Hilarant — d’ailleurs il en meurt

samedi 18 octobre 2008, à 23:32 par Berlol – Enregistrer & partager

Dora Bruder me fait encore lever à six heures. Elle le mérite bien. J’essaie surtout de montrer aujourd’hui la navette à tisser que Modiano actionne par des allées et venues très maîtrisées d’une époque à l’autre : la disparition de Dora en 1941, le Modiano des années 60-70, son enquête de 1988 à 1996, puis les Bruder dans les années 1920-1930. L’incessant mouvement qui va de la mémoire à l’imagination, et du document authentique à la pure supposition construit en parallèle Dora et Patrick, invitant tantôt Jean Valjean et Cosette rue de Picpus, tantôt Manon Lescaut à la Pitié-Salpêtrière… Où nous pourrions ajouter Cléo…
Distribution de trois exemplaires d’occasion de l’édition japonaise de Dora Bruder, commandés par mes soins chez Amazon Japon pour des étudiants qui ne pouvaient le trouver en librairie.

J’ai quand même un peu de mal à écluser les bières d’hier soir. Mais quelle soirée ! Je partais pour un café avec Patrick De Vos et Pierre Bayard (le quelqu’un d’important annoncé hier), genre une demie-heure dans leur emploi du temps très chargé, et puis, après dépôt du portable Mac de Pierre au Genius Bar d’Apple Shibuya où je les avais rejoints, ils me déclarent qu’il n’y a rien d’autre et qu’on peut dîner ensemble. Dans la folie de Shibuya, on redescend la ruelle d’Espagne, on emprunte ce qui reste de la serpentine ruelle de la Lettre d’amour (koibumi yokochou, célèbrée dans un film de 1953), boyau grillagé à côté d’un nouveau et immense magasin d’informatique, débouchant sur un vrombissant pachinko que nous devons traverser en apnée pour ressortir de l’autre côté, traverser l’avenue et descendre à l’abri dans le restaurant chinois Panda. Où l’on trouve une table, la bonne chère. Et la bière. Pierre Bayard est déjà un volodinen convaincu, nous travaillons à greffer le post-exotisme dans les cauchemars de l’ami De Vos. Sinon, on parle profs, facs, conférences, Pécresse et Sauvons l’Université, sans aucun désaccord (et ici le compte-rendu en question sur la réforme des universités japonaises comme modèle pour la France, dont je parlais en juin).

Du coup, je suis moyennement en forme pour le déjeuner au Saint-Martin après le cours. T., Laurent et Bill me maintiennent en éveil mais dès le poulet-frites avalé, je pense déjà à la bonne sieste qui va suivre…
Plus tard, enregistrement des À Voix nue de 1988 avec Le Clézio, rediffusés cette semaine. Pour les archives. Mais je vois l’actualité ailleurs : par exemple dans le courageux 184e billet de Chloé Delaume sur la fumisterie que constituerait l’Antimanuel de littérature de François Bégaudeau dont, même si je suis loin, l’enflement tête-chevilles ne m’a pas échappé. Dans ce monde de milliards d’informations libres et de consensus mou où tout se vaut (même quand on est vaguement pas d’accord), je révère et remercie celles et ceux qui donnent franchement et constructivement un avis négatif.

Avis très positif, en revanche, pour le film La Vie devant soi (Mizrahi, 1977), téléchargé par iWizz et que je n’avais jamais vu (n’ai pas non plus lu le livre d’Émile Ajar, alias Romain Gary). L’épisode du père musulman qui vient récupérer son fils abandonné onze ans plus tôt et à qui Simone Signoret présente ses excuses de l’avoir élevé en petit juif est tout simplement hilarant — d’ailleurs il en meurt, le père.

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Publié dans le JLR

4 réponses à “Hilarant — d’ailleurs il en meurt”

  1. brigetoun dit :

    c’est qui Bégaudeau ?

  2. Berlol dit :

    Vous charriez trop, Brigetoun !
    (Quasi-citation de la palme d’or de Cannes…)

  3. christine dit :

    moi j’aime bien Bégaudeau et je ne vais pas me mettre à en dire du mal juste parce qu’il a du succès et que très automatiquement il devient de bon ton de le faire … ce n’est pas pour autant que j’ai envie de lire son Antimanuel, car l’intérêt autre que marketing de ce genre d’ouvrage m’échappe

  4. Berlol dit :

    Tu remarqueras que Chloé, dans son billet, ne parle pas de quelque chose de « très automatique ».
    Il n’y a donc pas lieu de faire comme si je faisais du suivisme médiatique…
    Ceci dit, ni toi ni moi n’avons lu ni ne lirons cet « Antimanuel ». Donc, n’en parlons plus.