Du côté des débris

lundi 22 décembre 2008, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

J’avais raté ça ! le 3 décembre d’Éric Chevillard ! Et c’est justement là qu’il assaisonnait… Comme quoi, on fait toujours bien de réviser ses classiques. Faut dire que depuis quelques semaines, j’ai eu de sérieux trous dans les lectures continues. C’est que c’est un vrai boulot, la littérature en ligne, au jour le jour…

« Il m’est arrivé trois ou quatre fois de me trouver acculé, par livre interposé, dans l’impasse pisseuse et sombre d’un studio de radio et, là, de me faire tabasser par les critiques de Panorama ou du Masque et la plume, s’exonérant les uns les autres de cette violence collective et s’en donnant à cœur joie avec l’innocence des vraies brutes, pour le seul plaisir de cogner : à quoi bon argumenter quand on a des petits poings si durs et les mâchoires si bien huilées ? Je n’ai jamais pu tirer le moindre enseignement ou profit de leurs aboiements. Comment dès lors faire mieux au deuxième trimestre ? Je m’extirpais finalement de ces confuses mêlées et je retournais à mes écritures tandis que les chiens dans l’impasse s’acharnaient toujours sur ma veste.» (Éric Chevillard, L’Autofictif, n° 405, 3/12/2008)

Au lounge du Hilton, excellent plat de bar grillé, sauce petits pois et riz au fromage. Et café à volonté. On en profite pour avancer nos livres. Et observer les populations qui se croisent ici, étonnamment. Il y a des rendez-vous d’affaires, on voit des dossiers sortir, des salutations, des distributions de cartes, sans doute est-ce plus chic que dans les bureaux ; il y a des clients de l’hôtel, les plus furtifs, parfois hagards, attendant quelqu’un, qui ne mangent pas là ; des groupes de femmes, toujours trois ou quatre, indifféremment jeunes ou âgées, qui viennent pour le buffet à volonté de gâteaux, s’en servent deux ou trois assiettes à la file avant de passer aux bouchées chinoises, salées, parfois en même temps, une horreur ; enfin les échappés de l’hôpital voisin qui viennent se changer les idées, buller.

« En 1953, j’écrivis Bonjour tristesse, qui parut en France en 1954 et fit scandale. Scandale auquel je ne compris d’abord rien et auquel aujourd’hui je ne peux donner que deux raisons absurdes. On ne tolérait pas qu’une jeune fille de dix-sept ou dix-huit ans fît l’amour, sans être amoureuse, avec un garçon de son âge et n’en fût pas punie. L’inacceptable étant qu’elle n’en tombât pas éperdument amoureuse et n’en fût pas enceinte à la fin de l’été. Bref, qu’une jeune fille de cette époque-là pût disposer de son corps, y prendre du plaisir, sans que cela méritât ou obligeât à une sanction, jusqu’ici considérée comme inexorable. L’inacceptable était ensuite que cette jeune fille fût au courant des amours de son père, lui en parlât et acquît de ce chef avec lui une complicité sur des sujets inabordables jusque-là entre parents et enfants. Le reste, ma foi, n’avait rien de bien répréhensible, tout au moins si je considère notre époque actuelle, trente ans plus tard, où, par un retournement dérisoire et presque cruel, il est devenu indécent ou ridicule de ne pas faire l’amour quand on en a l’âge et où les parents et les enfants sont séparés à jamais par une complicité que tous deux sentent et éprouvent comme définitivement fausse mais miment malgré eux.» (Françoise Sagan, Avec mon meilleur Souvenir, p. 57-58)

Elle n’évoque pas la possibilité que ce soit mal écrit. Son avis là-dessus, ailleurs, va toujours dans le sens du don et jamais dans celui du travail, ou très peu. L’inspiration romanesque et romantique, c’est ce qui la placera du côté des débris des Hussards et loin du Nouveau Roman sur l’échiquier de l’époque. Pour ce qui est des contenus, elle a bien raison. Il faut d’ailleurs y ajouter qu’aujourd’hui, vingt-quatre ans après la publication de ces (bribes de) mémoires, un autre « retournement dérisoire et presque cruel » semble reprendre aux femmes (et aux hommes) la liberté sexuelle acquise dans les années 70-80…
Et je me demande si, dans quelques années, Éric laissera Agathe vivre sa vie.

Quand on sort, le temps a changé. Le vent du sud a compris qu’il était hors-saison et laisse place à un sérieux plafond de nuages qui tournera bientôt à l’orage. De dix-sept degrés ce matin, on redescend à douze ou dix. Il est temps de rentrer. En passant par Kayser pour avoir le pain et par le vidéo-club pour le dévédé 4 de la saison 4 de Lost. Dépaysant, forcément (où l’on retrouve un personnage disparu depuis des dizaines d’épisodes…).
Enfin, pour continuer réfléxions et débats sur les questions d’identité virtuelles et de législation, assez bonne approche d’Olivier Iteanu, reçu par Monique Canto-Sperber dans Questions d’éthique de samedi. Mais aucun des deux n’a de profil Facebook…

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Publié dans le JLR

3 réponses à “Du côté des débris”

  1. PhA dit :

    Michael !

    Concernant l’Autofictif, aviez-vous lu le 111 ? (Mais oui, sûrement.)

  2. Berlol dit :

    Oui, 111 et 112, je m’en souviens bien !
    Ezine-moi un mouton !

  3. brigetoun dit :

    je ne me souvenais pas du 3 décembre mais, par contre, d’un Masque et la plume qui avait, comme souvent, contribué à améliorer ma circulation sanguine (et c’est encore plus fréquent pour le théâtre, mais là ça ne le concerne plus)