Journal LittéRéticulaire de Berlol
Version quotidienne ICI

Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Novembre 2007

<< . 1 . 2 . 3 . 4 . 5 . 6 . 7 . 8 . 9 . 10 . 11 . 12 . 13 . 14 . 15 . 16 . 17 . 18 . 19 . 20 . 21 . 22 . 23 . 24 . 25 . 26 . 27 . 28 . 29 . 30 . >>


Jeudi 1er novembre 2007. Quand nous l'atteignons, l'étonnement.

En arrosant notre minuscule érable, venu seul pousser l'an dernier entre deux lattes de balcon, je n'ai pu m'empêcher de penser à tous les adultes de sa famille que nous allions voir dans les montagnes de Shiga-Kogen pendant trois jours...

9h48 à la gare de Tokyo : shinkansenpour Nagano. À l'arrivée (ça passe très vite, avec la carte de routes et randonnées), location de voiture réservée. Il ne fait pas trop frais, on s'attendait à plus rude accueil. Achat d'ekibens traditionnels que nous mangerons à la première aire de repos un peu élevée dans la forêt (ce touge no kamameshi, qui ne s'achète que dans la gare, rappelle bien des souvenirs à T. puisqu'il semble bien que c'était un des premiers qu'elle ait connu, il y a plus de trente ans...).
Arrivée à l'hôtel vers 14h30 (en fait, c'est une résidence de la mutuelle des universités), au beau milieu d'une station de sports d'hiver déserte — la saison ne commencera qu'après l'arrivée de la neige, dans un mois, tandis que celle d'automne va s'achever ce week-end. Juste avant, nous avons arrêté la voiture devant l'ancien Shiga-Kogen Hotel, partiellement détruit, la partie la plus ancienne en cours de restauration. Nous regardons. Nous nous regardons. Nous souvenons... Que c'est ici que nous sommes connus. En 1995...

Le temps de poser nos bagages et de nous chausser pour la randonnée, un épais brouillard est descendu. Il nous reste moins d'une heure de jour. Prenons un petit chemin balisé, montons une trentaine de minutes. Quand les goutelettes commencent à humidifier sérieusement nos pantalons, nous faisons demi-tour, descendons et... descendons encore, mais faut-il bien descendre ?, n'est-ce pas par ici ?, où l'on devine un tire-fesse arrêté ?... Bref, nous nous perdons dans la purée de pois.
Heureusement, il y a toujours le bruit de la route, pas loin, sur notre droite, donc pas d'angoisse, on n'a qu'à aller par là. Et quand nous l'atteignons, l'étonnement, plus que la peur, d'être au moins 600 mètres plus bas que ce que nous pensions. Ça commence bien, ces vacances à la montagne ! On se dit aussi que la marche dans le brouillard, c'est un peu à l'image de la mémoire.

Plantureux dîner dans la salle de l'hôtel (une douzaine de petits plats) avec les deux seuls autres clients de ce soir. Excellent. Passons une heure à essayer de reconstituer le voyage de 1998 à Nagano avec un attaché linguistique pour lequel nous amenions de Tokyo une BMW destinée à des officiels français des JO. Mais nous mélangeons un peu avec un week-end de ski avec le même attaché quelques mois avant les Jeux paralympiques. Mais comme il n'y avait pas de LJR à l'époque, tout ça reste assez confus. On y reviendra sûrement.


Vendredi 2 novembre 2007. Le brouillard nous laisse espérer.

Seul au sento avant le petit déjeuner, je charge mes piles. L'heure du bain est une de mes résistances à la culture japonaise, outre le natto, évidemment — T. mangera ma part au petit déjeuner. Dans les hôtels traditionnels, on me prie toujours d'y aller le soir, après le dîner, pour se réchauffer avant de se coucher. Mais c'est une heure où j'ai l'eau en horreur, mon corps s'y dissoudrait. En revanche dès potron-minet, je suis prêt à me plonger dans toutes les baignoires du monde — alors qu'ici, il n'y a guère que les singes qui apprécient ça. Qui veut conclure ?

Percé de-ci de-là, le brouillard nous laisse espérer. Après le petit déjeuner, qui est à peu près comme un dîner, nous nous équipons pour randonner dans la montagne... et dans le temps. Parce qu'aller chercher ce sentier au milieu des bouleaux et des bambous nains à trois kilomètres en amont de Shiga-Kogen, après avoir traversé une rivière sur des pierres en tenant une corde c'est aussi pour moi revenir 14 et 13 et 12 et 11 ans en arrière, dans un entassement mémoriel de promenades estivales. En revanche, T. n'a de souvenirs qu'hivernaux, par ici.

En voiture jusqu'au mont Shirane, où l'on arrive vers 11 heures. Trois cents mètres de béton bien pentus permettent d'accéder  à l'espace grillagé d'où l'on peut admirer l'eau bleu de cobalt du cratère, à bonne distance pour ne pas être intoxiqué par l'esprit de sel et autres émanations du lieu.
Plus loin, dans la grande descente sur Kusatsu (la ville qui pue, c'est étymologique), il y a une zone de fumerolles soufrées, parcourue de concrétions jaune canari. Au bord de la route qui la traverse, un panneau indique qu'il est interdit de s'arrêter.
Parking près de la place centrale et déambulation dans ruelles et boutiques. Un petit restaurant d'apparence rustique, accolé à un établissement de bains, nous propose une excellente soupe avec des légumes de montagne (sansaï) que nous accompagnons de friture de poulet. Je connaissais déjà le centre de Kusatsu, ses eaux puantes mais réputées pour soigner toutes sortes de maladies de peau. Je découvre avec T. des ruelles qui mènent à la lisière de la ville, avec un autre site d'eau fumantes, moins puissantes mais ouvertes sur le flanc de montagne et les derniers feux des momijis.

Comme on remonte vers le Shirane, le brouillard finit de se lever et le soleil enfin paraît, nous laissant admirer tout le paysage et les 1500 et quelques mètres d'où nous regardons le monde.
Nous nous arrêtons entre notre hôtel et le lieu de la ballade de ce matin, à Kidoike, de façon à gagner rapidement un petit chemin de planches qui traverse des marécages. Les rayons rasants qui viennent frapper les pins, de deux couleurs, et les bouleaux lumineux, sans feuilles, qui ouvrent leurs branches comme d'extatiques feux d'artifice. Descendons hors-piste, entre bambous et hautes graminées.

Sieste et dîner, au moins aussi plantureux que celui d'hier — à ce rythme-là nous risquons de prendre plusieurs kilos en trois jours !
Moisson de photos à transférer dans l'ordinateur (portable, toujours avec moi) un peu dans le style de Higashiyama Kaii (peintre contemporain dont les toiles sont couvertes de forêts, avec un cheval blanc qui donne l'échelle — ici, c'est une voiture).

Ajout du 5 : il suffit que je tourne le dos trois jours pour que Pierre Assouline déconne encore plus que d'habitude.
« Tous ceux qui avaient jusqu’ici le monopole de l’écriture et du « discours légitimé » devraient s’accomoder désormais du changement de paradigme : les dominés peuvent enfin répondre sans grands risques aux dominants, fussent-ils des auteurs à la mode », écrit un certain libellophile en fin d'un long commentaire. Je crois bien avoir écrit quelques phrases du même tonneau il y a déjà un bon moment. Je l'en félicite vivement. Juste que là, j'aurais écrit « devront ».
Je me laverai la tête en écoutant la voix amie de François, ce même soir chez Veinstein.

Commentaires

1. Le mardi 6 novembre 2007 à 12:51, par Bikun :

Magnifique la forêt!

2. Le mardi 6 novembre 2007 à 14:18, par Berlol :

Merci !



Samedi 3 novembre 2007. Souches moussues très dans l'univers.

Grand soleil. Bain de réveil,  piles rechargées. Cette fois, nous prenons tout ce qui nous est servi au petit déjeuner, sachant que ça sera consommé dans la matinée. T. demande même des onigiris à emporter.
9h15, nous garons la voiture sur un parking nommé Oonuma-ike iriguchi (l'entré de l'étang Oonuma). Vérifions notre équipement comme avant la cordée. Chemin de service du Parc régional pour se chauffer en pente douce une bonne heure jusqu'à l'étang (artificiel) Oonuma. Le givre est partout, le soleil aussi. Roches géantes et souches moussues très dans l'univers des dessins animés de Miyazaki. Très peu de gens, ici — on est loin des troupeaux de Takao-san et de Hakone (on croisera une vingtaine de personnes dans la journée).
Le chemin suit l'étang sur un kilomètre. Avant de monter abruptement vers le lieu-dit des Quarante-huit Étangs, il nous propose de descendre tout près à la pointe sacrée, couverte de petits temples jusqu'au tori dans l'eau...
Rude montée de plus d'une heure, nombreux rondins bien fixés pour faire escalier. On se déshabille, jusqu'à la chemisette tellement ça chauffe — malgré les 8° ambiants — et on accroche les vêtements sur les sacs à dos, comme des pros.
Aux 48 Étangs, rare paysage avec chemin de planches traversant les marécages (je ne recompte pas les pièces d'eau, je leur fais confiance). Au beau milieu, une aire de repos avec une dizaine de bancs, encore ensoleillés pour vingt minutes peut-être, quelques nuages courent sur nous. Juste le temps qu'il nous faut, parmi quelques randonneurs sortant sandwiches et soupes instantanées, pour découvrir et engouffrer nos très classiques onigiris, quelques figues sèches et des mini Snikers. Vidons les gourdes à moitié.
13h30, l'heure de redescendre avant que le froid ne nous enveloppe. Abdos, cuisses et genoux sont sollicités au maximum par ces hautes marches glissantes — et la canne n'est pas de trop. Sommes à la voiture à 15h15. Total : 5h30 de marche, 30 minutes d'arrêts divers.

Ontologique : l'entrée de l'étant en est aussi la sortie.

En voiture vers Oku-Shiga, quelques kilomètres, jusqu'à l'hôtel du même nom où nous allons prendre un café (la plupart des autres sont fermés). Lieu de souvenirs nombreux pour T. qui est venue skier dans ce domaine en famille trois ou quatre fois il y a près de vingt-cinq ans, après que le Prince Hotel avait développé cette zone isolée (Oku-Shiga signifie le fond de Shiga, comme Oku-san signifie l'épouse, soit celle qui reste au fond de la maison, c'est-à-dire dans la cuisine...). Elle me raconte comment ça se passait avec sa mère et ses sœurs. Sauf cet hôtel, rafraîchi et agrandi, tout ou presque, dans cette vallée, a été construit après, jusqu'au récent et rutilant hôtel Grand Phenix. Et l'on n'était pas venu jusqu'ici en 98 lors de ce fameux week-end de ski.

De retour à notre hôtel à la nuit tombante (17h15), nous nous précipitons au bain pour nous débarrasser de la fatigue.
Avalons ensuite l'intégralité de notre dîner sans broncher, encore excellent. Et à la télé, Biohazard 2, parfait pour ne pas réfléchir, repos, massages, prises de notes, préparation du lendemain. Mais pas le temps pour la littérature ; mes deux livres resteront inouverts jusqu'au bout du week-end.

Commentaires

1. Le mercredi 7 novembre 2007 à 17:40, par Bikun :

Bon dieu mais c'est sublime ce paysage avec ces planches qui traversent le marécage!!



Dimanche 4 novembre 2007. Rouvert jour et nuit.

Quittons vers 9 heures Shiga-Kogen et la sympathique famille qui anime cet hôtel-pension. Fort brouillard, on ne voit pas les voitures à 10 mètres et pourtant il y en a déjà plus que les autres jours. Au lieu d'une petite randonnée, nous choisissons d'aller jusqu'à Manza, c'est-à-dire de remonter vers le Mont Shirane, voir si l'air ne serait pas plus dégagé là-haut. Comme Manza n'est pas grand, T. conseille que nous allions directement au Prince Hotel prendre un café, qu'il n'y aura rien d'autre.

Et quand on en sort, après un café plutôt léger, des gâteaux fades et un achat de petits cadeaux pour nos proches dans une boutique en hall de gare (ce n'est plus ce que ça a été, les Prince Hotel !), surprise : le brouillard s'est totalement évaporé, il fait grand soleil. Incroyable ! Oui, ma bonne dame, c'est comme ça, la montagne, le temps peut changer très vite !
Reprenons la route vers Shiga-Kogen. Il y a beaucoup de circulation, maintenant. Des voitures familiales, avec enfants et ancêtres, des groupes de motards, des coupés de jeunes couples, pas mal de plaques de Tokyo, et tout ça serpente vers les sommets, les points de vue avec escalator, les lieux de pique-nique. Un dimanche au grand air, quoi ! Heureusement, nous avons un plan pour échapper à la foule automobile. Avant Kidoike, nous prenons sur la gauche l'étroite route qui traverse le torrent et monte au col (fermera dans quinze jours) vers un versant des montagnes où il n'y a (presque) pas de bambous nains, où l'on élève des vaches et que j'appelle la Suisse depuis les balades de 94-95, quand on y entendait tinter les cloches. Mais aujourd'hui aucune vache. Où sont-elles ? Les a-t-on rentrées ? On nous cache tout.
Au fond de la vallée, nombreux rotemburos (ou rotenburos, 露天風呂, sentos ou bainsde plein air, parfois mixte). Nous nous arrêtons à celui dit des Cinq couleurs. Il y a foule de voitures au parking et queue à l'entrée. On sépare hommes et femmes pour le vestiaire, de simples paniers où l'on entasse ses vêtements, puis pour le sento fermé, mais il y a une porte qui donne sur le bain extérieur où hommes et femmes macèrent de conserve — parce que l'eau n'est pas assez chaude, je trouve. Les hommes avec une petite serviette nonchalante, les femmes avec une grande bien ajustée, que l'on mate quand même au cas où. D'ailleurs T. ne vient pas dans le bain mixte parce qu'elle n'a pas de grande serviette. Moins d'une demi-heure plus tard, on reprend la route. C'était marrant mais, on est d'accord, pas assez chaud.

Passant dans Obuse — ses jolis magasins de gâteaux de châtaigne, de pâtes de châtaigne, de crèmes de châtaigne — noir de monde (normal pour un dimanche), nous voyons bien qu'il ne serait pas raisonnable de nous y arrêter. D'ailleurs, on a déjà acheté assez de sucreries.
Je me souviens que c'est dans un restaurant d'Obuse, à une télévision suspendue dans un coin, que j'ai appris la mort de Lady Diana. Nous étions quatre ou cinq à finir notre soupe de sobas, fraction du groupe de stagiaires de Shiga 1996 — et T. était en stage linguistique à Caen, on en avait parlé le soir au téléphone (sacrée facture à la fin du mois), elle avait un ami qui habitait près d'Alma-Marceau et me dirait les jours suivants les foules qui s'y recueillaient.

Infructueux arrêt à Oasis Obuse, halle commerciale trois kilomètres plus loin, sauf pour quelques paquets de gâteaux à offrir.
Rendons la voiture avec un peu d'avance à la gare de Nagano, pour nous en débarrasser, non sans l'inspecter et la saluer mentalement.
Au Metropolitan Hotel (nous étions tout de même ici en 1998 pour la cérémonie d'inauguration des Jeux olympiques d'hiver, ça nous fait drôle aussi), nous nous installons pour un déjeuner léger. En mangeant, T. se passionne pour la conversation d'une table voisine : il est question d'un mariage dans deux semaines et les deux familles ne sont pas d'accord sur l'organisation, mais T. sent bien que le mal vient de plus loin, la future belle-mère est déjà furieuse contre la future brue qui lui enlève son enfant chéri. Et ça n'ira pas en s'arrangeant. Le monde est donc bien partout pareil.
Shinkansen avant 5 heures, Tokyo avant 7 heures. Soirée rangement et courrier.

Ça y est, revenu du fin fond des montagnes. C'est rouvert jour et nuit.

Commentaires

1. Le dimanche 4 novembre 2007 à 22:44, par Caroline :

Et le Chevillard ? Pas encore commencé ? Moi, j'attends le moment de le relire. Chevillard, il faut toujours y revenir. Et c'est tellement bon...

2. Le dimanche 4 novembre 2007 à 23:14, par Berlol :

Si si, ouvert mercredi dernier puis laissé à la maison... Ça va reprendre, n'ayez crainte ! Merci du passage.

3. Le lundi 5 novembre 2007 à 03:45, par brigetoun :

est ce sa lecture qui entrave le complément ?



Lundi 5 novembre 2007. Avec un peu plus de disponibilité cérébrale.

Ce matin, rangeant et faisant la lessive, j'enregistre la Nuit de l'écrit. Le document audio commence par la fin du journal de France Culture et cette blague qui circule en Pologne : « Pourquoi les Français doivent-ils s'estimer heureux d'avoir Sarkozy ? Réponse : parce qu'il n'a pas de jumeau.» Pour le reste, l'émission en elle-même, c'est plutôt agréable à écouter. Mais j'aurai plus de plaisir à réécouter dans un moment avec un peu plus de disponibilité cérébrale...
Et puis, je me suis remis au blog, le mien et ceux des autres (voire les deux en même temps comme c'est le cas avec Marc Pautrel et la lecture écranique — j'y reviendrai). Quant à nos nippones aventures alpestres, c'est long à compléter, surtout quand on veut mettre plein de liens wikipédiens.

Heureusement, peu à dire sur aujourd'hui. Ai vu dans l'après-midi, en corrigeant des copies, Les Irréductibles (Renaud Bertrand, 2006). Sur le mode de la comédie, le film évoque assez banalement le chômage et la tentative de passer le bac après la quarantaine.

— Les quoi ?
— Les prix ?
— Quels prix ?... Hein ? Littéraires... Ah, les Prix littéraires !
Oh, bon dieu ! Pardon ! Je les avais complètement oubliés, ceux-là !
Bon, bah... Un autre jour, hein.

Commentaires

1. Le mardi 6 novembre 2007 à 04:15, par Greg :

Cher Berlol, je vous répond avec un an de retard : Le mercredi 25 octobre 2006 à 04:31, par Berlol :
Greg : Je n'ai pas enregistré systématiquement, et même assez peu les "Vendredi de la philo". J'en ai quand même une vingtaine depuis 2002, sans savoir (sauf à les réécouter) d'ailleurs si ce sont ou non celles de la série d'Enthoven... Dites-moi si cela vous intéresse et je vous écrirai par mail...
Oui je suis intéressé, voyons cela directement par email. J'ai réuni 30 émissions en tout des vendredi de la philo par R. Enthoven. nous pourrions éventuellement synchroniser nos sources. Bien à vous. Grégory.

2. Le mardi 6 novembre 2007 à 14:33, par Berlol :

Merci ! Je vais faire ma liste de mon côté et je vous écris. (J'ai retiré votre adresse mail du commentaire mais je l'ai dans le champ en privé, ça vous évitera quelques spams.)



Mardi 6 novembre 2007. On se défie les uns des autres.

Reprise des semaines normales jusqu'à la fin décembre. Donc, ce matin, train train, cours cours, mél mél, etc. Rien d'original.

Vers 20 heures, arrivant au Valor à vélo, j'ai la désagréable surprise de trouver fermé pour cause de travaux (réouverture le 15) mon supermarché habituel. Il faut que j'aille jusqu'à Yagoto, à un kilomètre de là, pour en trouver un autre, faire mes courses et retour. Ce qui fait que je ne suis pas devant ma salade tomates concombres et cottage cheese à regarder Ce soir ou Jamais avant 21 heures !
Parti de Goscinny et d'Astérix pour finir sur Sarkozix et la guerre en Irak, la prochaine en Iran, peut-être. Un débat agréable, avec quelques passes d'armes mouchetées entre Isabelle Lasserre pro-Sarkozy qui essaie de s'en défendre et Pascal Thomas seul au front, les autres serrant les fesses. Somme toute, je n'apprends rien de bien nouveau, sinon les chiffres qu'explique finement Yann Algan (par exemple qu'en France on se défie les uns des autres dans des proportions très supérieures à ce qui se passe dans la plupart des autres pays). Et le plaisir de voir et d'entendre Daniel Mesguish. Sans compter la séduisante surprise du live, gâteau sur la cerise, que constitue la chanteuse Brisa Roché.

Commentaires

1. Le mercredi 7 novembre 2007 à 02:50, par brigetoun :

je vois : en France on se défie les uns des autres dans des proportions très supérieures à ce qui se passe dans la plupart des autres pays, et mon moral en quête d'enthousiasme et d'humanité continue à descendre jusqu'à des profondeurs sans cesse repoussées

2. Le samedi 10 novembre 2007 à 02:07, par jean claude :

Bonjour, pardon de changer de sujet mais avez-vous été faire un tour du côté des prix B du blog Léo Scheer. Il semble s'y passer qqchose.



Mercredi 7 novembre 2007. Le pas sur le reste.

Libellules, le blog d'Eva Almassy est remarquable. Je le suis depuis quelques semaines. Après les vacances d'été, c'est venu s'ajouter aux quelques que je lis régulièrement. Ou irrégulièrement comme quand parfois, dans certaines périodes chargées ou difficiles, en ce moment pour moi, les activités professionnelles prennent le pas sur le reste, un reste qu'on voudrait être l'essentiel mais qui économiquement n'est hélas que le reste, c'est-à-dire l'amour, la littérature, le cinéma, les amis, etc., même si ce statut de reste de l'essentiel a du mal à passer et qu'on en crève de vivre la tête à l'envers... Bref, je n'ai lu attentivement qu'aujourd'hui le billet du blog d'Eva signé Alain Garric et daté du 28 octobre, intitulé Littel sorti du Tunnel. Il y est question d'un roman de William H. Gass de 1995 auquel Littell aurait pas mal emprunté ses Bienveillantes, sans pour autant qu'on puisse (ou qu'on veuille) parler de plagiat. Les commentaires qui suivent le billet sont également très instructifs, ce qui n'est pas si courant dans les blogs, dont un signé de Gass lui-même (si ce n'est l'œuvre d'un plaisantin).

Dans un autre genre, j'ai récemment découvert le site « nonfiction.fr » et je n'arrive pas à savoir quoi en penser. Je me demande si ça va quelque part, et surtout si le fait d'avoir autant de collaborateurs ne le fait pas ressembler à une sorte d'agrégateur réel, ou social, ou journalistique. Quels intérêts sont derrière ? Quel modèle économique ? Quel intéressement pour tous les collaborateurs des pôles thématiques ou les correspondants à l'étranger ? Franchement, je me demande. Qu'on m'explique. Je vais me remettre à écouter Masse critique puisque l'animateur, Frédéric Martel, est aussi le directeur de cette publication.

Journée morne, l'hypocrisie de partout me ronge, même la candeur d'étudiant s'émousse et m'énerve. David arrivera quand même à me faire sourire et reprendre langue en fin d'après-midi, quand on ira se faire lui un cône moi un bâtonnet de crèmes glacées.
Et même pas eu le temps d'aller un peu ni au sport ni dans de la littérature. Alors que des centaines de livres m'entourent, la torture de les voir et de ne pas les ouvrir parce qu'il y a autre chose à faire.

Commentaires

1. Le mercredi 7 novembre 2007 à 22:03, par m sonnet :

Perplexe aussi devant le grand bazar nonfiction.fr qui pourrait dire ce qu'il est plutôt que ce qu'il n'est pas, habillé fnac, et ses troupes qu'on a déjà pas mal vues ailleurs, dans des comités de rédaction etc. loin du Net. On se demande un peu ce qui les a piqué tout d'un coup tous ces gens-là...



Jeudi 8 novembre 2007. Cerise des cerises de retour.

Petites bribes, trois par trois, souvent subtiles dans leur simplicité, parfois excellentes de rouerie, ainsi va l'Autofictif, ainsi se construit le réticule d'Éric Chevillard, comme avant-hier quand il s'est méchamment dégagé de l'emprise goncourtisane :
« Il aura donc fallu que je les menace de sanglantes représailles et de veiller moi-même désormais leur lente agonie ; puis encore que je leur laisse entendre en jouant avec un couteau que je connaissais les noms et les adresses des écoles fréquentées par leurs arrière-petits-enfants : les jurés Goncourt ont finalement renoncé à m’attribuer leur prix et reporté leur vote au hasard sur un pauvre zigue qui traînait dans le coin. Je lui présente toutes mes excuses, mais chacun pour soi dans la jungle des Lettres.»

Ne voulant pas attirer l'attention de la presse littéraire, le dissident 20-Heures de France 2 a toutefois rendu ce soir un hommage discret à Éric Chevillard en évoquant l'huile de palme, la déforestation en Indonésie et la fin des orang-outans (pluriel selon Littré).

En ces temps où un Ubu ubiquiste occupe l'Élysée, mes petites brouilles avec Cynthia 3000 ne peuvent empêcher que je signale l'excellence de son nouveau-né, même si je ne l'ai pas encore eu entre les mains (il faudra bien que je me le procure) : Omajajari, rien moins que seize fascicules pour fêter le centenaire d'Alfred Jarry ! Et pas de n'importe qui ! Je ne connais pas tous les noms mais j'en reconnais plus de la moitié, dont Nathalie Quintane et Christian Prigent.
« [...] et voilà pourquoi votre fille est muette, à la fin, à trop vouloir essentialiser la différence entre bonne et mauvaise littérature [...] » (Nathalie Quintane, Finis ton potache ! Jarry lecteur de Daudet, à retrouver dans les extraits d'Omajajari)
Cynthia ! Je te vous dis merdre !

Chevillard, c'était le matin, Cynthia, c'était le soir. Entre les deux, une journée interminable — mais pas du tout minable, bien au contraire. Trois cours, ça, c'est dans le contrat avec Jupiter. Mais aussi une séance de préparation du groupe pour Orléans février-mars 2008. Et en cerise finale une réunion d'une heure et quart durant laquelle j'ai à peu près réussi à traduire, avec lunettes et dictionnaire, l'ordre du jour. Et puis un courriel d'un collègue de Tokyo qui rouvre les perspectives du projet de recherche élaboré avec T., remisé dans la douleur il y a deux semaines. Et puis cerise des cerises de retour à la maison, une petite carte qui veut dire que je peux aller chercher mon visa permanent.
Là-dessus, je vais me coucher, sinon je pète une durite.


Vendredi 9 novembre 2007. Aller et venir dans l'histoire-géo.

C'est un peu du bric-à-brac critique, cet article de Thierry Hesse que François nous diffuse ! Comment peut-on aller et venir dans l'histoire-géo de la critique littéraire sans recontextualiser les propos de Balzac, Sarraute, Whitman, Defoe, Ricœur, et al. ? Et pourquoi seulement ceux-là, d'ailleurs (Gide ou Robbe-Grillet manquent cruellement au sérieux de la liste, par exemple). On en arrive à des contresens comiques comme de croire que « les expérimentateurs du Nouveau roman marchent encore au naturalisme » et que cela mènerait tout droit — étrange téléologisme — aux « âneries actuelles de l'autofiction ». Considérer tous ces propos critiques du seul point de vue d'aujourd'hui, tordre ou écraser les perspectives multidimensionnelles c'est, plus que du post-modernisme, exposer sa boue du dedans.
Je préfère de loin quand François diffuse de l'Audeguy : « Se souvenir qu'à l'état sauvage les amandes sont immangeables.» (extrait de Petit Éloge de la douceur, Gallimard)

Réveillé à cinq heures, je complète des pages, j'en lis. Et puis je vais enfin au centre de sport. Tout ce stress de travail accumulé, comment pourrais-je m'en débarrasser ? Me nettoyer de ces pensées de l'obéissance, de la dépendance, de la soumission à tous les codes croisés qui nous tiennent ? Quand je n'arrive plus à maintenir mon indépendance mentale au-dessus du maelström social, je me sens vraiment avili. Et parfois je crois que je la maintiens et je sais un peu plus tard que ce n'était pas vrai. La littérature est vraiment le seul rempart. J'ai cru un temps à la musique, mais maintenant ce n'est plus qu'une distraction, à laquelle je recours de moins en moins. J'ai un peu cru aussi au cinéma et je garde une vraie admiration pour sa puissance de vérité mais il est trop impliqué dans les circuits financiers...
En transpirant sur mon vélo statique, je pense à toutes ces aliénations dont je parlerai demain, et je lis Vasset. Et j'y entre, je le suis, je m'y retrouve, je souffle intérieurement comme si je me reposais enfin, exactement dans le temps que le corps se dépense. Nous sommes avec ce livre — ce libre — sur un terrain vague, c'est-à-dire un espace de liberté.
Il semble aussi que Philippe Vasset s'adresse directement à moi. Il passe d'Orléans (p. 69-73), où je me promets d'aller voir ses Groues, au quartier des Gondoles de Choisy-le-roi où j'ai passé une bonne partie de mon adolescence et où mes parents habitent encore. Tout à l'heure, je sauterai la clôture diégétique pour vérifier si le plan colle...

« L'apparente passivité des zones blanches cache une sourde résistance au comblement : là, comme dans les marais, se brouillent les frontières entre le neuf et l'ancien, l'occupé et le vacant. Ainsi, si l'on pénètre, hors des heures de bureau, dans les sièges sociaux qui prolifèrent comme des cristaux aux arêtes acérées le long du Landy et sur l'avenue de Verdun, à Issy-les-Moulineaux, on retrouvera, sous la multiplication des signes d'activité (plannings, téléphones, écrans), la même désaffection qui règne alentour : les tiroirs des bureaux n'ont jamais été ouverts, les salles de réunion sont encombrées de chaises sous film plastique, la moquette s'arrête en plein milieu du couloir, et, au pied des façades immaculées, la terre est retournée et mêlée de morceaux de tuyaux et de fils électriques.» (Philippe Vasset, Un Livre blanc, p. 81-82)

Cela ne m'a pas empêché — tandis que je gravissais des montagnes sur la machine à fortifier le cœur — de percevoir d'étranges signaux provenant du personnel. Allées et venues un peu trop rapides entre l'accueil de l'étage et les toilettes de la salle des machines, mines renfrognées de gens qui cachent quelque chose. Un instant, j'ai cru que quelqu'un avait fait un malaise ou était tombé dans les toilettes. Mais après quelques mouvements plus discrets, coups de téléphone sans réponse, signes d'énervement et réapparition d'une des filles avec un rouleau de papier à la main, je me suis dit que ça devait être moins grave. Il n'y avait tout simplement plus de papier-toilette, peut-être plus de stock et quelqu'un était allé récupérer un rouleau déjà commencé aux toilettes d'un autre étage.
Or, moins d'une heure après, quand j'en ai eu besoin, je n'ai pas trouvé moi non plus de papier dans les toilettes des vestiaires. Je me suis lavé avec de l'eau du fond des toilettes (après avoir tiré une fois la chasse d'eau) et suis allé à la douche. Sans doute qu'une heure avant, une personne d'esprit plus rigide avait appelé et exigé qu'on lui apportât du papier. Et comme le supermarché voisin est fermé jusqu'au 15...

Après le déjeuner avec David chez Downey, je remonte au bureau et finis une grosse commande de mangas en français — pour que nos étudiants fassent aussi du français par ce biais. Grâce à l'indication de Marc Pautrel, je télécharge Sollers chez Mollat, à écouter plus tard.
Dans le train, je réécoute un Jeux d'épreuves de septembre et je somnole.
Puis je retrouve T. qui prépare le dîner. Elle a loué deux dévédés de 24 Heures, je ne sais plus quelle saison, la 6, je crois, épisodes avec des terroristes qui réussissent in extremis à faire exploser une bombe atomique dans Los Angeles. Si si, ça explose. Cela transgresse forcément un tabou — devenu tarte à la crème du cinéma américain : habituellement, un héros réussit toujours à stopper l'engin à 1 seconde de son explosion... et tout finit bien. Cette fois non. Les scénaristes ont dû sciemment vouloir briser ce tabou... Cette série m'est désagréable à proportion qu'elle montre cruement (car elle est très bien faite) la réalité du pouvoir actuel aux États Unis. Il faut la regarder comme une tragédie grecque mais aussi comme un peu autre chose qu'une fiction parce que c'est regarder en face une face — insupportable — de l'Amérique d'aujourd'hui. Est-ce en rapport avec la grève des scénaristes depuis une semaine et le fait que la saison 7 soit compromise ? C'est bien possible.

Commentaires

1. Le vendredi 9 novembre 2007 à 01:36, par brigetoun :

deux plaisirs : la boue du dedans (au moins la justesse de l'expression) et Audeguy



Samedi 10 novembre 2007. Les Goncourt Renaudot Médicis et Fémina du JLR.

De six à huit, préparation des notes pour le cours. Le chapitre IV de L'Étranger oppose tout d'abord le couple sain que forment Meursault et Marie aux couples malsains formés par Sintès et sa maîtresse d'un côté et Salamano et son chien de l'autre. Comme en reflet ou en cascade, ces deux couples malsains vont se défaire : Sintès frappe violemment la faible femme, au point qu'un agent de la force publique doit intervenir pour exfiltrer la victime, tandis que le chien de Salamano disparaît pendant que son maître admire... le Roi de l'évasion à la foire. Mais tandis que le lecteur perçoit bien, par les mots du texte, que ces couples sont malsains du fait de l'aliénation de leurs membres, de leur enfermement dans des relations aliénantes, Meursault, lui, ne perçoit rien, continue à répondre que les choses lui sont égales et trouve même que Sintès est « très gentil » avec lui. Ses non-jugements et ses non-choix le font dériver sans qu'il s'en rende bien compte du détachement ou de l'indifférence au monde dans lesquels il croyait être à une complicité patente avec un individu visiblement malhonnête.
Toutes les pièces du mécanisme sont maintenant en place. Il ne reste plus qu'à commencer à le faire jouer. Le chapitre V est alors composé par la succession de trois sollicitations, trois propositions auxquelles Meursault a à répondre : l'invitation à passer le dimanche dans un cabanon près de la plage (acceptée), l'offre du patron pour un poste à Paris (déclinée, ou en tout cas réponse « à côté »), la demande en mariage de Marie (acceptée sans conviction, pour lui faire plaisir à elle).
Une interrogation des étudiants, puis de T. plus tard, révèle une chose assez... délicate. Il semble bien que le verbe « manquer » que Sintès, et lui seul, emploie elliptiquement pour manquer de respect ait été traduit en japonais dans le sens tantôt du ratage (comme manquer le train), tantôt du manque affectif (comme You miss me). Le texte est pourtant très clair. Dès le chapitre III, quand Sintès raconte sa bagarre avec « un type » qui lui avait dit qu'il « n'était pas un homme » (p. 48-49 du folio Gallimard) et auquel il avait été obligé de casser la figure, il s'en justifie en disant à Meursault : « Vous voyez que je ne l'ai pas cherché. C'est lui qui m'a manqué.» — c'est-à-dire qu'il ne l'a pas provoqué mais qu'il n'a répondu que parce que l'autre lui a manqué... de respect (en prétendant qu'il n'était pas un homme, sous-entendu viril). Et toutes les autres occurrences du verbe manquer, employé par Sintès, et seulement par lui, ont exactement le même sens puisque c'est son parler et que cela correspond à son obsession caractérielle (se faire respecter). La traduction qui n'entend pas l'ellipse est donc un grave contresens.

Déjeuner au SM avec Christine et Thomas. Très agréables retrouvailles. Conversations privées.

En soirée, en réponse aux Prix du Plan B proposés sur le blog Léo Scheer, je poste le commentaire suivant :
« Goncourt JLR : Rosenthal
Renaudot JLR : Tugny
Médicis JLR : Chevillard
Fémina JLR : Minard
Le JLR est le Journal LittéRéticulaire qui ne représente que mon opinion et dans lequel je vote souverainement.
Mes prix estampillés JLR ne sont dotés que de ma profonde considération.»
(Il fallait bien que les Goncourt Renaudot Médicis et Fémina du JLR se différenciassent des vrais par une rupture avec le monde de l'édition et de l'argent...)
J'ajoute (le 12) :
— Prix Académie JLR : Antoine Volodine pour l'ensemble de son œuvre.
— Prix du meilleur éditeur : ex-æquo Laure Limongi et François Bon pour leurs collections novatrices.

*  *
*

ENCHÈRES SOTHEBY'S PARIS LE  Session 1 | 29 Nov 07, 11:00 AM et Session 2 | 29 Nov 07, 2:30 PM
EXPOSITION DES LOTS :  du 23 au 28  Nov 07, 10:00 AM - 6:00 PM
ADRESSE : Galerie Charpentier  76 rue du Faubourg Saint Honoré Paris 75008

n° Lots :
94 : Manuscrit du poème "Adieux".[Vers 1900]., Apollinaire, Guillaume
95 : Portrait d'Apollinaire d'après Chirico gravé sur bois par Pierre Roy. 14 épreuves gravées. [Entre 1914 et 1943].
96 : Ensemble de manuscrits autographes. [Le Déjeuner Guillaume Apollinaire]. 31 décembre 1916., Apollinaire, Guillaume
97 : Lettre autographe signée à Louis Emié. Nice, le vendredi saint [avril 1942]Aragon
98 : Le Moine d'après M.G. Lewis.Paris, Denoël & Steele, 1931., Artaud, Antonin
100 : Lettre autographe signée à André Rolland de Réneville. Paris, 10 septembre 1932. Artaud, Antonin
101 : Lettre autographe signée à Marcel Dalio. Paris, 27 juin 1932., Artaud, Antonin
102 : Les Cenci. Epreuves corrigées. [S.l., février 1935]., Artaud, Antonin
103 : Horoscope autographe d'Artaud par lui-même. Paris, 10 décembre 1935.,Artaud,
104 : Lettre autographe signée au docteur La Trémolière. Rodez, 29 avril 1943., Artaud,
105 : Lettre autographe signée à Raymond Queneau. Rodez, 20 décembre 1943., Artaud,
106 : Xylophonie contre la grande presse et son petit public. [Paris, Imprimerie Davy], 1946, Artaud, Antonin
107 : Portrait photographique d'Antonin Artaud. Photographie originale signée. 1947., [Artaud, Antonin] -- Colomb, Denise -- Balthus
108 : Van Gogh, le suicidé de la société. [1947]., Artaud, Antonin
109 : [Oeuvres diverses]. Ensemble de 2 ouvrages en 2 volumes. , Artaud, Antonin
110 : Tutuguri. Manuscrit autographe signé précédé d'une lettre autographe à Marc Barbezat. Ivry-sur-Seine, 16 février 1948. , Artaud, Antonin
148 : Nadja. Paris, Gallimard, N.R.F., 1928., Breton, André
149 : Nadja. Paris, Gallimard, N.R.F., 1928., Breton, André
150 : [La Barque de l'amour s'est brisée contre la vie courante]. Épreuves corrigées
numéro 1 du Surréalisme au service de la Révolution [juin 1930]., Breton, André
151 : Lettre autographe signée à Hans Bellmer. [Paris], 8 janvier 1937., [Breton, André] -- Breton Jacqueline
181 : Décalcomanie originale pour la couverture de l'Anthologie de l'humour noir d'André Breton. [circa 1940]., Dominguez, Oscar
186 : 3 LETTRES AUTOGRAPHES ET UNE LETTRE DACTYLOGRAPHIÉE, À HANS BELLMER. 5 JANVIER 1936, 8 JANVIER [1937], 8 AVRIL 1940 ET 7 AVRIL 1948.
ELUARD, PAUL Le Temps déborde. Paris, Editions Cahiers d'Art, 1947., Eluard, Paul (sous le pseudonyme de Didier Desroches)
188 : La Brebis galante. [Paris, Editions, Premières, 1949]., Ernst, Max -- Péret, Benjamin
189 : f - , Ernst Max -- Tempel, Guillaume
190 : L'Oiseau caramel. Paris, Le Soleil Noir, 1969., Ernst, Max--Lebel, Robert
191 : Max Ernst, dessins frottages estampes originales. Genève, Galerie Engelberts, 1971.,
192 : Fautrier l'enragé. Paris, Librairie Auguste Blaizot, 1949., Fautrier, Jean--Paulhan,
193 : Signature autographe sur album amicorum. Buenos Aires, entre le 13 octobre 1933 et le 27 mars 1934., [Garcia Lorca, Federico]
194 : Lettre autographe signée en russe. Gunterstal (Allemagne), 5 octobre 1925., Max. Gorki,
199 : f - Au soleil du plafond. Paris, Tériade, 1955., Gris, Juan -- Reverdy, Paul
200 : Le Soleil placé en abîme.Paris , Col. Drosera, III,1954, Hérold, Jacques, Ponge, Francis
201 : Dessin original et lettre autographe signée à Raymond Queneau. New York, 1937., Hélion, Jean
202 : Tableau de la Bourgeoisie. manuscrit autographe signé, fragments. [Paris, Gallimard, Nouvelle Revue Française, 1929]., Jacob, Max
211 : MA CIVILISATION (1838-1939). [PARIS, 1942]. LÉLY, GILBERT  (édition originale "privée", tirée à 12 exemplaires dactylographiés. Petit in-4 (225 x 175 mm). En feuilles, couverture de papier vélin blanc avec la reproduction du tableau de Max Ernst "Portrait érotique-voilé, 1933", collé.)
Lot 212 : 1929. [Bruxelles, Editions de la Variétés, 1929]., man ray -- Peret -- Aragon,
215 : [Oeuvres diverses]. Ensemble de 4 ouvrages en 5 volumes., Masson, André
216 : f - le poème pulvérisé. Paris, Fontaine, 1947., Matisse, Henri -- Char, René
217 : FMR. Oèmes. [Paris], Editions Georges Visat, [1971]., Matta, Sebastian
223 : f - [Oeuvres diverses].Ensemble de 10 ouvrages en 10 volumes., Michaux, Henri
224 : f - [Oeuvres diverses]. Ensemble de 6 ouvrages en 6 volumes., Michaux, Henri
225 : f - De moment en moment. [Alès, P.A.B.], mars 1957., miro, joan -- char, rené
226 : f - Noël au chemin de fer. [Alès, P.A.B.], printemps 1959., Miro Joan,Frénaud, André
227 : Le Miroir de l'homme par les bêtes.Paris, Maeght, 1972., Miro, Joan ,Frénaud, André
231 : A même la terre. Paris, Editions Surréalistes, 1936., Paalen, Alice
232 : Le Pan-pan au cul du nu nègre. Bruxelles, Editions Alde, Collection AIO, 1920., Pansaers, Clément
251 : 46 lettres autographes signées illustrées de dessins originaux, à Jeanne Derrien. [juillet 1916 - janvier 1918]. , Vaché, Jacques (Lettres publiées, à l'exception de 3 restées inédites , dans Jacques Vaché, Quarante trois lettres de guerre à Jeanne Derrien, réunies et présentées par Georges Sebbag, Paris, 1991.)
256 : f - 16 lettres autographes signées à la Julien Levy Gallery. [1941]., Atherton, John
257 : f - LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE À JULIEN LEVY.27 MARS 1940. BELLMER, HANS
257 : f - 3 lettres autographes signées à Julien Levy 5 mars 1940 - 8 mars 1940 - 20 octobre 1961., Bellmer, Hans
259 : c - Lettres autographes à Julien Levy.Los Angeles, Rome ; 1945-1958., Berman, Eugène et Léonid
260 : f - Lettre autographe signée à Julien Levy. Paris, 8 avril 1936. , Breton, André
261 : f - 2 lettres autographes signées à Julien Levy.1944 et 1951., Calder, Alexandre
262 : f - 21 lettres à Julien et Joella Levy.1931-1961., Campigli, Massimo
263 : f - 7 lettres à Julien Levy dont une avec collage original 16 juillet 1939 - 21 août 1959, Cornell, Joseph
266 : f - 5 lettres autographes signées à Julien Levy.1932-1942., Dali, Salvador
267 : f - Notes autographes pour une conférence.S.l.n.d., Dali, Salvador
268 : f - 6 lettres autographes signées à Julien Levy.Paris, 18 décembre 1934 - 28 décembre 1938., Duchamp, Marcel
274 : f -LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE À JULIEN LEVY.PARIS, 27 JANVIER 1937.Très importante lettre par laquelle Hugnet annonce le projet des cartes postales surréalistes et demande une aide financière à Julien Levy. Il joint à son courrier un billet autographe de Duchamp à ce sujet (Paris, 27 janvier 1937, 3 p. in-4, encre rouge ).
291 : f - Lettres à Julien Levy et 3 photographies d'archives.Paris-Hollywood, 1933-1963., Man Ray
292 : f - Lettre dactylographiée signée à Julien Levy. [Paris, vers 1931]., Miller, Lee
293 : f - 4 lettres autographes signées à Julien Levy.Mexico, 28 septembre 1940 - 20 septembre 1941., Paalen, Wolfgang
294 : f - 13 lettres autographes signées à Julien Levy.Woodbury [Connecticut], [1941-1945]., Tanguy, Yves
295 : f - 11 lettres autographes signées à Julien Levy.1943-1947., Tanning, Dorothea
296 : f - Lettre autographe à Julien Levy.[Sedona, vers 1945]., Tanning, Dorothea--Ernst, Max--Miller, Lee
297 : f - Lettres à Julien Levy, [artistes divers]
298 : f - Ensemble de 81 invitations à divers évènements.[1925 - 1945]., [Expositions]

Commentaires

1. Le samedi 10 novembre 2007 à 10:21, par Laure L :

OUAIS !!!!
On a quasiment le même classement !

2. Le samedi 10 novembre 2007 à 10:48, par caroline :

Il se pourrait bien que je sois à Paris à ce moment-là. Je n'y vais que 3 jours par an et ça tombe pile poil à ce moment précis. Pas pour acheter bien sûr, mais rien que d'aller voir l'expo avant la vente... gnagnagna...
Moi qui me disais qu'il n'y avait rien à faire à Paris (à part l'expo Courbet que je peux aussi bien voir à Montpellier l'été prochain) cette perspective me motive. Merci d'en avoir parlé.

3. Le samedi 10 novembre 2007 à 17:24, par christine :

ta liste est très bien, mais je ne suis pas trop convaincue par les prix B de Léo Scheer : je suis allée l’écrire dans sa zone de commentaires, ce qui m’a valu de me faire reprocher (ce qui m'a beaucoup amusée) ma « blasitude » à la Raphaël Sorin (ce qui je le crains était une manière polie de me traiter de vieux rabat-joie) !

4. Le samedi 10 novembre 2007 à 18:50, par Berlol :

J'ai lu ça, oui. Cela démontre qu'il ne te connait pas, c'est-à-dire qu'il ne connaît pas trop (ou ne s'intéresse pas beaucoup à) ce qu'il y a dans le web en dehors de son site et de sa coterie (il aurait pu facilement rechercher et voir Lignes de fuite avant de commenter). Ceci dit, son commentaire sur ma "profonde considération" est doucement moqueur à mon égard. Je ne lui en veux pas. Pour ma part, je ne suis pas convaincu du tout de l'intérêt de son initiative et je ne suis intervenu que pour en souligner l'arbitraire en faisant des Prix JLR qui n'ont aucun intérêt... Ne t'inquiète pas ! Nous pouvons continuer dans notre modeste coin à faire ce que nous aimons.

5. Le dimanche 11 novembre 2007 à 02:43, par brigetoun :

je commençais à choisir pour le 29 novembre les 102 - 105 - 186 - 191 et puis j'ai renoncé devant une trop belle abondance.
Pour le site des éditions Léo Scheer je me sens à peine digne de le lire en tentant de comprendre. Pourquoi suis je sans-gêne ici ? mystère -

6. Le dimanche 11 novembre 2007 à 07:16, par christine :

@brigetoun : ceux qui vous intimident ne vous méritent pas !
@berlol : j'avais bien perçu l'ironie de tes Prix JLR (qui m'ont donné envie de mettre mon grain de sel) et ne m'inquiète pas vraiment !
et @tous : continuons dans notre modeste coin (coin!)

7. Le dimanche 11 novembre 2007 à 09:24, par Mot a mot :

Bel emploi en tout cas de l'imparfait du subjonctif!

8. Le dimanche 11 novembre 2007 à 14:55, par christine :

... mais ironie ou pas, tu es embrigadé !
www.leoscheer.com/blog/20...

9. Le lundi 12 novembre 2007 à 02:54, par christine :

... et moi aussi : je vais de ce pas protester !

10. Le lundi 12 novembre 2007 à 03:01, par Berlol :

Oui, sauf qu'avec cette engeance, plus tu te mouilles, plus tu seras mouillée...

11. Le lundi 12 novembre 2007 à 03:34, par christine :

là tu exagères un peu, non ... non ?

12. Le lundi 12 novembre 2007 à 05:25, par christine :

... il a suffit de demander et le lien vers lignes de fuite a été courtoisement retiré : je perds bêtement l'occasion de m'attirer des tas de visiteurs mais je gagne l'impression (bien fugitive) d'une cohérence avec moi-même

13. Le lundi 12 novembre 2007 à 05:36, par Berlol :

Tu sais, j'ai regardé mes liens entrants sur trois jours. Il doit y avoir en tout une dizaine de visiteurs arrivés chez moi en provenance du blog LS. Ce n'est pas vraiment le bingo... Possible que la plupart des lecteurs du blog LS, y compris l'auteur, soient peu réticulaires, qu'ils soient centrés sur les coups Scheer et la gent germanopratine...

14. Le lundi 12 novembre 2007 à 16:10, par christine :

c'est fort possible ... mais je ne pensais pas à ces visiteurs là mais à ceux qu'une publication dans la presse de la "dépêche" en question pourrait susciter

15. Le lundi 12 novembre 2007 à 18:37, par Berlol :

Ah ! ceux-là !...

16. Le jeudi 15 novembre 2007 à 20:23, par marcus :

Ah Berlol que j'aime votre commentaire 4. ! Vous avez cerné je crois notre cher L'ego Cher et sa "coterie".



Dimanche 11 novembre 2007. Ça oscille entre euphémisme et contresens.

Alors là, il est minuit moins sept et je ne sais pas du tout ce dont je vais parler.

Vingt minutes plus tard, ça n'est guère mieux.
J'ai passé une bonne partie de la journée à finir de faire fonctionner un blog pour une équipe de recherche sur Mérimée, pour l'instant pas ouvert au public. Et ça marche. Mais il faut que j'écrive des notices pour que les collègues sachent comment poster des articles, ouvrir un texte à corriger, etc.
Pendant ce temps, T. a commencé à ranger — ça fait des semaines qu'elle se promet de le faire — des tonnes de documents relatifs aux affaires familiales.
Le problème quand on veut ranger, c'est qu'il faut énormément étaler pour trier, répartir, rouvrir les enveloppes, relire les documents, avant d'effectivement pouvoir commencer à ranger (d'une part) et jeter (d'autre part). Il y en a au minimum pour deux jours.

On sort pour marcher. La pluie a cessé. Il fallait qu'on bouge. Tranquillement jusqu'à Jimbocho, pour déjeuner dans un bon restaurant chinois (toujours le même, dans ce quartier). Dans une grande librairie, T. cherche les traductions japonaises de L'Étranger pour voir les différentes traductions de « manquer » dans l'idiolecte de Sintès. Et en effet, les traductions, ça oscille entre euphémisme et contresens. Il faudra que je diligente une enquête plus détaillée. J'ai une petite idée de la personne à qui je pourrais demander cela...

À notre retour, je m'aperçois que j'ai complètement oublié d'écouter France Culture, cette semaine. (Mais où va-t-on ?) Et je découvre qu'un feuilleton a commencé, adaptation des Animaux dénaturés de Vercors. Je saute dessus et enregistre les cinq épisodes de la semaine à la file tout en écrivant des courriers. Quand j'étais lycéen, ce livre a été un des plus formateurs de ma pensée de l'homme, j'en ai un souvenir très précis. Après cette ouverture pragmatique sur l'ontologie, aucun discours philosophique ne m'a permis par la suite d'approcher plus près la question humaine. D'autres œuvres littéraires, oui. Mais le discours philosophique, non.

Et je viens de voir La Vérité si je mens 2, sur TV5 Monde. Pour la question humaine, c'est bien aussi.

Commentaires

1. Le lundi 12 novembre 2007 à 01:48, par k :

bonjour monsieur, des siècles que je ne suis plus repassée par ici,.........si vous avez le temps et l'envie, j'aimerai votre avis sur mon travail, votre jugement me ferait très plaisir (y'a k'a kliker sur le lien)........j'espère que tout va bien pour vous, amicalement_lol

2. Le lundi 12 novembre 2007 à 01:53, par brigetoun :

écouté un épisode des Animaux dénaturés, aimé mais pas assez pour annuler d'autres choses pour entendre les autres. Et je n'ai pas le réflexe de l'écoute différée. Peut être faut-il pour cela avoir la distance géographique qui raréfie les propositions ?

3. Le lundi 12 novembre 2007 à 02:43, par Berlol :

Bonjour K ! En effet, ça faisait une paye ! Suis allé voir. Vos travaux photographiques sont admirables et provoquent d'étranges sensations, où l'on sent que se mêlent extases et souffrances, beauté et mélancolie. Le corps est presque toujours le sujet principal, il y a de l'obsession. Mais pas toujours, comme pour les Roches noires...
Oui, Brigetoun, la distance raréfie les propositions. Mais il y a aussi de mon histoire personnelle avec ce texte. Essayez tout de même de dépasser le premier épisode...



Lundi 12 novembre 2007. Des boîtes de thé le fond lumineux.

« À errer sur ces périmètres vacants où rien n'accrochait le regard, j'éprouvais le même sentiment de flottement qu'à la lecture des Corps conducteurs de Claude Simon ou de L'Inquisitoire de Robert Pinget, textes qui ne comportent pas de perspective clairement ménagée mais déploient, telles des cartes, leurs minutieuses descriptions dans toutes les directions et où chaque détail, même le plus trivial, est riche d'un mystère jamais épuisé. Pareils livres manifestent l'étendue, contrairement aux récits de voyage, qui se contentent de réduire l'espace à un itinéraire et d'aligner dates et noms comme on collectionne les cartes postales.» (Philippe Vasset, Un Livre blanc, p. 99-100)

Quand j'ai lu ça, ce matin, dans ma baignoire, j'ai d'abord relu trois fois, pour éprouver la justesse de la remarque, approuver le choix des œuvres, puis je me suis souvenu des errances dans Bleston (L'Emploi du temps de Butor), des fausses pistes et des itinéraires inutilisables dans Berlin ou New York (Robbe-Grillet), des plans trompeurs que l'on trouve dans René Leys (Victor Segalen) ou dans Le Maintien de l'ordre (Claude Ollier)...

« La tentation d'inventer ce que je n'arrivais pas à identifier était grande, mais y céder m'aurait conduit à écrire un roman, et je voulais autre chose : une réalité trouée, friable et infiniment plus mystérieuse que n'importe quelle histoire inventée.» (Ibid., p. 102)

« Les lieux vides et flous que j'explorais m'offraient le surplus d'inconnu que me refusait désormais la fiction, musique d'ambiance moulinée par la télévision et les magazines, pâte grise égalisant les surfaces, arrondissant les angles et bouchant les fissures. J'étais revenu au réel pour trouver du merveilleux, alors que c'est précisément cette quête qui m'en avait, à l'origine, éloigné.» (Ibid., p. 104)

Il faudrait citer encore et encore, tellement c'est intéressant et pertinent. Mais cela reviendrait... à publier le livre en ligne !
Et puis il fallait bien sortir du bain...

Il fait très beau. Lessive. Quand le linge est étendu et que T. a fermé son deuxième carton de documents rangés, nous allons déjeuner au Saint-Martin. Puis marchons jusqu'à Korakuen pour faire des courses à Seijo Ishii. Au moins deux semaines que nous n'avons plus de fromage, que nous raclons des boîtes de thé le fond lumineux.

Commentaires

1. Le lundi 12 novembre 2007 à 16:18, par cgat :

on a un peu l'impression que tu ne lis que dans des endroits inconfortables : vélos, baignoire, etc.
de Vasset c'est amusant j'avais cité le même passage :
blog.lignesdefuite.fr/pos...
tropisme simonien ?

2. Le mardi 13 novembre 2007 à 03:57, par brigetoun :

me faut le lire.
quand on lit dès qu'on le peut, c'est forcément dans des endroits inconfortables. Et je continue à avoir du mal à m'assoir pour lire (mais je ne peux préter mes livres qui à force de me suivre de pièces en pièces, et autrefois d'un chantier à l'autre, sont en piteux état)

3. Le mardi 13 novembre 2007 à 08:06, par Berlol :

Pour le vélo, je te l'accorde, mais la baignoire, c'est plutôt confortable (si l'eau est assez chaude). Mais ce qui est vrai, c'est qu'ayant peu de temps pour lire, j'utilise des moments intermédiaires. Etudiant, j'ai beaucoup lu, debout, dans les trains de banlieue (y compris les jours de grève).



Mardi 13 novembre 2007. Donner plus, mais à moins de personnes.

Dans le shinkansen en écoutant deux Jeux d'épreuves, les deux derniers (3 et 10 novembre). Moyennement intéressants, je ne les recommande pas (Guyotat, Quignard et Sollers n'ont pas trouvé là leurs meilleurs critiques et les éloges de Fottorino ne font pas du tout envie — petit bras, Joseph, ces temps-ci !). On a sûrement mieux à faire ailleurs. En revanche, je suis allé comme promis voir les dernières Masses critiques disponibles et j'écoute attentivement celle avec Benoît Yvert (du 20 octobre 2007) entre Shizuoka et la sortie sur le pavé ensoleillé de Nagoya. Yvert n'est pas devenu en un an un foudre de précision mais c'est nettement moins abscons qu'au Tout arrive du 26 octobre 2006. Le rapport Livre 2010 et son colloque sont passés par là, il y a de l'info sur l'état de l'édition et de la librairie mais pas vraiment de vision de l'avenir. Le CNL va donner plus, mais à moins de personnes ; c'est ça la nouvelle démocratie, Coco ! Pour l'économie numérique, oui !... On a créé une commission qui y réfléchit. Pour les concentrations (Editis, Hachette), bonhomme, on ne désapprouve pas et on répond à côté de la question.
Connaître le sérail, c'est nourrir les détours...

Grande forme. Deux cours comme rien. Et puis encore à fouiner dans les plugins de WordPress. Faut dire que je suis tombé sur un bug grave. Par exemple, pour préparer l'édition d'un classique littéraire, les espaces insécables sont absolument nécessaires, il y a même un bouton pour en insérer. Puis ils sont enregistrés par l'éditeur de blog (TinyMCE), on peut les voir en regardant le code source, mais dès que l'on rouvre le document pour le modifier, les espaces insécables sont automatiquement remplacés par des espaces normaux, et sans prévenir ni expliquer. Je suis allé exposer ça dans le forum ad hoc mais on ne se bouscule pas pour me répondre...

Enfin, je passe un bon moment à écouter parler de sexe.
C'était dans Ce soir ou Jamais de jeudi dernier. L'intro Marcel Gauchet / Henry Weber ne casse pas des briques. Prendre son mâle en patience parce que la suite le mérite bien : haute qualité des échanges — sauf Katoucha qui n'a quand même pas le niveau (quelque noble que soit par ailleurs son combat).

Commentaires

1. Le mardi 13 novembre 2007 à 11:13, par brigetoun :

j'aime bien "prends ton mâle en patience" surtout quand il est double, buriné et modérément complice



Mercredi 14 novembre 2007. Coup d'état — mais dans un verre d'eau.

Sans aller jusqu'à Sirius, mes dix mille kilomètres d'éloignement font paraître comiques les gesticulations leoscheeriennes visant à remplacer une institution inique et vérolée (celle des Prix littéraires dans son ensemble) par une institution usurpatoire et partiale plus encore. Je suis de l'avis de François que ces hochets d'or ou de plastique devraient cesser d'exister et n'ai proposé de Prix JLR que pour saper un peu plus le système. On aurait pu ainsi avoir des Prix B, JLR, LF, TL, et des dizaines d'autres encore, dont le bruit médiatique aurait pu porter un discrédit durable aux institutionnels. Au lieu de quoi on s'échine à publier un communiqué comme si l'on réglait un coup d'état — mais dans un verre d'eau.

Et quand même. Je suis très heureux du Wepler pour Olivia.
Ainsi va le monde — aporétiquement.

Après les deux cours du matin, je m'échappe tout de suite. Pas assez de temps pour aller à l'immigration, à cause de la réunion de 15h15, mais assez pour aller au sport. Je pédale sur place, je transpire vite, le corps déjà échauffé par la proxémique de classe. J'avance encore dans le Livre blanc, qui va bientôt finir. Je n'en ai pas encore parlé mais j'ai toujours cette réminiscence, depuis les premières pages. Ça vient de la notion de friche, de lieu non cartographié. Et aussi du ton de Vasset, plus intime et plus juste que dans ses livres précédents. Ça me renvoie subtilement (comme un alcool) à au moins un passage de Michaël Ferrier...

« Cette nuit-là, la deuxième soirée commençait assez doucement. Nous avions pris plusieurs métros de suite, changé dix fois de correspondance, j'avais l'impression qu'il voulait me perdre, ou bien semer quelqu'un. Il procédait toujours de la sorte : avec lui, Tokyo devenait une course-poursuite, un immense polar. Finalement, après plusieurs détours, nous arrivâmes dans l'ouest de la ville, du côté de Kokubunji. En sortant du train, il bifurqua soudainement ; au lieu de s'engager vers la gare, il prit un petit escalier de traverse, juste à côté du rail, puis il poussa une barrière...
[...] Nous étions arrivés sur une plate-forme entourée d'herbes, l'obscurité était presque totale, seule une loupiote jaune indiquait l'entrée d'une trappe, surmontée d'un verrou que Yo tira sans hésitation. La planche se souleva en grinçant, dévoilant une cavité. C'était un trou dans le sol d'environ trois mètres de profondeur : en penchant bien la tête, on pouvait voir une série d'arbustes étranges plantés bien régulièrement en contrebas.
"Regarde... des
nanpaku-udo. Tu connais ce légume, bien sûr ?..."» (Michaël Ferrier, Tokyo, Petits portraits de l'aube, Paris : Gallimard, 2004, p. 47-48)

Et aussi au très beau Conduite intérieure de Pierre Marcelle (1993), pour l'errance autour du périphérique, l'habitat inhospitalier, les sites blancs, etc.

« [...] Ce n'était plus une ville mais une maquette : qui vivait là ? Armé de ma carte, je traquais la moindre brèche : les quelques mètres carrés de blanc laissés, porte de CLignancourt, par les parking du dépôt de la RATP ou bien le creux que formait, porte des Lilas, le toit d'un réservoir souterrain.
Mais plus je m'acharnais, plus les trouées rétrécissaient : ce n'étaient plus que dalles noirâtres et humides sous les ponts, cours encombrées de poubelles au fond des porches, terrasses jonchées de détritus, rampes de parking s'enfonçant dans la pénombre, terre-pleins herbeux à la croisée des routes et, au centre des immeubles, des puits de poussière clos par une verrière constellée de fientes de pigeon. [...] »
 (Philippe Vasset, Un Livre blanc, p. 123-124)

Dîner avec Sophie, Andreas et Benoît au Paragon, derrière Motoyama. Du coup, on y vient tous les quatre en vélo. Andreas et moi en profitons pour aller faire quelques courses au Matsuzakaya (l'huile d'olive a beaucoup augmenté, on paie la faiblesse du yen). Près des pots d'anchois, nous reconnaissons Sophie téléphonante. Pourtant le rapport anchois / Sophie n'est pas évident. Traversons le carrefour de Motoyama pour rejoindre Benoît téléphonant à un croisement de ruelles.
Excellente cuisine fusion asiatique. On parle un peu musique (entre autre). Chacun essaie de résumer ses goûts ou son parcours. Entre les commandes de boissons qui fusent, les plats épicés qui arrivent pleins et repartent vides. J'essaie d'expliquer pourquoi je n'en écoute presque plus...
Et de retour à la maison, j'y replonge pour deux heures sous prétexte d'envoyer à Sophie quelques références, style Muslimgauze, Stereolab ou Mouse on Mars.

Là, Andreas répète ce que Sophie vient de lui apprendre : comment un prof américain doit se protéger d'éventuelles accusations d'attouchement ou de harcèlement sexuel quand un élève lui donne un hug. C'est dommage, j'ai sorti l'appareil-photo trop tard, je n'ai pas pu la prendre, elle, faisant cela... Il faut lever les bras au dessus de la tête, façon chimpanzé, pour bien montrer qu'on n'est pas l'auteur d'un mouvement vers l'enfant. Et le dire haut et fort.
À rapprocher du fait divers cité la semaine dernière dans les médias français : une lycéenne américaine exclue quelques jours pour avoir pris une (ou un) de ses camarades dans ses bras. Le directeur de l'école expliquait qu'entre les enfants, ça commence par un hug et on ne sait pas où ça finit...

Commentaires

1. Le mercredi 14 novembre 2007 à 14:33, par christine :

d'autant que ce n'est peut-être pas le jour idéal, même en zoomant depuis Sirius sur notre petit hexagone de "galériens" "pris en otage" par d'épouvantables "privilégiés", pour intéresser la presse à un appel au "soulèvement" contre le scandale des prix littéraires !
... n'empêche que tu es cité dans le communiqué leoscheerien et par là même caution morale !
(tu ne m'as pas répondu à propos du blogueur masqué, qui, de plus, te cite aujourd'hui : aveu ? désapprobation ? manque de temps ? syndrome de Sirius ?)

2. Le mercredi 14 novembre 2007 à 15:09, par Berlol :

En restant dans la liste, je peux, au mieux, attirer des lecteurs sur mes pages, dans lesquelles ils connaîtront ma véritable position. Hors de la liste, personne n'en saurait rien. C'est un choix tactique que j'assume. Même si je tire ton chapeau à ton attitude à mi-chemin entre Bartleby et Antigone...
Sinon, le Petit Physicien, je ne sais pas (encore) qui c'est, mais j'aime bien le titre ! Il me cite ? Je vais aller voir...

3. Le mercredi 14 novembre 2007 à 15:19, par christine :

"à mi-chemin entre Bartleby et Antigone" : je suis flattée ! (Antigone a été mon modèle à 13 ans et Bartleby régulièrement, mais par intermittences seulement, depuis)

4. Le mercredi 14 novembre 2007 à 15:23, par Berlol :

Je tire ton chapeau... Lapsus. Peut-être parce que, moi, j'ai mangé le mien...

5. Le jeudi 15 novembre 2007 à 01:34, par Stubborn :

En restant dans la liste, je peux, au mieux, attirer des lecteurs sur mes pages, dans lesquelles ils connaîtront ma véritable position. Hors de la liste, personne n'en saurait rien. C'est un choix tactique que j'assume.

Un peu retors, non ?

6. Le jeudi 15 novembre 2007 à 02:30, par Berlol :

À peine ! On a vu pire... Mais bon, c'est précisément ce que j'appelle tactique. D'ailleurs, n'est-ce pas comme ça que vous êtes arrivé ici ?

7. Le jeudi 15 novembre 2007 à 03:36, par brigetoun :

très chouette la technique du professeur pour prouver sa candeur. Vous avez peut être l'impression d'avoir peu parlé du "livre blanc" mais votre billet a été, après d'autres, le déclencheur et en faisant mon marché hier j'ai fait un crochet pour l'acheter, avec d'autres par la même occasion. Coupable vous êtes

8. Le jeudi 15 novembre 2007 à 03:46, par Stubborn :

Je suis arrivée ici il y a bien, bien longtemps, encore plus longtemps qu'en suivant un commentaire chez Sébastien, du temps des commentaires ouverts sur Vive le Feu, c'est vous dire. Vous aviez commis quelques phrases absolument remarquables sur le style d'Angot ; ce style dont effectivement personne ne parle. Vous êtes depuis lors dans ma Liste "A" de favoris.
[Après hésitation, j'ai finalement laissé un commentaire sur le blog de Léo Scheer.]

9. Le jeudi 15 novembre 2007 à 05:13, par Berlol :

Vous me voyez très embêté, Brigetoun, de vous occasionner une dépense — que, je pense, vous ne regretterez pas. Moi, je viens juste de finir. La fin est très belle aussi.
J'allais vous remercier, Stubborn, de faire votre coming-out, mais j'ai découvert grâce à mon index infaillible (mon second cerveau) que vous aviez déjà posté quelques commentaires en juillet 2006. Alors, merci de votre assiduité !

10. Le jeudi 15 novembre 2007 à 10:05, par Stubborn :

Beaucoup de parataxe, mais peu de redondance. Des changements de point de vue mais jamais de coq-à-l'âne. De la justesse psychologique mais pas de psychologisme. Ce que d'aucuns n'obtiennent pas en dix pages d'ambiance de couple, elle l'instille en trois dizaines de mots. Avec ça, on est dans l'intimité du couple, sexualité comprise, mais sans pesanteur, ni formalisme érotisant, ni vulgarité, évidemment. La vitesse du texte, c'est celle de Bataille ou de Cendrars, aussi maîtrisée.
Grâce soit rendue à l'index infaillible !

11. Le jeudi 15 novembre 2007 à 20:18, par marcus :

Ce pauvre L'ego Cher en est rendu bien bas à devoir ajouter à sa liste de "supporters" ceux qui, à juste titre, s'amusent de sa démarche qui, et personne n'est dupe, n'est qu'un gros coup de pub.



Jeudi 15 novembre 2007. Solde du jour.

« Ai fait répéter du futur simple le matin. Prononcer des horaires jusqu’à 15h. Puis entendre « Monsieur Livingstone, je présume... » dans le film Mon petit doigt m’a dit. Suis comblé.»
(c'est ma contribution aux Vies du jour en 2 lignes chez François Bon — la mienne en fait 3, désolé.)

J'avais d'abord pensé à lapidaire ou jour dit lapidé, en rapport aux diamants qui sont retrouvés par Catherine Frot et André Dussolier dans le savoureux film de Pascal Thomas adapté du roman d'Agatha Christie que nous avons commencé à étudier dans le cadre du séminaire de 3e et 4e année, et puis ça n'a pas résisté à la simplicité requise, à la lapidarité elle-même.

Dans le couloir quelqu'un m'appelle par mon nom. C'est une collègue de Tokyo, démarcheuse d'un éditeur, de surcroît, venue présenter quelques ouvrages à notre departement. J'ai beaucoup d'estime pour ce cumul que j'ai moi-même pratiqué vers 1994-1996, pour tout ce qu'il apprend des universités où l'on se rend en visite. Mais notre conversation dévie rapidement sur Volodine. Elle connaît en effet François B., collègue de Tokyo qui souhaite au moins autant que moi une invitation de Volodine au Japon un jour, et surtout elle m'informe qu'il y a trois collègues japonais qui seraient intéressés pour le traduire et qui auraient même commencé des bouts. François nous en parlera bientôt. Je suis impatient d'entendre ça et de rencontrer ces courageux traducteurs prêts à faire connaître notre grand-auteur.

Pendant que T. va écouter Michel Wieviorka et Kang Sang-Jung à l'Institut, je me console de n'être pas à Tokyo en visionnant le Ce soir ou jamais du 7 sur l'actualité de la semaine dernière (Sarko en Bushie, Sarko allume le Tchad, parents d'enfants d'une mère porteuse, et quelques sous-sujets comme l'antiaméricanisme made in France, ou savoir si Michel Maffesoli est plus ou moins réactionnaire que Thierry Wolton... Bien que les avis soient très différents sur presque tous les sujets, la conversation ne devient ni acide ni amère, ni rancie ni doucereuse non plus.


Vendredi 16 novembre 2007. Glaires sous pli ministériel.

Je ne peux que m'associer avec joie à la proposition d'Éric Chevillard.

« [...] Si ces tests ADN étaient étendus à toute la population, ils garantiraient la saine origine des Français et permettraient l’extradition pattue militari des usurpateurs. Je suggère donc à chacun de mes concitoyens de faire parvenir sans délai et sous la forme qui lui paraîtra la plus opportune un échantillon de son urine à monsieur Brice Hortefeux, 101 rue de Grenelle, Paris.
Ou plus simplement, puisque les techniques d’analyse sont désormais si fiables qu’il suffit de presque rien pour distinguer coupables et innocents : un crachat.»


Et vais de ce pas m'enquérir de la meilleure façon d'empaqueter mon glaviot en courrier par avion.

En attendant l'envoi des glaires sous pli ministériel, je garde toute ma salive pour répondre ce matin à d'éventuelles questions relatives à l'octroi d'un visa permanent au Japon...
En effet, j'ai reçu la semaine dernière la convocation sur laquelle j'avais rédigé mon adresse en février, en déposant ma demande. Alors que je croyais que ça viendrait en mai, ça arrive en novembre. Il faut dire que je n'ai rien fait pour accélérer le dossier d'aucune façon, de crainte de froisser des susceptibilités contraires à la bonne marche du processus. Je suis donc — bien habillé mais sans cravate — à 10 heures dans le nord de Fushimi, je prends l'ascenseur pour le 3e, j'avise le panneau pour l'ordre des opérations (il y a déjà deux bonnes centaines d'immigrés de toutes origines qui attendent sur des rangs de fauteuils ou dans des queues), me dirige vers le guichet des timbres fiscaux, en achète deux à 4.000 yens, vais au comptoir 10 pour déposer ma convocation et mon passeport, m'assieds à mon tour en attendant qu'on appelle le numéro qu'on m'a donné, le 452, alors qu'on appelle à ce moment le 431, lis une vingtaine de minutes A Cauchemar is born tout en suivant le mouvement des numéros et des appelés, manque m'endormir tellement tout est calme ici, vais au comptoir 11 quand mes trois chiffres s'y affichent, récupère mon passeport des mains d'un homme souriant que je remercie et... c'est tout. Pas de question subsidiaire éliminatoire comme dans les grands concours de Pif Magazine, pas de test linguistique ni de dépôt d'ADN comme en France. Rien ne sert de postillonner. Garde ta salive pour hurler ta joie !
C'est quand même cool le Japon (ceci dit, ça fait quand même quinze ans que j'y suis...).

« Pékin et Bagdad ont affirmé que leurs avions avaient pris pour cible plusieurs postes de commandement et radars au sud du 50e parallèle, situés à moins de 110 kilomètres de Paris, et justifié les raids par l'augmentation de la fréquence des opérations françaises de défense antiaérienne.
[...] Les premières réactions dans le monde sont venues de Vienne et de Tokyo. L'Austro-Hongrie a condamné les frappes et accusé la nouvelle administration chinoise d'ignorer "tous les principes et les normes internationales humanitaires" (Jean-Charles Massera, A Cauchemar is born, Paris : Verticales, coll.  Minimales, 2007, p. 17 et 19)

Ayant regagné la base à temps, je déjeune au Downey avec David et un collègue japonais. On parle du film Mon petit Doigt m'a dit, que le collègue a vu mais dont il avait visiblement oublié la trame et sa subtilité — lui qui aime pourtant l'opéra n'a aucun souvenir de l'effet de l'air des Pêcheurs de perle sur Catherine Frot, rendue amnésique par une solive de cimetière.
On n'a guère le temps d'épiloguer sur l'excellence des barbouzes à la retraite. Remonté au bureau, j'y expédie les tâches courantes pour m'éclipser dès que possible et aller prendre un shinkansen bien mérité dans lequel je dors près d'une heure et demie, avant que T. me serve la soupe en même temps que quatre épisodes de barbouzes pas encore à la retraite (épisodes de la 6e saison de 24 Heures : récupération des têtes nucléaires, fin des islamistes, la Chine menaçante réveille la Russie, le bureau ovale change de tête).
Après quoi, je prends la machine à remonter le temps et m'attelle à la journée décisive de Meursault, jusqu'aux coups de feu qui détruisent « l'équilibre du jour.» (Albert Camus, L'Étranger, folio 2, p. 95) — et après je vais me coucher à mon tour.

Commentaires

1. Le jeudi 15 novembre 2007 à 23:07, par brigetoun :

que faites vous du droit de la famille français ? - cela devrait s'appliquer aux immigrants ? Ben oui c'est là qu'il y a un os

2. Le vendredi 16 novembre 2007 à 01:30, par Bikun :

Fais analyser ton glaviot à Tokyo et envoie nous le résultat par email. On reconstituera ton ADN en France dans un glaviot de synthèse :-)
Si ça peut t'économiser les frais de ports!

3. Le vendredi 16 novembre 2007 à 02:23, par Berlol :

Excellente idée, Bikun ! Ça m'évitera de payer les frais pour ces porcs.

4. Le vendredi 16 novembre 2007 à 08:32, par Laure L :

... je crois que j'ai des sacs de congélation à zip dans la cuisine... des enveloppes à bulles dans le bureau... parfait.

5. Le vendredi 16 novembre 2007 à 09:04, par eric :

Je prends l'avion dimanche pour aller passer une semaine à Paris.
Tu pourrais donc venir cracher à Kyoto, je me ferais un plaisir de joindre ton mollard au mien (merci pour l'opportun tuyau, donc).
Alors, un aller retour en shinkansen rien que pour la beauté du geste?

6. Le vendredi 16 novembre 2007 à 16:04, par Berlol :

Ma parole ! Tout le monde veut recueillir ma sainte bave !

7. Le samedi 17 novembre 2007 à 19:04, par clément :

Ravalez ce mollard et tendez-moi votre doigt dont l'empreinte m'agrée: la classe, tout de même, ces japonais! Et le29 novembre à l'IFJ, 18H30, c'est de timbre dont il sera question, celui de la voix du poète Christian Prigent; un peu de baume au coeur...

8. Le lundi 19 novembre 2007 à 15:24, par Berlol :

Merci, Clément. Les empreintes, ça recommence aujourd'hui.
J'en parlerai ce soir. Quant à Prigent, hélas, je crains de ne pas pouvoir aller l'écouter...



Samedi 17 novembre 2007. Rayons solaires en armes luisantes.

Pâle soleil, ce matin. Assez pour me guider dans les choix stratégiques de ma préparation de cours. Ce sera de présenter le chapitre central de L'Étranger, celui du meurtre, sous son jour le plus cru et le moins mentionné, y compris par Camus lui-même : Meursault est victime d'une insolation. Qu'on relise sous l'angle clinique, tous les symptômes y sont et Meursault ne fait rien pour améliorer son état : il boit du vin, reste au soleil et ne porte pas de chapeau. Après cette entrée en matière un peu provocante aux yeux des puristes (quoique le risque d'insolation ait été énoncé par une infirmière dès la fin du premier chapitre), on peut passer aux aspects symboliques & littéraires. En arrivant sur la plage, Meursault ne tient pas compte du mauvais présage que sont les « asphodèles tout blancs sur le bleu déjà dur du ciel » (p. 80), alors que Marie éparpille les pétales de ces fleurs des morts. Le déroulement de la journée est chronologique et à la limite de l'ennuyeux : la baignade heureuse (la troisième du couple), l'excellent déjeuner pris dans le cabanon, la promenade digestive... durant laquelle survient la première altercation, à trois contre les deux « Arabes ». Un peu plus tard, Sintès blessé retourne sur la plage et Meursault le suit. C'est alors le temps de la deuxième altercation, à deux contre deux. On est « tout au bout de la plage » (89), les « Arabes » disparaissent, finalement, et Sintès parle « de l'autobus du retour » (91).
La suite est donc un supplément, un bonus gratuit : les veines gonflées par la surchauffe physiologique, en proie au délire, peut-être attiré par l'ombre et l'eau claire, Meursault retourne seul vers la source du bout de la plage et se retrouve face à son destin, qui a la forme d'un Arabe, seul lui aussi. Tirer ou ne pas tirer, là est la question. Et ne tirer qu'une fois pourrait passer pour de la légitime défense. Non, il faut faire quelque chose de définitif. Tirer encore quatre coups gratuits. Parce qu'on sait que c'est ce qui est gratuit qui coûte le plus cher, finalement. Alors, Meursault aurait-il enfin eu une véritable occasion de libre arbitre ? (De quoi rendre jaloux le Roquentin de Sartre.) Il pourra toujours le croire, du fond de sa prison, mais rien n'est moins sûr, littérairement : les occurrences et les contextes négatifs du « soleil », dans tout le chapitre et jusque dans le passage du revolver (quand « le soleil a glissé dessus », 90), auxquelles s'ajoutent celles et ceux du « rouge » et du « sang », imposent une mélodie obsédante d'où toute liberté est exclue et qui atteint son paroxysme par la transformation des rayons solaires en armes luisantes, abrutissantes (« cymbales du soleil », 94) et bien plus menaçantes que le couteau de « l'Arabe » (« épée de lumière », 92, « glaive éclatant jailli du couteau », 94), dont Meursault ne pourra se débarrasser « pas » à « pas » (94) mais d'un coup explosif, en tirant et détruisant « l'équilibre du jour » (95) — un équilibre qui était la résultante de forces trop puissantes pour lui...

J'en sors épuisé. J'ai besoin viiiite du Saint-Martin et d'un bon remontant !
Ironie de Yukie, il reste un couscous. Comme ça, je ne quitte pas l'Algérie. À quoi je fais ajouter un peu de frites. Ce n'est pas tous les jours qu'on couvre un meurtre.
T. me propose ensuite d'aller faire un tour à Yurakucho, aux soldes de Sun Fair Motoyama. On y achètera peu de choses (un parapluie, des gants, une cravate, pour ma part). On cherche ensuite ma crème après-rasage Givenchy Blue Label — mon brin rebelle — mais on apprend à Mitsukoshi qu'elle n'est pas distribuée du tout au Japon. Faudra que je m'en fasse envoyer. Ou que je m'en passe.
Fin d'après-midi dans la féérie lumineuse de Ginza.
Le soir, quelques épisodes de 24 Heures puis la prise de tête avec Wordpress et le problème des espaces insécables qui disparaissent...

Commentaires

1. Le lundi 19 novembre 2007 à 15:44, par Olivier :

Pas si cool les Japonais...
Ils ne t'ont rien demandé pour ton visa permanent, parce qu'ils savent qu'à partir de maintenant, à chaque fois que tu vas rentrer de France il va falloir donner tes empreintes digitales et te faire prendre en photo (comme au commissariat...).
En tout cas, BRAVO pour le visa permanent!!!



Dimanche 18 novembre 2007. Devant parterres et caméras.

Il y a quelques jours, j'avais pensé à écrire quelque chose du genre : les riches, depuis les niches géographiques et sociales d'où ils possèdent et contrôlent les politiques et les médias, parviennent maintenant à faire croire à la majorité de la population que la partie presque pauvre de la population est honteusement privilégiée par rapport à la partie véritablement pauvre de la population, sans jamais être eux-mêmes — les riches — mis en cause, quand bien même ils étaleraient devant parterres et caméras leur fortune et leur patrimoine. De sorte que les presque pauvres, y compris les cadres moyens qui estimaient avoir réussi à prendre l'ascenseur social dans les années 70-80, ne peuvent se raccrocher à rien pour éviter de rejoindre les cohortes d'employés, d'ouvriers, de chomeurs, etc., parmi les véritablement pauvres.
Le Ce soir ou Jamais du 12 novembre me rappelle tout à fait cela.

Il faut bien ça, et d'autres choses, pour m'accompagner pendant que j'essaie de réparer le blog endommagé hier soir (pas le JLR, celui du groupe mériméen). J'en profite, si l'on peut dire, pour passer à la version 2.3.1 de WordPress, non sans quelques frayeurs. Quant au problème depuis hier, après un essai positif avec un autre navigateur, je comprends que c'est un problème de cache à vider, qu'en fait tout fonctionne déjà correctement.

Pendant ce temps, T. rédige un dossier de candidature pour une université. On ne peut pas dire laquelle. C'est d'ailleurs pour faire des photos de bonne qualité pour ce dossier que nous sortirons vers deux heures, irons à Ochanomizu dans un lieu repéré par T. sur le web, un minuscule appartement transformé en studio photo numérique sur deux étages. Et le résultat est très bon : appareil polaroïd numérique, réflecteurs, six prises à visionner ensemble sur écran pour choix des deux meilleures, celles dans lesquelles T. garde toute sa beauté mais avec un sérieux, une gravité qui sied au poste.
Elle rentre à la maison continuer son dossier (et le continuera jusqu'à deux heures du matin), je reste dans le JR pour un rapide aller-retour au Yamaya de Shinjuku. Là, en effet, je pense pouvoir trouver de l'huile d'olive à moins de 1.000 yens le litre. Comme prévu, Yamaya est toujours le plus fort ! Le litre d'extra vierge première pression à froid à 980 yens. Et mieux encore, la bouteille de deux litres à 1780 yens. Je prends ! C'est le prix du litre presque partout ailleurs (les prix ayant augmenté depuis deux ou trois mois, du fait que le change monétaire et la hausse du pétrole sont très défavorables au yen). Et un bon bordeaux, pendant que j'y suis.
On l'entamera dès le dîner ; des huîtres frites et de la soupe au miso. Fin de la saison 6 de 24 Heures. Je commenterai un autre jour.
Pour accompagner T., sans la déranger, je regarderai L'Antidote (V. de Brus, 2005) sur TV5 Monde jusqu'à pas d'heure, film pitoyable au demeurant. Mais c'est tout de même émouvant de revoir Villeret. Clavier, lui, ne réussit bien que la dyslexie.

Commentaires

1. Le lundi 19 novembre 2007 à 03:27, par brigetoun :

il est évident que leur travail, leur responsabilité, leurs études doivent être récompensés, voyons.
D'où il appert que nous sommes des vers de terre et les employés de surface des cloportes (mot cher à Copé) fainéants et abusivement entretenus. Et dans notre besoin instinctif d'admirer et de se confier à des chefs nous acquiesçons sans même nous interroger (enfin pas tous, la masse que l'on ne touche que par le JT si)



Lundi 19 novembre 2007. Le texte est fait comme ça.

Ce matin, T. sort tôt pour aller poster son dossier de candidature. La voilà allégée et libre pour la journée. Partons au centre de sport, à Shibuya. Un mois qu'elle n'y est pas allée, avec tout ce qui s'est passé... Elle a du boulot pour se remettre en train (et perdre du poids). Tout ne se fera pas aujourd'hui.

À vélo statique, lecture de Tarik Noui. Serviles Servants se lit vite, le texte est fait comme ça, ce n'est pas un défaut. J'ai toutefois l'impression que ce serait mieux si j'avais souvenir du film Apocalypse Now... À moins que l'auteur compte sur le vague mémoriel pour créer un flou textuel. Car peu de contexte, peu de réalisme, plutôt un conte populaire. Du Perrault d'aujourd'hui ?

« Je débarrasse les plateaux repas et essuie la bouche de Brando. Et je m'en vais en silence. Brando se concentre sur deux hommes qui parlent. Ou crient ou autre chose. Peu importe. Le son est coupé. Brando n'a pas besoin d'entendre. les images suffisent. Ce sont les nouvelles gargouilles. Brando sait lire sur un visage. Les gestes. Attitudes soigneusement préparées par des professionnels. Ou celles, plus convulsives, du quidam. L'émission se termine. Les noms du générique pareils aux noms sur les monuments aux morts.» (Tarik Noui, Serviles Servants, Paris : Ed. Léo Scheer, coll. Laureli, p. 46)

« La télé, c'est le compost du réel.» (Ibid., p. 51)

Écoutant les informations politiques françaises (à la radio), je suis effaré par l'ampleur des conflits que ce gouvernement a sciemment déclenchés, avec une bien étonnante simultanéité. Comme si l'on avait prévu — machiavélisme d'aujourd'hui — que leurs bruits médiatiques s'amalgameraient et qu'ils se satureraient les uns les autres. Il ne resterait plus alors qu'à jouer le pourrissement, donner l'image de la fermeté face à de l'illégitime, rappeler aux Français qu'ils ont voté précisément pour ça (est-ce vrai ?)... Et tout retomberait comme un soufflé froid — avec le froid qui tombe, justement. Chacun des grévistes abdiquerait (les salaires amputés pèsent) devant le cynisme et la duplicité des directions et des politiques. Le syndicalisme lui-même en serait un peu plus discrédité. C'est dans le plan.
Rien à voir avec 68 dont les revendications étaient existentielles, voire ontologiques. C'est-à-dire PAS dans une logique de négociation pour gérer les miettes... C'est précisément pourquoi Sarkozy hait 68. Rien à voir avec ces grèves-ci.

Pour finir la soirée et laisser venir le marchand de sable, j'enregistre et écoute les derniers épisodes des Animaux dénaturés de Vercors. C'est vieillot et idéaliste, comme texte, comme sujet, même s'il y a un questionnement intemporel sur la définition de l'être humain, mais bien mis en onde, enlevé, vivant, surtout les trois derniers épisodes.


Mardi 20 novembre 2007. On met beaucoup de balles à côté.

Dans le Asahi Shimbun ce matin, un article plutôt bref (Reuters donne plus de détails) sur les nouvelles mesures anti-terroristes qui entrent en vigueur aujourd'hui. Parmi lesquelles, en effet, le retour des empreintes digitales pour les étrangers entrant sur le territoire japonais, y compris ceux qui y travaillent depuis longtemps. Une vidéo de démonstration, avec musique d'aéroport, a également été réalisée. Je dis le retour car il y avait, jusqu'en 2000, une empreinte de doigt sur la carte de séjour. Il faut croire que le terrorisme a récemment fait une percée au Japon... Plus sérieusement, rappelons que le dernier attentat terroriste, celui de la secte Aum, avait été perpétré par des individus 100 % Japonais.
Une pétition existe déjà, pour l'abolition de cette mesure. Que je ne juge pas utile de signer. Non que je sois pour, mais parce que je ne crois pas à ce genre d'actions ici. Et que le suivisme américain des politiques japonais est au-delà de toute considération éthique. Seule une campagne de presse puissante et négative pourrait parvenir à faire retirer cette honteuse discrimination — si elle émanait de la presse nationale. Ce qui n'arrivera pas.

Comme je somnolais dans le train, des bribes de Serviles Servants prenaient d'oniriques proportions. Yeux ouverts, c'était la campagne japonaise, yeux fermés, c'était des bocaux de graisse et des doses d'héroïnes dans des lieux délabrés. Trois jeunes qui bavardaient derrière me maintenaient quand même plus près du monde réel.

« D'abord Willard. Chercher si ce nom me va bien. J'essaye donc tous les matins, sans ouvrir les yeux, en restant dans la position de mon réveil, sans bouger un membre. Je me concentre et pense. Et remue et cherche des images, des sons, qu'importe. Quelque chose à quoi me raccrocher. Rien, en fin de compte. Je ne suis rien mais je suis vivant. Voilà une chose que Brando ne m'enlèvera pas.» (Tarik Noui, Serviles Servants, p. 90)

J'ai fait mes deux cours dans la joie d'un homme pressé d'en finir parce que je venais de recevoir l'étonnant cahier — comment dire autrement ? — de la maison Dissonances, signé Fanette Mellier pour le graphisme de l'objet et Éric Chevillard pour le texte. C'est encore à Laure que je le dois. Sois-en remerciée, très chère !
Même L'Alamblog chronique, c'est dire !

« J'hésite. Le boucher débite avec précision une carcasse en côtelettes parfaites, on dirait plutôt qu'il tourne les pages de quelque littérature substantielle enfin dégagée des vaines abstractions.» (Éric Chevillard, Dans la zone d'activité, Paris : Éditions Dissonances, 2007, p. 2 — serait-ce la carcasse graisseuse de Brando, découpée par Willard ?... Non, non, secoue-toi !)

La nuit est tombée et il commence à faire frisquet quand David et moi retournons jouer au ping-pong au second sous-sol du gymnase universitaire. Les cheerleaders y ont maintenant leurs habitudes d'entraînement et nous ménagent systématiquement un espace pongistique de six tables. Notre reprise n'est pas brillante, on transpire à peine, on met beaucoup de balles à côté. Ça sera mieux la semaine prochaine...

Commentaires

1. Le mardi 20 novembre 2007 à 15:02, par Lionel Dersot :

Intéressante argumentation: je ne crois pas que la pétition puisse ... ce qui serait efficace n'aura pas lieu. Donc, rien.

2. Le mardi 20 novembre 2007 à 15:28, par Berlol :

Avec la prémisse que ce serait efficace. Or, c'est précisément ce dont je doute. L'argumentation n'est donc pas en cause, ce sont nos hypothèses qui divergent, cher ami. D'ailleurs, tu dis toi-même que tant que ça ne concerne pas les Japonais...

3. Le mardi 20 novembre 2007 à 21:03, par Clément :

J'en prends connaissance bien tardivement de cette pétition. Autant pour moi. Et c'est vrai que s'il fallait la signer en ne prenant qu'en compte sa seule efficacité, alors autant laisser pisser. D'autant plus que la loi est votée et le dispositif en application. Alors? Histoire de se compter entre expatriés hostiles à cette mesure? Non, simplement par cohérence: comment critiquer d'un côté la société de contrôle néo-libérale qui s'instaure en france, et du Japon accepter sans broncher? Donc, je signe. Sachant qu'aucune vague de protestation susceptible de renverser cette loi n'est à attendre.

4. Le mardi 20 novembre 2007 à 21:31, par Berlol :

Cohérence, si on veut... Mais bon, pourquoi pas.
Je critique la France parce qu'elle prétend être une république démocratique, dans laquelle il est prévu que la voix du citoyen serve. Pour ce qui est du Japon, ce n'est ni une république ni une démocratie... Que les sujets japonais s'expriment n'est pas vraiment prévu (c'est l'aporie politique majeure du Japon). Les étrangers, quant à eux, ne comptent pas, ou comme des enfants.
Ceci dit, il y a peut-être d'autres manières de lutter que cette pétition.

5. Le mardi 20 novembre 2007 à 22:37, par caroline :

Dans la zone d'activité ? Un bijou de Chevillard que je me suis empressée de commander. Je ne suis pas déçue de l'avoir fait.

6. Le mardi 20 novembre 2007 à 23:25, par Lionel Dersot :

C'est un propos de Japonais que je rapporte en citant "tant que ça ne concerne pas les Japonais". En fait, ils étaient deux à dire cela dans la foulée. Quant aux autres manières de lutter, les idées sont bien venues. En parler est déjà une forme de lutte, puisque le pouvoir veut qu'on n'en parle pas. On peut contribuer sur ce blog par exemple, en toute langue : reentryjapan.blogspot.com...

7. Le mercredi 21 novembre 2007 à 00:33, par Berlol :

Quelqu'un a-t-il essayé la voie diplomatique ? Je sais que c'est la plus difficile, et glacée l'hiver, mais c'est aussi la plus directe...

8. Le mercredi 21 novembre 2007 à 02:27, par brigetoun :

"tant que ça ne concerne pas les Japonais" se dit trop souvent en France "parce que cela concerne ceux qui ne sont pas français".
Je me suis balladée avec une attention pleine de désir de liens en liens à partir du site de Fanette Mellier. Tellement merveilleuse, fragile, nécessaire même si pas pour moi, l'existence de ces recherches d'accord entre le texte et le physique du livre

9. Le mercredi 21 novembre 2007 à 13:21, par Laure L :

Tout le plaisir est pour moi.



Mercredi 21 novembre 2007. À vélo comme une fleur parmi les météores.

Déjà minuit et demie. Stop.
En train de visionner (et de me poiler) le Ce soir ou Jamais du 13 (Stevenin, Mocky, Balandier, etc., que du bonheur !). Stop.
Pourtant belle journée, quoique froide. Stop.
Après deux cours et déjeuner, à la mairie, à vélo comme une fleur parmi les météores, pour inscrire visa permanent sur carte de séjour. Stop.
Enregistrement Deleuze-Guattari et vice-versa, Jeux d'épreuves en partie sur Célia Houdart, Virilio chez Veinstein. Stop.
Réunion de deux heures avec correction de copies et lecture de Chevillard Dans la zone d'activité (voir citation quand temps de la mettre). Stop.
Courriel au sénateur des Français à l'étranger pour demander protestation officielle. Stop.
Dîner avec Andréas, Sophie et ma collègue C., non pas pizzeria comme prévu, mais Baka.uma, près Kamimaezu. Stop.
Super ambiance, à raconter plus tard. Stop.

*  *
*

Monsieur le Sénateur,

Vous n'ignorez sans doute pas que le Japon vient d'appliquer et de mettre en service ce 20 novembre ses dernières mesures dites "anti-terroristes", notamment en imposant à tous les étrangers, y compris ceux qui disposent de visas permanents, une prise d'empreintes + photo + entretien, en sus du contrôle des passeports à l'entrée sur le territoire japonais.
Vous savez sans doute également que les seuls terroristes ayant agi de façon criminelle sur le territoire japonais étaient Japonais (la secte Aum, il y a une dizaine d'années).
En conséquence, ces mesures dites "anti-terroristes" sont particulièrement injustes et discriminatoires. Par conséquent insultantes.
Je souhaiterais qu'en tant que sénateur, et mandaté par le peuple français, vous saisissiez tous moyens de faire entendre le désaccord des citoyens français résidant sur le territoire japonais et de faire parvenir officiellement l'expression de ce désaccord aux autorités japonaises.
Je pense que vous aurez à coeur de vérifier mes dires auprès d'autres ressortissants français du Japon.
Dans l'attente de vos commentaires, avis et intentions, je vous prie de croire, Monsieur le Sénateur, à l'expression de mes respectueuses salutations.


Jeudi 22 novembre 2007. Que leur mémoire n'hiberne pas.

Dans la page Wikipédia du 22 novembre, le décès de Maurice Béjart a déjà été enregistré ! Sur DailyMotion aussi ! Repensant à lui, je me suis rendu compte qu'il avait été, dans mon histoire personnelle, de ceux qui m'avaient ouvert yeux et oreilles (j'avais dû voir sa Messe pour le temps présent à la télé et j'en avais ensuite eu le 33 tours...).
Quelques minutes plus tard, même page Wikipédia, les avis divergent sur l'utilité d'inscrire la naissance d'un acteur porno après celles d'Isild Le Besco et de Scarlett Johansson — joyeux anniversaire à elles deux !, ainsi qu'à Rosy Varte, qui aura 80 ans l'an prochain. C'est un autre 22 novembre que Kennedy a définitivement perdu cette opportunité.
C'était la rubrique cendres du jour.

« Car le rédacteur funéraire œuvre au milieu des pleurs et des gémissements, soutenant d'une main la veuve défaillante et, de l'autre, une grappe d'orphelins geignards. Il travaille à la feuille d'or parmi les tentures noires. Il cherche les mots qui consolent, qui guérissent, les mots qui requinqueront la veuve dont le visage apaisé, rafraîchi, repoudré, pourra plaire encore.» (Éric Chevillard, Dans la zone d'activité, extrait du n° 28 : « le rédacteur funéraire »)

Ici, les choses sont beaucoup moins impressionnantes. Sauf le froid, peut-être, qui surprend tout le monde. En sortant ce matin, je me demandais d'où je connaissais ces épaisseurs graduées de gris humides... Mais oui, évidemment : c'est le temps de Paris !
Mes trois cours se sont bien passés. À six semaines de la fin du semestre, les étudiants disposent déjà d'une large palette de possibilités de communication. Il faut maintenant les aider à oser, à combiner — et prier pour que leur mémoire n'hiberne pas.

Je récupère une partie de mon retard en visionnant le Ce soir ou Jamais du 14, sur la peur de l'extrême-orient. Les sinologues nous apprennent beaucoup de choses que les infos ne nous disent pas habituellement, c'est bon à entendre. Et puis j'aime bien le franc-parler de Ling Xi.

Commentaires

1. Le vendredi 23 novembre 2007 à 01:56, par brigetoun :

le gris humide qui fait ressortir le vaguement sordide des murs vieux et en mal d'entretien (mais je ne me résignerais pas pour autant à leur souhaiter le raclage que l'on nomme ravalement) - Avignon est entrée dans une période où elle n'appartient plus qu'à ses habitants.
Béjart, une vie qui se finit, une dans qui s'était un peu fanée

2. Le vendredi 23 novembre 2007 à 06:27, par Philippe De Jonckheere :

Je me dis que le monde de la danse contemporaine est très méconnu pour que l'on puisse croire une seule seconde que ce ringard épouvantable qu'était Béjart puisse appartenir à son panthéon et pareillement attirer les regards et ce concert de superlatifs post mortem.
Mettre Béjart plus haut ou même à la même hauteur que Merce Cunningham, Trisha Brown, pour les Américains et Pina Bausch, Georges Appaix ou même Hervé Robbe pour les Européens, c'est vraiment confondre des choses pas confondables, afficher un tableau de Buffet à côté d'un Picasso, jouer du Chausson avant du Bartok ou encore comparer Christine Angot à Proust.
On confond tout vraiment.
Amicalement
Philippe De Jonckheere

3. Le vendredi 23 novembre 2007 à 07:06, par Berlol :

Tu n'as pas tort sur le fond, même si je n'irai pas jusqu'à ringard épouvantable... En revanche, je ne cesserai jamais de te répéter que pour Angot tu fais erreur.

4. Le vendredi 23 novembre 2007 à 08:04, par brigetoun :

me sens moins seule là - mais comme on nous ressasse sa vie je réalise qu'il avait su choisir ses amis, une qualité non ?

5. Le vendredi 23 novembre 2007 à 10:03, par Philippe De Jonckheere :

Berlol, "je ne cesserai jamais de te répéter", oui, je crois que ce sont là nos habituelles marques d'amitiés, l'exemple, tu t'en doutes bien, n'ayant pas été choisi au hasard (ni même le nom des chorégraphes, mais là c'est davantage pour faire crisser les nerfs d'amis dont je tais volontairement l'identité et dont je sais qu'ils passent parfois par ici)
Amicalement, donc.
Phil
Ps si si "ringard épouvantable" je maintiens, tu ne devrais pas trouver d'article qui ne fut dithyrambique à son sujet dans les archives du "Figaro", c'est un bon instrument de mesure.



Vendredi 23 novembre 2007. À mains nues les théories.

« Qu'importe si je ne suis devenu en fin de compte qu'un receleur de vérités, un môme qui vend les bijoux de famille, dérangé par le bruit des combats. Les détonations, les raids aériens sur les pays non-démocratiques, les jeux télévisés, les publicités, les séries, les mauvais films du dimanche. La mangeoire de toute une époque m'arrive ici par cette télévision, ça me dérange, ça me gratte et me démange partout mais je comprends des choses aussi, Willard, parce qu'il en faut de la compassion et de l'amour pour comprendre que toute cette merde, c'est la nôtre. C'est nous. Elle nous appartient comme l'âme.» (Tarik Noui, Serviles Servants, p. 115-116)

Plaisir de finir un livre au lit avant le petit déjeuner. Serviles Servants, quoiqu'agréable dans sa vitesse de lecture comme dans son sujet, ne m'a cependant pas apporté tout le plaisir que j'en attendais. La fable reste ténue, les personnages n'ont qu'un profil flou, volontairement sans épaisseur, miroirs renvoyant à une autre fiction (le film). Mais une ambiance, puissamment toxique, qui est tout de même la réussite du livre. Et quelques propos bien sentis sur la télévision.

Soleil de saison, avec fraîcheur, mais plus de ces gris parisiens... Au sport, sur mon vélo statique, pas ou presque pas de transpiration, malgré les efforts, comme si j'étais déshydraté, ou comme si un mécanisme retenait l'eau. Étrange. Ça ne m'empêche de perdre un kilo et de profiter d'A cauchemar is born et des torsions que Massera fait joyeusement subir à des discours doxiques et médiatiques.

« Si le candidat qui désire être dépossédé de conscience critique et avoir la possibilité de supprimer des vies en toute légalité est déclaré apte à être dépossédé de conscience critique et à supprimer des vies, il signe alors un contrat inconditionnel de dépossession de soi de cinq ans. Il s'engage dans ce cas à être disponible, jeune, sportif, entraîné à dire oui, dynamique, violent, polyvalent, prêt en toute circonstane à privilégier la force au détriment de la raison et ce quel que soit l'objectif assigné, partout où la Légion décidera de l'envoyer. Le candidat qui désirait être dépossedé de conscience critique et avoir la possibilité de supprimer des vies en toute légalité non retenu est immédiatement rendu à la vie civile et rejoint son pays d'origine à ses frais.
En fin de service, un dispositif particulier de reconversion peut faciliter le retour à la vie civile où le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre.» (Jean-Charles Massera, A cauchemar is born, p. 69)

Comment ? Vous n'avez pas osé cliquer sur le lien porno d'hier ?... Quoi ! Vous ne regardez jamais dans les historiques des pages Wikipédia ? Mais pourquoi ? Vous n'avez pas le temps ? Vous avez tort. C'est pourtant beaucoup plus intéressant que les pages de surface. La dernière page, ou page de surface, si l'on compare le phénomène à un iceberg, ne fait que répondre, plus ou moins bien, à votre question initiale, point barre. Et elle est souvent bien anodine, la question initiale, comme de savoir ce qui s'est passé un 22 novembre. Franchement... Tandis que l'historique des modifications depuis la création de la page vous révèle à chaque fois un abîme d'humanité. Ça va du concours de bonnes volontés œuvrant à l'édifice commun (ainsi la page du 23 novembre a été ouverte en 2002 pour y déposer les cendres de Malraux) à des guerres de tranchées très techniques où l'on voit s'affronter à mains nues les théories. Notions et carrières changent de signe en un clic, au gré des basses manœuvres et des liftings euphémisants, sans parler des rigolos, des sournois, des vandales, des pubeux, etc., que des robots éradiquent en quelques secondes.

Allez ! Je passe par la case maison, je ne déjeune pas avec David, je saute au bureau finir les cours en préparation et je file dormir dans le shinkansen... Et me réveille de bonne humeur pour la soirée avec T. grâce au discours scout...

« Nous croyons que nos shorts et nos camps sont expérience de l'Esprit de Dieu — ce Dieu conçu dans un tout autre contexte historique que le nôtre par cette incapacité de l'homme à expliquer les phénomènes naturels auxquels il était confronté — et que l'expérience de l'Esprit de Dieu est le chemin de l'ignorance.
La mission reconnaît d'abord en tout jeune qui ne s'est jamais masturbé devant une photo porno sans avoir honte en sentant son sperme se répandre dans le sac de couchage et en se demandant comment nettoyer les taches une vocation unique à l'absence de distance critique, à l'aliénation et à l'intolérance.» (Jean-Charles Massera, A cauchemar is born, p. 101-102)

Commentaires

1. Le lundi 26 novembre 2007 à 09:30, par Stéphane :

La Rochelle le 26 novembre 2007
Bonjour.
Je suis retraité et je rédige mes souvenirs que je publie sur mon site "PASSÉ PRÉSENT FUTUR DE STÉPHANE"
xn--pass-prsent-futur-de-...
En 1953-54, j'étais en classe de 4e, notre professeur avait choisi entre autres le roman de Mérimée, Colomba.
J'y fais référence dans mon récit en ces termes :
--Notre professeur principal, prof de français, monsieur Heroguel, surnommé "fusil à deux coups", son épouse avait mis au monde des jumeaux.
Un prof sympathique, les élèves d'aujourd'hui disent un "mec cool". Je me souviens très bien de sa coiffure ébouriffée comme coiffée à la va-vite, ces cheveux étant légèrement crépus.
Il avait choisi comme livre un roman de Prospère Mérimée, Colomba, récit qui se déroule en Corse. "Le coup double d'Ors Anton" titre d'un chapitre, mon seul souvenir précis.--
Je suis allé sur Internet pour réveiller ma mémoire. J'ai tapé sur Google la phrase suivante "Le coup double d'Ors Anton" qui m'a aussitôt dirigé sur votre blog et c'est avec un réel plaisir que j'ai lu votre passage sur le sujet.
Je vous demande la permission d'insérer ce passage dans mon récit sachant qu'il sera sur mon site à la rubrique : "Mémoires Ordinaires"
Je vous citerai et le texte sera lu en italique.
"Avant-dernier cours sur Colomba à l'Institut. La lecture du chapitre XVII réveille mes courageux étudiants, car si la semaine dernière était consacrée au paroxysme discursif après lequel l'histoire ne peut que finir, il s'agit aujourd'hui de voir comment l'action se précipite, à coups de fusils, cette fois, et non plus de mots. Après l'instrumentalisation des animaux à des fins indignes d'êtres humains (cheval à l'oreille coupée, innocent cochon abattu), Orso va seul, chevaleresque et romantique (il est la synthèse des deux types selon Mérimée), vers l'amour et vers la mort. Tel Lancelot rêvant à Guenièvre, candide incarnation de la bravoure allant à son destin... La petite Chilina le sort de sa rêverie et soudain tout se précipite, le temps et l'espace se réduisent (Mérimée donne même l'heure !) : guet-apens devant et bandit-sauveur derrière (sans oublier les Anglais, on saura plus tard qu'ils passent tout près de là). "Pif ! pif ! [...] boum ! boum !", deux coups de minables fusils d'abord, ceux des lâches Barricini (avec leurs "i" aigus et ridicules) et deux gros coups de fusil Manton, celui d'Ors Anton (éh oui, c'est presque le même mot, avec des nasales larges, sans parler des deux "O" d'Orso, two shots' guy, ces deux coups rondement ripostés, parfaitement visés, qui feront l'admiration. Pour qu'on ne passe pas à côté, et pour bien rythmer le stretto, Mérimée nous raconte quatre fois la scène : en direct (incertitude), puis par le chien (étonnement), par le bandit (au parler franc et cru) et enfin par Chilina (qui se signe)."
Si vous ne donnez pas de suite à mon message je considère cela comme un refus et soyez rassuré, je ne vous en veux pas.
Cordialement Stéphane Petit

2. Le lundi 26 novembre 2007 à 13:56, par Berlol :

Autorisation accordée, bien entendu. J'en suis très honoré !

3. Le mardi 27 novembre 2007 à 02:10, par stéphane :

Bonjour, merci pour votre accord.
Amicalement Stéphane Petit



Samedi 24 novembre 2007. Ces fruits du texte et du stress.

C'est toujours avec étonnement que je vois — et entends — mes notes et idées éparses sur un texte littéraire, provenant de lectures de diverses époques, les plus anciennes remontant parfois à près de trente ans comme c'est le cas de L'Étranger, s'emboîter en quelques secondes les unes dans les autres pour former un discours cohérent auquel je n'avais jusqu'alors jamais pensé. Ce petit miracle, sous-tendu et rendu possible par les lectures répétées, les notes prises au fil de l'œuvre, et quelques lectures critiques, n'advient que par le besoin impérieux d'avoir quelque chose à dire aux étudiants qui sont présentement en face de moi.
J'ai découvert cela un beau jour, à Censier, vers 1983, quand j'ai craintivement pris la parole pour faire un exposé sur un poème de Liberté Grande de Julien Gracq. Mes notes écrites, contenant surtout des définitions de mots, de possibles allusions, connotations, quelques noms de figures de style, ne disaient rien de plus que le texte, proposaient une paraphrase un peu savante et sans doute un peu pédante qui pouvait parfaitement convenir à l'exercice demandé. Mais en prenant la parole et en constatant qu'il m'était difficile de dire mes notes ou de faire des phrases avec, j'avais senti se former un mouvement de pensée, directement mis en paroles, qui brassait et sélectionnait les notes sans que j'aie plus à les regarder, ordonnait les idées et les prolongeait soudain jusqu'à des conclusions imprévues mais, à ma surprise, convaincantes. J'ai cru d'abord que cela tenait à la grande liberté de sens des poèmes de Gracq mais cela se produisit à nouveau quelques semaines plus tard quand j'eus à faire un autre exposé, je ne sais plus sur quoi.
Je ne pense pas être seul dans ce cas, mais je ne sais pas comment ça se passe dans les autres. Je ne peux donc en parler que pour moi. Toujours est-il que j'ai su, de ce temps, que, comme la poule fait des œufs après avoir avalé de quoi faire les coquilles, je pouvais expliquer des textes et convaincre. Et qu'il valait mieux le faire, pour mieux profiter moi-même des œuvres étudiées, que d'essayer de savoir comment ça se passait précisément entre synapses et neurones. D'où l'enregistrement des cours afin de récolter et d'éventuellement retranscrire ces fruits du texte et du stress.

Pour ce qui est du premier chapitre de la seconde partie de L'Étranger, ce fut assez enlevé, ce matin. À la surexposition solaire et maritime de la première partie, succèdent on s'en doute l'ombre et la sécheresse de la prison, des interrogatoires et du raclement du for intérieur. Le chapitre s'épanouit au gré des rendez-vous — deux lignes pour le commissariat, deux paragraphes pour la première entrevue avec le juge d'instruction, trois pages avec l'avocat commis d'office et les huit ou neuf pages restantes avec le juge soudain métamorphosé en exorciste agité — pour produire une fleur lexicale bien vénéneuse : l'accusation d'Antéchrist, seul mot de tout le livre à ne pas faire partie d'un vocabulaire simple et sobre.
Notre Meursault (nous n'avons que son point de vue partial et parcellaire), incapable de comprendre qu'il suffit de jouer les apparences en obéissant à son avocat, se met ce dernier à dos et inversement trouve le juge d'instruction sympathique. Plus grave, peut-être : il veut être « comme tout le monde » alors que le système judiciaire repose sur l'identité unique du prévenu. Il n'est pas nécessaire, tellement c'est connu, de détailler le fait que l'instruction va articuler les coups de feux surnuméraires à la « preuve d'insensibilité » à l'égard de sa mère, ou que l'exorcisme culmine dans le tutoiement. En revanche, on peut souligner, c'est moins courant, l'humour décalé, par exemple quand Meursault veut serrer la main du juge comme s'il sortait d'une quelconque mondanité (p. 100), quand l'avocat prétend entrer dans le vif du sujet en parlant d'un mort (101) ou quand le criminel s'aperçoit qu'il n'a pas à avoir peur du juge (107).

Après le déjeuner au Saint-Martin, ce midi presque désert, visite d'un appartement à vendre, juste en haut de la côte de l'Institut. Quarante et quelques mètres carrés d'un 4e étage avec ascenseur de trente ans, réaménagés avec plein de placards et dans un marron qui serait chic s'il y avait assez de lumière, ce qui n'est pas le cas du fait de la pente du toit, à quoi il faut ajouter qu'on entend (et qu'on y entendrait même en pleine nuit) d'un côté les voitures qui réaccélèrent dans la côte après avoir freiné pour le carrefour au pied du bâtiment, et de l'autre côté les trains que l'on voit au loin vers Ichigaya et dont la cuvette du canal fait incessamment remonter le bruit jusqu'ici (comme dans la chambre d'hôtes de l'Institut, où nul ne veut plus être logé après sa première nuit blanche...).

Marc Villemain m'a envoyé, sur ma demande, sa recension du dernier Volodine pour le Magazine des livres, n°7 (que je ne peux me procurer ici). Comme lui, je me demande souvent qui pourrait adapter en art visuel — sans les trahir — l'univers et l'ambiance volodiniennes... Je le cite :
« Songes de Mevlido ne ressemble à aucun autre livre, presque à aucun autre genre. On pourrait dire qu’il s’agit de science-fiction, mais alors débarrassée de toute fascination technoïde. Peut-être que Enki Bilal pourrait dessiner ce monde redevenu vierge d’hommes, ou plein d’hominidés balbutiant, mais il devrait alors le faire sans super-héros, ni métal, ni rien de ce qui constitue d’ordinaire le futurisme technologique. Un Lynch, plutôt, devrait s’y intéresser : il sait montrer combien le réel est aussi le produit de nos esprits, il saurait retranscrire en images ce qui peut subsister de sensuel dans cet inframonde sans espérance ni lumière, barbare, pour ainsi dire, et comme esquissant une inversion de l’évolution, un retour à notre condition d’avant.»
Tarkovski, à coup sûr. Le Ridley Scott de Blade Runner. D'autres propositions ?

Commentaires

1. Le mercredi 28 novembre 2007 à 00:09, par petit physicien :

Si vous le permettez
Les livres sont-ils fait pour aboutir à une adaptation visuelle ? J'ai tendance à penser que personne ne pourrait adapter un livre de Volodine, (et surtout pas Bilal).
Quels films Volodine pourrait-il adapter en livres ?
Est-ce que quelqu'un a déjà écrit sur l'humour chez Volodine?

2. Le mercredi 28 novembre 2007 à 00:17, par Berlol :

Bien dit. Mais l'adaptation n'est pas l'adaptabilité. Certains essaient tout de même. Pour Volodine, pas Bilal, j'en suis persuadé. Encore qu'il y a de l'humour au cœur du grotesque bilalien. Chez Volodine, je ne cesse de penser que l'humour est l'essence même de l'œuvre. Ou son anti-matière...

3. Le mercredi 5 décembre 2007 à 04:50, par Marc Villemain :

Dans mon court article, j'ai en effet évoqué Bilal, sans grande conviction toutefois. Ce qui pourrait y conduire, c'est le pessimisme, la sombreur historique, l'intérêt pour le devenir des sociétés humaines, le sentiment de déréliction généralisée. Le reste (le fantasme technoïde et autres effets de ce genre l'en éloignent en effet assez radicalement).
Pour répondre au commentaire précédent, nul n'a jamais pensé que les livres devaient se résoudre dans l'image. Il n'en demeure pas moins que certains livres, sciemment ou pas, nous inspirent de manière instantanée un certain nombre de représentations visuelles. C'est évidemment le cas des livres de Volodine, où le paysage, visuel, sonore, architectural, physique, est toujours très dessiné. Et je partage la nuance qui est faite entre adaptation et adaptabilité. Ne tissons donc pas de lien excessif et/ou artificiel entre littérature et cinéma ; mais ne refusons pas de considérer combien ces deux arts peuvent trouver intérêt à s'observer mutuellement.



Dimanche 25 novembre 2007. Avant le gel, quand même.

Loin de tout. Alternance de sorties en vélo et plages de lectures.
Après une heure de Massera, je pars rouler dans le frais soley, jusqu'à Korakuen, d'où je rapporte du pain de Môômin et du fromage de Seijo Ishii. Je fais des pâtes avec une bonne sauce tomate, ail, basilic pour T. qui doit finir un dossier de budget de recherche. Rien ne pourra nous arrêter. Massera au café, pour quelques pages, avant de repartir pédaler en sens opposé, vers l'ouest, jusqu'à Shinjuku. Une bonne heure à Tower Records, comme ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps, pour finalement acheter deux disques, le Libido de Brigitte Fontaine et une compilation du rayon avant-garde intitulée Method of Defiance, sous-titrée Inamorata, comme de juste produite par Bill Laswell.
Il y a tellement de monde dans les rues et sur les trottoirs que je fais le tour de Shinjuku-sud par Yoyogi afin d'atteindre tranquillement Yamaya, au sud-ouest. Quand la provision de vin et d'olives est bien assujettie au panier du vélo, quand le soleil ne joue plus qu'avec les hautes fenêtres des buildings, alors je prends le chemin du retour dans l'air qui froidit de minute en minute. J'arrive avant le gel, quand même (moins d'une demie-heure pour le retour). À cinq heures et demie, je suis dans un bain chaud et parfumé, m'endors sur trois pages de Massera, encore... C'est à ce moment que T. revient d'une exposition de calligraphie qu'elle n'a pas réussie à voir (ayant fini son dossier à quatre heures, elle est sortie tout de suite mais arrivée au musée quand il avait déjà fermé).
Après le dîner, soirée avec Volodine en écoutant des morceaux de Future Sound of London et de Durutti Column. Quelle bande-son, aujourd'hui !

« Qui de vous, s'il veut tenter d'enterrer vivants au bulldozer quatre villageois de Salem et battre deux jeunes de Naplouse en direct devant la caméra de la télévision américaine CBS, commence par s'asseoir pour calculer la dépense et voit ensuite s'il a de quoi aller jusqu'au bout ?
Il faut prendre le temps de sonder son cœur avant d'entreprendre une tentative d'enterrer vivants au bulldozer quatre villageois de Salem qui pourra s'avérer inutile.» (Jean-Charles Massera, A cauchemar is born, p. 72)

« Le MPF milite pour la défense de la famille et le respect des droits du mari et du père à décider de ce qui est bon pour les femmes. Car la femme qui est soumise à un mari est liée à son mari par la loi, tant qu'il vit, quant aux jeunes femmes qui ne sont pas mariées, si les signes de la virginité n'ont pas été trouvés chez la jeune femme, alors les anciens de la ville feront sortir la jeune femme à l'entrée de la maison de son père, et les hommes de sa ville l'assomeront de pierres, et elle mourra, non seulement parce que nous considérons qu'il s'agit d'un impératif moral et politique, mais aussi parce qu'il s'agit d'un domaine qui touche aux droits fondamentaux de la personne humaine.» (Ibid., p. 107)

« Le professeur de brègne marchait lentement entre les rangs, déchirant par-ci par-là le doigt d'un insolent qu'il recrachait ensuite au hasard, comme un noyau de prune ou de cerise : cela provoquait l'hilarité malsaine des élèves, et une grimace dépitée sur les traits de la victime, qui n'osait pas montrer sa douleur.» (Antoine Volodine, Biographie comparée de Jorian Murgrave, Paris : Denoël, 2003 [réédition de 1985], p. 35)


Lundi 26 novembre 2007. Je me souviens vaguement que je m'ennuyais, certains soirs.

(Avec une semaine de retard, je m'aperçois que...) Le JLR a quatre ans. Quatre années ! Et pas un jour n'y manque !
En fait, ça s'est tellement incrusté dans ma vie quotidienne que je me demande comment je faisais avant.
Je me souviens vaguement que je m'ennuyais, certains soirs.

Encore du grand soleil pour les petites courses matinales (banque, poste, gare), au point que T. décide elle aussi de sortir son vélo. Nous allons ensemble au cimetière, à Gaienmae, par Akebonobashi et Shinanomachi. On entre dans la période d'or des Gingko. Des foules viennent s'y faire photographier. Des mariées aussi. La concession familiale est couverte de feuilles et nous y faisons le ménage. Vers midi et demi, nous sommes prêts à repartir. Passons devant chez Pierre pour voir que c'est fermé (le lundi, sans doute). Revenons sur la station Aoyama-itchome et trouvons de beaux plateaux-repas japonais (teishoku) chez Sagami, avec du poisson grillé pour T., avec du thon cru pour moi (tekkadon). Puis un cake aux fruits chez Lecomte, pour notre quatre heure... un peu spécial.

À 16 heures en effet, T. a fixé rendez-vous à deux personnes d'une société de numérisation de microfilms pour qu'elles vérifient l'état des bobines de mazarinades que T. avait fait réaliser il y a une dizaine d'années et pour que le coût du transfert de technologie soit officiellement estimé. Cela ne dure que trente minutes. Après quoi nous prenons le thé à l'anglaise, avec le cake aux fruits.

« Quelle est cette pièce étrange sur l'échiquier ? — Un flic, répond Poutine à Kasparov.» (Éric Chevillard)

Voilà trois jours que je ne sais comment dire mon sentiment à l'égard de Frédéric Taddeï après qu'il a reçu Valérie Pécresse (Ce soir ou Jamais de jeudi dernier). L'opération de séduction de cette tranche horaire, en passant par le plateau branché du service public, a complètement dévoyé, à mes yeux, tout ce que représentait cette émission. D'autant qu'il n'y avait pas d'opposition. Il s'est peut-être dit des choses intéressantes, mais pas de contradiction (sauf un tout petit peu Éric Maurin). Mais dans l'ensemble et pour l'audience médiamétrie, on lui a servi la soupe, à la ministre. Une tribune sans réplique, à la Poutine. Une merveilleuse réforme, n'est-ce pas ! Les moyens actuels, « c'est comme la pluie sur le sable de la plage », dit Pécresse (qui, elle, va mettre du béton sous le sable — béton dans lequel la démocratie sera coulée). Et donc, dixit Pitte-le-caudataire, c'est « trois fois rien », « une infime minorité » de manifestants qui bloquent honteusement les portes des universités !
Et qui est le responsable de ce beau programme télévisé ? Le metteur en scène de ce beau léchage bien baveux ?
Donc, je vais le dire, mon sentiment : Frédéric Taddeï est un vendu.

Commentaires

1. Le lundi 26 novembre 2007 à 09:32, par christine :

très bon anniversaire et longue vie au JLR !
(... nous autres habitués eussions dû y penser pour toi, désolée)
en passant : même sentiment concernant la soupe servie à la ministre chez Taddeï ... et ce d'autant qu'elle était le lendemain soir l'invitée de Guillaume Durand sur la 2 (dans ses "Esprits (dits) libres"! (heureusement Sollers était là qui a retrouvé les accents maoistes de sa jeunesse pour relayer avec un brin d'outrance, mais ça faisait du bien, l'indignation des étudiants)) et hier soir celle de Christine Ockrent sur la 3 ... l'indépendance des médias fait plaisir à voir !

2. Le lundi 26 novembre 2007 à 13:23, par brigetoun :

agréable de penser que nous donner un peu de plaisir, vous fait plaisir. Pour Taddeï ce n'est pas un vendu, ou pas conscient, il baigne dans sa sphère et Pécresse est assez intelligente pour être présentable - assez redoutable bonne-femme

3. Le lundi 26 novembre 2007 à 14:02, par Berlol :

Tiens ! Avec Sollers !... Je vais aller écouter ça. Lui qui était accusé de n'être partisan de Ségolène Royal que parce que c'est une femme ! Intéressant de voir comment il s'oppose à celle-ci.

4. Le lundi 26 novembre 2007 à 14:57, par Bikun :

4 ans d'écriture, bravo...tu fais sans doute parti du plf - à rapprocher du paf mais en version littéréticulaire...:-)

5. Le mardi 27 novembre 2007 à 01:51, par eric :

pour les gens concernés qui passeraient par là, au diapason des fulminations légitimes de Berlol :
www.sauvonsluniversite.co...

6. Le mercredi 28 novembre 2007 à 00:40, par jenbamin :

pour Bikun : dans « Intello Academy », Corinne Maier proposait l'appellation “pif” = paysage intello français. Lecture de ce petit ouvrage recommandée à tous...

7. Le mercredi 28 novembre 2007 à 13:54, par jcb :

Le JLr n'a que 3 ans seulement pour moi.
www.jcbourdais.net/journa...
Rendez-vous dans 3 ans ?
A la vitesse où ça va, il y aura sans doute autre chose que les blogs, qui sembleront alors peut-être d'une autre époque...
Profitons donc de ce qui sera un jour " le bon vieux temps " et bon anniversaire !

8. Le mercredi 28 novembre 2007 à 14:29, par Berlol :

Ah, tu fais bien de mettre ce lien ! C'est "déjà" le bon vieux temps !
Pour ce qui est d'autre chose d'ici 3 ou 4 ans, je n'en suis pas si sûr. Le blog est un format à la fois individuel, économique, démocratique et simple. Je ne crois pas que les réseaux sociaux, par exemple, type MySpace ou Facebook, puissent le remplacer. En revanche, on voit de plus en plus de blogs à tendance littéraire (d'auteurs, chercheurs, enseignants, personnes du PIF) ou journalistique qui détournent et concentrent une grande partie du lectorat. Cela ne me gêne pas, s'ils sont de qualité. Sinon, je donne mon opinion (Assouline, Scheer, etc.). D'ailleurs, ça ne me déplaît pas de rester dans le clair-obscur d'un lectorat réduit (autant dire un réduit, une niche) : j'y dis ce que je veux et je n'ai pas à me taper les mondanités, les centaines de commentaires bidons, les autorités, etc.). C'est aussi ton option, je crois.



Mardi 27 novembre 2007. Le rêve d'un beauf.

Le rêve d'un beauf : présenter sa mère et son fils au leader chinois (qui n'en a rien à cirer). Et ramasser 20 milliards. Toute la beaufitude française, premier soutien de Sarkozy, s'en gargarisera la semaine entière.

Mets de l'huile !
La réforme universitaire ne vient pas bien, ça grippe. Il faudrait une carotte, ou quelque chose qui fasse passer la pilule. Soudain, on annonce que les budgets universitaires seront augmentés de 50 % d'ici cinq ans. C'est nouveau ! Ça vient de sortir ! (Mais seulement si on laisse passer la réforme, bien sûr...)
Question subsidiaire : Vous y croyez, vous ?
(Remarquez, ce sera peut-être avec de l'argent rapporté de Chine...)

«— Tu t'endettais alors pour refaire ta petite cuisine ; veux-tu aujourd'hui porter ton feu chez les investisseurs qui ont compris que la moindre connerie pour laquelle les nanas ou les mecs comme toi banquaient un max offrait les meilleures perspectives de rendement financier ? Ne crains-tu pas que le resserrement de ton imaginaire soit ferme et définitif ?
— Oui, je reconnais que la société qui m'a vendu cette petite cuisine à chier dans laquelle j'engageais toute ma subjectivité offrait aux investisseurs les meilleures perspectives de rendement financier. Ses résultats sont limpides et sur ce segment de marché sa stratégie qui consistait à persuader les investisseurs que le resserrement de mon imaginaire leur offrait les meilleures perspectives de rendement financier a payé.»
(Jean-Charles Massera, A cauchemar is born, p. 172)

Les différents textes qui composent ce recueil n'offrent pas tous cette jubilation combinatoire de morceaux de LQR. Il y a aussi ce qui pourrait s'appeller des décalages géostratégiques fictionnels. Par exemple, plusieurs textes (p. 141-155) d'un mouvement de résistance française postérieur à 1993, visant à statuer sur les droits du peuple français à recouvrer son territoire toujours occupé par les Allemands depuis 1940, et dans lesquels sont aussi négociés les situations d'une « bande de Lille-Roubaix-Tourcoing » et d'une « zone de Moulins ». Ce qui amène tout un chacun à regarder ce que sont ces sortes de textes, ou ces termes pervers que les médias nous resservent à l'envi sans que l'on sache très bien de quoi il s'agit : bande (de Gaza), enclave, zone, corridor, cordon, camp... Et les populations précisément prises en otage (autrement que les usagers des transports en commun) dont on a mille fois filmé le malheur, au point que presque plus personne ne s'en émeut tellement c'est normal...
Je finis le livre dans le shinkansen (mes copies sont déjà corrigées). Puis c'est les cours, on commence les décomptes, les préparations pour les examens de fin d'année, les étudiants deviennent fébriles.
Au portable, message de Sophie qui voudrait avancer à ce soir le dîner de demain. Sans trop y réfléchir, je donne mon accord pour aller chez elle avec Andreas, qui a les instructions de voyage.
Qu'est-ce que j'avais pas fait là ! Le problème de l'est de Nagoya, à partir d'Ikeshita (pied du lac), c'est qu'il y a des collines partout, à perte de vue. On s'en farcit au moins cinq en trois quarts d'heure ! On en descend aussi une sur près de trois kilomètres en sachant qu'on va devoir la remonter pour rentrer... Au final, on est presque dans la campagne, c'est-à-dire n'importe où dans une banlieue japonaise.
Heureusement, ce n'est pas pour rien ! Salade tomates-mozzarella et lasagnes sont impeccables. Non seulement, j'aime ces conversations débridées et indescriptibles entre nos horizons radicalement différents mais en plus, ça me fait un cours accéléré d'anglais.
Ce que je n'avais pas calculé, pour les côtes du retour, c'est qu'on aurait des tas de calories à brûler... Du carburant, quoi !

Commentaires

1. Le mardi 27 novembre 2007 à 02:01, par patapon :

Ben oui, j’y crois, moi ! Et imaginer que la beaufitude soit à ce point branchée sur l’international, c’est... fantasmer. Qu’aurait-on dit s’il était rentré de Chine bredouille?

2. Le mercredi 28 novembre 2007 à 00:58, par brigetoun :

peut être à suivre, mais votre actuellement dernier paragraphe ; le malheur du monde tel que nous le sentons et ne devons pas vouloir nous y faire, même si impuissants et donc inutiles sommes

3. Le mercredi 28 novembre 2007 à 01:59, par Berlol :

En effet, il y aura encore un paragraphe ou deux après celui sur Massera. J'ai les idées mais pas le temps. Pardon...



Mercredi 28 novembre 2007. Que je jongle avec les trains.

Au courrier, une annonce de conférence de Pierre-Louis Rey sur les Trois Contes, dans deux semaines. Et encore un programme de colloque ! Après celui de Kyoto, en voilà un autre à l'université de Nagoya. Décidément, ils se sont tous donné rendez-vous en décembre !... Va falloir que je jongle avec les trains.
Autre bonne nouvelle, ma proposition a été retenue pour un colloque en mai prochain, à Paris.

« Le cheval sur lequel voyage le poète, d'après une ancienne exégèse de l'Apocalypse selon saint Jean, est l'élément vocal et sonore du langage. Commentant le passage 19,11 de l'Apocalypse, dans lequel le logos est décrit comme un cavalier "fidèle et digne de foi" monté sur un cheval blanc, Origène nous dit que le cheval est la voix, la profération de la parole, qui "court avec plus d'élan et d'ardeur que n'importe quel destrier", et que seul le logos rend clairement intelligible. C'est endormi sur un tel cheval — durmen sus un chivau — qu'à l'aube de la poésie romane, Guillaume d'Aquitaine déclare avoir composé son vers ; et l'on peut voir un indice non négligeable de la persistance symbolique de cette image, dans le fait qu'au début du siècle, chez Pascoli (ou, plus tard, chez Penna et Delfini), le cheval prend l'allure réjouissante de la bicyclette.» (Giorgio Agamben, Idée de la prose, Paris : C. Bourgois, 2006 [1ère édition en 1988 en français, 1985 en italien], coll. Titres, n° 24,  p. 25-26)

Je l'ai toujours su...

Shark' a les crocs :
Mettez le turbo, là ! Ça y est, la Chine, c'est fini ! Faut vite que je reprenne le dossier de Villiers-le-Bel ! En 2005, un vrai tremplin présidentiel ! Clichy béni ! Ça m'avait rapporté 12 points d'opinions favorables !...
Allez, direct à l'hôpital d'Aubaine ! Hein ?... D'Eaubonne ? D'eau bonne ! D'eau bénite, tu veux dire !
Eh ! Hort' ! Tu convaincs, au Mali, hein ! Sinon, c'est pas la peine de revenir. Y te feront pas de test ADN, eux, pour rester...

Question sérieuse : Y a-t-il besoin qu'un président de la république donne son accord pour qu'une instruction judiciaire soit ouverte ? C'est en tout cas ce que les médias disent et répètent à tous les bulletins depuis ce matin.

« [...] Inquiètes pour l'intégrité physique de leurs journalistes, les chaînes ont toutes eu le même réflexe. "Nous envoyons des gars solides. Pas de filles pour le moment", admet Jean-Marie Bayle. Comme BFM-TV, qui "à la nuit tombée choisit plutôt des mecs".
I-Télé, elle aussi, fait appel "uniquement à des volontaires et plutôt des garçons", reconnaît Valérie Lecasble, directrice générale de la chaîne info de Canal+. Dimanche soir, les trois journalistes femmes envoyées sur place "ont objectivement eu la trouille", explique Valérie Lecasble. Lundi soir, un reporter d'image d'i-Télé a été frappé à coups de barre de fer. Dans les banlieues, "le sentiment général des habitants est que les médias ne sont pas de leur côté", ajoute la directrice générale d'i-Télé. Selon elle, "les gens n'ont pas le sentiment que les médias restituent ce qu'ils pensent". [...] » (Extrait de Guy Dutheil et Daniel Psenny, « Les journalistes en difficulté pour couvrir les événements » in Le Monde du 28/11/2007)
.
.
.
.
.
.
Fred ! Salut et respect.

Commentaires

1. Le mercredi 28 novembre 2007 à 20:06, par vinteix :

A propos de "l'allure réjouissante de la bicyclette" au début du siècle, on ne peut que penser à Jarry...
Les petits trains...

2. Le mercredi 28 novembre 2007 à 23:54, par brigetoun :

encore une découverte réjouissante, ou mieux agréable, dans mon ignorance : Agamben.
Pour le petit homme exaspération depuis ce matin d'entendre qu'il va reprendre la main pour la sécurité (pitié il n'a pas fait déjà assez de mal comme cela ?), qu'il ne faut pas qu'ils déçoivent les attentes des français dans sa parole sur le pouvoir d'achat (elle ne pourra pas être satisfaisante et n'aura de toute façon rien à voir avec la réalité) et qu'il a décidé que la mort des garçons de Villiers le Bel ferait l'objet d'un procès aux Assises (pas mal, mais ce n'est pas à lui d"en décider, et pas à ce stade) - pardon je réalise que je me sers de votre billet
Mais il y a le poète, le cheval et Agamben



Jeudi 29 novembre 2007. Que ce qui rapporte des points.

Hier soir, la mort de Fred Chichin m'a cueilli comme un uppercut. Je suis resté groggy quelques minutes, des larmes plein les yeux, submergé comme je ne croyais pas pouvoir l'être pour une personne que je ne connais pas personnellement. C'est qu'on ne prévoit pas comment une annonce de mort nous atteint. La disparition d'écrivains qui me tenaient à cœur n'a parfois entraîné qu'une tristesse modérée, sans doute parce qu'ils étaient âgés et que ma relation avec eux est intacte par les œuvres. Des chanteurs de mon enfance ont été regrettés, mais en suivant le concert médiatique. Je m'aperçois — je me suis aperçu hier soir — que le cas des Rita Mitsouko est un peu spécial. L'âge que j'avais, mes activités d'alors (les années 80), la danse et la drague, l'intérêt pour des paroles pleines de sens et de dérision, des réussites esthétiques et musicales, une admiration infinie pour Le petit Train, tout a contribué à les faire entrer profond en moi, comme inscrits dans mon code génétique et comme peu d'autres groupes ou musiciens ont pu le faire (Chet Baker, les Cocteau Twins, au moins, comme ça, sans réfléchir). Je croyais aussi qu'ayant décroché depuis dix ans, j'étais à l'abri, hors d'atteinte... 

« [...] train de la mort / mais que fais-tu ? / le referas-tu encore ?
[...] reverra-t-on une autre fois / passer les trains comme autrefois ? / c'est pas moi qui répondra.
[...] petit train, où t'en vas-tu / train de la mort, mais que fais-tu ? / le referas-tu encore ? [...] »


La relation avec les étudiants a aussi des vertus thérapeutiques. Les faire travailler, constater leurs progrès, malgré un climat social peu favorable à la réflexion gratuite (la plupart des étudiants ne font plus que ce qui rapporte des points). Et de moins en moins favorable au français.
Au séminaire de cinéma (après une séance de photos officielles pour le programme des cours de l'an prochain), avec Mon petit doigt m'a dit..., on détaille plan par plan la première séquence des Beresford à la maison de retraite, comment on comprend l'Alzheimer de la tante Ada, ce qui est dans l'ordre des choses, et comment arrive la rencontre improbable entre Prudence et Mme Evangélista, le contraste clair & sombre entre les deux femmes, le contraste dans l'image de chacune, jusqu'à l'opposition anecdotique entre lait et café — contrastes qui vont polariser ces femmes l'une sur l'autre, Bélisaire Beresford restant en dehors du coup quasiment jusqu'à la fin.

Ces épreuves du jour m'ont épuisé. Je me recharge au bureau avec quelques travaux d'écriture, un peu de France Info, de Guignols de l'info, l'actu d'Alizée aussi (faut miser sur la jeunesse...). Et puis j'ai dressé la liste de mes tâches pour décembre, c'est proprement ahurissant. M'est d'avis que le JLR va morfler.

Commentaires

1. Le jeudi 29 novembre 2007 à 13:48, par Philippe De Jonckheere :

Berlol, ce que tu dis là à propos de Fred Chichin est assez juste, je n'aurais pas su dire pourquoi non plus hier cela m'a rendu triste, et , dans la voiture avec Madeleine, lui expliquer à elle, et son étonnement à elle que je connaisse par coeur les paroles de chansons de la radio qu'elle n'avait jamais entendues et que justement elle trouvait mystérieuses, pas sûre comme elle me le dit, contrite, qu'elle aimait. Il y avait quelque chose de très attachant dans les Rita Mitsouko, quelque d'aussi simple que certaines scènes de "Soigne ta droite" de Jean-Luc Godard où on les voit se crêper un peu (gentiment) le chignon pour un fa dièse qui n'est que fa et que oui, comme dit alors Fred Chichin, ça fait une putain de différence.
Amicalement
Phil

2. Le jeudi 29 novembre 2007 à 14:44, par Berlol :

Oh ! Merci pour le fa dièse ! J'avais tout à fait oublié ça ! Est-ce que tu as vu "La Vie du rail" ? (dont est extraite la vidéo d'"Un soir, un chien" que j'ai mise en lien hier) (Moi non.)

3. Le vendredi 30 novembre 2007 à 08:47, par Philippe De Jonckheere :

Non pas vu. Je me demande toujours, est-ce qu'une telle réponse, pas très intéressante, doit être faite en commentaire ou par mail privé.
Amicalement
Phil

4. Le vendredi 30 novembre 2007 à 13:44, par Berlol :

Pas très intéressante, certes, mais permet de souligner que ce film ne semble pas très connu, diffusé, etc. Avec son titre jeu de mots (du rail, duraille), je me demande de quoi il s'agit. Si quelqu'un l'a vu, j'aimerais bien avoir son opinion.

5. Le samedi 1 décembre 2007 à 15:52, par philrahmy :

pareil que vous deux les amis, triste



Vendredi 30 novembre 2007. Fiché(e)(s) comme expliqueur-excuseur.

« Quand on veut expliquer l'inexplicable, c'est qu'on s'apprête à excuser l'inexcusable », dit N. Sarkozy, le 29/11/2007 — propos d'une rare simplicité sophistique, qui va droit aux quelques neurones encore actifs chez mes concitoyens et qui renchérit l'ordre qu'on arrête de penser, intimé il y a quelques mois par sa ministre des finances.
Il faut donc d'urgence faire cesser des émissions réfléchissantes comme le Ce soir ou Jamais de mardi, où il est beaucoup questions d'expliquer ce qui peut causer des émeutes urbaines... Si vous prenez le risque d'écouter cette émission (vous serez fiché(e)(s) comme expliqueur-excuseur), ne manquez pas le live d'Erik Truffaz, une pure merveille !

« La République a tout essayé depuis 30 ans... La seule chose qu'on n'a pas faite, c'est d'apporter des solutions économiques. [...] la seule chose qu'on n'a pas essayé, c'est ce qui marcherait...» (Guy Sorman, même émission. No comment.)

Pas mon président de la république, mais le président de ma république. Hélas.

Ce matin enfin j'entre chez Mevlido. J'y avais fait une incursion à sa sortie en septembre mais à la va-vite, avec tout le monde, comme s'il y avait urgence — mais pourquoi se dépêcher ? pourquoi y aller comme dans du consommable ? Y'a pas le feu ! I va pas s'autodétruire après deux semaines à cause de drm dans l'encre électronique ! Et vous, pourquoi vous êtes-vous dépêchés de le lire ? Pourquoi êtes-vous allés si vite ? Y'avait quelque chose à gagner ?
Le texte est clair, pourtant. C'est la pleine maturité. Son univers onirico-futuriste est définitivement imprimé entre nos sur mains...

« Il fit trois pas, traversa le couloir, alla dans la cuisine et, sans allumer, but quelques gorgées d'eau tiède. Il se servait de sa main comme d'une coupe. Sur le mur, au-dessus du garde-manger, les araignées s'agitaient, provoquant dans leurs toiles ces vastes vibrations qu'elles préfèrent réserver aux heures les plus profondes de la nuit et qui, selon quelques spécialistes contestés, correspondent à une sorte de langage. Mevlido s'essuya la bouche et le visage. Il n'avait pas envie d'engager le dialogue avec elles.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, Paris : Éditions du Seuil, 2007, coll. Fiction & Cie, p. 15)

« La brise nocturne charriait des remugles de guano, des relents de basse-cour et d'excrétions animales et humaines de toutes sortes. C'était une odeur abjecte de ghetto, filamenteuse et humide, noire, malsaine, une odeur de désespoir pré-insurrectionnel et de fosse commune.
L'odeur de notre avenir et de notre passé.
L'odeur du monde réel depuis toujours.» (Ibid., p. 25)

Commentaires

1. Le vendredi 30 novembre 2007 à 01:55, par MV :

Mais on peut aussi lire un livre dès qu'il sort parce qu'on l'attendait... ! Ce fut mon cas pour Volodine - et sans me sentir pour autant sous la pression de tel ou tel événement, fût-il dénommé "rentrée littéraire". Pour le reste vous avez entièrement raison : c'est un texte clair et de maturité. J'ai pris le temps pour le lire ; trop de temps, même peut-être (c'est tout le paradoxe de la lecture) : lire trop vite ne nous permet de pénétrer les univers, lire trop lentement itou...
Cordialement - MV

2. Le vendredi 30 novembre 2007 à 02:18, par Berlol :

Oui, oui, je pense qu'il y a un plaisir aussi à lire vite, dès que ça sort. C'était un petit peu de mauvaise foi, pour essayer de me justifier (à mes propres yeux) de mon retard... En même temps, c'est vrai qu'après, on a l'éternité devant nous. Quand on lit un Balzac ou un Stendhal, est-ce qu'on arrive à se figurer la fébrilité de certains de leurs contemporains dès la sortie du livre ou du journal ?

3. Le vendredi 30 novembre 2007 à 02:24, par brigetoun :

vous m'avez un peu entrainé vers le désir de lire vite - mais par instinct, temps, et pour des raisons financières j'aime autant les lectures non soumises à l'actualité. Simplement j'y ai perdu de ne pas lire les livres qui n'atteindront jamais les poches, et je réalise que la perte est importante.
La phrase de Sarkozy s'applique parfaitement aux explications successives de la police qui ont l'effet paradoxal de faire qu'il devient sain de douter systématiquement des versions officielles (joli billet de Sébastien Fontenelle sur le témoignage unique et concordant)

4. Le vendredi 30 novembre 2007 à 13:29, par CBP :

"Pas mon président de la république, mais le président de ma république. Hélas."
Tu as (donc) remarqué qu'il a cru bon de signaler, je ne sais plus en quels termes, qu'il était aussi le président de ceux qui n'ont pas voté pour lui - délicatesse de la précision, qui sonne comme un rappel à l'ordre (et va de pair avec ses "nous appelons à la négociation, mais ne céderons sur rien"). Celui qui gouverne "ma" république me fait froid dans le dos.

5. Le vendredi 30 novembre 2007 à 13:41, par Berlol :

Et pas que dans le dos. Moi, il me glace les sangs.

6. Le vendredi 30 novembre 2007 à 14:42, par CBP :

Je n'espère qu'une levée (seule issue ?) plus notable que celle qui a eu lieu dernièrement. "Notre" président lui-même rappelait hier que son mandat n'a que 6 mois. Pauvre calcul : non seulement restent les 4,5 ans à endurer, mais que de réformes irrattrapables programmées sur ce laps. Le gouvernement qui suivra peut d'avance se ronger les ongles, les sangs, la carne (et presque espérer ne pas être élu). Droit du travail à la poubelle, aucune attention sociale, le moindre droit reposant sur le plus lourd devoir. Et les propos d'hier (de notre nouveau "petit père" de la France), , balancés sans même d'attendre les résultats de l'enquête, et défendant l'action - quelle qu'elle ait été - des fonctionnaires de la police, sont purement honteux, et témoignent d'un irrespect terrible envers de jeunes gens qui y sont passé.

7. Le vendredi 30 novembre 2007 à 21:07, par brigetoun :

qu'il soit le président de tous les français je ne suis pas si sure qu'il l'ait compris quand les réunions de l'UMP ont lieu à l'Elysée,et qu'il va, lui, au siège de ce parti.
Il n'est pas le mien non plus et je ne sais si vous avez le mêmesursaut que j'ai encore quand j'entends 'le Président Sarkozy" ou "le chef de l'Etat" ?

8. Le mercredi 5 décembre 2007 à 05:04, par janu :

N.B. : excellente analyse de cet amalgame, au regard de Weber et de la fonction des sciences sociales, dans les dernières minutes de "La suite dans les idées" d'hier - la chronique de Cyril Lemieux, je crois - qui m'a fait penser à votre entrée. ( www.radiofrance.fr/chaine... )


© Berlol, 2007.