Pour une petite razzia de poches

dimanche 13 décembre 2009, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

À propos de Le Clézio, puisque je rappelais son nom hier, je dois avouer que sa visite au Japon il y a quelques semaines m’a laissé de marbre. On n’a pas nécessairement d’affinités avec tous les auteurs dont on a pu apprécier des livres… Et puis il y a de ces indices qui vous laissent à penser qu’il est parfois mieux de ne pas insister. Ainsi la rencontre entre Le Clézio et Oe, initialement prévue à la Maison franco-japonaise, comme ce fut déjà le cas par le passé pour des Nobels, des académiciens ou des Goncourts, a été littéralement capturée par une organisation dont je n’ai rien voulu savoir de plus. Un jour, on nous a annoncé que cette rencontre aurait lieu d’une autre façon, qu’elle serait encadrée par le journal Yomiuri, qu’il fallait acheter ce journal un certain jour et trouver dedans la marche à suivre. Ce que nous fîmes, T. et moi, alors stupéfaits de découvrir que le journal ne proposait rien d’autre qu’une loterie pour attribuer les places — loterie que je ne peux pas imaginer autrement que truquée.
Notre dernier geste fut d’envoyer un mail chacun pour s’inscrire. Et puis nous n’en n’avons plus jamais entendu parler. Pas de courrier de confirmation d’inscription, pas de message de félicitations, évidemment, ni de regret non plus. Rien. Et puis on avait d’autres chats à fouetter, tout Nobels qu’on n’est pas, on a complètement oublié la chose. Qui n’a d’ailleurs été commentée nulle part, pas un compte-rendu, pas une allusion dans un blog… Ni pour cet entretien, ni pour l’autre rencontre prévue avec Le Clézio…
Jusqu’à la semaine dernière, quand des rumeurs sont parvenues à nos oreilles, pourtant fort distantes des lieux de mondanité et de propagation des bruits. Elles disaient en substance, et sans nommer personne, que Le Clézio lui non plus n’était guère satisfait du sort qui lui avait été réservé, surtout en ce qui concernait l’encadrement — le marquage à la culotte, serait-on tenté de dire. Elles disaient aussi le zèle appuyé jusqu’à l’inconvenance de quelques officiels qui voulaient l’avoir à dîner ou lui faire faire le tour de Kamakura alors qu’il avait tout bêtement prévu d’aller se promener à Harajuku avec ses filles — officiels qui n’avaient sans doute pas lu plus de trois pages de Le Clézio dans toute leur vie de ronds-de-cuir.

Ne voir ici que mon épanchement serait passer à coté de l’essentiel. Nos vies sont pleines de leçons qu’il vaut mieux consigner, que ce soit en aphorismes lapidaires, en notes de chevet télégraphiques ou en poèmes obscurs. En vidéo, en BD, en SMS, en blog… Et combien de romans, voire d’essais ou de thèses ne sont que la concoction d’un quotidien recyclé ou refoulé… En revanche, ne pas voir les leçons est un défaut de vision du lecteur.

Premier passage du nouvel aspirateur, arrivé hier soir. L’adhérence au sol quand on appuie sur le bouton Marche, c’est à ça qu’on sent la différence avec l’épuisé qui dégage lundi.
Chez Maruzen, librairie jouxtant la gare de Tokyo, où T. a rendez-vous pour modifier les verres de ses lunettes, afin de voir un peu plus loin autour d’elle. Je profite du temps qu’elle me laisse pour une petite razzia de poches au rayon français, Nancy Huston, Raymond Queneau, par exemple. Le nouveau folio de Zazie dans le métro me donne l’idée de le mettre au programme de mon cours en avril…
À pied jusqu’à Ginza où mes nouvelles chaussures m’attendent, les chaussures de ma vie, comme dit T. des choses qu’elle adore et qu’elle souhaite garder jusqu’à la fin de ses jours.

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Publié dans le JLR

4 réponses à “Pour une petite razzia de poches”

  1. PhA dit :

    « qu’il fallait acheter ce journal un certain jour et trouver dedans la marche à suivre »

  2. Berlol dit :

    Oui ? C’est le procédé qui vous étonne ?

  3. PhA dit :

    Quelque chose, au fond, nous dit, appâté : il va se passer quelque chose, on va entrer dans l’aventure (votre « un certain jour » est délicieux), on va enfin participer à l’intrigue – tout ça pour le flop d’une bête loterie. Bref c’est la formule (la vôtre), qu’on lirait volontiers au seuil d’une belle fiction, qui m’a fait réagir.

  4. Berlol dit :

    Merci du compliment ! Je crois que l’expression m’est venue de l’aspect proprement romanesque (et probablement malhonnête) du procédé choisi par ce journal…