Un rond rouge quand quelque chose ne va pas

mercredi 28 janvier 2009, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

Agréable (étrange et — d’abord — un peu inquiétant) contact d’une N. qui serait une amie pas vue depuis plus de vingt-cinq ans. À moins, me dis-je, méfiant, qu’en ramassant des informations… dans le JLR !, quelqu’un essaie de me mystifier… Ça vient par Facebook et en commentaire du blog (non mis en ligne). Comment répondre, sans blesser l’éventuelle — et probable, tout de même — véritable N. pour qui je garde une réelle affection ? Bon, une histoire d’heures, qu’un ou deux détails confirment l’identité. Et pas de parano…
C’est grave, docteur, d’avoir cette réaction ?… Faut que je me soigne ? Que je me déconnecte ?…
J’avais travaillé sur l’usurpation d’identité au séminaire de cinéma, notamment avec La Sirène du Mississipi. Faut croire que ça aura laissé des traces.

Dernier examen avec mes étudiants. RAS.
Puis visite d’un appartement, comme prévu : plutôt bien (65 m², rue calme, bonne exposition, balcon large, pièces bien distribuées, chauffe-eau, bain et sanitaires très bon état, pas mal de placards, béton épais, fenêtres sérieuses, avec moustiquaires). Faut juste que le propriétaire m’autorise à percer un mur en béton pour installer l’air conditionné dans la chambre (pas moi-même, je précise) et à faire monter (ou descendre) la fibre optique…
On en visite un autre mais je sais d’avance qu’il ne convient pas, donc pas de déception. L’agent immobilier comprend l’axe de ma détermination, et que ce n’est pas la peine d’en dévier.

Retour au bureau et livre au courrier : Dans ma Maison sous terre. Merci, Chloé ! Bonne chance, pour l’autofiction… et attention aux mauvais conseilleurs. Je suis convaincu que chacun de ceux qui s’évertuent à critiquer l’autofiction y a un intérêt personnel caché… Pascale Casanova, je ne t’en parle même pas, une bourdieusienne, ça ne peut être que contre (ses idées reçues dans les 8 premières minutes sont effarantes) ; mais Busnel, lui, il ne sait même pas ce que c’est.
Comme hier, quoique très différemment, premières lignes — autofictives — envoûtantes :

« Ce que je fais ici, c’est rester sur cette tombe, B5 touchée coulée. Assise. Parfois debout, devant ou à côté. Dedans il y a ma mère, et le grand-père dessus. Par-dessus. Je pense au bois, souvent. Au bois du vieux cercueil, juin 1983, il doit s’être fendu sous le poids de l’obèse, de l’obèse alcoolique, mars 1992.» (Chloé Delaume, Dans ma Maison sous terre, Paris : Éditions du Seuil, 2009, p. 7 — avec une B.O. !)

Je l’emmène dans ma valise, même si dans le train, je lis Frédérique. Faut de l’ordre. Tiens, son passage dans Du jour au lendemain est prévu pour le 24 février ; on y sera !

« Sur la grille de soins accrochée dans les toilettes, une croix indique, jour après jour, que j’ai chié seule je veux dire déféqué, restons polis, que j’ai uriné seule, qu’on m’a coupé les ongles des pieds, des mains, lavé les fesses, les cheveux, ou le visage, seule, ou non, donné des comprimés. Ou un rond rouge quand quelque chose ne va pas. J’ai vu qu’ils augmentaient, mes ronds. Ce n’est pas de la mauvaise volonté de ma part, c’est juste que je m’en vais par petits morceaux. j’ai demandé qu’on enlève cette grille. Dit qu’il ne fallait pas pousser. Que je n’avais pas besoin d’avoir cette feuille sous le nez quand je vais aux toilettes. Refusé. Pas pratique pour l’organisation des soins. Que je n’avais qu’à ne pas la regarder. Cet acharnement à nous humilier. Rêve de leur barbouiller le cul devant tout le monde. « Hein, qu’on est bien, là ?» » (Frédérique Clémençon, Traques, op. cit., p. 31)

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Publié dans le JLR

Une réponse à “Un rond rouge quand quelque chose ne va pas”

  1. Berlol dit :

    J’ai écrit « idées reçues » mais j’aurais dû écrire « partis pris »…

    Pascale Casanova commence par nommer le livre « Dans ma maison sous la terre », avec un article défini.

    Ensuite, elle dit :
    « Pour essayer d’entrer dans ce livre, c’est difficile parce que à la fois vous racontez une histoire, vous avez une fiction, vous parlez de mythologie, vous avez des personnages, et puis en même temps vous parlez de vous, de façon, j’ai trouvé, extrêmement impressionnante, sans fard, sans faux semblants, etc. A la fois vous ne racontez pas une histoire, vous ne voulez pas raconter la vôtre, ce n’est pas votre objet, ce n’est pas votre problème non plus, d’ailleurs, et en même temps, voilà, vous proposez un livre qui n’est pas tout à fait une fiction, dans lequel vous êtes extrêmement impliquée, beaucoup plus que beaucoup d’écrivains qui prétendent faire de… de… de l’autofiction. Et donc voilà, je me demandais au fond, peut-être la solution la plus simple pour commencer à en parler, c’est dire voilà, c’est un livre qui se demande comment on pourrait écrire un livre quand on a une histoire familiale aussi étrange et violente et incroyable que la vôtre. »
    A quoi Chloé répond : « […] L’idée du livre, c’était vraiment de faire de l’autofiction au sens propre, c’est-à-dire mêler la réalité autobiographique à la fiction en faisant une trame autofictive et aussi des trames fictionnelles qui s’y mêlent, puisque je suis dans un cimetière sur la tombe de ma mère et de mon grand père…
    — Vous dites « je » donc ?
    — Je dis « je », et j’essaie d’écrire ce livre de vengeance, j’y arrive pas, il y a un autre personnage qui va essayer de me détourner de cet objet, qui s’appelle Théophile et qui lui est pour le roman on va dire un peu plus à la mode, un peu plus sociétal et il va me promener comme ça sur les tombes où je vais être en contact avec la voix des morts.
    — Alors juste avant d’entrer dedans, je trouve pour ma part dommage, disons étrange que vous vous rangiez dans le camp de l’autofiction, dans lequel on trouve tellement de livres plats et médiocres, et que le vôtre sort, comme ça, de cette catégorie par, je sais pas, par la puissance de sa colère, par sa rage, par la violence qui s’y écrit, et j’ai du mal au fond à comprendre que vous revendiquiez cette étiquette où s’écrivent tant de choses d’une platitude sans nom que voilà…
    — Moi, je suis un peu embêtée par rapport à ça parce qu’il y a quelques jours j’ai reçu un mail d’une grande écrivain que je ne peux pas citer et qui me disait qu’il fallait que je trouve un nouveau mot… Donc j’ai un essai à faire pour les PUF sur l’autofiction et je vais essayer de m’y employer mais en même temps moi je me range dans cette catégorie parce que je rentre dans le cadre de la définition : je suis dans le trio narrateur / auteur / héros, je suis dans l’utilisation du moi, enfin simplement il y a un geste que je considère comme étant politique puisque je suis pour la réappropriation du « je » et de la narration propre pour lutter contre les fictions collectives, après je pense que oui, il faut peut-être que j’invente un mot mais je considère que je fais de l’autofiction, quand même. Ça serait de la mauvaise foi que de le nier… »

    L’une parle de définition ; l’autre parle de camp. Tout est dit.