimilé à la question ouverte et indirecte, ici de Mouaque qui s’interroge sur le sérieux de ce qui lui arrive…
— « le flicmane », plus tard « flicard », Zazie essaie plusieurs termes…
— « à tes/mes yeux », l’expression doit sembler vieillotte à Zazie qui la critique ; fait penser à la réaction de Winnie dans Oh les beaux jours de Beckett (1963) : « Ah, le vieux style… », autre auteur passionné par le langage commun. La discussion entre Zazie et Mouaque
— « Ouida », forme de « oui » : Queneau continue à produire un comique basé sur le contraste entre expressions argotiques ou vulgaires et mots de vocabulaire classique  ou archaïque
— heure + quartier (Bd Sépastopol), relatif danger pour une fillette, quartier populaire, sans être exactement une zone de prostitution mais ou le racollage pouvait exister
— la conversation engagée porte sur le sérieux ou non de la relation Mouaque-Trouscaillon…

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— « cet éléphant« , nouvelle description volumiquement exagérée de Gabriel, exprime la surprise commune
— Mouaque reste coite, paronomase comique
semen-contra : Cette appellation est l’abrégé de semen contra vermes ce qui en indique l’usage. Le semen contra ou barbotine [Poudre vermifuge faite avec le mélange des graines de diverses espèces d’armoise, « variété d’absinthe à pouvoir vermifuge » (Rabelais, II, 7 dans Hug. : La barbotine des marmiteux)] était employé il y a encore quelques décennies. Il est constituée des capitules floraux de l’Artemisia maritima L., variété pauciflora, Composées. Selon le Codex de 1965 le semen contra correspond aux capitules floraux de l’Artemisia maritima L. ou Artemisia Cina Berg., Composées. On distingue dès le Moyen Age, selon leur provenance géographique, plusieurs qualités de semen contra. Celui du Levant, produit par l’Artemisia contra L. et celui de Barbarie provenant de l’Artemisia judaîca L.. Pour d’autres auteurs, il pourrait s’agir des capitules floraux de l’Artemisia nutans, monogyna ou glomerata. On peut également ajouter aux plantes précédentes la tanaisie et la santoline, toutes deux vermifuges.
— Mouaque propose de marcher ensemble (ne veut pas rester seule) / Zazie se méfie (veut rester seule) = il faut être « compréhensive », leitmotiv déjà employé
l’amour VS des cochonneries = sagesse de Zazie qui perçoit ce qu’il y a de mensonge et de mensonge à soi dans l’ambiguité du mot « amour »…

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— « pas un mauvais cheval » = quelqu’un sur qui on peut compter, parier, allusion aux courses de chevaux, aux paris, au turf ; nota bene : caballus, « mauvais cheval »
— « utu », vitesse de réaction !
— Mouaque dit qu’elle s’intéressait d’abord à Gabriel… qu’elle vient de traiter d’éléphant !
— « semaine de bonté » : période durant laquelle on s’efforce de faire le bien autour de soir, d’aider les autres, contraste avec les autres semaines, où l’on s’en fout…
— elles se séparent mais… vont au même endroit

[Pas assez de temps pour commenter plus avant…]

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— « brou. Ah ah » : jeu de mots, homophone de « brouhaha »…
« en pleine préhistoire » : critique de ce genre de jeux (de café, de boules, de balles, etc.), comme s’ils étaient sans intérêt intellectuel, l’homme ayant principalement évolué de l’intellect depuis la préhistoire…
— « votre coquin » + « point encore » : vocabulaire ancien, ici associé à la situation de marivaudage (Attitude, propos d’une galanterie délicate, recherchée, subtile, en particulier dans le domaine amoureux ; « c’est le mélange le plus bizarre de métaphysique subtile et de locutions triviales, de sentiments alambiqués et de dictions populaires », F. Deloffre, 1993) ; d’après Marivaux (1688-1763) et les mœurs de son temps, notamment dans les salons, cafés et cabarets
— après sa semaine de bonté, Zazie propose à Mouaque de descendre boire un verre en attendant !
— le billard était très populaire à cette époque (on rappelle : sans télé, pas de cinéma permanent, pas d’internet, etc.), mais aujourd’hui encore…

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— « carambolage » : Au jeu de billard (ancien « carambole », nom aussi donné à la boule rouge). Coup qui consiste à toucher successivement deux billes (la rouge et celle de l’adversaire) avec la sienne. Marquer les carambolages. Synon. coup double, ricochet. P. ext., fam. Série de chocs, de heurts de personnes ou de choses entre elles. Carambolage de voitures sur l’autoroute. (TLF) Etonnant renversement de l’ordre des sens, le mot n’étant aujourd’hui plus employé que pour les voitures !
— « sont contents » VS « être cons » : Zazie s’amuse et critique l’enthousiasme naïf des touristes, notamment basé sur le fait qu’il ne parlent ni ne comprennent le français, et par suite les mœurs : on peut abuser d’eux et s’en moquer ouvertement…
— revenue au sujet de Gabriel, Zazie interroge Mouaque sur les « nuances » de divers mots entendus depuis 24 heures et qu’elle sent être du même champ lexical : tante, pédale, lope, pédé, hormosessuel ; la réponse de Mouaque n’est pas à la hauteur ; Zazie devra donc continuer ailleurs sa quête du sens des mots d’une langue étrangère dans la langue qui est la sienne
— « fleurs bleues », voir note mais aussi autre livre de Queneau, 1965
— « de plus près », le billard devient un jeu d’échec, avec des positions de pièces, ou bien c’est seulement un moyen géométrique de représenter l’emplacement des boules, ce qui nous oblige à le dessiner : de fait les trois boules sont alignées mais une blanche est entre celle que Gabriel doit jouer et la rouge, il veut donc contourner la blanche par un « arc de parabole » (132) ; ce cas où le jeu se joue en touchant d’abord la rouge s’appelle « rouge », comme la grenadine, ce qui étend le sens de ce choix du « rouge » chez Gabriel…

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— Gabriel échoue lamentablement et déchire le tapis, ce qui est al pire chose à faire au billard !
— les touristes paient pour l’artiste…

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— Zazie n’aime pas ou ne connaît pas la choucroute (n’est peut-être pas dans sa cuisine régionale…), on lui donnera du « cornède bif nature » (136), le corned-beef étant une autre importation américaine !

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