Séminaire de cinéma français, 2023_Q3_Q4 : la fabrication du suspense

Le suspense, nom masculin, se prononce en français [syspɛns] ou [sœspɛns] ou plus rarement [syspãs].

Employé comme procédé narratif, le suspense est le sentiment provoqué par le retardement de l’information attendue.

Pour le récepteur (spectateur), plusieurs effets sont possibles et cumulables :

  • la curiosité,
  • la supposition,
  • la peur,
  • l’angoisse, etc.

Ces effets dépendent aussi d’autres paramètres :

  • le contexte,
  • les personnages,
  • les dialogues,
  • l’action,
  • la musique,
  • les cadrages et les mouvements de caméra,
  • les digressions, les ellipses,
  • les flashbacks et les flashforwards (prolepses), etc.

Le suspense se développe donc en plusieurs étapes :

  • l’amorce (la promesse d’une information),
  • la (les) reprise(s) ou variation(s) de l’amorce
  • une (des) révélation(s) partielle(s),
  • des fausses pistes éventuelles,
  • la dramatisation,
  • enfin l’information promise + son sens + ses conséquences
  • option : la possibilité d’un autre suspense (épisode, feuilleton, suite).

Le suspense existe dans la littérature et dans le théâtre depuis leur origine. Par exemple, dans L’Odyssée (Homère), le suspense principal concerne le retour d’Ulysse dans son île.
Au cinéma, nous savons qu’Alfred Hitchcock est aussi appelé le maître du suspense. Nous allons voir pourquoi…

Mais le suspense que l’on ressent dans un livre ou dans un film ne concerne-t-il que le contenu de la fiction ou les personnages de l’histoire ? Dans ce cas, il est diégétique ou intradiégétique.
Or, que ce soit à propos des documents accumulés sur des DVD par les élèves de L’heure de la sortie ou à propos des faits historiques et scientifiques utilisés dans Adèle Blanc-Sec, le spectateur peut ressentir un suspense de type extradiégétique, par exemple s’il se demande si les documents de pollution industrielle ou les objets égyptiens, ou les œufs de ptérodactyle existent vraiment, si les informations scientifiques utilisées dans la diégèse sont de vraies informations scientifiques dans le monde réel, en dehors de la diégèse.
Si nous avons la certitude que la poche de Doraemon, présentée comme réelle dans la fiction du manga, tout comme Doraemon lui-même, n’existe pas dans notre monde réel, en revanche, pour les œufs de ptérodactyle ou pour les momies égyptiennes, nous ne sommes pas sûrs que les informations proposées dans le film soient vraies…
Le suspense extradiégétique est une attente de confirmation de la nature scientifique, réelle de ces données ou au contraire de leur nature fantastique ou imaginaire. Si les confirmations ne viennent pas dans le film, ce suspense reste en suspens et le spectateur peut aller les chercher ailleurs (encyclopédie, livre, internet, etc.). Ce questionnement laissé au spectateur peut faire partie de la stratégie de l’auteur d’un livre ou du réalisateur d’un film, par exemple pour obliger des spectateurs à aller vérifier des informations…

FILMS AU PROGRAMME :

L’heure de la sortie (Sébastien Marnier, 2018)

  • musique du film : B.O. par Zombie Zombie (groupe), détails, dont arrangement de la chanson [16:49-18:33] de Patti Smith, Pissing in a River (1976) ;
  • éducation en ZEP versus EIP [05:00-05:24] ;
  • à suivre / つづく…

Le film dérive d’une étrange et toxique relation prof-élèves à une problématique planétaire déprimante. Pendant les dernières et trop chaudes semaines de classe avant les vacances d’été, le spectateur ne sait que ce que le prof parvient à savoir, presque par hasard, malgré le milieu taiseux des cathos de province et la dangereuse solidarité d’élèves dont on se demande s’ils sont suicidaires ou survivalistes…

Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec (Luc Besson, 2010)

Le film est un mix parodique de Tardi (dont c’est une adaptation), mais aussi de Spielberg (Indiana Jones) et de Jeunet (Amélie Poulain), pourtant rendu original par la reconstitution soignée du début du XXe siècle (hippomobiles & automobiles, téléphone, journaux, non sans quelques anachronismes). Le féminisme tourbillonnant qu’incarne Louise Bourgoin donne le rythme et contraste avec la lourdeur bourgeoise de la plupart des hommes…

Dernier séminaire – film surprise – questions à se poser :

  • Comment les personnages créent du suspense ?
  • Qu’est-ce que les personnages racontent ? Et comment ?
  • Est-ce qu’ils parlent de la même chose, des mêmes événements ?
  • Pour le spectateur, comment progresse la connaissance des faits ?
  • Est-ce que le film permet de connaître la réalité des événements présentés ?
  • Pourquoi le réalisateur a-t-il proposé de présenter son histoire de cette façon ?