Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Février 2008

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Vendredi 1er février 2008. Têtes coupées, ou l'inverse ?

Heures à colliger proprement en un seul document les informations éparses du stage d'Orléans (identités des étudiants, adresse des familles d'accueil, informations diverses). Après je l'envoie à mon chef.

Déjeunons au Saint-Martin. Ça nous fait sortir un peu. Et puis on s'y remet. T. est à nouveau en plein dans les mazarinades, comme un poisson dans l'eau, ça fait plaisir à voir.

En fin d'après-midi, je me translate à la Maison franco-japonaise, où je ne suis pas allé depuis plus de six mois, pour la conférence d'Éric Avocat sur les Orateurs de la Révolution française, thème qui était le sujet de sa thèse. Angle du permanent hiatus interprétatif entre historiens et littéraires, notamment au travers d'une suite historique de manuels scolaires français : ce qu'on y met, fragmenté comment, dans quel but non-dit.
Tu compléteras, Éric ! Pour moi, c'est détaillé, clair, vraiment intéressant, un peu long du fait de la traduction consécutive, ce qui est inhérent à l'exercice ici.
Dommage que le temps manque pour traiter de la performativité, c'est-à-dire de comment les manuels scolaires rendent compte (ou pas) de l'effet des discours — ce que je résumerai en une seule question (à laquelle on sera prié de répondre quand le blog refonctionnera) : plus d'éloquence et plus de rhétorique, cela aurait-il fait plus de têtes coupées, ou l'inverse ?

Avant et après, dans le métro, je lisais ceci, qui commence très fort, très dans (le) ton :

« Par un beau soir glacial de février, la vachère Krotova, sous l'empire de la boisson, se disputa avec son mari, s'empara d'une hache pour fendre les bûches et lui coupa une jambe. Le coup fut si puissant que l'os fut sectionné net, et que le médecin des urgences eut seulement à finir de détacher la peau qui restait.» (Alexandre Ikonnikov, « La Jambe », dans Dernières Nouvelles du bourbier, Paris : Le Seuil / L'Olivier, 2003, p. 9, traduit du russe par Antoine Volodine et de l'allemand par Dominique Petit)

Commentaires

1. Le samedi 9 février 2008 à 07:05, par eric :

Réponse tardive, car, retour de Tokyo, les affaires courantes ont rudement repris, me mettant à la traîne de ce métronome imperturbable, le JLR (étonnement admiratif toujours renouvelé : la somme de ces petits exploits quotidiens finit par en faire un grand!).
Allons-y sur la performativité mesurée au nombre de têtes coupées.
Question aporétique, la parole des orateurs étant insérée dans une trame serrée de causalités multiples. Mais question cruciale, pierre de touche des représentations de l'éloquence révolutionnaire dans la mémoire collective, et des conceptions de la place de la parole dans le jeu politique démocratique.
Une scène mythique comme point de départ : Robespierre, le 9 thermidor, empêché physiquement de monter à la tribune de la Convention, ses adversaires redoutant que son verbe ne fasse capoter la conspiration. C'est en tout cas le fil conducteur que Romain Rolland (coucou, patapon) a donné au dénouement de cette magnifique pièce de théâtre, "Robespierre".
C'est un peu à l'ombre de ce mythe que bon nombre de philosophes ont réfléchi aux types de discours capables d'alimenter la machine terroriste : Myriam Revault d'Allones, Claude Lefort, Bernard Manin... Je dis "mythe", car cela consiste à isoler un facteur sur lequel on fait porter l'énigme et la fascination inépuisables de ces événements, à la faveur du "linguistic turn" qui s'est imposé en sciences humaines.
Au delà, il est intéressant d'étudier comment on a pu :
- d'un côté, établir une corrélation entre la nocivité meurtrière du discours terroriste et la dégénérescence de ses formes littéraires et de ses modes politiques ("l'éloquence de carrefour", l'irruption des barbares dans une pratique codifiée selon les règles d'une haute culture) : moyen de préserver les canons esthétiques d'une histoire de la rhétorique coupée de l'histoire réelle (Chateaubriand, Taine, etc.).
- et, d'un autre côté, à partir des mêmes faits et d'un jugement identique sur ces faits, opérer une démarcation rigoureuse entre la part sombre de l'expérience révolutionnaire, caractérisée par le règne de la violence nue, et sa part lumineuse, portée précisément par la langue des Lumières qui accouche de toutes ses promesses de fondation sociale, morale, politique (en gros, les romantiques, Hugo, Michelet, Quinet, auxquels Jaurès fait encore écho).
Le plus intéressant, tant l'écart entre les présupposés de départ est mince, est la lecture de textes où les deux postulations coexistent et entrent en tension : ainsi Le Nouveau Paris de Louis Sebastien Mercier, où cette contradiction est résolue par la forme fragmentaire et diariste de l'ouvrage.

Mais que voilà l'espace des commentaires presque saturé!



Samedi 2 février 2008. Fondant percé qui dé-

Préparation d'Enfance : de six à huit et demi, exercice de contraction de notes, les miennes, celles (r)amassées ici ou là, y compris sur le web (où je remercie Jean-Michel Maulpoix et de nouveau Alain Bardel).
Le cours est une course qui commence de fond et s'achève de vitesse. Tenir la respiration, avancer des commentaires sur les chromos féminins des premières parties, sur les anaphores qui suivent (« il y a »..., « je suis »...).Pourtant, je suis quand même obligé de renvoyer à la semaine prochaine mes considérations sur ce qui pourrait bien blêmir « au coin de la voûte »... Ça excède toujours. Il faudrait trois heures, et non deux.
Rimbaud a donc débordé du cadre, a eu la bougeotte en Europe, puis plus loin. Pendant qu'on jouait Carmen ou Parsifal, pendant qu'on s'acheminait vers l'érection de la Tour Eiffel, Monsieur voyageait, n'écrivait plus, savait à peine qu'on publiait ses œuvrettes, s'en foutait.

Déjeuner au Saint-Martin avec Éric et T.
Leur rencontre est historique à plusieurs titres (par exemple, nous avons tous trois bien connu Jean M., maintenant à Zagreb — que nous saluons au passage) mais surtout parce que leurs domaines de recherche sont en quelque sorte la prolongation l'un de l'autre. Vous allez comprendre.
De la Fronde à la Révolution, des pamphlets aux discours, de 1650 à 1790, se lancent les 140 ans d'un pont de l'expression populaire qu'il faudrait arpenter longuement dans les deux sens pour comprendre quelque chose à l'histoire de France.

Au lieu de quoi...
Je m'extasie sur mon fondant percé qui dé-
     gorge.

À Ginza pour les souliers sur mesure de T. Ils sont impeccables, très XIXe, dira-t-on. Merci, Monsieur Noguchi ! Elle ne doit, durant une dizaine de jours, ne les mettre que pour une centaine de mètres ; après quoi, si tout va bien, elle les pourra porter normalement. Et ne doit pas oublier de les lacer serrés.
Au sous-sol du Matsuzakaya, je trouve enfin LE sac-à-dos que je cherche désespérément depuis des mois (simple pourtant, mais avec des fonctionnalités précises), un Moab de Gregory.
(On me demande aussi, parfois, pourquoi je mets ces références de produits qui, pour certains, déparent de l'aspect littéraire. C'est simple, pourtant. C'est pour les retrouver plus tard. Je me suis rendu compte, en effet, et pas le premier, qu'un objet anodin m'ayant appartenu il y a longtemps possédait souvent un pouvoir magique : je le trouve par hasard, m'en souviens par surprise, le regarde et, comme si j'avais tourné un robinet de souvenirs, retrouve des images ou des sensations. De même, de temps en temps, une petite image de moi...)
Pour finir, visitons le nouveau magasin Dunhill, qui a pris la place de l'épicerie Meidi-Ya. Articles de luxe, certes, mais pas si chers qu'on aurait pu le croire, et d'excellente qualité. Et au troisième, belle surprise : un lounge-bar à grands fauteuils de cuir où nous prenons un café glacé (prix tout à fait normal).

Soirée : enregistrement du Misanthrope pendant qu'on regarde Le Temps du Loup (Haneke, 2003). Tantôt tarkovskyen (dans les brumes du début, surtout), volodinien (manque de repères, comportements étrangement familiers), ionescosant (paroles absurdes et théâtrales dans les lieux clos — Chéreau prononçant un « ayons honte dehors » du plus bel effet). Un film intéressant, mais pas si dérangeant qu'il se voudrait. C'est qu'intimement nous sommes persuadés, hélas, que pires violence et sauvagerie régneraient.

Commentaires

1. Le mercredi 6 février 2008 à 11:16, par Stubborn :

Ce fondant percé vous excuse.

2. Le samedi 9 février 2008 à 07:13, par eric :

pour adresser mes salutations amicales à T, et lui dire le plaisir que j'ai eu à faire sa connaissance et à bavarder avec elle.
sur nos recherches respectives : je présume que son domaine est, autant que le mien, propice à la cyclothymie, alternance d'exaltation devant l'importance des questions à examiner, la fécondité des réflexions à en tirer, et d'abattement devant le poids écrasant et parfois le peu de relief du massif à débrouiller...

Bon voyage à vous deux!



Dimanche 3 février 2008. Bruits étouffés dans notre sommeil.

D'étranges bruits étouffés dans notre sommeil... Au lever, c'est de la neige !
On reste à la maison. Je ne vais pas au cinéma (cycle Jean Renoir à l'Institut).

Quand je sors, c'est pour m'amuser à prendre quelques photos, aller acheter des clémentines et des pommes de terre.
Sinon c'est ordinateur, tous les deux. Qui dans l'orléanais pour rassembler de l'information utile, qui dans la reliure ancienne pour décrire en français. Et des heures de kanjis aussi.

Le soir, mon père me téléphone. Il est rentré chez lui, après un mois d'absence. D'une salle de soins intensifs à une chambre surveillée, pour finir en chambre calme, son état s'était tout le temps amélioré, sans complication. Et ça s'entend. À l'oreille, je lui donnerais plusieurs années de moins qu'en décembre.


Lundi 4 février 2008. Vieux rogatons mais les vrais.

Entre le matin et le soir, un échange de commentaires avec Raphaël Sorin. Je ne m'accroche pas au sujet de Villepin mais je milite pour la communication de documents, notamment de documents anciens, rares, etc. Pour que chaque chroniqueur à bouteille qui franchit le mur de la blogosphère offre de temps en temps, à son gré, des articles du temps passé.
Certains n'y verront que vieux rogatons mais les vrais amateurs de littérature sauront bien faire la différence...

Allons au centre de sport, à Shibuya. Comme l'autre jour, T. à la piscine, et moi vélo et machines, à suer masochistement...
Je continue avec grand enthousiasme Ikonnikov, sa vision crue, amère, ironique — sabrée — de la Russie. Ici, on s'économisera quelques cours d'histoire en amphi surpeuplé :

« En fait, la prétendue âme russe se réduit à quatre composantes : la croix russe, la langue, la vodka et le bonheur dans la souffrance. Commençons par la croix russe. Du nord sont arrivées des tribus finno-ougriennes, qui en plus de la chasse et de la pêche adoraient faire la guerre. C'est le fondement, pour nous. De l'est sont venus les Tatars, les Mongols. Le Tatar est assis sur son cheval et il chante. Il chante ce qu'il voit. Et voilà la littérature russe ! Tourgueniev, Dostoïevski, Boulgakov, tout ça, c'est des Tatars !
Iouri Vassilievitch jette son mégot et se rallume une cigarette. Il poursuit :
— Du sud sont venus, par Byzance et la Grèce, la religion et l'écriture. De l'ouest, Pierre le Grand a emprunté des éléments à la culture occidentale. Ce qu'on a fini par avoir au centre de tous ces croisements, impossible de se le représenter sans avoir vidé une bouteille.
[...] Et la quatrième composante, le bonheur dans la souffrance. Autrement dit, les Russes ne peuvent pas être heureux sans souffrir.
— Vous voulez dire qu'ils sont masochistes.
— Non, ce n'est pas du masochisme. Prenons l'Allemand, par exemple. Il va s'inventer un problème, mais aussitôt il va arranger une solution pour le contourner. Et nous, paf ! Dès qu'on a réussi à faire quelque chose, on se retrouve immédiatement avec des problèmes plein le cul ! » (Alexandre Ikonnikov, Dernières Nouvelles du bourbier, p. 57-58)

[Ajout du 6 février : Le 7 septembre 2004, Antoine Volodine était l'invité des Mardis littéraires pour son Bardo or not Bardo, et pour les traductions des Slogans de Marïa Soudaïeva et de Lizka et ses hommes d'Alexandre Ikonnikov... Écoutez ! C'est un petit cadeau pour mes lecteurs, secoués ces derniers jours par la panne du JLR.]

Déjeuner chinois en haut de Bunkamura, ça faisait longtemps qu'on n'y était pas passé. On se rappelle, amusés, les temps maintenant lointains de notre rencontre. Il nous reste un étage à monter pour être dans les plantes et accessoires de jardinages, parmi lesquels nous élisons une grille en fer avec des arrondis en haut pour servir de tuteur à notre jasmin.
On rentre et je m'en occupe. C'est la réinstallation des plantes sur le balcon du 4e, après que les peintures sont sèches.
Avec le reste de purée d'hier, des oignons et de la viange hachée, je confectionne pour la première fois de ma vie un hachis-parmentier, gratiné au Beaufort — もっ たいない !, dit T., mais je crois au contraire que c'est un des éléments de sa finition dorée au four.


Mardi 5 février 2008. Billet de loterie à la fac.

« Je sentis qu'il s'élançait.
Sans le regarder, je me jetai sur la droite, vers le cageot que j'avais repéré. Il y avait sur ma route des grilles posées par terre et des moellons. Je dus faire un écart, je zigzaguais et, au bout de quatre pas, je me rendis compte que je tournais le dos à Glück. Je n'avais plus le temps de changer de tactique. Je ne réfléchissais plus. J'avançai la main vers les bouteilles. Le présent se décomposait en intuitions violentes. Le dos orienté vers Glück, en position de faiblesse, je m'inclinai au-dessus des récipients de verre. Derrière le cageot, les deux rats de nouveau dérangés bougeaient en direction d'un abri plus sûr. J'entendis Glück poser un pied sur une plaque de fer. Je ne suis pas gaucher, mais j'avais saisi la bouteille de la main gauche. Je venais de refermer les doigts sur le goulot quand Glück arriva sur moi. Glück arrivait sur moi en plein élan. Je bloquai ma respiration et, tout en pivotant, je cassai la bouteille contre le mur. Je ne pouvais pas voir quelle forme avait pris le morceau de verre que je tenais. J'ignorais si ce que je tenais allait être efficace ou non. Glück était déjà en train d'abattre sa machette pour me fracasser la tête ou l'épaule. J'étais, moi, en train de me retourner. Comme je ne pouvais plus m'effacer, je m'introduisis souplement dans son mouvement, j'entrai dans sa garde sans me heurter à sa lame. Je ne sais pourquoi, à la suite de quel déclic secret, j'avais brusquement l'aisance d'un expert. Les leçons reçues pendant les stages portaient ici leurs fruits. La lame mortelle sifflait à trois centimètres de mes chairs, et j'évoluais avec une assurance dont mes instructeurs auraient été fiers. Tout se déroulait en un temps très court, guère plus d'un tiers de seconde. Les fragments de la bouteille éclatée n'avaient pas encore tous rejoint le sol. Je balafrai légèrement le poignet d'Alban Glück et je fis remonter le tesson avec force afin de lui taillader l'intérieur du coude. C'était l'occasion ou jamais de découvrir si mon arme improvisée avait les qualités que j'attendais d'elle. Or le verre coupait comme un rasoir.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 367-368)

Et c'est reparti ! Cette fois, c'est par le shinkansen de 7h13 — dans lequel je n'interromps ma lecture que pour photographier le Mont Fuji — que je m'en vais tirer mon billet de loterie à la fac, c'est-à-dire connaître les jours pendant lesquels je serai astreint à la surveillance des concours d'entrée. Je ne suis pas contre cette mission, elle est inhérente à notre activité, mais m'énerve au plus haut point le fait que l'on tienne secrètes ces informations jusqu'à trois jours avant le début des concours. Être dans telle ou telle salle, je m'en fous royalement. Mais que ce soit samedi, dimanche et lundi m'importe énormément, et je suis très fâché de ne le découvrir que ce matin. Cela va m'obliger à annuler le dernier cours sur Rimbaud, sans possibilité de rattrapage. En revanche, T. va pouvoir finir son travail sans que je la dérange...

Déjeuner avec David. Je lui indique la perle du livret d'instruction de nos concours, à propos du traitement des erreurs découvertes dans les énoncés. Tout le monde peut comprendre l'ellipse, mais tout de même... Il y est écrit (en anglais) que les erreurs et les corrections sont préparées à l'avance.

Très instructif Ce soir ou Jamais d'hier. Un beau numéro d'équilibriste, aussi, puisqu'il faut aider notre cerveau à passer de la trivialité contemporaine des salles de marché financiers aux mystères de la Ronde de nuit de Rembrandt il y a plus de 350 ans. Avec une prof comme Hélyette Geman, d'un côté, Peter Greenaway et Charles Matton de l'autre, on a l'impression d'y arriver sans difficulté — c'est le talent de Frédéric.

Commentaires

1. Le mardi 5 février 2008 à 12:06, par christine :

enfin ! je salue le retour du JLR d'entre les morts !
(un abus de post-exotisme, peut-être ..?)

2. Le mardi 5 février 2008 à 14:24, par Berlol :

Peut-on en abuser ?
Pour la réparation, je vais expliquer...

3. Le mardi 5 février 2008 à 22:41, par caroline :

Merci pour cette photo du Mont Fuji. Le mien de Mont Fuji, appelé ici Ventoux, est aussi couvert de neige.

4. Le mercredi 6 février 2008 à 00:33, par Berlol :

Je suis content qu'elle vous plaise. C'est tout à fait par hasard qu'à 270km/h on puisse avoir une photo sans câbles alors que par ailleurs le Fuji est dégagé !

5. Le mercredi 6 février 2008 à 00:48, par vinteix :

Je me joins au salut ! je commençais à m'inquiéter... bizarre, bizarre...
Sinon, "sans câbles", sans câbles... y'en a bien quelques-uns malgré tout... mais quasi invisibles, c'est vrai. Chapeau ! et le Fuji est superbe !

6. Le mercredi 6 février 2008 à 02:29, par pat :

Le mont fuji, le mont Ventoux, la ligne bleue des Vosges, encore un effort pour d'autres sommet vertigineux.

7. Le lundi 11 février 2008 à 08:50, par grapheus tis :

Vingt dieux ! Le vrai Fuji ! En première année de brevet, j'avais obtenu la meilleure note en rédaction dont le sujet était : décrivez une montagne que vous aimez bien. J'avais décrit le Fuji-Yama. Merci, Berlol, pour le "bon point" — ou plutôt la belle image — accordé(e) soixante ans après !



Mercredi 6 février 2008. Woody répond que c'était du thon.

On connaissait les tables tournantes ; il y a maintenant les tables corrompues.
C'était après minuit, comme il se doit. Je reçois un courrier de Bikun qui me demande si j'ai cassé ma base de données du JLR... À quoi je réponds que je n'ai rien fait du tout. Mais peu après, je comprends que sa question est à prendre dans un sens plus large, sans que je sois directement responsable de la panne. Comme le support technique du fournisseur tarde à arriver, Bikun me suggère dans le courrier suivant d'aller voir moi-même dans les tables phpmyadmin du JLR ce que pourrait bien être cette erreur 144. Ayant lu sur une page web qu'il pouvait suffire de cocher une table endommagée et de cliquer sur réparer pour que ça le fasse, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai cliqué. Et ça a réparé, instantanément. Et les pages de gestion et la page publique sont revenues comme si rien n'était arrivé.
Après ça, j'ai de nouveau questionné Bikun — sans réponse...

« Oui, mais alors, dis-moi, c'est quoi la corruption des tables ?
Le résultat de quelque chose que j'aurais fait sans le savoir, provenant du contenu des billets ? une activité virale qui vient modifier, perturber, boucher ? un effet ou une erreur de maintenance de Globat ? »


Pas mal de trucs à finir, côté ordinateur, côté fac. Après le déjeuner, je m'accorde quand même une séance de cinéma avec le dévédé récemment reçu de Scoop, le Woody Allen de 2006. Un excellent cru. Il faudrait faire l'histoire des films où Britanniques et Américains se rencontrent, je suis sûr que la plupart sont excellents. Comme si rivalité et complémentarité des deux cultures haussaient automatiquement la qualité des textes, personnages, situations, etc. C'est sûrement déjà fait...
Évidemment, les dialogues sont somptueux et les jeux de mots parfois débiles à souhait. Le cocktail Allen a quand même une quarantaine d'années et il est toujours aussi pétillant. À propos de boire, mangeons aussi. Jouant au poker dans un club privé de Londres, le prestidigitateur new-yorkais réplique, dans la version française, qu'il a acheté tout jeune son premier « carpaccio » avec ses gains au jeu. Un lord questionne sur le peintre, sous-entendant une grande valeur, et Woody répond que c'était du thon. En anglais, le jeu de mots est sonore et scabreux : il s'agit de son premier « Reuben », un sandwich que l'Anglais connaît sans doute moins bien que le peintre Rubens, en excusant la mauvaise prononciation...

Commentaires

1. Le mercredi 6 février 2008 à 02:26, par pat :

L'un formatik et l'autre pas. C'est vrai que cela est bien mieux maintenant. Il y a eu deux trois jours de blocage, qui fut frustrant pour tous les intervenants. Donc merci beaucoup à bikun.

2. Le mercredi 6 février 2008 à 02:44, par Bikun :

Je viens de lire ton email Patrick.

Petite explication en résumé et pas trop technique j'espère.

Nos blogs Dotclear (comme bien d'autres) stockent toutes les données (tes billets, les commentaires) dans des "tables" séparées (je viens d'en citer 2). Ces tables sont ensuite écrites sous forme de fichiers quelque part sur le disque dur d'un serveur de ton hébergeur internet et servent donc à alimenter le blog.
On peut imaginer tout un tas de problèmes qui pourraient être à l'origine du crash de ton blog. Par exemple un crash matériel du serveur ou panne (côté disque dur) qui aurait eu comme conséquence une sérieuse altération/corruption (les fichiers devenant incomplets ou pire illisibles) des fichiers de base de données. Le programme du blog ne pouvant plus lire les données, c'est un peu comme si elles n'existaient plus. Imaginons le moteur d'une voiture qui n'aurait pas de réservoir à essence, il ne démarre pas et ce genre de panne n'est pas prévu par le constructeur.

Le problème peut survenir lors d'une surcharge de visites sur ces pages. Si énormément de gens se connectent en même temps et que le serveur n'arrive pas à suivre, si le programme de blog n'est pas suffisament bien conçu, cela peut conduire au crash des tables. Le blog en effet "vit" sans toi! Le moindre accès sur l'index ou n'importe quelle page entraîne de nombreuses opérations d'accès sur la base de données. La plupart ne font que lire les données, mais d'autres écrivent comme l'ajout d'un commentaire.

Enfin on peut aussi imaginer un piratage. Peu probable selon moi. Si cela avait été le cas, il y aurait eu beaucoup plus de dégat. Mais l'avenir nous le dira si cela se reproduit. Dotclear dans cette version n'est sans doute pas le plus sécurisé des blogs. Les bugs existent et sont connus.

C'est cependant un formidable outil très bien conçu.

3. Le mercredi 6 février 2008 à 03:37, par brigetoun :

je n'ai pas compris, mais vous voilà de retour.
Oui pour "scoop" mais mon crâne petiot saisit mal la différence entre les deux jeux de mots

4. Le mercredi 6 février 2008 à 04:45, par Berlol :

Reuben est quand même de l'humour juif mais ne pouvait se traduire en français puisque ce sandwich n'est pas populaire en France, Carpaccio est compréhensible par les Français et n'implique pas de problème d'accent... C'est tout.

5. Le mercredi 6 février 2008 à 05:10, par pat :

Merci de tes explications, bikun. L'important est de pouvoir de nouveau faire tourner la machine, au profit du plus grand nombre.

6. Le jeudi 7 février 2008 à 04:42, par Manu :

Au fait, juste au cas où, il y a une option de sauvegarde quelque part dans DotClear, qui te fait une copie de toute ta base de données (structure + données), ou plus exactement je crois, te génère un script contenant toutes les commandes php/SQL nécessaire à la restauration. Il y en a aussi une dans phpMyAdmin je crois, mais je pense qu'il serait plus facile de rétablir le blog à partir de DotClear que de phpMyAdmin.



Jeudi 7 février 2008. Cliquer sur le petit carré.

On s'amuse, on se donne des prix entre femmes ; on ne s'en rend peut-être pas compte mais on fait surtout un très sale boulot, celui du sexisme attardé, du séparatisme, du communautarisme gentillet, le pire. Le lilas ne méritait pas ça. « Promouvoir la littérature féminine », c'est juste desservir la littérature — sans adjectif.

Allez, pas la peine de s'énerver pour ça. Il fait grand soleil alors qu'on annonçait de la neige, c'est déjà bien. Après être passé au bureau pour y travailler une heure, du courrier, je vais au sport, lire Ikonnikov et transpirer un peu. Le bain ni le sauna ne sont assez chauds. Peut-être parce qu'il est trop tôt, que je suis venu juste à l'ouverture ?

« Ossip s'approcha du tas de neige, il tâta l'ouverture avec précaution, puis il enfonça violemment dedans la partie acérée du pieu de bouleau et s'écarta d'un bond. Aussitôt le monticule éclata en éclaboussure de neige, et il en émergea une gigantesque boule velue et brune, tandis que retentissait un rugissement d'une sauvagerie à glacer les sangs. Le monstre furieux se jeta sur le côté à la vitesse de l'éclair, ramassa sous lui ses pattes géantes et envoya valser un projecteur. Fou de terreur, le metteur en scène prit ses jambes à son cou. Il fonçait au hasard entre les arbres. Du coin de l'œil il voyait près de lui courir son assistant, derrière lui son opérateur et l'éclairagiste. En s'enfonçant à tout moment dans la neige, tombant, cassant des branches, les quatre hommes poursuivirent longtemps leur course [...]
Ils tendirent l'oreille : pas un bruit. Prudemment, en essayant de surmonter leur peur, ils rebroussèrent chemin. L'assistant retrouva la carabine qu'il avait laissée tomber dans la neige. Quand ils se furent rapprochés de la tanière de l'ours, ils virent Ossip Stepanytch. Sain et sauf, le forestier était occupé à faire des incisions sur la patte du fauve mort, afin de pouvoir retirer sa peau.
— Ah, c'est vous, dit Ossip en levant la tête. Alors, vous avez eu le temps de filmer ? [...] » (Alexandre Ikonnikov, Dernières Nouvelles du bourbier, p. 94-95)

De mon bureau, je vois passer des centaines de lycéens qui sortent des épreuves des concours d'entrée (aujourd'hui, je ne suis pas concerné). Peu après, David passe boire un coup. Dans la conversation, il est question des encombrants (粗大ごみ, j'en ai à jeter, il faut que je me conforme à la procédure), puis du Géoportail de l'IGN (que j'avais oublié, au profit de Google Maps), pour Orléans, bien sûr. Après son départ, je découvre la couche de cartographie INA, qui permet, par lieu référencé, d'aller directement aux documents audiovisuels de la télé française. À condition de passer d'abord, dans la boîte intitulée Ma Visualisation, du mode découverte en mode expert, puis de sélectionner la couche INA dans les Services Publics, parmi les couches disponibles, puis, enfin, de cliquer sur le petit carré INA qui apparaît au centre d'Orléans... Bien sûr, on serait allé plus vite, si on y avait directement ouvert le site INA, mais le croisement des catalogues est tout de même un événement à saluer, non ?
Dans la soixantaine de documents trouvés, je retiens le JT de l'ORTF du 22 juin 1966 sur la construction de l'université à La Source (du Loiret) et le 12/13 de FR3 du 20 novembre 2000 sur l'inauguration du tramway. (Selon l'ordinateur que j'utilise, les mêmes documents sont avec ou sans son...)

En dînant, en écoutant : l'excellent Ce soir ou Jamais sur l'Afrique, avec un très beau plateau, très réactif, intelligent — on se demande bien pourquoi l'Afrique a une telle image de continent plombé, mais au fond on le sait bien, ça sert des intérêts.

Commentaires

1. Le jeudi 7 février 2008 à 21:50, par vinteix :

Juste un petit mot en passant à propos de l'incipit sur "la littérature féminine" : bien d'accord - comment l'a crié, il y a pourtant déjà longtemps, Annie Le Brun !
Et c'est à peu près la même chose en ce qui concerne "littérature francophone" ou autres étiquetages plus ou moins nauséabonds pour la littérature elle-même.

2. Le jeudi 7 février 2008 à 22:02, par brigetoun :

sur la littérature féminine, "sur la façon différente de faire de la politique"" (tu parles ! il n'y a pas plus garce qu'une femme qui a conquis difficilement un pouvoir), oui : basta !
mais j'ai tendance à ne plus regarder ce soir ou jamais, un peu pour les mêmes raisons, impression d'une serre où l'on cultive de fausses oppositions entre gens de même aquarium, malgré l'intelligence de certains

3. Le vendredi 8 février 2008 à 04:25, par Berlol :

Allons, allons, Brigetoun, ne restez pas derrière les fenêtres, ouvrez-les ! Cette édition africaine de Ce soir ou Jamais est un petit bijou d'intelligence, de clairvoyance, et d'optimisme aussi. J'ai réécouté spécialement pour vous les deux chansons, celle qui ouvre et celle qui clôt, ainsi que la seconde moitié de la discussion et je trouve que c'est une grande leçon. De Ça ne vous rendra pas le Congo, de Baloji, à Vas-y, Vise plus haut, change ta vie d'Alpha Blondy, tout est dit ! Écoutons-les, suivons-les !

4. Le vendredi 8 février 2008 à 09:38, par brigetoun :

fort bien Monsieur, je rente bien lasse, m'en vais regarder et écouter

5. Le vendredi 8 février 2008 à 10:12, par Stubborn :

@Brigetoun. Doit y avoir une vieille photo où l'on voit Berlol en compagnie de Frédéric T. (à gauche en col roulé)...

6. Le vendredi 8 février 2008 à 11:33, par brigetoun :

pas trouvé la photo -mais bien aimé l'émission d'autant qu'elle confirmait confortablement ce que j'avais cru pouvoir penser (Kenya, Ouatara et le pari tchadien, qui va se retourner contre nous je pense, ou du moins contre la possibilité d'une intervention au Soudan correcte) -
un clin d'oeil : en les paupérisant un peu les petits entrepreneurs français en Afrique pourraient être considérés comme des immigrés qui ont réussi (comme les entrepreneurs portugais avec lesquels je travaillais, et j'espère un de ces jours de petits entrepreneurs africains)

7. Le vendredi 8 février 2008 à 14:19, par Berlol :

C'est vrai que mon soutien à Fred T. peut sembler louche. Je serais d'ailleurs très honoré qu'une telle photo existât. Je dois dire cependant que j'ai toujours détesté les cols roulés.
Pardon, Brigetoun, de vous avoir un peu poussée, mais j'étais sûr que ça valait le coup...

8. Le samedi 9 février 2008 à 15:22, par Stubborn :

@Berlol. A gauche, en col roulé, Fred T. Pas vous ! Vous, je sais bien, vous préférais le ample.



Vendredi 8 février 2008. Avec aisance j'escaladais des toits.

Départ dans une semaine, le compte à rebours commence. Tout se met en place, un vrai puzzle, et j'ai du mal à m'occuper d'autre chose — il le faut pourtant, ne serait-ce que pour noter les rapports de 3e année ou finir la version texte de ma communication sur Mérimée de l'été dernier. En revanche, je n'ai — hélas — pas à préparer le cours sur Rimbaud pour demain matin. Au lieu de cela, j'irai faire les cent pas dans des salles surchauffées où je risquerai trois jours durant de ramasser des microbes qui n'attendront ensuite que l'atmosphère de l'avion pour éboluer en béga rhube... À moins que je ne me masque.

Réveillé en sursaut dans un rêve inspiré de Volodine (que je lisais avant de fermer l'œil). Tout était calme et propre, une ambiance de petit matin humide et tiède en Thaïlande, avec aisance j'escaladais des toits de hauts pavillons exotiques pour échapper à quelque chose, j'y remontais pour chercher un sac à dos oublié, un enfant accroupi près d'une gouttière me demandait avec douceur si je reviendrai, il savait déjà que je dirais non.
Je me suis levé vite pour ne pas me souvenir de ce que je fuyais.
Ai-je déjà été si lent à avancer et finir un livre ? En même temps, je me demande comment des gens de bonne foi peuvent lire Songes de Mevlido en un, deux ou même trois jours. C'est un peu comme regarder un film en accéléré et dire après qu'on l'a vu.

« Elle avait une voix rocailleuse, envoûtante, très ample. Je frissonnai de nouveau. J'aime cette voix, pensai-je. Il faut que je la rejoigne. Qu'elle s'adresse ou non à moi, il faut que je rejoigne cette voix. Il y a une ouverture, ce n'est tout de même pas une prouesse de se rendre de l'autre côté. Je consacrai plusieurs minutes à palper les briques et les rainures qui entouraient la brique. Le mur ne cédait pas. J'ai eu l'occasion déjà de vivre ou de rêver cela, pensais-je en raclant la paroi avec mes mains. Je ne sais comment, ensuite, il y eut sous mes phalanges un portillon de fonte. Il était froid. Je cherchai la targette qui permettait de le débloquer. Je me trouvais à l'envers de la fermeture, un peu comme lorsqu'on essaie de s'extraire d'un haut-fourneau ou même d'un simple poêle. Après quelques efforts, la plaque de métal s'écarta. Je me faufilai dans l'embrasure.
C'est bien ce que je pensais, marmonnai-je. Il suffisait de traverser le mur pour changer d'endroit.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 388)

Ce « changer d'endroit » est d'un double sens vraiment fantastique. Cela rappelle des tas d'images d'enfance, de l'imagination d'alors, et par exemple, tiens !, l'image, soudain, de Philémon, pénétrant dans le sol par une ouverture pour se retrouver quelques instants plus tard sur le A majuscule d'une carte de l'Atlantique.
En cherchant bien, on pourrait d'ailleurs trouver un jour une photo de moi avec Volodine — je n'aurai pas de col roulé ; un col montant à fermeture-éclair, c'est possible. Et nos biographes respectifs de s'assembler pour étaler leurs conjectures...

Suis allé à la bibliothèque universitaire pour rendre des livres et en emprunter d'autres, récemment arrivés, un sur les Contes de Perrault, deux de la collection Déplacements, et le Pléiade de Gracq, qui n'est pas récent.

Autant la spéciale Afrique était passionnante (je l'ai redit en commentaire tout à l'heure), autant le Ce soir ou Jamais d'hier sur les élections américaines est ennuyeux au possible. On n'y parle que personnalité et carrière des trois derniers en lice, résultats de primaires et extrapolations de résultats finaux — aux antipodes de ce qui faisait l'exaltation de la veille. Sur le même plateau ! Le contraste de ce diptyque est en soi un enseignement — à méditer — sur l'état de l'être humain dans le monde.


Samedi 9 février 2008. J'ai vu des sinus et des cosinus.

Ai commencé les surveillances.
Mathématiques, ce matin.

J'ai vu des sinus et des cosinus.
Mais personne n'a éternué.

Dehors, la neige a commencé, drue ;
un grand classique, pendant les concours.

Le soir.
Ça a continué jusque vers 16 heures, dans un calme de plus en plus grand, cinq bons centimètres d'épaisseurs. De quoi donner de bonnes angoisses aux organisateurs parce que si ça gèle et que des transports en commun sont interrompus, il faut annuler les épreuves...
J'étais dans un petit amphi de 120 places, préparé pour une soixantaine de candidats. Les trois épreuves se sont déroulées sans incident notable. Je n'ai pas compté les montres à aiguilles, ni fait aucun calcul sur les candidagneaux, ou sur les gauchers, et même pas composé de petit poème. Serai-je malade ? Je m'en garde bien. J'ai mis un masque, comme T. me l'a fait promettre, et me suis lavé les mains à chaque retour à mon bureau. Non, je surveillais, je faisais abstraction du temps, je manipulais en esprit des détails orléanais ou du voyage. À la sortie, le flot de lycéens a été canalisé vers une seule sortie, celle qui offre le moins de pente dangereuse jusqu'au métro.
Je me suis fait un café chaud en regardant la nuit calme sur le parc blanc et me suis dit que ce n'était pas maintenant que je travaillerais. J'ai bien engrangé les émissions enregistrées aujourd'hui (Fiction d'Yves Ravey, Répliques sur Simone de Beauvoir, Du Jour au lendemain avec Eugène Savitzkaya) puis suis parti au centre de sport sur les trottoirs mi-glace mi-gadoue, ce qui nous rapproche sensiblement d'Ikonnikov...

« Mais en ce monde, rien n'est éternel. L'automne dernier, à la suite d'une violente averse, le bas-côté de la Ruelle Verte s'est effondré, entraînant dans sa chute les bancs et les plaques de béton qui clôturaient la scierie.
Aujourd'hui, les habitants de Riabovo doivent faire un long détour par la ruelle des Jardins. Quant à la jeunesse locale, elle se rassemble de nouveau dans la cave où traînent des bouteilles vides, des mégots et des préservatifs usagés. De la Ruelle Verte, il ne demeure que le nom. En hiver, quand les enfants vont faire de la luge dans le fossé, ils disent à leurs parents qu'ils sont dans la Ruelle Verte.» (Alexandre Ikonnikov, Dernières Nouvelles du bourbier, p. 103)

Commentaires

1. Le vendredi 8 février 2008 à 22:53, par brigetoun :

japonais ce qui ressemble tant à un jardin à la française ?

2. Le samedi 9 février 2008 à 10:25, par pat :

L'art de la perspective ou les lignes sont en fuites, et oui déjà. Elles savent bien qu'elles se rejoignent dans l’imaginaire de la perspective et pourtant elles ne se touchent jamais. Mais nous sommes tentés de trouver ailleurs quelque chose d'exaltant, et chez soi navrant? Ce serait donc un honneur de voir en ce pays un signe d'un ailleurs qu'il soit ou non Français.
La photo dans ce cas peut nous laisser croire qu'elle a été prise ailleurs, cherchez l'erreur.

3. Le dimanche 10 février 2008 à 20:45, par vinteix :

Ave collègue, ces jours-ci : même programme que toi à faire les cent pas, compter les minutes et les moutons... et c'est marrant, moi aussi, les gauchers : aujourd'hui dans une salle de 333 candidats, 9 gauchers...


Dimanche 10 février 2008. Personne ici ne se soucie de l'architecte.

Je ne sais pas comment c'est possible mais, malgré la déprime noire de Mevlido, j'ai passé une bonne nuit, sans même me réveiller. Glissant mon parque-mage, quelques secondes amant de v'endormir, je trouvais quand même que ça me remuait fort, ce Fouillis indescriptible, ce bus délabré, l'attentat silencieux...

« Maintenant je m'étais appuyé contre un mur et, les pieds enfoncés dans la suie, je me demandais ce que j'allais faire, quand l'autobus sursauta très légèrement.
Aussitôt se répandit dans la rue une violente odeur de calamine et de chlore. Aucun bruit n'avait retenti, pas une seule flamme n'avait roussi l'image.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 405)

Les restes de neige ne compromettent pas la journée de concours. Mais comme certains trains avaient du retard, tout a été décalé d'une heure. Je suis dans un amphi plus grand qu'hier, avec 19×6 candidats et un jeune prof d'économie plutôt sympathique. Dix-neuf, c'est le nombre de rangées voulu ici par Antonin Raymond, un nombre impair et premier. Personne ici ne se soucie de l'architecte. Pourtant c'est essentiel, et le mariage béton et bois, tout en courbes, tellement agréable.
Quelques bons éternuements bien gras... Allez-y ! — J'ai mon masque. Un vrai bouillon de culture !
D'ailleurs, on devrait dire brouillon de culture : regardant un peu sur les copies, je n'ai pas vu beaucoup de fractions de Pi identiques dans la solution demandée.

Pour une fois, j'ouvre le fil RSS du Figaro littéraire. Nouvelle du jour, ou de la semaine : l'académie Goncourt se réforme, on va peut-être y interdire les cumulards et le vote des absents. Nouvelle secondaire : Pierre Bayard casse la baraque en Amérique avec les livres qu'il n'a pas lus (ici, c'est déjà fait).

Bien que ce soit dimanche, j'ai loué une voiture pour la semaine prochaine. J'ai trouvé un restaurant pour l'important rendez-vous de T. le 20. Et ce soir, à l'exemple de mon chef de département, j'ai réservé une chambre à l'aéroport pour jeudi. Le puzzle sera bientôt complet, quand il sera entièrement constitué, peut-être même un peu avant, nous entrerons dans son image pour le vivre.


Lundi 11 février 2008. Une baveuse crève à son paroxysme.

Libérable ! Voilà la psychologie ! Suffit que ce soit le dernier jour — avec retour à T. ce soir — pour que tout paraisse plus facile ! Programme rigoureusement identique à celui d'hier, dans une salle de cours normale, que je connais bien pour y avoir fait cours une année ou deux, mais dans laquelle il n'est pas évident de circuler pour surveiller. Mon binôme est efficace et sympathique. Parmi les candidats, quelques jolies filles qui choisiront peut-être le français... Ça tousse plus que ça n'éternue — et au moins une baveuse crève à son paroxysme (sur l'exemple de « la petite brise la glace »).
Hier, je me suis souvenu que je savais compter en allemand et suis allé tranquillement jusqu'à cinq cents. Aujourd'hui, j'essaie quelques chansons, il n'y a guère que Toulouse dont je me souvienne entièrement. Paris-New York, presque. Nougaro et Higelin, mes 16 et mes 18 ans... Régression ou retour de mémoire ?

Dès sept heures du matin, j'avais eu de quoi positiver en commençant ma valise, avec divers essayages de vêtements, couleurs assorties, trop chauds, pas assez... Tiens ! Trop petit, ce pantalon ! Mais je le garde quand même, alors qu'il est très très peu probable que je remaigrisse jusque là. Mais c'est un Bill Tornade des années 90 ! Et ce pull qui peluche... Le garder pour la maison ? L'emmener et le jeter là-bas ?... On a de ces attachements à des vieilles choses qui ne vont plus, comme si c'était des parties de nous-même. D'ailleurs, ce sont des parties de nous-même, importables mais encore importantes. Ça couvre des pans entiers de notre histoire, on en est tissu et ourlé. Mais bon, de là à mettre ça dans la valise...

Après la quille, c'est le shinkansen (dans lequel je reprends le redécoupage des MD renumérisés, beaucoup de re- et c'est normal, avec en 2001 des rediffusions de pièces de Duras), puis à la maison avec T., la spirale du départ — tout ce qu'il y a à régler, préparer, décider, écrire, sachant qu'on voyagera séparément...

Commentaires

1. Le mardi 12 février 2008 à 04:55, par pat :

Comme le petit poucet qui se raccroche à ses cailloux si l'envie de faire le chemin à l'envers se faisait sentir, revenir avec la mémoire tout simplement demande un effort. Tout est plus simple et facile lorsque l'on se raccroche à un vêtement, un parfum, une image, une sensation qui s'est installée en nous, à notre insu. Pourquoi celui-ci plus que celui-là. Et la mémoire fait le reste, une machine à remonter le temps, juste le temps de se rassurer. Sous venir, mes moires, voilà ce qui se cache derrière le mur de notre inconscience.

2. Le mardi 12 février 2008 à 09:35, par Stubborn :

importables mais encore importantes : joli.



Mardi 12 février 2008. Paralysée avec un couteau dans le dos.

On s'était levé ; le petit déjeuner était prêt. Juste avant que je serve le thé et alors qu'elle allait monter le son pour mieux voir les dernières images de Mars, — le son pour les images, oui, je sais... — T. a eu la nette sensation d'un coup de batte de base-ball dans le dos, au milieu. Je croyais d'abord qu'elle déconnait, mais non. Après deux ou trois minutes, elle a réussi à s'asseoir, toujours comme paralysée avec un couteau dans le dos. Encore quelques minutes et je l'ai accompagnée sur le lit où elle a pu s'allonger sur le côté, respirer, se demander ce qui lui arrivait.
Une bonne heure plus tard, la douleur, bien présente, ayant toutefois diminué au point de permettre les mouvements lents et bien contrôlés, elle put boire et manger un peu, se préparer et se rendre, avec une canne et moi, chez le docteur qui l'examina et conclut à une inflammation bénigne suite à une fatigue musculaire.
À cet instant, j'ai compris que ce n'était pas à cause du froid aux pieds ou du stress, mais à cause de ces trois ou quatre derniers jours qu'elle avait passés à écrire au clavier en tendant les bras par dessus ses catalogues, sans faire beaucoup d'exercice et sans même sortir pour marcher. En effet, les ergonomes de tout poil le disent, il faut absolument taper, surtout quand ça dure longtemps, en gardant les bras, des épaules aux coudes, au plus près du corps, laissant les avant-bras s'avancer horizontalement vers les touches.

Nous avons passé le reste de la journée à reprendre les préparatifs, attentifs à la miraculée dont le visage avait quelques instants porté le masque de la catastrophe (son voyage annulé, mon calvaire entre Loire et Loiret, etc.). C'est-à-dire qu'à tous les instants, les meilleures choses peuvent se changer en leur contraire. Qu'un fil se rompe, que l'épée s'abatte sur un sort en équilibre, comme tous les sorts, et les plus beaux projets, ciselés de mains d'orfèvres de l'emploi du temps, deviennent d'atroces obligations auxquelles il n'est pas toujours possible de pouvoir se dégager.
Il est bon que cela nous ait été rappelé, si je puis dire, gratuitement.

Retrouver la littérature est alors une douceur familière, que ce soit sous forme de coïncidence avec un François Bon à qui nous adressons un amical conseil de repos, à l'écoute d'un arboricole et toujours impertinent Dominique Meens ou au lit dans les dernières pages, faseyantes et impossibles, de Mevlido...

« Mingrelian alors hésite. Conclure tant d'épreuves sur un épisode unique ne lui plaît pas. Ni Les Attentats contre la lune ni Poulailler Quatre ne sont des romans d'aventures. Il a donc recours à la technique post-exotique du faseyage narratif, pourtant peu appréciée par les Organes — qui exigent des réponses sûres —, et haineusement critiquée par les adeptes de la littérature officielle — qui y voient une insulte de plus à leur théorie de la fiction. Comme si le vent noir de la narration était, à ce moment-clé, incapable de trouver une direction satisfaisante, l'histoire se replie bizarrement, se ramasse, prête à rebondir encore une fois, et soudain elle tremble sur elle-même. Trois versions vont alors coexister [...] » (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 427)

Commentaires

1. Le mercredi 13 février 2008 à 01:47, par pat :

le corps que l'on croit posséder nous possède au point de nous faire des contractures ou des fractures dites de fatigue. Comme si un fusible se mettait soudain à ne plus répondre de ses fonctions. Le corps dit stop et même si au fond de soi on ne veut s'arrêter le corps met tout en oeuvre et nous contraint au "repos". Encore, en corps réé cette enveloppe mortelle qui nous sert de véhicule pédestre.
Il ne reste plus qu'à refaire l'unité avec son corps pour que tout reprenne comme si de rien n'était, comme une bonne méditation profonde afin de retrouver tout ses chacras.

2. Le mercredi 13 février 2008 à 02:01, par brigetoun :

pour T les encouragements aussi amicaux qu'elle le permettra d'une quasi soeur en handicap

3. Le mercredi 13 février 2008 à 05:20, par eric :

Je me réjouis que cette alerte n'ait été que bénigne, et en profite pour vous souhaiter un heureux voyage, qui vous permette de goûter aux plaisirs de la vie française, vous procure repos et tranquillité en dépit des tâches qui vous attendent aussi là-bas, et fasse avancer vos projets et vos aspirations. A bientôt

4. Le mercredi 13 février 2008 à 05:40, par Berlol :

Merci à vous trois ! Elle va mieux. La prudence règne !



Mercredi 13 février 2008. Le néant sans qu'il me blesse.

Lever, petit déjeuner et matinée normaux. Encore plein de choses à ranger, arranger, sur place ou en ligne.
La blessée va mieux et se soigne.
Déjeuner au Saint-Martin, enfin ! On dit au revoir pour un mois...
Paiement avancé du loyer, achat de petits cadeaux (encens, thé, etc.).

Vers 17 heures, je suis prêt à partir pour le grand voyage, d'abord à Nagoya, demain à l'aéroport Centrair puis vendredi vers Roissy, tandis que T., partant de Narita, volera trente minutes devant nous avec une autre compagnie. Si tout va bien, nous rétablirons la connexion entre nos deux corps, nos deux regards qui ne se quittent pourtant jamais, vendredi vers 15 heures, heure française, dans le hall d'arrivée.

Instant terrible dans le shinkansen, attendu et craint depuis près de six mois, mais inéluctable : la fin du livre le plus merveilleusement toxique de Volodine. À la fois toxique et mithridatisant, je me comprends. On a tous peur de la mort et beaucoup d'œuvres d'art sont des formes d'entraînement. Ma bibliothèque, ma discothèque sont des camps d'entraînement à l'acceptation de n'être pas éternel — mais tout en me plaisant fort, beaucoup de ces œuvres n'ont pas atteint cet objectif, m'emmenant ailleurs, où je n'ai pas perdu mon temps non plus, ou bien appellent trop vulgairement vers des fins téléphonées, bâclées, trop simplement mortelles. Il faut reconnaître que Volodine a ce talent de me faire toucher le néant sans qu'il me blesse.

Comme si j'avais appris tranquillement que... j'y suis déjà.

« Linda siew me pousse sans répondre. Elle me guide. Je sens sa main qui tremble sur mes épaules, et, quand j'essaie de me retourner pour la regarder, déjà je sens contre mon cou la tiédeur du fer qui me déchire.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 451)

À propos de partir tranquillement, Henri Salvador est le plus fort. En pleine grève de l'audiovisuel public, il fait quand même la une. Faut dire qu'il est suivi, au 20 Heures de France 2, d'une Christine Albanel infiniment moins talentueuse. Même complètement nulle. Derrière son sourire de fausse niaise, là aussi, il n'y a que du néant. Croit-elle vraiment qu'on ne voit rien ? Qu'on gobe son œuf de cruche ? Le pilote fou a décidé de couper les gaz et l'obséquiosité ministérielle requiert de faire des moulinets avec les bras pour persuader la France que ça ne tombera pas...

Commentaires

1. Le mercredi 13 février 2008 à 11:13, par pat :

Que ce voyage vous soit tranquille et que vous vous retrouviez, avec le désir de suivre le chemin, qui à défaut d'être l'Highlander way, permettra de laisser cette notion pour plus tard, beaucoup plus tard, le plus tard possible.
Notre 21# siècle met de coté cet instant qui fait partie de l'existence. Comme personne ne sait ce qui se passe derrière, cela offre une multitude de réponses. Il est connu que trop de réponses tue la réponse. c'est sans doute ce qui interroge le plus et on n'est pas prêt de l'élucider. Ensuite faut-il savoir de quoi nous avons peur.
D'ici là faites bon voyage et au plaisir de lire.

2. Le mercredi 13 février 2008 à 22:55, par brigetoun :

j'écoute presque France Inter avec ravissement. Au moins je peux à la rigueur me mettre en rage. Hier je n'avais que Nostalgie, Skyrok ou Monte Carlo, de quoi comprendre mieux le vide sidéral des motivations lors des votes, et chérir le service public et tous ses défauts.
Je crois que je vais finir par ne pas attendre que le dernier Volodine soit en poche




Jeudi 14 février 2008. Avant l'envol — on ne sait jamais.

Journée en pilotage automatique : fin de valise et de sac à dos, ménage avant abandon du lieu, au bureau pour dépôt de mes relevés de notes des étudiants, brève réunion avec mes collègues, déjeuner à trois au Downey, avec David au centre des impôts pour enregistrer ma déposition par ordinateur (c'est une première, merci David !), retour au bureau pour réception des téléphones satellitaires pour les deux accompagnateurs (fournis par l'université, à n'utiliser que pour urgence). Et en voiture pour l'hôtel de l'aéroport.

Après repos et dîner avec mon chef, je m'aperçois que la connexion avec mon portable me permet de voir Le Gendarme de Saint-Tropez (Giraud, 1964) sur TV5 Monde. Juste ce qu'il faut pour ne pas se prendre la tête.
Je dois dire, puisque Christine en parle, que je trouve une étrange coïncidence entre le discours de Louis de Funès (quand il produit du discours) et celui du personnage du Civil de Daniel Foucard...

« Le gendarme c'est l'ordre. Et l'ordre, c'est toujours impopulaire. Garde à vous ! [...] » (Ludovic Cruchot)

Couper les commentaires avant l'envol — on ne sait jamais.


Vendredi 15 février 2008. Les amateurs de croustillant peuvent attendre.

Ça y est, j'ai rouvert (ayant survécu).
Ce fut un long tunnel sans aucune surprise (tout ayant été préparé et rien n'étant survenu).
Du matin blême du Japon où j'ai appelé T. pour voir si tout allait bien de son côté au milieu d'après-midi brumeux de France où je l'ai vue avancer vers nous avec son chariot à bagages — et la surprise des étudiants qui n'avaient bien sûr pas été prévenus.
Entre ces deux instants, c'était donc une opération impeccable : rassemblement dans un hall de l'aéroport, distribution des billets d'avion, adieux aux parents, enregistrements des bagages et attribution des places, contrôle de sécurité, rassemblement devant la porte d'embarquement, récupération des billets pour le retour, embarquement et installation, vol avec repas, films (j'en ai vu au moins quatre mais lesquels ?...), jeux vidéos (de plus en plus de gens préfèrent jouer que regarder des films), discussion avec les étudiants (peu ayant dormi, une ayant même continué à étudier pendant plusieurs heures).
Quelqu'un a fait un malaise. Pas de notre groupe, mais à côté de nous. Tombé dans le couloir. Sans panique, un masque et une bouteille pour secours respiratoire ont été apportés, installés, une couverture chauffante aussi. Après une demi-heure, quand la personne s'est sentie mieux, elle a été déplacée sur des sièges où on lui a mis des compresses. Je n'en ai pas su plus que cela, peut-être une hypoglycémie.
Pour l'arrivée à Roissy, aussi, tout fut très simple. Les amateurs de croustillant peuvent attendre un autre jour... Une responsable orléanaise nous attendait, Takeshi, l'autre accompagnateur, chercheur au Mans était arrivé, puis T. dont l'avion avait finalement atterri en E et non en F. Un bel autocar nous a emportés tous les 35 à Orléans, avec un petit quart d'heure de bouchon pour entrer sur le périph et la route très dégagée ensuite.
Mais toujours très gris, et du vent froid. Alors qu'on nous dit qu'il faisait si beau depuis une bonne semaine... Si bien qu'au point de rencontre des familles d'accueil, sur un parking de l'université d'Orléans La Source, ça caillait fort. T. et moi sommes provisoirement allés nous réfugier dans le hall de la fac de Lettres, prendre un café chaud à la machine. Enfin, à 19h15, tous les étudiants étaient partis dans leurs familles d'accueil. Deux des responsables orléanais nous ont obligeamment déposés tous les trois à la résidence du Centre de conférences où nous avons trouvé sans difficulté nos appartements.
Courses au petit supermarché du coin (j'ai mes repères, maintenant, pas la galère comme il y a deux ans), dîner rapide avec le matériel du bord et au lit !

Commentaires

1. Le samedi 16 février 2008 à 01:19, par Dabichan :

Bonjour à tous les deux,
Heureux de voir que la belle mécanique a fonctionné de l'affluence des étudiants dans le hall de Chubu à la confluence entre les halls E et F !
Espérons que tout ira aussi bien pour mon petit équipage sur le même vol vendredi prochain. Je dis ça, parce que je serai tributaire du bon vouloir des personnels d'Air France pour un léger raccord d'itinéraire jusqu'à Marseille... J'en tremble !
Bon séjour et à un de ces quatre.

2. Le lundi 18 février 2008 à 06:11, par pat :

bienvenue tardif en notre contrée bonnes visites @+

3. Le mardi 19 février 2008 à 05:02, par Manu :

Tu as mis 2 fois la même photo... Je pense que tu voulais mettre l'après-midi brumeux de France dans la deuxième, non ?

4. Le mardi 19 février 2008 à 09:12, par Berlol :

En effet, il manquait un petit b dans l'adresse de l'image... Merci, Manu !



Samedi 16 février 2008. Les gravats de la précédente.

Froid sibérien quand je sors pour le distributeur de sous juste en face. Passons en voisins dire un rapide bonjour aux quelques étudiantes qui font un stage cuisine dans une des familles d'accueil (ce matin, crêpes et galettes). Avec T. & T., marché des bords de Loire (légumes, fromages, poulet rôti). Dans l'après-midi, allons à l'agence Bouygues Télécom pour nos trois portables (kit Nokia à 39 euros et recharge de 25 euros). Les 25 autres sont prêts pour lundi...
Après la place du Martroi, dans une ambiance chamoniarde, remontons à la gare pour nos abonnements SEMTAO. Petit tour en tram pour en présenter le fonctionnement. Repos dans un salon de thé chic. Visite de la nouvelle gare d'Orléans (j'étais maintes fois passé dans les gravats de la précédente). Rapides courses à Carrefour (un torchon à vaisselle, une soupe de poisson), bondé le samedi après-midi.
En tram dans l'autre sens pour aller à l'agence Rent-a-car. J'y retire une Seat Ibiza que j'achemine ensuite au parking de la résidence, et au lit (nous), quatre étages au-dessus.
Je fais bref parce que tout est matériel et technique pendant quelques jours, à peine le temps de regarder un peu la télé, pas du tout celui de lire quoi que ce soit d'autres que mes documents de travail (listes et programmes des étudiants, bons de réservation, devis divers, etc.). Et comme je suis avec T., je préfère buller avec elle, le peu de temps qui me reste, qu'écrire...

Commentaires

1. Le mardi 19 février 2008 à 00:07, par pat :

Et oui la vie est ainsi faite de gravats que les uns laissent là, sachant que d'autres les retireront. Organisation très franchouillarde qui fait de nous l'exception culturelle. Les gares sont les églises de l'homme moderne, qu'elles soient ici ou ailleurs. On y trouve des gens en partance vers l'inconnu. On quitte tous quelque chose en entrant en gare, à savoir si nous serons nombreux à revenir....

2. Le mardi 19 février 2008 à 00:09, par Berlol :

T'aurais dû faire philo !...

3. Le mardi 19 février 2008 à 00:14, par pat :

Les chemins de la sagesse viennent souvent tard pour les turbulents. Ce doit être mon cas.

4. Le mardi 19 février 2008 à 00:18, par pat :

Le chemin fut long depuis notre dernier regard sur notre jeunesse que l'on quitait. Le chemin fut sinueux, accidenté comme le fut certainement pour d'autre. Etre là à contempler l'horizon, et s'assoir en tailleurs afin de mieux comprendre le mouvement de houle, la foule qui vague sur le seant (l'océan) cherche le futil, l'éphèmère et perdent les repères de leur vie. Rien dans une vie n'est inutile, il faut seulement rechercher sa valeur, son méssage, et j'en ai plein mes tirroirs



Dimanche 17 février 2008. Comme un forcené pour que ça avance.

Le jour attendu depuis deux mois.
Route matinale très tranquille à travers la Beauce puis diverses communes de la banlieue sud, au relenti (beaucoup de ronds-points par là — la folie des années 80, les ronds-points) pour arriver à Yerres vers 11 heures. Mon père va bien, il a maigri de dix kilos, ce qui le fait ressembler à Woody Allen. J'en suis fier.
Chez mon cousin Pascal, qui lui n'a pas maigri, je retrouve des membres de ma famille délaissée depuis plus de quinze ans. Je les présente à T., ils réagissent bien, naturellement, tout au long de la discussion (nous sommes très sensibles à cette réaction devant une étrangère qui n'est ni une enfant ni un animal de compagnie — des amis d'autrefois en ont fait les frais, même si des fois je les regrette).
L'ambiance est très bonne, vignieusienne, avec de la tête de moine raclée par l'instrument ad hoc, un gratin de fruits de mer un peu trop salé mais un excellentissime gigot d'agneau, etc.
Dans cette maison relativement banale de la banlieue parisienne, je dis cela sans méchanceté, il y a une chose exceptionnelle. C'est une énorme collection de théière du monde entier. Des tasses aussi et quelques superbes pièces de faïence alsacienne. Nous avons donc ce point en commun d'aimer le thé (ce n'est pas le seul). Ma tante parle d'un film super 8 où l'on nous voit, mon cousin et moi, sur un pédalo, je pédale comme un forcené pour que ça avance et lui ne fait strictrement rien...
Vers 17h30, nous ramenons mon père chez lui. Il doit consulter mardi pour un dernier problème dentaire puis il sera prêt pour l'opération cardiaque, changer la valve qui déconne.
Retour de nuit à Orléans, on arrive à 20h30. Bonne route malgré des phares qui éclairent trop bas. Et déjà épuisés, décalage horaire pas encore comblé. Au lit sans finir La Chevauchée sauvage...

Commentaires

1. Le mardi 19 février 2008 à 00:12, par pat :

Retrouver les siens se sont les "roots" racines dont on a besoin pour s'élever. Cela fait du bien de retrouver l'âme de ses origines. Se sont des moments qui sont riches vu qu'ils sont rare et comme on dit tout ce qui est rare est chère! Jongler entre la vie Nipponne et Française doit demander des prises de repères pour ne pas se tromper. Je vois avec plaisir que tu as tes repères ce qui est l'essentiel.
A plus de te lire.

2. Le mardi 19 février 2008 à 11:20, par brigetoun :

une chance quand, avec un minimum de bonne volonté, plus bien entendu des sentiments, le raboutage se fait sans trop de peine



Lundi 18 février 2008. Pas finir (beaucoup prendront du poids).

Retour voiture à l'agence de location. Paie demi-plein parce que pas le temps d'aller dans une station (c'est pratique). Tram pour la fac. A y est, j'enclenche sur l'ouverture du stage.
Les étudiants sont tous là, mon collègue aussi (bien avant moi, d'ailleurs). La responsable fait la présentation du stage, des cours, des excursions. Ensuite, c'est la visite du campus avec les deux stagiaires françaises qui ont travaillé à la préparation de notre programme depuis de nombreuses semaines. Le bâtiment des sciences, où des cours doivent avoir lieu demain, est fermé. Tant pis. Il y a du soleil mais... on découvre un lac gelé ! Ce n'est que la surface, bien sûr, cinq millimètres, mais quand même pas rien. Des pointes de pieds s'y posent pour casser la glace (ce qui désambiguïse que la petite brise la glace, d'ailleurs il n'y a pas de vent), des cris fusent mais personne n'y tombe. J'avais déjà le téléphone en main pour appeler les urgences...
Le restaurant universitaire Le Forum est fermé. Nous devions y déjeuner. Qu'à cela ne tienne, nous irons à celui du Lac, suffit d'en refaire le tour. Les étudiants s'étonnent bien un peu de ces informations qui ne sont pas bonnes et des changements de programmes, nous devons leur expliquer que cela fait partie des modes de travail normaux en France...
Nouveau pour moi : le système des tickets de resto U n'existe plus. Il faut payer en liquide. Pour moi, sans statut d'enseignant d'Orléans, c'est 7 euros. Un plat principal et trois autres composants. Qualité tout à fait correcte. Autre surprise pour nos ouailles : la quantité. La plupart ne peuvent pas finir (beaucoup prendront du poids).
La journée la plus longue continue par la visite d'Orléans, sous la direction des deux stagiaires, Élodie et Fatima. Sauf qu'il faut commencer par les téléphones portables, après un tram où les quarante assis sont des morts-vivants. C'est pas l'émeute, dans la boutique Bouygues, mais on n'en est pas loin. Trois vendeurs s'y mettent en même temps, montent les puces et les batteries, initialisent, prennent l'identité et le paiement, font la recharge de 25 euros, ce qui ne les empêche pas de vanner entre eux et avec nous. Du vraiment bon travail. Bouclé en une heure chrono. En route pour la cathédrale !
Sommes de retour à l'université à 17 heures. En attendant le pot de rencontre entre encadrement, enseignants, étudiants, familles et accompagnateurs, Takeshi et moi improvisons une formation accélérée pour l'emploi des nouveaux téléphones.
Au pot, discussion animée avec quelques familles, en effet très sympathiques. J'en perds presque la voix, tellement il faut parler fort.

Je retrouve T. à l'appartement, encore un peu patraque du froid et du décalage mais reposée et connectée. On grignote. Mauvaise nouvelle, ARG était mortel.
Aujourd'hui, je me dis juste que c'est dommage que Robbe-Grillet n'ait pas pu savoir que Castro s'était retiré du pouvoir, ça l'aurait sûrement amusé.

Commentaires

1. Le mercredi 20 février 2008 à 00:07, par pat :

Alain s'est endormi et a déjà refusé les honneurs que voulait lui faire Saint Pierre.
"Vous pouvez garder vos décorations pour ceux qui en ont besoin. Je n'ai que faire de vos louanges mais laissez moi écrire sur le grand livre, je veux témoigner."
Le paradis des écrivains accueille tout les grands. Tout ceux qui ont un jour pris un crayon et tenter d'écrire une histoire, leur histoire, notre histoire. Une vie même dans l'ignorance de toute mérite d'être racontée.

2. Le mercredi 20 février 2008 à 01:10, par brigetoun :

beaucoup prendront du poids :voilà pourquoi il importe que de mauvais renseignements leur fassent faire plusieurs fois le tour du lac

3. Le mercredi 20 février 2008 à 11:41, par pat :

la france est la référence gaz trop nomique. Et quand c'est trop c'est trop. La peur est au ventre ce que l'estomac est dans les talons.



Mardi 19 février 2008. Une thérapie (à la viande) de cheval.

À la gare pour des billets pour demain. En passant chez Heyraud, dernier jour des soldes, T. trouve un manteau de cuir fourré. Elle hésite. C'est quand même bien chaud... Justement ce qui lui manque, cette chaleur, près du corps, si rassurante quand on n'est pas chez soi. Mais la dépense... On va réfléchir.
J'accompagne T. à la poste pour faire du change. Au passage je glisse à la guichetière que des étudiantes japonaises viendront certainement bientôt, par petits groupes... Histoire que ça se passe bien — David dirait que ça n'a pas toujours été le cas.
Puis nous passons aux Halles-Châtelet (d'Orléans) où T. exige une thérapie (à la viande) de cheval. Je ne peux qu'approuver. Et du pain. Et du fromage, un bon camembert. On se dépêche d'aller déjeuner. Pour ne plus jamais avoir froid.
Après, on retourne acheter le manteau, il ne faut pas trop réfléchir, non plus, dans la vie.

Mise en abyme à l'arrêt du bus.
C'est pas possible, y'a une coquille dans le potage !... J'explique à T. comment j'avais raté le 20, il y a deux ans, quand j'étais malade, parce qu'il était passé deux minutes en avance, je l'avais vu au loin, impuissant, et près de trente minutes à attendre le suivant. Cette fois, il arrive, on va le prendre, il y a cinq ou six autres personnes autour de nous à l'arrêt Aristide Briand, il freine et... ne s'arrête pas. Je lui cours bien un peu après, mais c'est trop tard. Y'en a qui ont essayé...
C'est qu'on ne lui a pas fait signe. Il était tellement évident pour moi qu'au moins une des autres personnes prendrait celui-ci et pas une des autres lignes, que j'ai négligé le geste décisif. Et comme c'est l'horaire des vacances scolaires, cette semaine, le prochain est dans quarante minutes.
Mais il fait beau, on peut marcher jusqu'au tram, parcourir les vieilles rues...
Et sur le campus, voir les étudiants et s'il n'y a pas de problème, retrouver Takeshi pour faire le point. Et revenir.

Que par la volonté commerciale d'un unique ayant-droit, Artaud ne soit plus lu sur Tiers Livre. Ni ailleurs. On peut très facilement se passer d'Artaud, c'est moi qui vous le dis. Et puis ça éteindra la rente du rentier.

Saviez que le stomatologue n'est pas un spécialiste de l'estomac ?

Commentaires

1. Le vendredi 22 février 2008 à 03:51, par jcb :

Et pan dans les dents ! Tu as raison :
Le stomatologue s'occupe de la bouche et des dents.
la gastroentérologue s'occupe, entre autres (parties du tube digestif), de l'estomac.
Les ulcérés ne doivent donc pas se tromper de crèmerie !

2. Le samedi 23 février 2008 à 04:36, par pat :

Ce n'est pas la seule divergence. Exemple Culturiste ou culturisme n'a strictement rien à voir avec la culture qu'elle soit ou non générale. Ce ne sont que des faux frères.



Mercredi 20 février 2008. Métamorphose du carré.

Aujourd'hui, suis secrétaire de T., en visite au Collège de France, où elle a rendez-vous avec Marc Fumaroli. Déjeunons à trois au Pré-Verre, rue Thénard, recommandé par des proches. Grave erreur... La cuisine est plutôt bonne, ça c'est indéniable. L'œuf onsen aurait certes mérité une décoration plus raffinée, des morilles moins imbibés d'eau. Mon onglet de veau, en revanche, est parfait, de même que sa purée. De leur côté, T. et Marc vantent aussi leur exquise morue. Mais tout cela est annihilé par le niveau sonore et l'énervement que génère le service, à commencer par le chef de salle, verbe haut sur tige maigre, et qui fouette tout le monde. Presque impossible d'avoir une conversation un peu sérieuse. Heureusement, Fumaroli n'est pas soupe au lait. Et il a de bons souvenirs du Japon. Il finit même par s'amuser de la situation. Il consentira même à nous dire où il se fournit en confiture de figues (place Maubert).
Pour ce qui est du contenu, c'est secret défense, je n'ai rien le droit de dire.

Métamorphose du carré Hachette, au coin des boulevards Saint-Michel et Saint-Germain. Il y a maintenant un Monoprix, avec grand rayon d'alimentation rapide, suite au sous-sol pour de vraies courses, avec même des caisses entièrement automatiques pour moins de 10 articles. Faut dire que dans le quartier, ça manquait depuis toujours, un vrai supermarché. Sûr que ça va marcher.

Après, on ne traîne pas trop. Passage chez Gibert Jeune où je prends trois livres (Daeninckx, Camarades de classe, Peslerbe, Peines perdues, et Da Silva, Hoffmann à Tôkyô).
Repos au salon de thé Kusmi.
Bus pour Austerlitz puis train du retour.

« Un homme est mort. D'une mort provoquée par un tiers. Il souffrait de la maladie d'Alzheimer, une maladie du cerveau qui se caractérise par une perte de la mémoire. Les médecins n'y peuvent rien, ils la décrivent comme on le ferait pour un coucher de soleil. Les souvenirs disparaissent les uns après les autres, on ne sait où et encore moins pourquoi. Pas de microbes à combattre, pas d'hémorragie à stopper, pas de tumeur à opérer. On assiste impuissant à l'extinction des feux. Il est étrange d'appeler cela une maladie. Il serait préférable de ne pas imaginer qu'il s'agisse d'une volonté de fuir une réalité trop pesante. La maladie d'Alzheimer est une maladie qui efface lentement la vie sans faire mourir. Elle n'est pas contagieuse et cependant se propage. Et nous laisse désemparés.» (Emmanuelle Peslerbe, Peines perdues, Rodez : éditions du Rouergue, coll. La Brune, p. 12-13)
Dans la foulée d'Olivia Rosenthal, mais pas dans l'imitation. Ici, Alzheimer est le point de départ d'un mystèrieux meurtre...

Commentaires

1. Le vendredi 22 février 2008 à 00:40, par pat :

Est ce pour vous empecher de réflechir que le niveau sonore était si élevé? La restauration en France tent à oublier que le cadre l'ambiance doit être suffidant pour mettre un voile sur le silence opresseur, et ne doiten aucun cas surmonter les consversation, sinon ou serait le plaisir d'aller déjeuner au restaurant. On ne voit pas ça dans les Restaurant allemands ou tout est fait pour le plaisir. Mais soit on ne peut pes tout avoir, du moment que la bouche se régale.

2. Le vendredi 22 février 2008 à 12:40, par brigetoun :

bien aimé le "verbe haut surtige maigre" - beaucoup moins le Monoprix remplaçant le carré Hachette, remplaçant l'agence Crédit Lyonnais, mon âge redoublant tout d"un coup (enfin tout de même Hachette jusqu'au rez de rue, j'ai connu)

3. Le samedi 23 février 2008 à 03:47, par jfp :

content que tu t'intéresses à un auteur de la 'Brune', j'en profite pour attirer ton oeil sur les livres de sylvie gracia, qui en est la directrice de collection, et qui publie chez vertical, après l'arpenteur, à chiner aussi chez Gibert, si tu n'as déjà lu, et un salut en passant de marseille, jean-françois

4. Le dimanche 2 mars 2008 à 02:35, par ck :

et pour le thé Kusmi, tu peux en acheter au siège de la société, dans une arrière-cour de l'avenue Niel. Seaux en plastique, odeurs d'épices, de thés, gens qui s'affairent, on hume, on décide vite, on paye, on s'en va. L'impression d'avoir fait de la contrebande. C'est délicieux.



Jeudi 21 février 2008. Des informations objectives, en apparence.

Alors que j'allais poster le montage de JFM sur Robbe-Grillet et Castro sur la page d'avant-hier, nouvelle coupure de l'accès au blog. Censure ? Non, même pas. Cette fois, c'est non seulement le blog qui est inaccessible, mais tout le site et l'ensemble du domaine Globat. Même le courrier est coupé ! Là, je n'y peux rien du tout (et sur la Côte Ouest des States, c'est la nuit...). Bah, on a autre chose à faire. Sortons.

« Mais le regard qui, venant du fond de la chambre, passe par-dessus la balustrade, ne touche terre que beaucoup plus loin, sur le flanc opposé de la petite vallée, parmi les bananiers de la plantation. On n'aperçoit pas le sol entre leurs panaches touffus de larges feuilles vertes. Cependant, comme la mise en culture de ce secteur est assez récente, on y suit distinctement encore l'entrecroisement régulier des lignes de plants. Il en va de même dans presque toute la partie visible de la concession, car les parcelles les plus anciennes  où le désordre a maintenant pris le dessus  — sont situées plus en amont, sur ce versant-ci de la vallée, c'est-à-dire de l'autre côté de la maison.» (Alain Robbe-Grillet, La Jalousie, Paris : Minuit, p. 11-12)

 Le personnage central et absent se dessine dans le creux des informations objectives, en apparence — le regard qui...

Ne trouvons pas de mercerie (ce que nous cherchions) mais une épicerie fine, rue Pereira, où nous entrons après y avoir reconnu avec étonnement la marque de confitures recommandée hier par Fumaroli, Daniel Boudet (framboise sans pépins et figue ont été fortement appréciées ce matin).
La patronne nous fait aussi goûter des petits babas napolitains (dans le Cointreau ou dans le rhum), nous vante un légume tout à fait orléanais, le cerfeuil bulbeux, que nous essaierons ce soir.

Déjeunons au resto U avec les étudiants (moyen).
Avec T. & T., je réponds aux questions d'une collègue qui fait des recherches sur les stratégies d'apprentissage au Japon, ça prend près de deux heures mais c'est également utile pour nous. Avec des questions qu'on n'a pas l'habitude de se poser, comme de savoir ce qu'est un bon étudiant, un bon enseignant, ou ce qu'est l'objectif ultime d'un cours.
Ma réponse, après réflexion. Un bon prof, c'est quelqu'un qui mesure bien, au jour le jour et dans le respect de la diversité des étudiants, la hauteur de laquelle il peut les faire progresser. Un bon étudiant, c'est le complémentaire. Un peu abstrait. Oui, mais adaptable.

Retour en tram avec les étudiants. T. a un peu le rhume de mon père, on dirait...
Encore impossible de faire quoi que ce soit après 22 heures (d'ailleurs, pas de connexion au blog).

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1. Le dimanche 24 février 2008 à 11:37, par paat :

Il est aujourd'hui difficile de se passer de ce nouvel outil qu'est internet et de toute ces facettes. On cherhce à joindre et tout ce que l'écran répond: "impossible d'accéder à cette page internet". C'est étrange devoir attendre le bon vouloir des lignes adresse infor mation, infor matic, pour infor mail. Heureusement que tout à une solution et que de nouveau l'informe a sion passe



Vendredi 22 février 2008. Tous sauvés du pilon.

Je constate que j'ai 14 billets de retard chez Ligne de fuites, le double dans le Désordre...
Je ne continue pas la liste parce qu'il faut déjà repartir.

Direction, l'A10 et la Bibliothèque Mazarine, où T. a rendez-vous avec une bibliothécaire en chef.
Pendant leur discussion, je fais des portraits. Ici Daubenton, avec Buffon dans le fond.

Déjeuner avec Michel au Rendez-vous du marché, place Monge, devenu très fréquentable depuis l'interdiction de fumer. On prend la choucroute, qui est excellente. Le patron nous offre le calva.

Remontons place du Panthéon où la voiture est garée. Promenade à pied. J'appelle Philippe pour lui dire que je lui ai apporté mon ancien appareil-photo. On se verra bientôt. En attendant je le laisse en dépôt chez Michel, qui, en échange, me donne une douzaine de Cap'Agreg, tous sauvés du pilon par Henri.

Librairie Compagnie pour Ravey, Bambi Bar, et Robbe-Grillet, Un Roman sentimental.

Dîner très agréable chez le Pr Carrier, spécialiste mondial des mazarinades.

Commentaires

1. Le samedi 23 février 2008 à 18:08, par Philippe De Jonckheere :

tu te rends compte?, 28 jours de retard dans le bloc-notes du désordre, le jour même où nous nous sommes brièvement parlé au téléphone, ça fait un écart temporel curieux tout de même entre les deux réalités, tu ne trouves pas?

Amicalement

Phil, qui se réjouirait presque, si on parvient à se voir la semaine prochaine, j'aurais tant de choses à te dire sans craindre que tu ne les ai déjà lues.

2. Le dimanche 24 février 2008 à 15:26, par christine :

va, je ne t'en veux point non plus de ne pas trouver le temps de me lire !... moi-même ai du mal à en trouver pour laisser ici des commentaires ...

en tout cas si jamais lors d'un prochain passage par la capitale votre emploi du temps surchargé le permet je serais ravie que nous puissions nous voir un moment !

3. Le lundi 25 février 2008 à 00:59, par Berlol :

J'y pense, chère amie.
J'ai d'ailleurs comblé mon retard entre tes lignes...



Samedi 23 février 2008. Au couteau, je libère quelques pages.

Je vais rendre la voiture à l'agence Rent-A-Car à 8h15. Il faut attendre près de 40 minutes parce qu'il y a trois autres clients pour des petits camions et, comme partout, un type pressé qui veut passer avant les autres (il passera quand même en dernier). Au retour, de la vraie baguette pour le petit déjeuner, un luxe impossible au Japon. Et à la mercerie pour du fil et des aiguilles.

Enfin un vrai jour de repos ! Je fais le point avec mon collègue. Nous prévoyons une douzaine de donzelles de sortie à Paris et au moins autant qui partent en week-end avec leur famille d'accueil. Mais si on n'a pas d'appel, c'est que tout se passe bien. On laisse faire. C'est notre mission.
En traversant les puces, on se demande comment on meublerait une maison, si on en avait une ici... Toujours ce rêve d'autres vies, d'en changer subitement, par exemple de trouver un travail à Orléans et de s'y installer, comme ça, en six mois...
Achetons des dévédés au dernier marchand avant la sortie (Les Rois maudits, nouvelle version, et La confiance règne de Chatiliez).
Nous commençons à bien connaître Orléans mais pas au point de savoir qu'il faut réserver chez Oxalys pour déjeuner. Qu'à cela ne tienne, nous irons à la Chancellerie. C'est notre premier resto à Orléans, alors que ça fait une semaine qu'on y est...
Je finis ma semaine du veau, la prochaine sera d'agneau.

Pendant que T. surfe sur le web nippon, je regarde le film de Chatiliez. Une version moderne du Roman d'une femme de chambre... Mais pas de quoi en faire un grand film.
Au couteau, je libère quelques pages du dernier pied de nez robbe-grilletien (Fumaroli nous disait mercredi qu'il n'y aurait personne à son enterrement).
À comparer la syntaxe du retardement, la thématique du flou et du progressif sinuant, la manipulation des angles et des stéréotypes (celle qui a produit Manchette et Échenoz, par exemple), il n'apparaît guère d'épuisement du style ou de concession à l'ennemi. On ferait fausse route en se focalisant sur les objets narratifs (érotisme, pornographie, violence sexuelle, etc.) qui ne sont que des prétextes, repris à notre époque même, et caricaturés.

« 3. La pièce semble cubique, sans fenêtre ni porte visible, sans mobilier ni décoration. Je suis immobile, allongé sur le dos, jambes étendues, bras reposant le long du corps, le buste un peu relevé par une inclinaison à quelque vingt degrés du châssis (métallique ?) de ce qui doit être un sommier très bas, éventuellement susceptible d'une remontée réglable, plus haut même que la normale, articulé comme le sont ceux des malades dans les hôpitaux. Serais-je donc en réanimation dans une clinique, chirurgicale ou autre ? L'idée me traverse l'esprit qu'il pourrait s'agir en fait d'une morgue où mon corps sans vie a été transporté après un accident...» (Alain Robbe-Grillet, Un Roman sentimental, Paris : Fayard, 2007, p. 8)

* *
*

Adieu sans pompe à Robbe-Grillet
« Quatre-vingts personnes. Mais pas un éditeur, pas un académicien, pas un membre du jury Médicis dont il fut un des fondateurs en 1958. Au crématorium de Caen (Calvados), seuls quelques amis étaient venus rendre un dernier hommage, vendredi 22 février, à l'écrivain et cinéaste Alain Robbe-Grillet, mort le 18 février à l'âge de 85 ans.

Autour de sa veuve Catherine, André et Mathieu Lindon, les fils de Jérôme Lindon, patron des éditions de Minuit qui fut l'éditeur des Gommes, du Voyeur et de la quasi-totalité des titres du "pape" du nouveau roman, Olivier Corpet, directeur de l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine installé à Caen et légataire de son oeuvre, Pascal Judelewicz, producteur de C'est Gradiva qui vous appelle, le dernier film de Robbe-Grillet, ainsi que plusieurs des jeunes actrices qui y tenaient un rôle avaient fait le déplacement.
"J'aime la vie, je n'aime pas la mort. J'aime les chats, je n'aime pas les chiens. J'aime les petites filles, surtout si elles sont jolies, je n'aime pas beaucoup les petits garçons. (...) Je n'aime pas les salades journalistiques. Je me méfie des psychiatres. J'aime beaucoup agacer les gens et je n'aime pas qu'on m'emmerde." C'est par ce texte lu et enregistré en 1981 par Robbe-Grillet pour l'anniversaire de la mort de Roland Barthes que la petite assistance fut accueillie.
Devant ce désert de personnalités littéraires, seule la République, bonne fille, a relevé le gant. Benoît Yvert, président du Centre national du livre, Marie-Françoise Audouard, conseillère en charge du livre auprès de la ministre Christine Albanel, ainsi que les actuels et précédents présidents du conseil régional de Basse-Normandie assistaient à la cérémonie.
La République, mais aussi les Etats-Unis, pays où l'oeuvre de Robbe-Grillet est la plus étudiée. Le professeur Tom Bishop, responsable du département de français de l'université de New York, a tenu à envoyer un dernier salut à celui qui, en 1962, quand il est venu faire une première conférence sur le nouveau roman, "portait encore cette petite moustache un peu plouc qui lui donnait l'air de l'ingénieur agronome qu'il avait été". Tom Bishop avait eu peur en 2006 qu'"Alain, qui avait refusé l'habit vert de l'Académie, ne veuille pas mettre la toge violette" exigée pour devenir docteur honoris causa. Angoisse vite évanouie. "J'en ai conclu que c'était le vert qu'il n'aimait pas", a-t-il conclu.»
(Alain Beuve-Méry, dans Le Monde du 23 février 2008.)


Dimanche 24 février 2008. Touristicité orléane.

Bords de Loire printaniers, rien à voir avec samedi et dimanche derniers. Admirons la restauration du canal, des façades. C'est ça, la politique de la ville de ce maire (sortant), presque que de la restauration, partout, pour un centre historique habitable par la bonne bourgeoisie avec les impôts de l'ensemble de la communauté urbaine, sous prétexte de touristicité orléane.

Courses aux Halles Châtelet. T. reveut du cheval (pour mieux sauter le rhume). Et des fromages, dont un excellent Pouligny Saint Pierre. J'ajoute quelques asperges blanches, des rillettes. Sur le chemin du retour, j'appelle mon père, il est maintenant à l'hôpital, tous ses examens sont positifs, il sera peut-être opéré mardi.

Après le déjeuner, on range, on écrit. Puis, vers 16h30, sortie pour marcher dans un parc, T. avec ses nouvelles chaussures, le parc Pasteur, où des dizaines de familles baguenaudent les dimanches, ainsi dans toutes les villes du monde. J'ai oublié mon appareil-photo, c'est rare. J'emprunte celui de T., un très beau petit Contax. Voilà qu'on passe devant la DRAC, s'emmerdent pas, eux, bel hôtel, pour des services, parfois on se demande, surtout avec un tel ministère.
Au parc, sous un cèdre, un jeune couple de punk à genoux sur leurs vestes étalées, enlacés, cérémoniels (mais quelle cérémonie ?).
En repassant par la gare, on monte voir les films à l'affiche de l'UGC, on se décide, avec une carte 7/7 on a une sixième entrée gratuite si on prend des billets tout de suite. Allez, deux places pour Paris, le dernier Klapisch. Aller-retour à la maison avant la séance. Sommes très contents du film, bien au-delà des anecdotes de vie des personnages, à revoir avec des étudiants pour réflexion approfondie sur ce qu'est une ville, ses dimensions.

Alors que ce soir Les Poupées russes et Le Péril jeune sont programmés sur France 2. Drôle, non ?

Commentaires

1. Le mardi 26 février 2008 à 02:01, par Bikun :

Le Contax Gr II?

2. Le mardi 26 février 2008 à 06:24, par Berlol :

Non, c'est un Kyocera Contax U4R, cuir noir, look rétro... Pourquoi, tu cherches un Gr II ?

3. Le mardi 26 février 2008 à 08:41, par Philippe De Jonckheere :

Quand même bête que tu aies laissé un Nikon Coolpix 5000 à Paris, je t'assure que cela t'aurait dépanné.

Amicalement

Phil

4. Le mardi 26 février 2008 à 23:20, par Berlol :

T'inquiètes ! Je n'avais oublié mon Canon T7 que pour cette promenade. Il était resté dans l'appartement et je l'ai bien retrouvé depuis.

5. Le mercredi 27 février 2008 à 02:21, par brigetoun :

Paris visible ? je me demandais - il passe dans mon Utopia, je vais essayer entre les réunions et les coups de pompe

6. Le mercredi 27 février 2008 à 04:49, par Manu :

Canon, pas Sony ?

7. Le mercredi 27 février 2008 à 07:02, par Berlol :

Sony, t'as raison. 'reusement qu't'es là, quand même ! Sinon tout le monde croirait que j'ai un Canon. Quand j'y repense...

8. Le mercredi 27 février 2008 à 13:11, par F :

ai effacé par erreur mail avec ton n° de téléphone - tjs OK pour jeudi 16h mais merci me renvoyer n° (ai mis mail, je double ici par sécurité)

9. Le vendredi 29 février 2008 à 05:35, par Bikun :

Le Gr II est très prisé des photographes. Il profite aussi un peu de la très bonne réputation de la version argentique du même modèle...



Lundi 25 février 2008. Arabesques verbales assez pré-électorales.

Matinée à l'appartement comme si on était au bureau. D'ailleurs, il pleut. En face, dans les locaux de la banque, c'est réunion de travail de 9h30 jusqu'à midi et demie. Doivent nous voir comme on les voit. Avant de sortir, on déjeune avec ce qui nous reste Une ou deux courses à faire, mais pas mal de magasins fermés le lundi. On se sépare quand je vais au campus. T. rentre à la maison, on se retrouvera pour la...

Réception du groupe à l'Hôtel Groslot, annexe de prestige de la mairie d'Orléans et ancienne mairie dont la restauration vient de s'achever. Encore du très beau travail. Qui sera rappelé dans le discours officiel, avec tous les remerciements d'usage, nos étudiants comme pris en otages, debout plus d'une demi-heure, incongrus dans les décors armoriés, indifférents aux congratulations institutionnelles, certaines arabesques verbales assez pré-électorales.
Puis pot et visite informelle des lieux, en sympathique compagnie.
T. nous a rejoints dans la cour, au moment des photos sous une statue de Jeanne d'Arc, en chaussures de Ginza (les pieds ont enfin apprivoisé les souliers). Dans l'Hôtel Groslot, du nom d'une dynastie de maires d'Orléans, T. s'intéresse beaucoup au tableau où l'on voit couché dans le fond un François II mourir d'une maladie de l'oreille, et au premier plan un Ambroise Paré proposant d'opérer à une Catherine de Médicis qui fait... la sourde oreille.

Dîner en tête à tête chez Jules, rue de Bourgogne. Aspic de volaille et crêpes de lieu pour T., foie gras au muscat et daurade sur lit d'endives à l'orange pour moi. Excellent et très copieux.

Commentaires

1. Le mercredi 27 février 2008 à 22:16, par brigetoun :

amusant,terrain aussi exigu et de même forme semble-t-il que la Maison du Japon à Paris

2. Le vendredi 29 février 2008 à 22:08, par Manu :

Ça donne envie



Mardi 26 février 2006. C'est lui qui salissait son espace.

Notre capacité à enfoncer x fois une aiguille dans du cuir étant quasi nulle, malgré notre bonne volonté, nous partons sous une pluie fine à la recherche de LA boutique de retouches cuir d'Orléans. En chemin, j'indique à T. le magasin Badinier, où j'ai trouvé en 2006 une valise avec l'aide d'Antoine Volodine (il est d'ailleurs question de le voir ces jours-ci). Elle y achète un parapluie pliable et léger et se renseigne à son tour sur les grosses valises, sur lesquelles nous recevons à nouveau d'excellents conseils. Enfin, nous déposons la capuche en cuir qui sera réparée samedi.
Passons à la Médiathèque, j'indique à T. lieux et horaires pour le fonds ancien. Déjeuner rapide au Grand Martroi et retour Médiathèque pour fructueuse discussion avec bibliothécaire concernée. Rendez-vous jeudi par téléphone avec la spécialiste qui reviendra de congés.
Retour et lecture de Peslerbe, un peu comme on lirait du Pinget. Moi, c'est Le Littéraire.com que je jette. Y'a pas photo.

Avec mon collègue, sommes invités à dîner dans une des familles d'accueil de nos étudiants. Derrière le Zénith, en tram. La pluie s'est arrêtée. Très bonne ambiance. Assurance que cette étudiante fera d'importants progrès en français. On nous ramène juste avant minuit.
D'ailleurs, pas de photo.

« Elle faisait le ménage tous les jours parce qu'il le fallait, absolument. Impérativement. Les choses ont changé depuis la mort de son père parce que c'est lui qui salissait son espace.
C'est lui qui salissait mon espace.
Le commissaire admet qu'une personne de plus dans un appartement exigu donne du travail sur le plan logistique. Entendu. Mais de là à rendre un lieu vierge de toute trace de vie, il y a un monde. Il lui demande si ce ne serait pas juste pour ce jour-là, qu'elle a tout nettoyé, le mercredi, celui du meurtre. Pas pour les traces laissées par son père, mais pour les siennes.
Elle écoute à peine. Les mots prononcés résonnent dans sa boîte crânienne comme contre les murs du Jeu de paume. Un espace vide.
« Le mercredi du meurtre.» Des images défilent. L'été chez grand-mère. Papa et son frère Jacques préparent le feu pour les grillades. Les doigts courts de l'oncle palpent les morceaux de viande. Dégoûtant. La chair molle et suintante se laisse déformer sous la pression. Cette matière informe est alors déchue, dégradée, sans plus de lien avec son apparence originelle. Les hommes transpercent les morceaux pour en faire des brochettes. La viande reprend corps, ainsi transfigurée, devient une brochette. La résistance de la chair au transpercement varie d'un morceau à l'autre. S'agissait-il du même animal ? La voix du policier se fait à nouveau perceptible.» (Emmanuelle Peslerbe, Peines perdues, p. 80-81)


Mercredi 27 février 2008. Je reviendrai pour essayer ses cuisses.

L'autre jour, le 20 s'est tiré. Mais ce matin, avec Takeshi, je le chope et nous sommes au campus un quart d'heure après.
Discussion avec les responsables de la formation, faire le point à mi-parcours.
Retour en ville pour déjeuner avec T. à l'Oxalys, enfin. Très bon bœuf (entrecôte et onglet, il n'y a pas d'agneau). Je ne sais pas pourquoi mais cet endroit, au coin des arcades, il est pour moi. Peut-être y ai-je déjà vécu, dans une autre vie.
Ceci dit, on a eu des voisins du dernier vulgaire, surtout lui, avec son pied plâtré, toujours à parler procès, grosses sommes, stock, depuis qu'il a repris le magasin de ses parents il y a dix ans, les bénéfices qu'on n'a pas faits cette année et pourquoi. Salissant pour les oreilles, les miennes en tout cas.
Promenade bords de Loire jusqu'à l'Hôtel Mercure. Passage rue Creuse, chemin des samouraïs...

Lecture tranquille, fin des Peines perdues, qui pour moi ne le sont pas.
« Le commissaire Jean Brossin, assis à son bureau, regarde le fauteuil vide devant lui. L'amnésie du père s'appelle maladie d'Alzheimer, celle de la fille s'appelle comment ? Un blanc dans l'histoire. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Un puits sans fond. Il passe la main sur son menton. Le temps a poussé. La vie pousse. Il passe la main sur ses cheveux. Le code pénal grand ouvert ne parle pas du délit d'oubli. Un puits sans fond où dégringolent des cadavres. Il n'a pas de témoin, pas de preuve, que des billes de plastique dans un vieux paillasson. Une affaire minable.» (Emmanuelle Peslerbe, Peines perdues, p. 115)

Je ressors pour dîner avec l'ensemble du groupe à l'Étoile d'or, place du Vieux-Marché, ouvert spécialement pour nous. Paëlla au menu, comme à Valencia. Pour chaque table de 8, il y en a au moins pour 20 Japonais. Discussion avec nos étudiants, naturellement bavards, tous enchantés de leur famille, certaines un peu plus animées que d'habitude par la sangria. Une formatrice d'Orléans qui nous accompagne nous certifie que le niveau est excellent, supérieur à l'attente...
Au dessert, je discute un moment avec la patronne. Je veux en avoir le cœur net. Après l'avoir complimentée sur sa paëlla, lui avoir promis que je reviendrai pour essayer ses cuisses de grenouilles, je lui demande pourquoi il n'y a pas d'agneau à la carte, ici comme ailleurs dans cette ville. Elle me répond très gentiment que c'est parce que c'est devenu trop cher. Ah...

Commentaires

1. Le vendredi 29 février 2008 à 05:19, par Dabichan :

"Une formatrice d'Orléans (...) nous certifie que le niveau est excellent, supérieur à l'attente..." t'a-t-on dit ? C'est agréable de s'entendre dire qu'on a bien travaillé avec ses ouailles ! Omedetô !
"C'est devenu trop cher"... Depuis, une semaine, mes parents qui ne sont pas particulièrement à plaindre ne cessent pourtant de me seriner cette rengaine. Confirmation ce matin : achetés dans une boulangerie deux croissants au beurre et une brioche au sucre pour 2,70 euros, soit 17,60 francs ! En effet, c'est devenu un peu cher !
Fannie semble s'être habituée à sa nouvelle école, maîtresse et petits camarades. Et enfin, hier, elle a fait de la peinture. Je lui en avais tant parlé, de la peinture à la maternelle. Le papa est rassuré !

2. Le vendredi 29 février 2008 à 11:40, par pat :

Les prix grimpent et le plus désastreux c'est qu'il n'y a plus de plats de pauvres. Ils ont été retravaillés pour une cuisine plus chic et donc les prix ont suivi. Mais c'est également le cas chez nos voisins avec d'autres variables qu'ils faudrait analyser pour comprendre ce qui se passe vraiment. Pour mon commerce, petit snack, j'ai jusqu'à 15 fournisseurs uniquement pour l'épicerie, alors qu'il y a dix mois je faisais le tour avec 5 à 6.



Jeudi 28 février 2008. Transformation du monde littéraire.

De nouveau au campus en matinée en 20 pour régler des questions administratives. T. travaille à la maison sur sa reprise de cours d'avril. J'appelle mon père, qui ne sera encore pas opéré aujourd'hui.
Déjeuner officiel avec responsables du SRI et de l'IDF à l'Agora (restaurant du personnel de l'université, quand même autre chose que le Forum, resto des étudiants, juste au-dessus).

Retour et lecture de Volodine.

« Sur la table trônaient une machine à écrire et un plateau avec une théière et un bol. Les papiers abondaient. Certaines pages étaient constellées de caractères chinois, d'autres non. Des cartons d'épicerie servaient à remiser des liasses ou des vêtements, des livres, de la nourriture. Sur le sol de béton, sous le lit, journaux et cahiers s'empilaient. Il y avait des cafards immobiles entre les tas, qui avaient dû mâchonner le poison des sucreries anti-cafards, omniprésentes. Tout exhalait un parfum de cellulose dégradée, de vieille patemouille. Tout poissait.
Les feuilles manuscrites ou dactylographiées gisaient sous la luminosité avare, dans cette atmosphère de sauna pour gueux, et, amollies par les remugles, elles semblaient mornement attendre qu'un homme veuille bien choisir telle ou telle et s'emparer d'elle et la parcourir, l'explorer en tous sens et avec férocité, puis la restituer à l'ombre.»
(Antoine Volodine, Le Port intérieur, Paris : Minuit, 1995, p. 32-33)

François Bon appelle, qui avait à faire aujourd'hui à Orléans. Nous nous retrouvons devant le Carré Saint-Vincent, le théâtre, tout proche de notre résidence. Il peut enfin rencontrer T. Il pensait l'avoir déjà vue à Tokyo mais c'était assurément quelqu'un d'autre puisque T. certifie n'avoir jamais rencontré François (de toute façon, c'est d'avant le JLR et donc invérifiable).
Le Café du théâtre propose quelques breuvages d'origines diverses et équitables. On cause situation économique et morale des auteurs, transformation du monde littéraire. 
Puis il a rendez-vous, pour publication prochaine, avec un jeune auteur, fort sympathique, également animateur littéraire en radio locale.
Quand nous les quittons, je m'aperçois que depuis deux semaines j'ai complètement oublié l'existence de France Culture, ni écouté ni enregistré une seule émission. La disponibilité hertzienne de la radio est presque inutile, quand on est occupé et sans horaires fixes, ce qui est notre cas quand nous sommes en France.

Après les courses pour le dîner, allons nous dégourdir les jambes vers le centre-ville. Nos pas nous portent à la FNAC dix minutes avant la fermeture. Y entrons pour voir les étalages de livres. On se croirait dans le rayon d'un hypermarché tellement c'est banal et mal présenté.

Commentaires

1. Le dimanche 2 mars 2008 à 02:25, par Constance Krebs :

"T travaille à la maison", j'aime bien. Vous êtes chez vous à Orléans, à Tokyo - sur la Toile aussi peut-être? Ca aussi, ça fait partie de la transformation du monde.

2. Le lundi 3 mars 2008 à 01:35, par Berlol :

Chère Constance, je salue tout d'abord à Montour, où tu auras, j'espère, beaucoup de lecteurs attentifs (dont je suis). Oui, nous nous sommes bien adaptés à ce petit appartement d'Orléans et commençons déjà à nous préparer à le regretter dans une dizaine de jours... On espère déjà revenir, aussi.



Vendredi 29 février 2008. La journée sans maquillage.

Départ à 7h30 du parvis du théâtre. Le père d'une des familles d'accueil nous dépose au lieu de regroupement, devant le bâtiment de la Médecine préventive du campus. Nous savons déjà qu'une de nos étudiantes aura une heure de retard... L'attendons tranquillement. Me doutant de sa honte, se sachant attendue par les trente autres, je vais au devant d'elle à l'arrêt du tram. Finalement, personne ne la chambre sur sa panne d'oreiller. Son supplice est simple : elle passera la journée sans maquillage.
Notre bel autocar s'ébranle donc vers 9 heures et prend la route de Blois et de Tours, qu'il quitte pour aller sur Chenonceau.
La pluie, assez forte dix minutes plus tôt, laisse place à une belle éclaircie de plus d'une heure. La visite se fait maintenant avec un ipod vidéo pour chaque visiteur qui le souhaite, en japonais pour nos étudiants, calé sur le parcours de 45 minutes. En français, la narration est assurée par Michaël Lonsdale, un must. Outre les tableaux, tapisseries, meubles qui rendent le château compréhensible (ce qui n'est pas toujours le cas, à Chambord, par exemple), d'énormes bouquets de fleurs rendent la visite vivante, odorante, colorée.
Les étudiants se croisent, échangent parfois quelques mots, mais chacun reste à l'écoute de son audioguide, concentré. Rien à voir avec les visites en groupe, automatiquement divisé en sous-groupes qui jouent immanquablement à cache-cache, à chat, à courir en criant, etc.
De plus, tout le monde finit en même temps.
Quittons Chenonceau pour Amboise, une trentaine de minutes de route. Liberté deux heures, pour manger, visiter, se balader, faire des achats... Pour le chauffeur, notre accompagnatrice du SRI, T. et moi, ce sera déjeuner chez Hippeau puis promenade dans les ruelles. Pâtes de fruits chez Bigot avant de remonter en car, non sans avoir photographié la fontaine Aux cracheurs, aux drôles, au génie conçue par Max Ernst (et réalisée en 1968).

Et la croisière s'amuse, maintenant errante dans les vignobles taillés et nus entre Vouvray et Chançay, sur une route de deux mètres de large. Paysages impensables et fascinants pour les étudiants avant de trouver l'exploitant à déguster. Visite des caves troglodytes à température quasi constante, dégustation, explication des processus jusqu'à la vente dans le petit magasin. La plupart des étudiants achètent une ou deux bouteilles, presque tous pour l'offrir à leur famille d'accueil.
Retour à la Médecine préventive à 18h20.

Comme T. n'est pas du tout fatiguée par ce périple, je réserve chez Eugène. Qu'on voie un peu ce que c'est que la grande cuisine. Une entrée pour deux, des noix de saint-jacques aux dattes et jus d'agrumes. Pour T., des roulades de sole farcies, un peu trop salées (on le dira). Pour moi, râble de lapin farci au foie gras, le meilleur plat mangé depuis des mois. Les desserts sont encore plantureux, que ce soit les cannelés au chocolat de T. ou mes figues rôties sur financiers.

Pour Nathalie Heinich (ou contre), voir ici, en février 2007.

Commentaires

1. Le lundi 3 mars 2008 à 00:14, par pat :

Comme s’il y avait un décalage journalier, je constate avec bonheur le retard qui reste constant entre le billet et le jour réel. N'est ce pas la quatrième dimension? En tout cas on peut constater par certaines déclarations politiques qu’ils nous font vivre dans un autre monde. Ce n'est certes pas celui de téléphone mais encore un peu et ce sera une cacophonie. Vous êtes en tout cas dans le monde du tourisme de l’échange et de la découverte ce qui te pardonne ce décalage « horaire. Bonnes visites !

2. Le lundi 3 mars 2008 à 01:24, par Berlol :

Albanel qui n'est pas allée au Salon de l'a(gri)culture (et qui n'aura peut-être pas l'occasion d'y aller une autre année), Sarko sale con (ça se prononce presque pareil, bizarre, non ?), Medef, Medvedev, là aussi y'a photo... Non, tu vois, je suis tout en direct. Y'a qu'en ligne que j'ai du retard (43 billets de retard chez toi... mais ça y est, j'y suis..)

3. Le lundi 3 mars 2008 à 01:43, par Philippe De Jonckheere :

Une journée sans maquillage, ta cruauté est sans borne!

Amicalement

Phil

4. Le lundi 3 mars 2008 à 02:10, par pat :

Oh quelle verve mon petit. Pas besoin de faire des phrasés avec des initiales qui donne "la Nausée". Pour le reste il y a les "Mains sales", mots outrancier à lattention d'un peuple qui ne se soumet pas à l'autorité autoritaire.
Non ne craint rien de mon état que je gère sans soucis et je n'écoute plus les infos tellement ça me donne envie de dormir.LOL

5. Le lundi 3 mars 2008 à 02:18, par pat :

Je viens de me relire et constate que j'aurais du le faire avant d'envoyer. Milles excuses pour ces fautes de frappes. C’est ce qui arrive quand on prononce certain nom, je pique des allergies gestuelles, je ne me contrôle plus, un peu comme toi.

6. Le lundi 3 mars 2008 à 03:31, par Dabichan :

おいしそう chez Eugène...

7. Le lundi 3 mars 2008 à 04:56, par Manu :

Ça donne encore plus envie...


© Berlol, 2008.