Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Décembre 2006

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Vendredi 1er décembre 2006. Ne soulève plus ni ire ni vivats.

Au Centre culturel Canadien, rue de Constantine, où l'on va encore en 63, pour la matinée du Colloque des Invalides. Quelques belles reprises d'invectives mais pas d'empoignades verbales. Même Gabriel Matzneff ne soulève plus ni ire ni vivats.
À la pause café, je vais saluer Éric Dussert, qui a fait une bonne prestation. C'est à ce moment, par la rue, qu'arrivent Cel et Bartlebooth. Surprise qui me laisse presque sans voix ! Peu de mots, donc, mais la sensation, pour moi, evec ceux-ci et celui-là, d'un sommet blogosphérique... (Encore un.)

Déjeuner dans un restaurant thaïlandais du quartier avec mes deux acolytes d'Hubert de Phalèse, j'ai nommé Henri Béhar et Michel Bernard, pour discuter de l'avenir de notre équipe de recherche. Puis eux deux vont à l'après-midi du colloque.
Bus 63 pour Odéon. Chez Champion, rue Corneille, pour le dernier livre d'Hubert Carrier.
Bus 89 pour la BnF, encore, parce que T. a repéré un livre sur Mazarin, édité par la Mazarine, qui est à 100 euros alors qu'il est partout ailleurs à plus de 120. Bizarre... On y va et j'en profite pour en acheter d'autres, pour nous et pour des cadeaux.
Puis dans la galerie du MK2 où j'achète trois dévédés. Et la librairie d'â côté où je trouve enfin King Kong Théorie.
Retour en 89 et courses rue Mouffetard pour le dîner japonais. En passant devant le marchand de journaux, je me dis pourquoi pas et en effet, il ont un dernier numéro 1 du Magazine des Livres. Je lirai ça dans l'avion...

Approximatif dîner japonais. Avec un fait-tout pour un nabe, un poulet fermier par moi découpé, une ciboulette molle et pas de chou chinois (Michel l'a mangé hier). Mais ça le fait quand même.

Commentaires

1. Le samedi 2 décembre 2006 à 06:18, par christine :

moins de " querelles et invectives " dans le colloque ainsi intitulé qu'à la bnf, alors ?... c'est un comble
Eric Dussert qui dans son blog se planque soigneusement va-t-il apprécier de voir exposée sa photo ?... ou bien son ire risque-t-elle de faire fuser des invectives ?

2. Le samedi 2 décembre 2006 à 07:11, par Laure L :

Ah, c'est Éric Dussert !
Voilà qui pourrait donner lieu à un prochain colloque à la BNF : l'intime par rebond...

3. Le samedi 2 décembre 2006 à 11:39, par Frédéric :

Alors c'est lui, Grégory et cel ?
Mais, et l'intime ?
Maintenant, on a leur photo.

4. Le samedi 2 décembre 2006 à 13:24, par Berlol :

Non et oui : c'est bien Eric Dussert. Pour Cel et Bart, je ne me serais pas permis. Dans la mesure où ED intervient dans un colloque ouvert au public, toute image prise dans ce cadre n'est ni contestable ni intime. Me trompé-je ? (Suis dans l'avion...)

5. Le samedi 2 décembre 2006 à 13:31, par Bikun :

Tu pourrais au moins nous faire un coucou de ton hublot!
Si t'avais skype sur ton portable, on pourrais presque chater ou se parler en directe!!!

6. Le samedi 2 décembre 2006 à 13:51, par Berlol :

J'ai fait des coucous, mais c'est des Russes, en dessous...

7. Le samedi 2 décembre 2006 à 16:27, par Manu :

Fais gaffe, tu risques de te faire empoisonner si tu les surveilles de trop près...
Ceci dit, tu viens sans doute d'arriver à l'heure qu'il est.

8. Le samedi 2 décembre 2006 à 16:37, par Manu :

En lisant le billet suivant, je m'aperçois que je me suis trompé. Tu es encore en vol... L'horodatage des commentaires m'a induit en erreur...

9. Le dimanche 3 décembre 2006 à 00:29, par Berlol :

Eh oui, toujours ce satané horaire américain... Ça y est, on est à la maison depuis une heure. On a tout déballé pour ranger. Presque fini. On commence à avoir faim...

10. Le dimanche 3 décembre 2006 à 08:53, par Cynthia 3000 :

Trois mots échangés sur un trottoir parisien, c'est sommaire pour un sommet ! Etre présentés, comme "blogueurs", par nos pseudonymes "Cel & Bartlebooth", à T. qui resta T., et le réflexe de sortir l'appareil (à créer de la fiction), voila qui nous laissa bouche B. (comme Bernique !).

11. Le dimanche 3 décembre 2006 à 14:37, par Berlol :

Chère Cynthia, je ne sais comment vous voulez qu'on vous appelle... J'ai deux bonnes photos à vous passer. Ne sont pas pour la diffusion publique, comme expliqué ci-dessus. J'étais moi aussi baba de vous voir. Si je n'avais eu le déjeuner déjà pris, je vous aurais proposé d'aller manger un morceau ensemble. Ce sera pour une autre fois, si vous voulez bien...

12. Le dimanche 3 décembre 2006 à 22:55, par Le Préfet maritime :

Et ben mince, ma tête dans le journal... C'est pas dieu possible... Et sans mon uniforme en plus...



Samedi 2 décembre 2006. Les deux mamelles du départ.

Bourrage et pesage de valise sont les deux mamelles du départ. On arrive au poids autorisé. Appel pour un taxi, j'ai failli indiquer une mauvaise heure, comme si je ne voulais partir, dit T., qui n'a pas tort. Derniers instants dans le canapé à prendre ces notes à la lueur de la cour pendant que tout près une jeune fille révise ses leçons avec sa mère, digne exemple d'un samedi matin dans une famille française.

Dernières courses rue Mouffetard, T. fait vidéo de tout, ça servira pour des souvenirs comme pour des cours. On croise même Frédéric Beigbeder qui fait aussi tout bonnement ses commissions. On passe à la poste, chez le boulanger. Un rosbif et des rates à sauter, des fromages droits venus de l'enfer. C'est parti pour un dernier déjeuner, familial et de grande ambiance...

Juste avant de fermer l'ordinateur, je vois rapidement que Laure Limongi, suite aux échanges de ces derniers jours, vient de poster un important récapitulatif de ses sites et activités d'écriture peu ou prou liés à l'intime, rappelant opportunément que le sujet était déjà dans la marmite et dans le désordre en septembre...
Mais voilà, y'a pas, faut fermer l'engin !
Taxi à trois heures. Embarquement à 6 et maintenant de l'avion à 9 (où la connexion est toujours gratuite, la prochaine fois mon profil créé sera reconnu et je verrai combien on me proposera de payer...).
Demain, je compléterai avec ma lecture ravageuse de la page 2 du Magazine des Livres. Si quelqu'un veut anticiper, à votre bon cœur...

Donc, quelques remarques sur la page 2 du Magazine des Livres, vol 1, novembre/décembre 2006 :
— Colonne de gauche, un encart publicitaire pour le magazine La Presse littéraire, qui est produit par la même équipe que ce magazine-ci. Dernière ligne : « Chez votre marchant de journaux » (sic).
— Milieu du paragraphe de texte : « La presse Littéraire a pour seule ambition de donner à lire ou à relire.»
— Colonne de droite, dans le « mode d'emploi du Magazine des Livres », §.2, li.5 : « Le magazine des Livres a pour ambition de donner à lire ou relire.»
— §.1, li.11 : « positionnement », mot de la LQR (il y en a beaucoup dans tout le magazine, très dans le ton chiffré, économique et soumis au pouvoir de Livres Hebdo ou des Échos).
— §.1-2 : « tous domaines confondus [...] tous styles confondus », « Loin des mouvements [...] au-delà des stratégies [...] », j'ai l'impression qu'on est déterminé à (em)brasser large, dans cette rédaction. Le choix du mot « confondus » pourrait bien être une forme d'acte manqué.
— §.4, li.3 : « la mécanique éditoriale, cette mystérieuse alchimie ». On m'avait appris à ne pas confondre la mécanique et la chimie.
— §.5, li.1 : « Un journal d'écrivains et de lecteurs », c'est-à-dire un journal sans cette lie de l'écriture que sont les journalistes ni cette plaie de la littérature que sont les critiques, où chacun, écrivain ou lecteur, peut s'improviser (ou être accepté comme) auteur d'article, quitte à ce que ce soit pour une enfilade de clichés et d'expressions toutes faites, comme nous le verrons bientôt avec le dossier des pages 4-11.

Commentaires

1. Le dimanche 3 décembre 2006 à 01:30, par Laure L :

Bon voyage ! La prochaine fois, vous aurez droit à un fromage corse à rapporter - non, ce n'est pas un piège façon Asterix... il y en a de très doux...
Encore merci pour l'invit' & à bientôt !

2. Le dimanche 3 décembre 2006 à 09:47, par grapheus tis :

Page 2 du magazine des Livres, ravageuse ?
Y'a guère que la page 19 avec la Saveur du monde de Jouanard qui échapperait à mes lacérations !
Bon retour !

3. Le dimanche 3 décembre 2006 à 14:42, par Berlol :

Faites-nous donc partager vos lacérations ! Les blogs sont là pour ça ! Dans une sombre vidéo promotionnelle, Vebret déclare son Mag. des Livres entre Lire et le Mag. littéraire. Mais y a-t-il quelque chose comme un espace libre et inconnu ente ces deux revues qui se chauvauchent déjà allègrement depuis des décennies ?

4. Le dimanche 3 décembre 2006 à 23:06, par Le Préfet maritime :

Si c'est à ce point calamiteux, on y va voir. Hop, un aller-retour en bateau.



Dimanche 3 décembre 2006. Compactant le samedi dans le dimanche.

Avant l'embarquement, assis près de l'entrée du satellite numéro 5 du dédale de Roissy, pendant que T. faisait quelques courses dans la galerie commerciale duty free, j'ai commencé la lecture de la Dame d'Auxerre dont j'avais entendu parler il y a un mois et que l'auteur m'a amicalement offert mardi au Berthoud. Non que je m'intéresse particulièrement à la sculpture ou à l'ordre dédalique mais :

« Dire qu'elle a, qu'elle est le nom de notre ignorance, ne se justifie pas seulement parce qu'on ne sait rien d'elle. D'où la question aussi, qu'est-ce que c'est que savoir quelque chose d'une œuvre d'art. C'est surtout à cause de son appellation homologuée, la Dame d'Auxerre, cette résultante à la fois familière et dérisoire, désituée — par rapport à la Vénus de Milo ou la Victoire de Samothrace — ce reliquat de folklore qu'elle traîne, accessoire de théâtre, caillou cassé, ayant failli finir aux ordures, vendue pour un franc, entrée à la sauvette sans même être enregistrée au musée d'Auxerre avant d'être échangée par le Louvre contre un tableau de Harpignies qui valait six fois plus, six francs. Cela, c'est la part du grotesque.» (Henri Meschonnic, Le Nom de notre ignorance, la Dame d'Auxerre (Éditions Laurence Teper, 2006.)

Allez, on passe aux machines à fouiller tout pour entrer dans la salle d'attente. Moi, je n'ai ni liquide ni gel, excepté le tube de crème à lèvres qui reste dans ma poche. T. a des gouttes pour les yeux secs, dans une pochette plastique, bien. Mais elle a un petit flacon de Coco de Chanel dans son écrin cartonné. Ça a beau être du parfum — je m'en mets un peu sur les doigts pour que le cerbère puisse bien le sentir —, il FAUT qu'il soit dans un sac plastique transparent (voir JLR du 6/11). C'est le règlement. Si l'on fait exception pour ça, ou pour une bouteille d'eau dont quelqu'un peut boire devant tout le monde, alors c'est la porte ouverte... (Mais la porte ouverte à quoi ?... À la reconnaissance de la débilité du règlement, peut-être... Mais je ne dis pas jusque-là... Je ne suis pas fou...) Alors que faire ? Simple, retourner en deçà du contrôle des passeports, aux boutiques pour acheter un sachet plastique aux normes, dans lequel on pourra mettre le flacon de parfum, que l'on pourra poser dans le bac pour traverser le scanner. O.K. ! T. entre en salle d'attente avec nos affaires et je retourne au contrôle des passeports où la queue me dissuade d'attendre pour sortir, j'essaie la galerie commerciale duty free et je trouve, au point presse, un sachet plastique standard à 10 centimes, reviens et passe comme on vient de le dire. Juste après, dans la salle d'attente, je revois le cerbère de tout à l'heure et lui dis qu'il y avait des sacs au point presse, sans retourner dehors. Il est content pour nous et me dit : « Vous savez, entre nous, ces sacs plastiques, ce n'est ni plus ni moins que des sacs congélation...»

Films vus dans l'avion entre les plateaux de gavages, la lecture de magazines, les connexions d'au-dessus de la Russie et les somnolences difficiles : Le diable s'habille en Prada (D. Frankel, 2006), très décevant ; Toi et moi... et Duprée (Russo, 2006), beaucoup mieux que ce que j'en imaginais ; L'Illusionniste (Burger, 2006), accrochante histoire et superbe faction.

En fait, pour nous, il n'y a pas de différence entre hier et aujourd'hui.
Nous faisons une journée continue étalée sur le week-end, compactant le samedi dans le dimanche.

D'une rue Mouffetard l'autre.
L'avion survole la Russie, d'où je me connecte et poste quelques commentaires. Et même une première version du billet d'hier. La personne devant moi ayant incliné son siège, je n'ai pas la place de mettre mes mains devant le clavier. Le portable posé sur mes jambes, le clavier sur le ventre, je tapote de deux doigts et fais court. L'extinction des feux rend mon écran très visible, me donnant l'impression d'être privé d'intimité...
Je parcours quelques blogs, quelques articles de presse. Mais il est tard, je fatigue, l'attention se relâche, et la motivation avec. Ce vendredi de détente n'a pas effacé les tensions et les fatigues de la semaine. T. réussit à s'endormir par tranches, moi j'ai du mal avec la forme du fauteuil, mon coccyx s'endolorit, mais pas la tête cette fois.
Arrivée à l'heure, sortie sans encombres (avec un bon saucisson de montagne dans ma valise), train pour Tokyo et taxi jusqu'au panneau sous ces nuages, qui annonce pour bientôt notre rue Mouffetard, la Kagurazaka.



Lundi 4 décembre 2006. Un urinoir n'est jamais qu'un urinoir.

Sorti d'une grosse huitaine d'heures de sommeil réparateur, je me réinstalle à l'enregistrement d'émissions de France Culture, celles que je n'ai pas pu écouter durant mon séjour en France, trop dense pour laisser quelque place que ce soit à la radio, ou de plus anciennes comme les pièces de Beckett des dimanches depuis trois semaines.
Pendant ce temps, je fais la tournée des blogs.
Toujours surpris de me voir cité, et ici amusé que ce soit oblique — mais surtout à me dire que cette personne était dans l'auditorium jeudi ! Pour parler de cette journée d'étude « Éditer l'intime ? » et de ses diverses conséquences blogosphériques, il serait dorénavant judicieux de se référer centripètement au billet « Ricochets d'intime » de Christine. De mon côté, j'ai ajouté au billet du 30/11 le programme mis à jour, ainsi qu'un lien vers mon intervention en audio.

Philippe De Jonckheere, répondant à ce qui ressemblait fortement à une attaque d'une éditrice, Sylvie Gillet : « Aucun désir, aucune envie que ce que vous appelez mon blog soit publié. [...] vous avez une condescendance par rapport à ce qui se trouve sur Internet qui est inversement proportionnelle à l'intérêt de ce que les éditeurs sont capables de produire chaque rentrée littéraire.»
Pour contextualiser et pour beaucoup d'autres propos passionnants des quatre intervenants et du modérateur, on peut écouter la version en ligne de Philippe (1h04min.) ou la mienne, intégrale (2h11min.).
Pour ma part, je pense que Sylvie Gillet ne souhaitait pas attaquer Philippe, qu'elle s'est laissée aller à quelque facilité rhétorique crue sans conséquence, sans savoir à qui elle avait affaire ; ce qui peut autant être mépris et condescendance que le dommage d'une non-présentation préalable. N'en parlons plus.

Avec T., déjeuner au Saint-Martin, c'était couru. Pour du poulet-frites, évident. Mais aussi avec Morvan, ça c'est la première fois. Pourtant, je le connais depuis au moins dix ans ! Entre casanier et misanthrope, il ne fréquente pas beaucoup. Nous, à coup sûr, alors que l'estime semble réciproque. D'autres, je n'y suis pas, mais je n'y crois guère. C'est chez Giono, dans des montagnes isolées, que s'il était personnage littéraire je le logerai... Une fois, nous nous épanchâmes déraisonnablement.

« La mare aux canards du Landerneau littéraire », « trébucher sur la dernière marche du podium », « ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace », « changer le cours des saisons », « les hirondelles ne font pas le printemps », « à Saint-Tropez on se calme [et] on boit frais », « la poule aux œufs d'or », « conserver leur place au soleil », « tirent leur épingle du jeu », « fondre comme neige au soleil », « Sea, sex and sun... et la nave va », « un monstre à deux têtes », « vont bon train », « jouer les Cassandres », « oiseaux de bon ou de mauvais augure », « retour vers le futur », « dans le marc de café », « pétard mouillé », « la cuvée 2006 », « le goût de bouchon », « pas dit son dernier mot », « de derrière les fagots », « la grenade dégoupillée », « le Landerneau des lettres », « l'effet d'une bombe dans le microcosme germanopratin », « enfonce le clou », « allumé la mèche », « pousse des cris d'orfraie », « les langues se délient », « à qui au juste profite le crime », « son cheval de bataille », « un vent de glasnost souffle donc sur la république bananière des lettres », « depuis que le monde est monde », « tirent depuis toujours les ficelles de cette mascarade », « se partagent les miettes du gâteau », « petits meurtres entre amis », « sont légion », « telle la liberté guidant le peuple », « duels à fleurets mouchetés », « des tambouilles en cuisine », « les bons comptes font les bons amis », « n'y allait pas par quatre chemins », « attirent le chaland comme le Label rouge sur les poulets fermiers », « pour le meilleur et pour le pire », « fait une entrée fracassante parmi l'élite », « mammouth qui écrase les prix », « ce pavé qui sonne le retour », « brille au firmament des lettres », « en quête d'un second souffle », « jeune premier de Saint-Germain-des-Prés », « plongée au cœur de l'enfer des hommes », « le sauveur de la république des lettres française » (sic), « prédisait [...] le sort funeste », « serrer les mains de ses ennemis d'hier devenus en quelques heures ses amis de toujours », « presque à l'unanimité » [en fait, 7 contre 3], « entrée fracassante dans les hit-parades » [mot composé employé trois fois], « histoire d'une success-story », « moment de grâce », « les lecteurs ont finalement le dernier mot ».
Ouf ! C'est la liste exhaustive des clichés et expressions toutes faites employées par Eli Flory dans le dossier sur la rentrée littéraire, aux pages 4-11 du numéro 1 du Magazine des Livres (une seule de ces expressions est en page 5, emplie à 80 % de citations de Stendhal, du Parisien, de Christine Ferrand, deux fois, du blog de Livres Hebdo, on cite également un sondage du site de Livres Hebdo, source dont chacun sait ici la fiabilité...). Avec la moitié, l'article serait au niveau de vulgarisation des revues scientifiques (dans lesquelles métaphores et stéréotypes ont souvent une fonction explicative), mais avec cette quantité, je crois qu'est atteint un certain niveau de vulgarité.
Eh bien, chère Elie, je préférais de loin quand vous écriviez vos billets spirituels Du coq à l'âne. Alors, je sais bien qu'il faut manger, mais de grâce, essayez d'écrire avec vos mots à vous et cessez de délayer. Si ça ne fait que trois pages, ne tirez pas à cinq. Et surtout, ne croyez pas que ça amuse qui que ce soit, c'est là l'erreur, je crois.
Certes, je ne suis pas du tout d'accord avec votre valorisation de Littell articulée sur une dévalorisation d'Angot (ce sont les deux seuls auteurs dont la présence se trouve commentée, on n'a donc pas d'autre choix que de les articuler), mais cela n'aurait aucune importance si vous écriviez personnellement. À moins que votre écriture n'ait toujours été qu'un centon de poncifs. Non, je n'ose m'y résoudre...

Qui n'a rien à voir (heureusement).
Excellent Ce soir ou Jamais que celui du 28 novembre, découvert ce soir. Fabrice Luchini promouvant La Fontaine en ouverture, extravagant, cabotin, fou, mais grandiose et touchant juste. Puis intéressant débat sur divers sujets d'actualité, dont de très sensés propos d'Éric Rochant sur le dangereux usage politique des religions. Et l'affirmation duchampesque qu'un urinoir n'est jamais qu'un urinoir.

Commentaires

1. Le lundi 4 décembre 2006 à 11:43, par Philippe De Jonckheere :

Tu sais P, tu as l'air de penser que c'était une phrase en l'air de sa part, et que je me suis emporté, la façon dont je vois les choses c'est tout le contraire, elle s'est énervée parce qu'elle se sent menacée et je suis resté en fait très calme (pour moi continuer de vouvoyer quelqu'un et ne pas utiliser des gros mots et ne pas crier, c'est rester calme).
Les éditeurs de ce pays ne font pas leur travail, ils exercent le peu de pouvoir qu'il leur reste. Cette situation assez mauvaise de fin de règne dans laquelle ils se trouvent n'est pas une fatalité, mais la marque de leur manque d'entrain à remettre leurs bases en question.
Je n'irai pas à leur enterrement.
Encore aujourd'hui je reçois cela par la poste: Cher Philippe De Jonckheere,
Nous avons bien reçu Portsmouth et vous remercions de votre confiance.
Sans nous laisser indifférents, votre livre n'a pas suscité ce « plus »
d'enthousiasme qui l'imposerait au sein de notre catalogue. Le récit ne nous a pas
complètement convaincus - peut-être parce que son écriture, certes admirablement
maîtrisée, nous a paru un peu trop « fabriquée »? - en dépit d'incontestables
qualités littéraires, soulignées par un lecteur et que nous vous transmettons ici :
« ...Et le texte a une dimension tragique remarquable. Dans la façon de tisser les
parcours de chacun, la détresse et la solitude de chacun, cette détresse qui pousse
les corps à se heurter les uns contre les autres, les peaux à se frotter les unes aux
autres sans espoir de rencontre, de consolation. [...] L'auteur est un bricoleur de
génie qui recycle infiniment le quotidien et la réalité. Il ne cherche pas à inventer
une histoire, au contraire, on pourrait presque dire qu'il cherche à l'éviter. Il
dénoue au lieu de nouer. »
Nous vous souhaitons de rencontrer un éditeur plus à même de soutenir et de défendre
votre projet.

Ce sont les éditeurs qui sont insultants, pas moi.
Amicalement
Philippe De Jonckheere

2. Le lundi 4 décembre 2006 à 13:52, par Berlol :

Non, non, je sais que tu es resté calme et cela donne d'autant plus de poids à tes paroles. Pour les propos de l'éditrice, ils n'étaient pas involontaires comme "en l'air", par hasard, mais parce qu'elle ne savait pas qui elle avait en face d'elle, et surtout parce qu'elle est plus parlée, ventriloquée par son métier qu'elle ne s'exprime elle-même, hélas (je crois qu'elle était plus elle-même à la fin qu'au début). Les éditeurs sont tellement dans la merde ! (Et je n'irai pas non plus à leur enterrement, je l'ai déjà dit.) Depuis dix ans, le monde a tellement changé, et ils n'ont presque rien fait. Nombreux sont ceux qui leur ont dit de prendre les commandes de ce changement dans leur secteur, mais ils ont préféré "assurer" avec leurs anciennes méthodes, au lieu de prendre des risques et d'innover. Aujourd'hui, petit à petit, d'autres prennent la place qu'ils auraient dû s'inventer, et ces nouveaux vont ravager un métier qu'ils ne connaissent pas et dont ils ne respecteront aucune tradition...
Et tu veux quand même être publié ?

3. Le lundi 4 décembre 2006 à 14:21, par brigetoun :

merci ! Lucchini m'exaspère, moins que d'Ormesson mais quand même, mais là il est formidable, dans son amour et sa façon de dire La Fontaine et dans sa façon d'anihiler Arrabal que pourtant j'aime assez en principe

4. Le mardi 5 décembre 2006 à 13:40, par jcb :

Merci d'avoir mis en ligne le débat, qui, après l'avoir écouté est très intéressant. Il est long, mais j'en aurais bien encore écouté plus. Franchement, il est vrai qu'à un moment on peut croire qu'il n'y en avait que contre Ph d J, et qu'il représentait tous les bloggeurs du monde. Il ne représentait là que son travail et s'en est d'ailleurs bien tiré (que l'on soit d'accord ou pas avec, mais comme face à tout artiste qui fait sa proposition, on est libre d'aimer ou pas , moi elle m'intéresse depuis deux ans ), mais ce qui était dommage c'est qu'on quittait alors le sujet du débat, ne restant que sur un cas particulier sur lequel quelques-uns semblaient vouloir tout amalgamer. Comme s'il devait supporter le poids de tous les péchés du monde ! Non, vraiment ils ne savaient pas qui ils avaient en face d'eux ! J'encaisse à mon compte tous vos reproches, ce n'est pas le genre de la maison !
Je terminerai comme Berlol : pourquoi tenir, dans ces conditions, à vouloir absolument être publié chez ces gens-là et tenir compte de leur lettre de refus ?
Si P d J met son livre en ligne, moi je veux bien l'acheter et même l'offrir à tous mes amis pour Noël. J'en réserve dix exemplaires, lecteurs de Berlol témoins.



Mardi 5 décembre 2006. Quelque chose après la sonnerie.

Retour à la base par train avec grosse valise retournant à son placard. Il fait beau. J'arrive à choper un bout de Fuji par dessus l'épaule de ma voisine pendant que je finis de corriger des copies. Gros tas de courrier à l'appartement et au bureau. Quelques dramaticules, paraît-il, dans une ou deux réunions pendant mon absence mais rien de grave (en tout cas, j'espère). Arrivée de mon fauteuil de bureau, un Okamura Baron très design et surtout très ergonomique (si c'est différent) : de quoi travailler sans se tordre le dos.
Mes étudiantes de première année semblent contentes de me revoir. Ça fait plaisir. Comme on approche de la fin de l'année et que j'ai répété cent fois qu'on peut me poser des questions, le pli commence à se marquer et l'on voit ce que l'on ne voyait jamais il y a cinq ou dix ans, des étudiantes qui lèvent la main pendant le cours ou qui viennent demander quelque chose après la sonnerie. Et au moins la moitié du groupe qui prononce bien le « r »...

Fin d'après-midi, je commence à préparer l'entretien avec Jean-Philippe Toussaint, jeudi 14. Je potasse La Mélancolie de Zidane. La panenka. Le but de Hurst en 1966 (qui n'y était pas, finalement, selon une étude de scientifiques d'Oxford). Les légendes que ça fait. Le ciel de Berlin qui renvoie direct à La Télévision.

Encore du très bon Ce soir ou Jamais hier soir ! Avec Philippe Starck en ouverture. Puis un débat d'architectes sur les tours d'habitation. Puis un débat sur la musique techno, marrant.

Philippe Starck : « [...] Moi je suis anti-Bush, profondément anti-Bush. J'ai une tendresse et une pitié pour le peuple américain qui a un problème de dépression nerveuse globale. C'est un pays qui a une dépression nerveuse. C'est un pays qui est en train d'imploser. Donc, il faut plutôt s'occuper d'eux, il faut les materner. Parce qu'ils sont quand même pas tous nuls. Évidemment, c'est des gens qui ont été tous d'accord à 74 % pour aller voler le pétrole de quelqu'un. Après, quand l'affaire a été moins rentable, ils ont été moins d'accord. Après, la première élection, ils se sont fait avoir. Évidemment, il y a eu une fausse élection, il y a eu tricherie. Mais l'erreur n'est jamais la première fois, l'erreur est toujours la deuxième fois. Ils ont réélu le même sachant qui il était. Alors là...
Frédéric Taddeï : — Vous avez parlé vous-même de l'avènement d'un totalitarisme mondial, vous n'y êtes pas allé avec le dos de la cuiller... Vous avez dit : c'est carrément un jour de deuil pour nous et nos enfants, on a perdu notre liberté...
P. S. : — Oui, il y a des gens qui, pour des raisons d'enrichissement personnel, c'est ça qu'il faut comprendre avant tout. Parce que nous, Européens, romantiques, avec une sorte d'éthique, malgré tout, on va penser que des gens veulent prendre le pouvoir pour des idéologies, pour le pouvoir, même, comme ce qui nous arrive aujourd'hui en France. Eh bien là non, c'est même pas ça, c'est simplement pour l'argent, l'argent rapide, sans aucune vision, sans aucune intelligence, simplement avec un extraordinaire professionnalisme. On peut pas le comprendre, nous, et pourtant c'est ça. On a vu le plus grand hold-up de toute l'humanité. Et le problème, c'est qu'à l'Ouest, il y a ce grand hold-up, à l'Est, se fait le même...
[Après le Soir 3] [...]
P. S. : — Moi, ce que je ne peux pas supporter, c'est les gens qui vont préméditer de réduire l'audience d'un produit en disant "Oh, je vais parler simplement à 1000 beautiful people dans le monde, et je demande plus cher, etc." Je trouve ça d'une vulgarité !... [...] Moi, je travaille en général aux deux bouts de la chose, c'est-à-dire que je dessine des biberons à 2 dollars pour une pauvre maman dans la banlieue d'Atlanta, qui lui ajoutera plus de fonctions, plus d'élégance. Et à l'autre extrême, je construis en ce moment un méga-yacht de 200 millions de dollars. Mais en fait, les deux se complètent parce que j'ai une petite stratégie de Robin des Bois. C'est-à-dire que je vole les riches pour le donner aux pauvres, c'est-à-dire que je me sers des riches comme laboratoire de recherches avancées... Et quand je vois une idée, une intuition, une technologie, quelque chose que je peux après ramener et redistribuer, c'est ce que je fais.
P. S. : — [...] Le beau, je m'en méfie parce que c'est une tarte à la crème. C'est la vaseline du commerce. Le beau, c'est dans le genre culturel, ça appelle au goût, au j'aime et au j'aime pas, au j'aime et au je n'aime plus, au ça me plaît et ça ne me plaît plus, donc à la mode et la démode. Et la mode et la démode, c'est la consommation et la surconsommation. Autrement dit, des choses qui sont totalement obsolètes, dangereuses, méprisantes. Le bon, c'est des objets... c'est, à mon avis, ce qu'on pourrait appeler, en termes cyniques, le marché du futur, j'espère, en tout cas. C'est-à-dire des objets qui n'auraient pas que des fonctions élargies, mais des fonctions simplement de rendre des services et surtout de laisser les gens s'exprimer. Parce qu'il y a quelque chose de clair : plus il y a de matière, moins il y a d'humain...»
[Etc.]
F. T. : — Par exemple, la France, vous n'avez jamais eu envie de redessiner les frontières ? [...]
P. S. : — Euh... Je ne suis pas pour les frontières. Je pense que la géographie a quasiment disparu. Je pense qu'aujourd'hui le monde est fait de tribus, de tribus sentimentales, pour ne pas dire de tribus culturelles. Et en fait, chaque ex-pays est fait d'une addition des mêmes tribus. Autrement dit, aujourd'hui, dans notre société assez schizophrénique, on ne se parle plus d'un pays à l'autre, on se parle d'une tribu à l'autre, et autrement dit la jeune fille qui est là peut être de la tribu B, moi de la tribu A, la jeune fille là de la tribu C, on n'a rien à se dire, et pourtant il y a cinquante centimètres et un mètre là, tandis que j'aurai plus de proximité avec la tribu A qui à Tokyo ou à Sydney. Donc, ça ne veut plus rien dire, c'est plus là que ça se passe.»

Des choses qui mériteraient discussion, mais avec l'esprit desquelles je suis tout à fait d'accord. Pour cette dernière idée, c'est étonnant, j'y pensais ce matin avec l'idée enthousiaste de parler de la constellation à laquelle je me sens appartenir. Celle de ceux et celles qui font le quotidien de mes visites de blogs et dont je fais partie du quotidien ou de l'hebdomadaire, je crois, sans que nous ayons à aligner ou systématiser quoi que ce soit, que je rencontre(rai) à l'occasion et qui me sont plus proches dans ma solitude essentielle et indiscutable que les voisins de pallier, de famille ou de parcours scolaire, à de rares exceptions près.
Donc pas tribu, pour moi, mot qui m'indispose, trop grégaire quand même, mais constellation, car dess(e)in commun dans le ciel réticulaire et relation pensée dans une tension, mais sans enlever les distances géographiques, car pour moi, la géographie — la géographie urbaine comme la géographie mondiale — continue d'exister, doit exister pour la respiration personnelle et le maintien des différences individuelles.

Commentaires

1. Le mardi 5 décembre 2006 à 09:04, par christine :

constellation... j'aime bien aussi, c'est beaucoup mieux que tribu, et on peut filer la métaphore : des trous noirs (les disparus), des super nova (les célèbres), des étoiles filantes, etc. etc.

2. Le mardi 5 décembre 2006 à 12:26, par caroline :

1°) le Fuji ? : Je vois le Ventoux. Quand on est indécrottable comme moi, on voyage avec ce qu'on a. Au printemps quand les cerisiers sont en fleurs dans la pleine et que le Ventoux est encore couvert de neige: je me dis que je suis au Japon. Idem quand je me baigne un peu tardivement dans la saison et que la piscine est couverte de brume. Je me dis qu'après, quand la brume se lèvera, le Jufi (pardon le Ventoux) sera là.
2°) Starck, j'adhère à 90% à ce qu'il dit. Pour les tribus, je parlerait plutôt de culture commune, langue commune (la religion n'étant pas un lien comme on peut le voir aujourd'hui et contrairement à son étymologie) comme les défend Ben Vautier. Sa théorie sur la régionalisation pourrait même résoudre les problèmes des pays arabes, enfin, avant que l'occident et l'islam s'en mêlent. Khalil Gibran exprimait un peu la même chose lorqu'il parlait de son pays, le Liban et de ça au XIX siècle. Il avait tout compris.
Il faudrait dire aussi à Starck, qu'il n'y a pas que les américains qui ne sont pas en forme. Même si on n'est pas en Irak (ce que regrettent nos intellectuels et on a les intellectuels qu'on peut), la France est au plus bas. Le moral dans les chaussettes. Ca donne une envie de partir ! l'Espagne ? Pourquoi pas? J'aurais du mal à changer de continent et à m'éloigner trop de mon Fuji Yama provençal.

3. Le mardi 5 décembre 2006 à 16:56, par Berlol :

Il est bon que chacun ait son Fuji Yama.

4. Le mardi 5 décembre 2006 à 17:06, par christine :

très vieux sage zen ce commentaire
mais le ventoux est une très belle montagne aussi, caroline : quand j'étais petite j'allais passer tous les mois de juillet à Malaucène juste à son pied et maintenant quand je descends au bord de la méditerranée en tgv je lève toujours le nez de mon livre pour le contempler au passage

5. Le mardi 5 décembre 2006 à 20:48, par Berlol :

Et un alexandrin, en plus...

6. Le mardi 5 décembre 2006 à 20:59, par vinteix :

La constellation, oui, très beau mot... qui me fait penser à W.Benjamin ou à Kostas Axelos qui l'emploie souvent, notamment dans "Réponses énigmatiques"...
Sinon, Starck est intéressant en effet, quand il parle... il y aurait beaucoup à dire sur les propos cités plus haut... mais moi aussi, je crois (encore) en la géographie, de manière tellurique : ce n'est pas rien (et ça conditionne ou influe sur beaucoup de choses) d'avoir ou de voir de sa fenêtre le mont Fuji ou le mont Ventoux ou la mer, etc., etc.... Les Chinois avaient compris cela depuis bien longtemps...



Mercredi 6 décembre 2006. Cet exquis effet retard.

Après quelques bonnes heures de cours et de travail au bureau, après une sortie en voiture avec David pour passer à la mairie de Showa-ku m'entendre dire que le renouvellement de ma carte d'étranger peut attendre janvier, puis être allé au supermarché Matsuzakaya de Motoyama pour acheter cinq bouteilles de vin pour demain, je me prends un moment de repos avec Ce soir ou Jamais (tentative d'écluser mon retard).
Paulette Dubost, 96 ans, doyenne du cinéma français, dans l'émission du 29 novembre :

Frédéric Taddeï : « Il paraît que vous vous êtes retrouvée à table, que vous avez dîné avec Adolf Hitler, avant qu'il soit chancelier.
Paulette Dubost : — Oui.
F.T. : — Il était assis à côté de vous ?
P.D. : — Oui. Pendant le déjeuner, il me prenait la cuisse, comme ça...
F.T. : — C'est pas vrai !
P.D. : — Ah oui.
F.T. : — Adolf Hitler !
Julie Depardieu : — Mais c'était où ?
P.D. : — À Berlin. J'ai beaucoup tourné de films à Berlin. Pendant des années j'ai tourné des films à Berlin. Et c'était très bien payé. Mieux qu'en France...
F.T. : — C'était en 1932. Il était donc pas encore chancelier. Ça n'était pas la guerre. Hitler est assis à côté de vous et il vous caresse la cuisse... Mais il vous parlait dans quelle langue ?
P.D. : — En français.
F.T. : — Il parlait français ?
P.D. : — Très bien !
Alexandre Moix : — C'est un scoop !
F.T. : — Et il vous parlait de quoi ?
P.D. : — Bah, il m'a parlé d'amour. Il ne parlait pas du tout de cinéma. Il me demandait si j'avais eu beaucoup d'amoureux dans ma vie, et si ça me plaisait, si j'aimais l'amour.
J.D. : — Vous étiez très très très jeune. Peut-être que vous lui plaisiez à fond. Vous n'avez rien fait, j'espère...
A.M. : — Ce qui me fascine, chez Paulette Dubost, c'est de se dire qu'elle avait neuf ans quand Marcel Proust a eu le Prix Goncourt pour À l'Ombre des jeunes filles en fleur. Ça, c'est fascinant...
F.T. : — Je reste fixé sur ce déjeuner avec Adolf Hitler. Il mangeait quoi ?
P.D. : — Il n'a rien mangé. Il n'a rien bu. Il se méfiait sûrement déjà.
F.T. : — Après, il est devenu chancelier, il y a eu la Seconde Guerre Mondiale, toutes les atrocités, des millions de morts. Rétrospectivement, vous ne vous dites pas : je l'avais là, devant moi ?
P.D. : — Bah, un peu, si. Bah, ah oui, ah oui, ah oui oui oui. Ça fait quelque chose, quand même. Ça remue, hein. M'enfin, qu'est-ce que vous voulez, c'était comme ça.
F.T. : — Vous pouviez pas savoir.
P.D. : — Bah, oui, bien sûr. M'enfin, si j'avais su, à l'époque, j'aurais pu le tuer. Avec une petite...
J.D. : — Une fourchette...
P.D. : — Peut-être pas une fourchette, mais un petit poison. Lui mettre dans son verre, sans qu'il s'en aperçoive. Mais ça n'aurait changé rien ! Ça n'aurait changé absolument rien, parce que tous les gens qui étaient autour de lui auraient continué à faire ce qu'il avait commencé. Même lui disparu, ça ne changeait absolument rien. Ça aurait été exactement la même chose.»

Oui, sauf que s'il n'a rien bu... même le poison n'aurait rien changé. Épatante quand même, Paulette !

Au dîner (carotte rapées, steack haché œuf à cheval), l'émission du 30 — qui passait donc en direct après le dîner au Père Fouettard, que j'aurais pu voir en attendant que T. revienne de l'avenue Théophile-Gautier, ce dont l'idée ne m'avait même pas effleuré l'esprit. Un débat sur l'autofiction que je recommande aux littéraires (suivi d'un long entretien avec Dieudonné, qui peut enfin ici essayer de s'expliquer) et dont j'extrais cet exquis effet retard littéraire et cinématographique :

Pascal Bonitzer : « Une petite crise d'autofiction... Bon, y'a eu une polémique qui était très publique entre Arnaud Desplechin et Marianne Denicourt, son actrice et ex-compagne. Et j'ai eu envie, disons, de me servir très anecdotiquement de ça pour amorcer un petit peu l'élément de la fiction...
Frédéric Taddeï : — Juste pour résumer. Elle l'a accusé, Marianne Denicourt, Arnaud Desplechin, de s'être servi d'elle, de l'avoir...
P.B. : — De s'être servi surtout des éléments les plus douloureux de sa vie pour [faire le film Rois et reine et aussi pour] les retourner contre elle d'une certaine façon parce que le personnage que joue Emmanuelle Devos dans Rois et Reine a des côtés tout de même un petit peu inquiétants. Voilà, elle l'a mal pris, etc.
F.T. : — Et elle fait un livre dans lequel...
P.B. : — Elle-même fait un portrait, assez savoureux, d'ailleurs, d'Arnaud Desplechin.
F.T. : — Qu'elle appelait Arnaud Duplancher...
P.B. : — Arnold...
F.T. : — Arnold, pardon, effectivement. Évidemment, ça semble dénoncer l'autofiction...
P.B. : — Comme je sais que ça a été publié, je peux le dire aussi. Au début de l'écriture de ce scénario, donc qui partait de ces prémices-là mais que j'avais décidé de transposer dans le monde de la littérature, j'ai fait appel à un écrivain, une écrivaine de mes amies pour travailler avec moi...
F.T. : — Christine Angot, hein...
P.B. : — Christine Angot, pour ne pas la nommer. Ce qui s'est passé, c'est que je me suis aperçu au bout d'un moment que c'était en fait moi qui travaillais pour elle et donc je me suis un petit peu retrouvé dans un de ses livres.
F.T. : — Alors en effet, elle vous a pour ainsi dire brûlé la politesse puisque dans son livre vous êtes là, y'a même des passages de votre film qu'on entend dans ce livre, elle raconte votre histoire d'amour avec une comédienne, votre histoire d'amour à vous, vous êtes un personnage d'autofiction...
P.B. : — C'est pas une comédienne, c'est une cinéaste qui effectivement était ma compagne à l'époque.
F.T. : — Vous vous êtes retrouvé donc en personnage d'un roman d'autofiction...
P.B. : — Bah, sauf que justement, ça, c'était pas tout à fait de l'autofiction parce que je crois qu'elle essayait d'en sortir, en l'occurrence avec ce livre qui était écrit précisément justement à la troisième personne et pas à la première. Bon, je suis mal placé pour juger du livre en question, en jugeant justement si elle est arrivée à en sortir. Elle a fait plutôt une sorte de mixte. Elle a fait plutôt comme font les romanciers, c'est-à-dire qu'elle s'est servie de plusieurs modèles, disons, en l'occurrence elle est pas allée les chercher très loin puisqu'il y avait moi et ma compagne, effectivement, et puis il y avait elle-même et son compagnon à l'époque.
F.T. : — Comme quoi, un film comme le vôtre, il y a plein de clés que la plupart des gens qui l'ont vu hier, par exemple, peut-être ignorent.
P.B. : — Ça n'a aucune importance. On n'est pas du tout obligé de savoir ça. C'est ce par quoi l'autofiction est quelque chose que j'aime pas trop c'est qu'elle suppose, elle implique, elle connote du déballage.»

Paraît que la chaîne d'information internationale France 24 démarre ce soir. J'essaierai demain...

Commentaires

1. Le mercredi 6 décembre 2006 à 19:33, par Manu :

Et oui, la gaikokujintorokushou, après l'anniversaire, pas avant !
Je viens de cliquer sur France 24, ouah, l'image est grande et nette, ça change d'iTélé et consorts.



Jeudi 7 décembre 2006. La boue d'une tranchée de neurones.

Faut que je m'y (re)fasse, c'est une condition matérielle de base, mais n'être pas à Paris empêche d'assister à toutes sortes de choses... Florence, par exemple, était où je n'étais pas : chez Tschann, le 3, pour écouter Henri Meschonnic. Apparemment, c'était un bien bon moment autour de la Dame d'Auxerre.

Il en était question dans le 20-heures de France 2, ça s'appelle le yoga bikram, je n'aurais pas pu l'inventer. Comment j'avais dit, l'autre fois, quand T. y était allée ?...

Ça c'était dans le 20-heures de France 2, au petit déjeuner, comme d'habitude. Puis, mon cerveau s'étant un peu désembrumé, je me suis souvenu de France 24 et j'ai essayé l'adresse.
Miiiiraaaaaaaacle !!!!!!! Enfin, une chaîne francophone, directe, gratuite et permanente. J'ai laissé tourner plusieurs heures au bureau et le flux ne provoque pas d'erreur réseau, ni de bloquage quelconque. J'ai juste remarqué, par instants, un problème de son, dans les intermèdes quasi silencieux, où une rémanence faible d'anglais et d'arabe se fait entendre...
Ceci dit, comme on disait plus tard avec David, au Japon, il n'y a quasiment rien de réticulaire chez les médias audio-visuels, juste quelque petits bouts de programmes de rien du tout en ligne, aucun envergure. Pourquoi ? Parce qu'il y a déjà saturation de formules payantes... Cela veut-il dire qu'une majorité de Japonais aiment mieux payer pour de la merde que d'avoir de la qualité gratuite ? Y'a d'ça, je crois... Ou bien je fais erreur.

Deuxième grand événement de la journée : la visite pour conférence chez nous du ministre-conseiller de l'Ambassade de France au Japon, Christophe Penot. Dans un amphi plein à craquer (plus de 300 étudiants et enseignants), il parle une heure durant de l'Europe, de la formation d'icelle à ses problèmes actuels et aux perspectives qui s'offrent à l'Union.
S'ensuit une demi-heure de questions, auxquelles il répond précisément. Puis un déplacement vers une salle protocolaire pour une réception à vingt-cinq, avec notre président, d'où cette mémorable photo (finalement, c'en est une autre...).

Je me déçois. Je croyais que je savais faire ça. Et j'ai découvert, après m'être tordu l'esprit pendant un bon quart d'heure, que je n'y arrivais pas, que mon esprit, dont j'étais si fier (oui, je sais, je ne devrais pas), ne venait pas à bout normalement de cette opération mentale. J'ai bien eu une petite intuition, que j'ai essayé de pousser sur un coin de bloc-note, mais le résultat ne m'apporte aucune lumière d'évidence ou de vérité et je reste perplexe.
J'aimerais bien que quelqu'un me mette sur le chemin de pensée, dans la veine de raisonnement qui mène avec clarté à la solution.
Voici de quoi il s'agit : « Lors d'une horrible guerre moyenâgeuse, 85 % des combattants perdirent une oreille, 80 % un œil, 75 % un bras et 70 % une jambe. Combien au minimum de combattants ont perdu à la fois oreille, oeil, bras et jambe ? » (c'est une énigme trouvée sur ce site, où je puise parfois des petits problèmes pour mes étudiants).
Mon intuition ? Allez !, je me lance, c'est une première (au risque de révéler au monde entier ma crasse bêtise arithmétique) : pour minimiser les taux, je considère que les 30% qui n'ont pas perdu de jambe ont perdu un bras, de sorte que seulement 45% ont perdu à la fois un bras et une jambe. Il y aurait alors 55% à ne pas avoir perdu bras et jambe, parmi lesquels seraient au maximum ceux qui auraient perdu un œil, ce qui ferait qu'il y aurait 25% à avoir perdu bras, jambe et œil. Par conséquent, 75% n'auraient pas perdu en même temps les trois, qui se retrouveraient en majorité parmi ceux qui ont perdu une oreille, de sorte qu'il ne resterait que 10%, au minimum, à avoir perdu les 4.
Maintenant que je l'ai écrit (ouf !), ça a l'air de tenir. Mais au fond je n'en sais rien... Je patauge dans la boue d'une tranchée de neurones et je n'ai pas l'impression que le ciel se dégage (d'ailleurs, il pleuviote, ce soir) — et puis, c'est con, la guerre, aussi.

Je refroidis la boîte crânienne en cliquant mollement une petite centaine de fois sur le vote Ce soir ou Jamais du nouveau sondage de (ces sourds et aveugles de) Livres Hebdo (qui n'ont toujours rien compris à l'internet)*, puis je finis la soirée avec l'émission de mardi soir : les enfants des révolutionnaires, ça m'intéresse (notamment avec Christophe Bourseiller qui n'est finalement pas venu au Colloque des Invalides, même que quelqu'un en a fait la remarque comme quoi qu'il n'aurait pas prévenu et que c'est pas poli mais qui, ce soir, est là et parle bien, comme souvent). En revanche, les débats d'actualités avec une brochette de gens qui parlent tous en même temps, notamment Alain Finkielkraut, Gisèle Halimi, Jean-Jacques Beineix, etc. Ça, c'est pas tellement recommandable, c'est juste bon si on n'a rien à faire — ce qui n'est quand même pas mon cas.

* D'ailleurs, depuis le 22 novembre, on n'a toujours pas vu venir la liste des 333 romans qui n'ont fait l'objet d'aucune critique et que chez Livres Hebdo on prétendait avoir établie, à moins que ce ne soit pas vrai.

Commentaires

1. Le jeudi 7 décembre 2006 à 15:17, par jenbamin :

Bon, commençons par le début : la guerre, c'est moche. Vraiment. Et dans ces conditions, faut s'entraider. Moi, j'ai été (un peu) mathématicien. Mais c'était il y a longtemps. Depuis, je suis (un peu plus) musicologue, alors pas envie de poser des équations, d'autant plus qu'en temps de guerre, pas le temps de jouer les esthètes, faut aller vite, faut s'entraider. Tout le monde doit s'y mettre, les gars, et si vous voulez qu'on minimise le nombre de ceux qui auront perdu tout à la fois bras, œil, jambe et oreille, pas question qu'il y en ait un seul qui n'y perde rien, d'autant plus que c'est que des machins qu'on a en double : deux bras, deux œils, deux jambes et deux noreilles chacun, alors commencez pas à râler. C'est ma-thé-ma-tique ! Mais, eh, oh, c'est pas tout, parce que la guerre c'est vraiment dégueulasse, alors soyez pas mesquins : quitte à revenir éclopés, z'allez pas n'y perdre qu'un seul truc, sinon c'est les petits copains qui vont morfler pour vous. Pas à discuter : plus vous perdez de bidules, et moins il y en aura qui en perdront plus. C'est ma-thé-ma-tique, j'vous dis ! Allez, allez, pas juste un schmilblick, ni même deux, au point où vous en êtes : plus vous serez nombreux à perdre trois choses, et moins y en a qui perdront tout. Ma-thé-ma-tique, pas de ma faute, quand même ! Donc, on blinde les catégories : 25% perdent œil-jambe-oreille, 30% perdent œil-bras-oreille, 20% perdent bras-jambe-oreille, et comme ça sur les inévitables 25% qui perdent œil-bras-jambe, on peut laisser deux oreilles (et la queue ?) à 15%. Et désolé pour les 10% qui restent...
Moralité : si vous aviez écouté Berlol dès le début, eh ben... eh ben... eh ben, pareil, quoi !

2. Le jeudi 7 décembre 2006 à 15:35, par jenbamin :

La même, en équations : pour les sceptiques, et au cas où l'un de mes élèves en maths (il m'en reste, plein !) vienne à lire ça, que je ne perde pas toute crédibilité, enfin, toute trace de crédibilité, parce que déjà...
Pour la clarté de la démonstration, je ne m'occupe pas des oreilles, en tout cas pas tout de suite. Je pose :
a = ne perdent qu'un œil ;
b = ne perdent qu'un œil et un bras ;
c = perdent œil+bras+jambe ;
d = ne perdent qu'œil et jambe ;
e = ne perdent qu'une jambe ;
f = ne perdent qu'une jambe et un bras ;
g = ne perdent qu'un bras ;
h = ne perdent rien.
on a donc :
a+b+c+d = 80 zyeux ;
c+d+e+f = 70 jambes ;
b+c+f+g = 75 bras ;
a+b+c+d+e+f+g+h = 100 gus.
je somme les trois premières équations :
a+2b+3c+2d+e+2f+g = 225 ;
je retranche la quatrième :
b+2c+d+f-h = 125 ;
mais puisque h est positif ou nul, et que b+c+d+f reste inférieur ou égal à 100, il vient :
c supérieur ou égal à 25 ;
mais puisque Berlol, puis moi-même, avons montré que cette configuration était possible (version équations : a=e=g=h=0, b=30, d=25, f=20 et, donc, c=25), elle est clairement optimale.
Il ne reste plus qu'à couper 85 oreilles... CQFD ! (Fichtre, longtemps que je n'avais pas fait ça, moi !)

3. Le jeudi 7 décembre 2006 à 15:43, par Dom :

C'est de Lewis Carroll. Sa réponse, très lapidaire, est là :
etext.library.adelaide.ed...
J'ai tourné aussi assez longtemps sur le fait de ramener à 100 une valeur qui dépasse. Si on ajoute les blessés au bras et à la jambe, on obtient 145, soit 45 de trop par rapport à 100 (il s'agit de pourcentage, le total ne peut être que 100), qui est la valeur minimale de recouvrement, soit de soldats blessés deux fois (ça revient à dire que tous les soldats ont été au moins blessés une fois, ce qui minimise en effet le nombre nécesaire de blessés deux fois). Et ça s'enchaîne, en prenant à chaque fois le nombre minimal de blessés n fois obtenu à l'étape précédente :
70+75-100=45
45+80-100=25
25+85-100=10
On peut aussi imaginer des intervalles qu'on fait glisser les uns sur les autres pour garder une longueur égale à 100.

4. Le jeudi 7 décembre 2006 à 15:59, par Berlol :

'Tain ! J'avais bon, alors ! Mince !... Merci à vous deux ! Et content de trouver Lewis Carroll là-dedans !

5. Le jeudi 7 décembre 2006 à 16:05, par jenbamin :

J'aime bien la solution de l'ami Lewis : compter le nombre de blessures...
70+75+80+85 = 310 oeils-bras-jambes-oreilles perdus pour 100 gus, et donc au moins 10 qui ne se contentent pas de trois pertes.
Simple, élégant, efficace.

6. Le jeudi 7 décembre 2006 à 16:45, par christine :

la démonstration de Lewis Carroll est en effet très élégante dans sa troublante simplicité algébrique (au point qu'on se dit à la première lecture que ça le fait pas et que ça doit être un gag) mais j'aime bien aussi votre première démonstration, jenbamin, qui a l'efficacité d'une fable
(là je distribue des bons points mais, mon bac scientifique étant déjà loin, et mes neurones pas très coopératifs ce soir, je faisais moins la fière il y a un moment et j'attendais lâchement que quelqu'un confirme ou infirme la solution de Berlol ...)

7. Le vendredi 8 décembre 2006 à 01:47, par brigetoun :

charmant Bourseiller mais son expérience avait été tout de même moins radicale que celle de la fille de Linhart (qui à part le lycée de sa fille n'a fait aucune concession genre fois gras ou climat intellectuel) - une belle passion contenue cette fille, et le charme de la fille Costa Gavras qui m'a donné envie de voir son film



Vendredi 8 décembre 2006. La Seine sur le siège à côté.

« Dans le contraste entre modelé et abstraction, il y a du perceptible et de l'imperceptible.» (Henri Meschonnic, Le Nom de notre ignorance, la Dame d'Auxerre, p. 45)

C'est sur cette phrase, ruminée, la dernière lue sous la couette hier soir, que je me suis endormi.

Ce matin, au sport où je retourne enfin, changement de siècle.

« Il y a une fierté de domestique à devoir avancer entravées, comme si c'était utile, agréable ou sexy. Une jouissance servile à l'idée de servir de marchepieds. On est embarrassées de nos puissances. toujours fliquées, par les hommes qui continuent de se mêler de nos affaires et d'indiquer ce qui est bon ou mal pour nous, mais surtout par les autres femmes, via la famille, les journaux féminins, et le discours courant.» (p. 20)
« Qu'on se promène en ville, qu'on regarde MTV, une émission de variété sur la première chaîne ou qu'on feuillette un magazine féminin, on est frappés par l'explosion du look chienne de l'extrême, par ailleurs très seyant, adopté par beaucoup de jeunes filles. C'est en fait une façon de s'excuser, de rassurer les hommes : « regarde comme je suis bonne, malgré mon autonomie, ma culture, mon intelligence, je ne vise encore qu'à te plaire » semblent clamer les gosses en string. J'ai les moyens de vivre autre chose, mais je décide de vivre l'aliénation via les stratégies de séduction les plus efficaces.» (p. 21-22)

Et c'est comme ça depuis le début, cette superbe écriture, cette justesse du propos. Oui, je sais ce que je dis. Déjà dans le bus qui nous ramenait de la Bibliothèque nationale vendredi dernier — une semaine déjà — quand j'ai lu les premières pages de Virginie Despentes, j'étais saisi. Ça bouchonnait pour arriver au pont d'Austerlitz et j'étais content de ce retard, T. regardant la Seine sur le siège à côté, qui me permettait d'entamer en beauté sa King Kong Théorie.
J'y reviendrai. je n'ai déjà plus le temps pour aujourd'hui.
Après le déjeuner avec David, chez Downey où j'étais content de retourner bien que le déjeuner n'y était pas terrible, aujourd'hui, je suis monté au bureau finir mon dossier administratif de voyage en France (petit rapport sur la journée d'étude, factures, texte de mon intervention) et le transmettre au service en charge. Puis partir et, dans le temps d'un shinkansen, une centaine de minutes, écrire la présentation et les questions qui serviront jeudi prochain à l'entretien avec Jean-Philippe Toussaint à l'Alliance française de Nagoya.



Samedi 9 décembre 2006. La mélancolie... Par la coquille fêlée du garnement.

Poil de carotte, avant-dernier cours à l'Institut franco-japonais.
Dans les trois chapitres intitulés « La Pièce d'argent », « Les Idées personnelles » et « La Tempête de feuilles », le cadet des Lepic découvre successivement l'effet boomerang du mensonge (il en avait déjà un peu tâté), qu'il n'est pas bon de vouloir communiquer ses idées personnelles, fussent-elles pleines d'esprit critique et bardées d'art oratoire, et enfin que le regard du solitaire peut soudain poétiser le monde d'automne — et s'inventer la mélancolie... Par la coquille fêlée du garnement pondu, pointent les signes avant-coureurs du Jules Renard...
S'il est vrai qu'il a composé les chapitres sans ordre préconçu, en faisant évoluer son projet au fur et à mesure, et s'il est également vrai qu'il a tenté diverses combinaisons pour définir l'ordre final des chapitres (ce qu'on pourrait appeler le montage), le lecteur attentif ne peut que constater à quel point l'ordre finalement choisi épouse l'évolution normale de la psychologie de l'enfant — de quand il n'a pas de parole qui puisse servir ou être crue à quand il expose en orateur son déni des liens du sang, ce dont on ne lui sait pas gré. D'où la recherche d'autres interlocuteurs et, pourquoi pas, de la feuille d'automne qui, du haut de l'arbre, lui « fait un signe » avant de se détacher — sans doute pour devenir feuille de papier.

Cinéma à l'Institut, après le déjeuner au Saint-Martin (des merguez-frites, ça réchauffe bien, alors qu'il fait humide et froid, un peu comme en Suède...) : Monika (Ingmar Bergman, 1952), ou l'histoire d'une libération sexuelle & sociale, et comme du féminisme involontaire chez une jeune fille qui veut seulement une autre vie que celle des ouvriers et des petits-bourgeois. Heureusement que je l'avais déjà vu parce qu'en suédois sous-titré japonais...
Le lien avec Virginie Despentes est vite fait, d'autant que juste après, à la médiathèque, je lis l'article de Patrick Kéchichian dans le dernier numéro de la Quinzaine littéraire, et que je n'ai pas l'impression de lire le même livre que lui. Sans doute parce que le propos de King Kong Théorie ne me vise ni ne m'atteint, attentif que j'ai toujours été à ne jamais entrer dans les jeux machistes et condescendants de la domination, de la protection ou de la possession. De plus, il concède en fin d'article qu'il s'agit bien d'un écrivain, lui reconnaissant des qualités d'écriture, alors que pour ma part c'est par là que je commencerais (et c'était bien le cas pas plus tard qu'hier).
Étonnante coïncidence, Classici Stranieri vient de proposer au téléchargement un ouvrage de 1883 de Clarisse Bader intitulé La Femme française dans les temps modernes, étude qui a l'air tout à fait sérieuse et documentée...
(D'autres ouvrages en français ont été récemment proposés, il faut se balader un peu dans le site, ou s'abonner au fil RSS.)

Revenu à la maison, je reprends les enregistrements de France Culture avec un retard dans le suivi des programmes qui frise les trois semaines... J'arrive notamment à récupérer le Promeneur retrouvé de Dominique Meens (Surpris par la nuit du 29 novembre) et Cette Fois de Samuel Beckett dans les (Perspectives contemporaines du 28 novembre).

Pendant que T. regarde The Libertine (Rochester, le dernier des libertins, L. Dunmore, 2004), dont je décroche rapidement parce que c'est maintenant de l'anglais châtié sous-titré japonais (non sans avoir reconnu la belle Kelly Reilly, la Wendy de L'Auberge espagnole et des Poupées russes), je parcours les constellations qui m'informent, en y trouvant peu de choses aussi importantes à signaler que l'actualité d'Antoine Volodine chez Remue.net, grâce à un nouveau volume des Écritures contemporaines, dirigé par Dominique Viart, chez Minard.
Volodine est, avec Échenoz, l'un des auteurs contemporains les plus étudiés, à raison. C'est, je crois, inversement proportionnel à son succès public...

Allez, pour la route, vous prendrez bien un petit Can !...

Commentaires

1. Le samedi 9 décembre 2006 à 12:25, par Dom :

Can !!

2. Le samedi 9 décembre 2006 à 12:28, par Dom :

Can. On tapait sur des cartons, on défonçait un vieil harmonium, avec un chum qui s'était fait la coiffure de Karoli, à Vigneux-sur-Seine. Et on se hurlait un peu de Neu pour bonne mesure. Et je les avais jamais vus, ou à peine. You tube ça tue.

3. Le samedi 9 décembre 2006 à 13:35, par Bikun :

J'ai regardé aussi et je suis resté scotché sur mon siège!

4. Le samedi 9 décembre 2006 à 17:51, par Grégory Haleux :

Berlol ! euh Patrick ! t'es complètement rock'n'roll ! la prochaine fois que je te croise à Paris dans un kollok mal famé, je t'emmène dans un endroit encore plus hardcore !

5. Le samedi 9 décembre 2006 à 21:25, par Manu :

Ça a l'air très bien Can !
Je me suis fait quelques autres clips au passage.

6. Le dimanche 10 décembre 2006 à 01:00, par brigetoun :

est ce parce que je suis trop vieille pour en avoir rêvé - je les trouve charmants et leur musique agréable, mais ma doué sans plus

7. Le dimanche 10 décembre 2006 à 02:04, par Berlol :

Oui, oui, oui ! Je vois que ça intéresse encore, Can, même des jeunes et des moins jeunes. Grégory, faudra que tu me dises à quel type d'endroit tu fais allusion... (Je connais peut-être...)



Dimanche 10 décembre 2006. L'animal est je ne sais où.

Je n'en ferai pas des tonnes, journée des droits de l'homme ou pas.*
On n'a pas obéi au réveil et le brunch a commencé vers 11h00. Voyant le ciel bleu, j'avais une furieuse envie de sortir, mais T., non ; elle craignait d'avoir attrapé quelque chose dans la semaine et préférait rester à la maison. Je suis allé à Hanamasa, supermarché de gros le long de l'avenue Sotobori, en passant par l'Institut. Là, j'ai vu que Jean-Philippe Toussaint avait donné une conférence vendredi soir — avec le voyage en France et les occupations au retour, je n'ai pas lu tous les courriels et j'ai dû zapper celui qui m'annonçait ça. C'est bien dommage. D'autant que l'animal est je ne sais où et qu'il faut que je le chope avant jeudi !

Virée en vélo, seul. Jusqu'à Shinjuku et autour. J'avais oublié combien il peut y avoir de monde dans ce quartier un dimanche à trois semaines de la fin de l'année : la frénésie des courses s'empare de pans entiers de la population. Être sur deux roues permet de s'immiscer dans ces mouvements de foule pour en sortir aussitôt et les voir à distance, mieux qu'en voiture et mieux qu'à pied. Dans ces cas-là, il ne faut pas se contenter des trottoirs, il faut aussi rouler à gauche des voitures, voire entre elles, voire à contre-courant. Le sentiment de liberté pousse rapidement à faire n'importe quoi et je me rappelle à l'ordre avant d'avoir, juste pour passer, des envies de meurtre.
Quelques photos de beaux nuages rose orangé quand le jour décline. Dans le quartier où il y avait autrefois des dizaines de boutiques de disques, il n'y en a plus que trois ou quatre, presque toutes fermées le dimanche. Or, c'était là que je pensais trouver des cédés et dévédés de concerts plus ou moins pirates de Led Zep, des Stones ou de Dylan, pour un ami qui m'en avait vaguement demandé... Faudra que je revienne ou que je trouve leur nouveau repaire.

Pendant que Le dernier Samouraï passe à la télé, film qui ne m'intéresse absolument pas (et témoignage s'il en faut de l'esthétisation / moralisation destinées à cacher l'hystérie masculine qu'a toujours été la guerre), je continue la lecture de Despentes, double allègrement le milieu en suivant la voie lumineuse de son récit-raisonnement.
Je vais y réfléchir dans les jours qui viennent mais je crois bien que je lui donne raison sur toute la ligne.

« Dans ces trois films [La dernière Maison sur la gauche, de Wes Craven, L'Ange de la vengeance, de Ferrara, I Spit on your Grave, de Meir Zarchi], on voit donc comment les hommes réagiraient, à la place des femmes, face au viol. Bain de sang, d'une impitoyable violence. Le message qu'ils nous font passer est clair : comment ça se fait que vous ne vous défendez pas plus brutalement ? Ce qui est étonnant, effectivement, c'est qu'on ne réagisse pas comme ça. Une entreprise politique ancestrale, implacable, apprend aux femmes à ne pas se défendre. Comme d'habitude, double contrainte : nous faire savoir qu'il n'y a rien de plus grave, et en même temps, qu'on ne doit ni se défendre, ni se venger. Souffrir, et ne rien pouvoir faire d'autre. C'est Damoclès entre les cuisses.» (Virginie Despentes, King Kong Théorie, p. 49)
« C'est étonnant qu'en 2006, alors que tant de monde se promène avec de minuscules ordinateurs cellulaires en poche, appareils photo, téléphones, répertoires, musique, il n'existe pas le moindre objet qu'on puisse se glisser dans la chatte quand on sort faire un tour dehors, et qui déchiquetterait la queue du premier connard qui s'y glisse. Peut-être que rendre le sexe féminin inaccessible par la force n'est pas souhaitable. Il faut que ça reste ouvert, et craintif, une femme. Sinon, qu'est-ce qui définirait la masculinité ? » (Ibid., p. 52)
« Et le viol sert d'abord de véhicule à cette constatation : le désir de l'homme est plus fort que lui, il est impuissant à le dominer. On entend encore souvent dire « grâce aux putes, il y a moins de viols », comme si les mâles ne pouvaient pas se retenir, qu'ils doivent se décharger quelque part. Croyance politique construite, et non l'évidence naturelle — pulsionnelle — qu'on veut nous faire croire. Si la testostérone faisait d'eux des animaux aux pulsions indomptables, ils tueraient aussi facilement qu'ils violent. C'est loin d'être le cas. Les discours sur la question du masculin sont émaillés de résidus d'obscurantismes. Le viol, l'acte condamné dont on ne doit pas parler, synthétise un ensemble de croyances fondamentales concernant la virilité.» (Ibid., p. 54-55)

* Pinochet a bien choisi son jour...

Commentaires

1. Le dimanche 10 décembre 2006 à 15:44, par brigetoun :

et je commence à avoir envie de la lire, si ce n'est que nous savons déjà ça.
Contente de trouver quelqu'un qui n'aime pas le Dernier samouraï

2. Le dimanche 10 décembre 2006 à 16:36, par olivier :

Bon, alors, voilà un certain temps que je voulais en parler ici, mais il n'y avait pas d'opportunité... Merci Berlol de la perche tendue en ce jour... En effet, puisque tu nous parles de sexe dans ce "post", pourquoi ne pas y parler d'amour aussi... Nous connaissons le "Global Warming Effect", mais que nous réserve le "Global Orgasm Effect" ??? Avez-vous, chers lecteur du "Berlol", entendu parler de "l'appel à contribution" lancé pour le 22 décembre prochain ??
Donna Sheehan et Paul Reffell "co-founded the anti-war organization Baring Witness : www.BaringWitness.org " et nous invitent à un orgasme géant le jour du solstice d'hiver !! D'après leurs informations, des scientifiques ont noté une modification "vibratoire" de la planète, au moment du raz-de-marée de 2003 en Thaïlande... Ils suggèrent donc, qu'en nous y mettant tous, nous pourrions peut-être modifier, dans un sens positif, les "vibrations" de notre belle planète... Pourquoi ne pas tenter notre chance sur ce coup ?? Et pour les sceptiques, dites-vous que, en attendant mieux, vous aurez pris "quelques grammes de tendresse dans ce monde de brutes"... Ne serait-ce pas déjà quelque chose ??
Pour ma part, je participerai à la manif' !!! Pour plus de renseignements : www.globalorgasm.org



Lundi 11 décembre 2006. Heureusement ne se périme pas.

Beau débat sur Camus (Albert) dans le Ce soir ou Jamais de mercredi dernier, que je ne vois que ce matin. Jean-Claude Brialy et Jean Daniel réaffirment l'importance d'un penseur qui a été malmené de son vivant, malgré son prix Nobel, récupéré diversement après sa mort puis mis au placard — mais qui semble devoir être relu maintenant, y compris en Algérie.
Dans un bref extrait d'actualités, on voit Camus dans une tribune de football. Si j'ai l'occasion, je replacerai ça jeudi soir...
Et moi-même, que pensé-je de Camus. Pas grand-chose. Si l'écriture de L'Étranger ne m'a pas laissé indifférent, cela ne m'a pas remué beaucoup. Et le reste, pour le peu que j'en ai lu, encore moins. Sauf La Chute, peut-être, parce que la tentative de se justifier était pitoyable. Réessayer, à l'occasion.

Très beau temps, cette lumière blanche et rasante, ces stratus effilochés, comme un tulle — encore plus déchiré que celui d'hier...
Déjeuner avec Manu à Kanda. Peu de monde au Champ de soleil, malgré l'agneau du menu (ou à cause, car on goûte assez peu l'agneau et le mouton, au Japon). Une heure de feu roulant mêlant les sujets personnels, informatiques, bloguesques. Si, de mon côté, j'ai oublié le petit cadeau que j'ai rapporté de France (qui heureusement ne se périme pas), Manu, lui, n'a pas oublié d'apporter la boîte de dévédés de la série 24 Heures (saison 2), avec des petits gâteaux secs préparés en famille hier — merci à vous quatre.
Rapide passage au Yodobashi d'Akihabara pour voir les prix des humidificateurs, le nôtre ne marchant plus qu'une fois sur dix (il faut dire qu'il a officié pendant près de 10 ans), puis retour à la maison pour reprendre des travaux à l'ordinateur, notamment (pas fait depuis juillet) l'insertion des commentaires du JLR au format blog dans les versions mensuelles en html non-interactif — Manu comprenait très bien quand je lui ai dit que je sauvais régulièrement les données du blog mais que rien ne me garantissait à 100 % qu'elles seraient effectivement réutilisables, restorables, comme disent les pros, et que donc la version texte n'est pas inutile.

Et pas grand-chose d'autre, sinon la lecture de Virginie Despentes. Aujourd'hui, chapitre sur la prostitution, aussi percutant que le précédent. je plains ceux qui, parmi les hommes, ne peuvent lire ces pages sans les lire de travers, pour leur faire dire autre chose que ce qu'elles disent pourtant avec clarté et simplicité (mais sans simplisme). C'est très certainement leur façon de se protéger... mais se protéger de quoi ?

« Comme le travail domestique, l'éducation des enfants, le service sexuel féminin doit être bénévole.» (Virgine Despentes, King Kong Théorie, p. 84)
« Cette image précise de la prostituée, qu'on aime tant exhiber, déchue de tous ses droits, privée de son autonomie, de son pouvoir de décision, a plusieurs fonctions. Notamment : montrer aux hommes qui ont envie d'aller se faire une pute jusqu'où ils devront descendre s'ils veulent le faire. Eux aussi sont ainsi ramenés dans le mariage, direction cellule familiale : tout le monde à la maison. C'est également une façon de leur rappeler que leur sexualité est forcément monstrueuse, fait des victimes, détruit des vies.» (Ibid., p. 86)
« La dichotomie mère-putain est tracée à la règle sur le corps des femmes, façon carte d'Afrique : ne tenant aucunement compte des réalités du terrain, mais uniquement des intérêts des occupants. Elle ne découle pas d'un processus « naturel », mais d'une volonté politique.» (Ibid., p. 89)
« Je ne pense pas que j'aurais un souvenir aussi positif de ces années de tapin occasionnel, sans la lecture des féministes américaines pro-sexe, Norma Jane (sic) Almodovar, Carole Queen, Scarlot Harlot, Margot (sic) St. James, par exemple. Qu'aucun de leurs textes ne soit traduit en français, que Le Prisme de la prostitution de Pheterson ne connaisse qu'une diffusion mineure, alors qu'il est un ouvrage incontournable, que le livre de Claire Carthonnet J'ai des choses à vous dire soit à peine lu, et ramené au statut de témoignage n'est pas un hasard. Le désert théorique auquel la France se condamne est une stratégie, il faut tenir la prostitution dans la honte et l'obscurité, pour protéger autant que possible la cellule familiale classique.» (Ibid., p. 90-91)

Si vous voulez du Can, il y en a encore un peu par ici... À moins que vous préfériez des remix zarbi de Sheila...

Commentaires

1. Le lundi 11 décembre 2006 à 20:12, par Manu :

Alors, vus et mangés ?

2. Le lundi 11 décembre 2006 à 20:31, par Berlol :

Oui, bons ! Y'en a un, avec une tête deux bras et deux jambes, on ne savait pas si c'était un chat ou un ourson... T. me l'a montré après l'avoir étêté...

3. Le lundi 11 décembre 2006 à 21:36, par Manu :

Un ourson, je crois, en plus ça devrait vous plaire. Certains ont perdu la tête au démoulage, d'autres à la sortie du four, ou encore, à la mise en boîte.



Mardi 12 décembre 2006. Lis sans cillements.

C'est quoi, cette histoire, François !?
(Je partage ton désarroi.)

Je vois qu'il y a de l'écho dans la blogosphère littéraire française pour s'émouvoir et s'indigner. Mais deux questions, pour moi, se détachent.
1. Pourquoi exactement Laure Adler est-elle virée ? Pour quels choix stratégiques ? Pour quelles actions ? À cause de quelles relations, actuelles ou précédentes ? (À défaut de réponse, il ne me paraît pas possible d'avoir un avis sur le bien ou le mal fondé de la chose.)
2. Pourquoi son départ stoppe-t-il ton travail préparatoire ? Est-ce la maison qui publie ou sont-ce les personnes qui dirigent des collections qui décident ? (Je t'avoue que je ne comprends pas ces choses et que cela ne fait que renforcer mon dédain des éditeurs.)

Ici, mardi froid et humide. Train sans visibilité. Mais pas de quoi se plaindre.
Après les cours, abysses administratifs : réunion pour préparer la réunion de demain.

Dîner avec un collègue allemand. Avant de venir ici, il a été trois ans dans une université où j'ai travaillé il y a fort longtemps comme chargé de cours. J'avais arrêté parce que c'était trop loin de Tokyo. Pour deux cours pas très bien payés, je perdais la journée entière et j'étais crevé. D'ailleurs, il n'y avait pas de perspectives d'avenir, le poste de titulaire était miné (du fait de relations difficiles, voire explosives, dans le département de français). Du coup, ce soir, j'ai pu avoir des nouvelles de Ketty, partie depuis en Nouvelle-Zélande. Ça m'a rappelé un week-end encore plus ancien, à Chichibu, ça devait être en 1994 ou 1995... Et puis comparer un peu nos approches pédagogiques et l'usage que nous faisons des manuels de langue. Enfin, voilà, tout cela en anglais, c'était ce genre de dîner, chez Rhubarb, avec leurs excellentes crêpes.
Et demain qui va être une longue journée.

Commentaires

1. Le mardi 12 décembre 2006 à 03:15, par brigetoun :

c'est navrant au moins pour le risque sur le lancement de cette collection
Adler dans l'expérimental ? je ne la connais pas assez, et cela ne correspond pas à l'image que j'avais eu de son passage à FC



Mercredi 13 décembre 2006. Je vais pouvoir l'introduire.

Soudain, je me suis souvenu de ce chauffeur de bus qui nous avait ouvert la porte au feu rouge du pont d'Austerlitz. Nous avions pris le 24 après avoir traversé la passerelle Simone-de-Beauvoir et voulions aller à Bastille pour ce merveilleux déjeuner italien rue de Sévigné. J'ai appuyé sur le bouton juste avant l'arrêt qui suit la gare de Lyon mais le chauffeur redémarrait déjà, après avoir été bloqué quelques mètres avant l'arrêt par d'autres véhicules, et se lançait en travers des nombreuses voies pour stopper au feu après lequel il traverserait la Seine. T. s'était levée en même temps que moi et nous restions stupides devant la porte, pensant déjà que nous allions devoir retraverser le pont, à pied ou dans un autre bus, et perdre du temps, arriver en retard. Ce qui n'était pas la fin du monde. Le conducteur nous avait repérés et avait sans doute compris ce qui s'était passé, peut-être en voyant dans son rétroviseur mon air hébété, même pas désagréable, en vérité, surpris et quand même contrarié. Alors, en une fraction de seconde, juste après avoir stoppé son bus et avoir je crois vérifié dans un rétroviseur externe qu'il n'y avait exceptionnellement pas de voitures dans les trois ou quatre voies sur la droite du bus, ni à l'horizon, il nous fit un signe mi-question mi-proposition, auquel, à nouveau surpris, j'acquiesçais. Et la porte s'ouvrit. Je descendis et mis pied à terre en regardant prudemment d'où pouvaient venir les voitures, T. finissant de descendre les deux marches et me tenant la main, quelque peu apeurée car jamais un conducteur de bus japonais n'aurait osé ouvrir de cette façon. Dans la belle lumière de ce jour-là, nous avons traversé les voies désertes, des voitures arrivaient mais encore à une bonne centaine de mètres. Il avait bien calculé notre coup. Je me retournais pour le remercier d'un signe de main et de tête, T. aussi. Le bus redémarrait déjà. Il reçut notre salut et sourit à son tour.
Après, boulevard Bourdon, il faisait presque aussi chaud qu'au début de Bouvard et Pécuchet. Nous étions heureux.

Enfin eu contact par mail avec Jean-Philippe Toussaint, qui est à Kyoto, qui m'écrit que je n'ai rien raté vendredi dernier parce qu'il n'était pas à l'Institut franco-japonais de Tokyo mais... à celui de Yokohama. Au temps pour moi qui, après avoir manqué l'info au moment opportun, en ai tronqué une autre dans l'après-coup... (Faudrait que je me concentre un peu.)
Avons convenu protocole d'accueil pour demain, de l'hôtel à l'Alliance, sans oublier l'after dans une izakaya.
Si ça se présente bien, je vais pouvoir l'introduire (!) sur ce nouveau paradoxe qui voit Zidane sortir du stade seul au monde et cinq mois plus tard entrer en Algérie dans les foules adulantes.

« Une pensée de vanille », c'est l'expression poétique qu'une étudiante a écrite dans une dictée de recette de cuisine. Elle a confondu, comme cela arrive souvent à l'oreille nippone, les en et les in, comme dans marrant et marin.
Si cela m'a aidé à passer cette journée un peu longue, avec cours de lecture d'un tableau de l'INSEE, réunion amicale d'étudiants français et japonais, puis réunion moins amicale des membres de la faculté ?
Oui, sans doute.

Éric Chevillard et Antoine Emaz ont reçu une bourse Thyde Monnier de la SGDL. C'est bien. La SGDL a organisé le 5 décembre une sorte de colloque, fait de trois tables rondes, intitulé La création littéraire à l'heure du numérique. C'est très bien. Avec des journalistes, des éditeurs, des créateurs et des gestionnaires du numérique et pas mal d'adresses web dans le programme au format pdf : Encres vagabondes, Comme un roman (librairie), Le Littéraire.com (SGDL), Chaoïd, Jean-Pierre Balpe, Xavier Malbreil, Patrick Morelli, Romain Protat. Un des débats portait sur les nouveaux droits d'auteur. Ça aurait sans doute plu à Philippe...
Mais pas de page web dédiée (autre que le pdf de la lettre mensuelle). Et surtout... pas de diffusion ! Personne n'a pu se payer un enregistreur mp3 à 66 euros ? Et même pas d'écho depuis ! Pas un de ces messieurs-dames pour en parler quelque part, par exemple dans un blog, une chronique, que sais-je !, un forum !
Sans doute des questions de... droits... sont-elles en jeu.
(Si quelqu'un en a parlé quelque part, qu'il ou elle m'excuse, mais c'est bien caché... Et surtout qu'il ou elle se fasse connaître.)

Commentaires

1. Le mercredi 13 décembre 2006 à 12:40, par Philippe De Jonckheere :

P, pour être parfaitement honnête, j'y étais invité, mais je n'ai pas pu m'y rendre, un rendez-vous prioritaire pris de longue date, et dont il n'est pas trop intime de dire, même dans un commentaire, qu'il s'agissait d'un rendez-vous important pour Nathan.
Mais tu as raison de dire que les compte-rendus de cette journée ne sont pas légion, c'est curieux d'ailleurs parce que dans les participants j'aurais juré qu'il y avait des personnes tout à fait aptes à ce genre d'exercice.
Après tout est-ce si grave? Ne sommes-nous pas coupables, nous, ceux qui font des compte-rendus, de donner une importance disproportionnée aux occasions où nous participons?
Amicalement
Phil

2. Le mercredi 13 décembre 2006 à 14:32, par une parisienne qui n'aime pas le foot :

1. pour faire bercy - bastille, le 87 eût été direct
2. sans vouloir te décevoir, la plupart des chauffeurs de bus parisiens font cela, sinon les parisiens - moins disciplinés sans doute que les japonais - râlent et trépignent au moindre embouteillage (moi la première) et ça peut dégénérer
3. s'il faut aller écouter (et qui plus est chroniquer) tous les colloques, journées, conférences, lectures etc. intéressants, quand est-ce qu'on travaille, nouzôtres parisiens ? (d'autant que sur mon lieu de travail il y avait aujourd'hui un colloque, intéressant aussi, consacré au NetArt et à son dépôt légal !)
4. laissons un peu le mélancolique Zidane profiter des avantages de sa notoriété : on peut comprendre qu'il ait envie de faire plaisir à son papa en étant accueilli comme un chef d'état en Algérie ...
5. plus judicieux serait de demander à Jean-Philippe Toussaint (que j'aime beaucoup, je précise) pourquoi il s'est senti obligé de vendre 5 euros (je crois) un aussi court texte sur un personnage aussi vendeur : est-ce qu'il a été obligé de payer lui-même son billet pour le Japon ?

3. Le mercredi 13 décembre 2006 à 15:32, par Berlol :

Eh oui, le 87, bien sûr, mais il eut fallu que nous le chopassions...
Ta question 5 est déjà au programme. Pour le billet d'avion, je pense que c'est l'éditeur au Japon qui paie. S'il y a d'autres questions, allez-y, je ferai comme à la télé, Yves Calvi, par exemple : "alors maintenant, une question d'une internaute..."

4. Le mercredi 13 décembre 2006 à 15:53, par Bikun :

Tiens, je croyais qu'il était interdit au bus de s'arrêter en dehors des arrêts de bus?

5. Le mercredi 13 décembre 2006 à 16:04, par christine :

l'internaute n'a pas d'autre question pour l'instant et concède que les bus parisiens ne sont pas faciles à chopassionner

6. Le mercredi 13 décembre 2006 à 16:21, par Berlol :

Bon, je reconnais que je l'ai un peu chargé, ce pauvre verbe...

7. Le mercredi 13 décembre 2006 à 16:36, par christine :

c'est interdit en effet, Bikun, mais heureusement les humains (certains au moins) savent composer avec les interdits pour que la vie des autres humains soit plus fluide ... il en est de même des chauffeurs de bus
de l'autobus parisien comme métaphore de la condition humaine, quoi ! queneau l'avait bien dit ! (finalement, Berlol, tu as eu raison de raconter ce souvenir, qui nous entraîne sur des chemins quasi philosophiques)

8. Le mercredi 13 décembre 2006 à 18:41, par Berlol :

Philippe, j'ai bien lu qu'une grosse chose vous avait aimantés ailleurs. Et c'était bien normal. En ce qui concerne les comptes rendus et les enregistrements mp3 : le compte rendu prend du temps, c'est évident, et il faut plus ou moins y être autorisé, ou mandaté, donc plutôt du ressort de l'organisateur (ou de la puissance invitante), en revanche l'enregistrement mp3 peut se faire discrètement, ne coûte rien, ne prend guère de temps (celui de transférer dans l'ordinateur, de couper des bouts avant et après, des silences, etc., voire de réécouter tout en faisant la vaisselle, et de èftéper quelque part) et se diffuse facilement, même sans trop prendre de gants si ce n'est pas clairement interdit. C'est ce que je fais pour la plupart des colloques et conférences auxquels je vais, même si je ne les diffuse pas toujours (je demande, et quand ça n'est pas souhaité, je respecte).
Disons, pour être parfaitement honnête, comme tu dis, que je subodore parfois une volonté de ne pas faire œuvre utile, de ne pas rendre service gratuitement, et, venant de ceux qui construisent littéréticulairement (j'en connais au moins deux dans le pannel SGDL en question), je trouve cela fort décevant.

9. Le jeudi 14 décembre 2006 à 01:11, par brigetoun :

un restaurant italien rue de Sévigné ? c'est à ce genre de détail que je sens mon âge. De mon temps il n'y avait pas de restaurant



Jeudi 14 décembre 2006. Y être pour ne rien voir.

Bon, bah, il est plus d'une heure du matin et je viens de rentrer. Malgré la pluie, on est allé d'un restaurant à un bar pour discuter jusqu'à plus de minuit. Et c'est vrai qu'à la fin je portais un toast à Jean-Tilippe Phoussaint qui nous fit tous bien rire...

J'y reviendrai demain ou quand j'aurai le temps. Juste dire que la conférence-entretien avec Jean-Philippe Toussaint (soyons un peu sérieux) s'est bien déroulée, qu'il y avait plus de soixante-dix personnes dans la salle de l'Alliance française de Nagoya, que personne ne s'est endormi, je crois, j'avais l'œil, et que l'on a même eu droit à quelques scoops — outre le fait que c'était la première fois que Toussaint s'exprimait publiquement sur La Mélancolie de Zidane, que l'Alliance avait fait venir la librairie Maruzen pour vendre l'édition de Fuir en japonais, sorti il y a deux ou trois semaines, que des exemplaires du dernier opuscule envoyés par Minuit étaient aussi disponibles, que l'auteur a accepté une séance de signature de plus de vingt minutes, et qu'un collègue, Éric, pour ne pas le nommer, était venu de Kyoto, inversant le mouvement habituel qui voit les francophones nagoyens aller chercher pitance culturelle vers la rivière aux canards.
Nous aurons même bientôt en ligne une version audio (deux en fait : l'une, intégrale, avec la traduction consécutive en japonais, et l'autre, en français seulement) et pourquoi pas, un jour, quand David aura fait transfert, découpage et montage, quelques séquences vidéo...

Première photo avec son traducteur-interprète du jour, le professeur Kamada Takayuki (que j'ai connu doctorant à Waseda il y a treize ou quatorze ans).

Deuxième photo avec une lectrice au moment de la dédicace de son exemplaire.

Le lendemain...
Il y avait donc deux jeudis dans la journée, un premier, habituel, avec ses trois cours. Et puis un deuxième, enté sur le premier dès la fin du séminaire de cinéma, qui nous vit partir dans la voiture de David pour aller rejoindre Toussaint et Kamada à l'hôtel Rubrum d'Ikeshita, pour ultime serrage de boulons connivents, puis à quatre revenir sur Motoyama et l'Alliance, y saluer officiellement son directeur Benoît Olivier, par qui nous avons aussi eu pour la première fois une vraie affiche de conférence, avec la photo qui se trouve également dans le tirage limité de l'édition originale (celle que je suis allé chercher cher Minuit le mois dernier) — je vais en faire un scan dès que possible...

Tout d'abord, questionné par votre serviteur, également bien placé pour les photos de profil, Toussaint s'est expliqué sur la finesse de son livre, qu'il appelle parfois plaquette. Mais plus justement encore : « geste » littéraire. La Mélancolie de Zidane est un geste littéraire qui, dans sa brièveté même, répond à la brièveté du geste de Zidane. Il a voulu concentrer dans la subjectivité d'un instant les dimensions d'un paradoxe inédit : qu'il fallait être dans le stade de Berlin et assister à la finale de la Coupe du monde de football 2006, bien suivre des yeux le ballon lors de la 107e minute pour ne rien voir de ce qui se passait alors qu'une seule caméra le filmait, ce « ce » qui se passait, et le diffusait à des centaines de millions de téléspectateurs — qu'il fallait donc y être pour ne rien voir.
Ceux qui lui feraient reproche de cette brièveté en seront pour leurs frais et renvoyés avec bienveillance et irrévérence à la marchandise littéraire considérée seulement par son poids ; il y avait de quoi faire dans ce domaine en cette rentrée. Qu'on le laisse donc, à l'instar d'un Beckett, d'un Échenoz et de beaucoup d'autres hommes libres, en réalité, publier sa dizaine de pages, mais qu'on veuille bien les lire dans leurs diverses dimensions : celle de l'instant zidanien, celle du sujet Toussaint en phase avec le ciel berlinois et celle, intertextuelle, qui ramène par exemple La Salle de bains d'où fuyait déjà le robinet de la mélancolie.

« Est-ce que ça ne l'affadirait pas », s'il était le dernier texte d'un recueil des précédents écrits de Toussaint sur le football, comme c'était préalablement envisagé ?...

À venir, peut-être, sous sa plume lapidaire, un jour : Le Scandale de la brièveté.

« Tout le monde n'a pas eu la chance de ne rien voir...», dit-il. D'ailleurs, Jean-Philippe Toussaint n'a rien vu de la sécession de la Flandre. Il pourra sans doute l'écrire...



Vendredi 15 décembre 2006. Billets de constat ou de dépit, mais peu de colère et peu de vraies explications.

Au sport le matin, pour finir d'évaporer les brumes de whisky d'hier soir, en lisant en finissant Virginie Despentes. J'y reviendrai, c'est considérable.
Déjeuner Chez Toto, enfin ! Ouvert depuis quatre ou cinq ans dans le quartier de Shin-Sakae, pas loin du centre, je n'avais jamais réussi à aller dans ce restaurant. La seule fois que j'y suis venu, c'était un mercredi, jour de fermeture. On y vient à quatre, David, Benoît, Éric et moi. Mon carré d'agneau est splendide et rosé juteux, une merveille ! J'y reviendrai (dans l'autre sens).
Benoît déposé près de son Alliance, nous revenons à trois pour faire visiter le campus à Éric, qui nous quitte vers quatre heures pour aller chez son dentiste de Kyoto.
C'est après que je trouve enfin le temps de préparer les deux versions sonores de l'entretien avec Toussaint, l'une, intégrale, avec la traduction consécutive en japonais, et l'autre, en français seulement, avant de filer prendre mon shinkansen pour revenir à T. qui m'attend...

Parce que son ton me sidère et m'émeut, parce qu'elle est dans le milieu une des seules personnes qui en a, au point de dire ce qu'elle pense, de temps en temps, je recopie ce passage de Chloé Delaume, pour que ça circule et parce que c'est ce qui est le plus proche de mon avis et de ma sensibilité. J'ai lu ces jours-ci beaucoup de billets de constat ou de dépit, mais peu de colère et peu de vraies explications...

« La diffusion des petits éditeurs. La Fédération Diffusion, énième joujou de Léo Scheer relégué aux ordures, ça, excusez-moi mes petites poulets, mais fallait quand même s’y attendre. C’est rigolo, quand même, que personne ne m’écoute jamais, alors que depuis 2003 je dis à chacun de faire attention. Que les auteurs aient besoin de se taper eux même l’expérience du broyage et une dépression nerveuse sur mesure, passe encore. Mais que les éditeurs soient naïfs, s’imaginant que la dynamique n’est pas globale dans le cerveau du Docteur Olive, ça m’aura surprise jusqu’au bout.
Je sais pas mais quand même, suffisait de prendre Melville, la façon dont Melville avait été lancée, gérée. Alain Veinstein propose le projet, la maison, les auteurs, le catalogue. C’était donc censé être la sienne, de maison, à l’époque. On lui colle une donzelle comme assistante, une stagiaire d’ELS sans réelle expérience. Puis Veinstein se fait jeter, ça finit aux Prud’hommes et il se fait remplacer par sa propre assistante. Une fois que la fille sait bosser, c’est à son tour de se faire virer. Si ça, franchement, c’était pas un signe fort du gros n’importe quoi interne. Prenons donc les paris, combien de temps il va tenir, le nouveau remplaçant. J’espère qu’il aime les Lexomils. Et qu’on ne me réponde pas que c’est très différent. La Fédération Diffusion, ça tombait sous le sens que ça finirait par le gaver. Pas rentable, beaucoup trop d’emmerdes. Et puis vraiment, avec deux trois représentants pour couvrir toute la France, rien de très étonnant à ne les trouver souvent nulle part, les livres des maisons clientes. L’erreur c’était de croire qu’un homme venu des médias, de Canal + et de TV6 pouvait devenir éditeur, pouvait comprendre l’édition, et surtout pouvait avoir une autre motivation que son imposition d’ego à travers tout Paris. Mais bon, passons.
Bilan 2006. Dépôts de bilan et fermetures. La Chasse au Snark. Al Dante. Comp’Act. Farrago. Lignes. On peut porter le deuil et compter les auteurs existants et à venir qui restent sur le carreau. J’ai dit et je répète : à tout problème sa solution. Et depuis le mois de septembre j’y croyais fermement. La reprise du radeau de la Méduse par Laure Adler : au Seuil se profilaient tout un tas de collections. François Bon devait avoir en charge un espace pour les textes expérimentaux, le comité poésie auquel je participais jusqu’à mardi matin devait, sous le nom Poésie & Cie, publier huit à dix titres par an. Une vitrine large, mêlant des confirmés, des traductions, et au moins un djeunz par session. C’était toujours ça de gagné. Alors je faisais des calculs, puisque Naïve se met à la littérature générale, que è®e s’impose peu à peu, avec le Seuil c’était très chaud, mais pas encore la terre brûlée. Il était possible qu’on s’en sorte. Et puis il restait les maisons du groupe Gallimard en plus, en s’organisant pas trop mal on pouvait peut-être sauver les meubles en gardant le cul sur la commode. C’était sans compter vendredi.
Vendredi, Laure Adler a été foutue dehors. Par Denis Jeambar, l’ancien patron de l’Express qui s’y connaît trop bien en édition, un véritable spécialiste, la preuve c’est Hervé de La Martinière en personne qui l’a nommé PDG du Seuil il y a quelques mois. Pas du tout parce qu’ils sont potes, ni parce que c’est un gros con de droite. Mais parce que la presse et l’édition, il parait que c’est la même chose. La presse papier va tellement bien, ce serait dommage de ne pas s’en inspirer, n’est-ce pas.
La morale de l’histoire, c’est qu’Hervé de La Martinière n’est même pas un sinistre enculé de capitaliste, je crois bien. C’est en fait un pauvre type complètement idiot. Qui avec toutes ses thunes de La Terre vue du ciel et divers bénéfices a voulu se taper une bien jolie danseuse. Une danseuse dont l’esprit, les mouvements et le sourire lui échapperont toujours. Les michetons éconduis sont les plus dangereux. Alors il va la briser, sa danseuse. La démembrer, la violenter, pour lui faire payer son erreur, son erreur à lui, son caprice, son abyssale frustration, sa bite qui en dépit de tous les déboursés ne peut s’introduire nulle part. Hélas, non, cher Hervé, le Seuil ne vous fera pas jouir, jamais. Et je souhaite ardemment que votre queue se nécrose comme l’est déjà en vous toute trace d’intelligence.»

Commentaires

1. Le vendredi 15 décembre 2006 à 01:09, par brigetoun :

ça n'aura sans doute pas d'effet, mais ça soulage - le monde se vide de ce qui faisait son sel (à part les restaurants ?)

2. Le vendredi 15 décembre 2006 à 07:29, par vinteix :

Monde de merde...

3. Le vendredi 15 décembre 2006 à 07:32, par vinteix :

et c'est guère mieux... ceux qui intitulent eux-mêmes leurs sites persos "site de L'ECRIVAIN x" !

4. Le vendredi 15 décembre 2006 à 13:00, par caroline :

Saine (et vaine ?) colère...

5. Le vendredi 15 décembre 2006 à 14:36, par christine :

comme Caroline, je crains que la colère ne soit hélas pas beaucoup plus efficace que le constat ou le dépit
et Chloé Delaume est sans doute (é)mue par des motifs de détestation qui lui sont propres (et peut-être nuisent un peu à la qualité de "vraie explication" que tu prêtes à son propos, Berlol)
mais, tout de même, sa rage fait plaisir à lire ... et la chute (si j'ose dire) est brillante !

6. Le vendredi 15 décembre 2006 à 14:47, par Berlol :

Chère Christine, ce n'est pas qu'elle seule aurait une vraie explication, c'est qu'en général on manque de vraies explications, des vraies raisons, et c'est ça qui fait rager. D'ailleurs, ça ne date pas d'aujourd'hui. On nous cache tout, on nous dit rien, disait Dutronc...

7. Le vendredi 15 décembre 2006 à 18:48, par vinteix :

je me pique de le savoir...

8. Le samedi 16 décembre 2006 à 02:23, par hikikirinokogiri :

"(...) un sinistre enculé de capitaliste,(...) son abyssale frustration, sa bite qui en dépit de tous les déboursés ne peut s’introduire nulle part. Et je souhaite ardemment que votre queue se nécrose comme l’est déjà en vous toute trace d’intelligence.»
Si cette boue vous émeut, ce torrent ignominieux vous est proche, votre sensibilité s'émoustille de ces défécations par ailleurs assassines de syntaxe, que ne les proposez-vous à vos étudiants, Monsieur le Professeur?

9. Le samedi 16 décembre 2006 à 03:11, par Berlol :

Il s'agit de la belle métaphore filée de la danseuse et je m'étonne que le vocabulaire et l'imagination vous choquent (ou choquent qui que ce soit) : de quelle planète venez-vous ? Je n'y vois aucune boue (hélas, peut-être) mais le portrait fantasmatique d'un homme, éditeur, qui massacre des outils éditoriaux et des personnes qui s'y sont consacrées — pour son seul plaisir (d'où l'analogie sexuelle) — et la colère, lexicalement élaborée, d'une personne qui supporte mal cela, au moment-même où la situation empire.
Veuillez, par ailleurs, ne pas me donner de la majuscule car, ne la méritant pas, c'est par là surtout, et votre choix hors-sujet du mot "émoustille", que j'aperçois votre vulgarité à vous. À l'occasion, éclairez-moi sur votre pseudo qui, en tout cas en japonais, ne veut rien dire...

10. Le samedi 16 décembre 2006 à 05:11, par hikikirinokogiri :

Ce n'est bien évidemment pas à votre personne,dont je ne voudrais pas, comme vous le faites fort bien vous-même, insinuer qu'elle ne la mériterait pas, mais, comme le veut l'orthographe la plus courante, à votre titre, que cette majuscule qui tant vous désagrée s'applique.
Je ne veux pas épiloguer sur le fait que vous trouvez vulgaire ce respect de règles que votre fonction suppose, qu'étant rémunéré pour les enseigner, vous les connaissiez.
Quant à la vulgarité que manifesterait l'usage du verbe "s'émoustiller", je suis contraint de constater votre ignorance de son sens.
Pour ce qui est de la signification de mon pseudo, pourquoi, avant d'affirmer péremptoirement qu'il n'en a pas, ne pas consulter un Japonais, ce qui pourtant ne doit pas manquer autour de vous, ou un dictionnaire? Cela vous épargnerait d'ajouter à l'ignorance satisfaite, le ridicule.
Je précise que la fange dont vous vous faites le publicitaire ne m'a pas choqué, mais plus simplement écoeuré. Il semble que, sur ma planète, l'exercice de la polémique se passe de l'usage de vocabulaire et de pensées orduriers, qui ne rend le service que de donner fortement envie de soutenir la cause ou la personne qu'il prétend pourfendre.
Je précise que je ne sais rien de cette affaire, et que seul le caractère pour le moins saugrenu de votre réaction à mon commentaire me pousse à y répondre.
Bien à vous.
引切鋸, qui pourtant n'ambitionne de castrer personne...

11. Le samedi 16 décembre 2006 à 07:08, par Berlol :

Mais jusqu'où irez-vous dans le précieux ridicule ? On s'en fout grave que ces vocables ne vous plaisent pas ! Vous voulez vous faire l'énerveur à la petite scie qu'indique le choix de vos kanjis (expression archaïque qui n'est plus que dans le dictionnaire et que les Japonais consultés (au pluriel) avant ma première réponse ne connaissent pas) : vous passerez comme ça partout dans des sujets où vous ne connaissez rien et juste parce que des mots ne vous plaisent pas vous allez donner de la dent. Quelle vanité !
Quant à "émoustiller", c'est moi qui vous renvoie au dictionnaire. Pour ma part, j'ai écrit : "me sidère et m'émeut". Vous comprendrez peut-être que je ne voie pas le rapport avec "l'excitation gaie" du moût du vin nouveau...

12. Le dimanche 17 décembre 2006 à 07:55, par vinteix :

hikiki la quequette ?

13. Le dimanche 17 décembre 2006 à 08:04, par vinteix :

ah y'en a qui se la pètent en jap !

14. Le dimanche 17 décembre 2006 à 08:26, par Berlol :

Calme, calme... Sinon, ça va faire scie circulaire...
Sinon, ça va, toi ? Les fêtes de fin d'année ? Tu restes chez toi ou tu voyages ?

15. Le dimanche 17 décembre 2006 à 09:53, par vinteix :

ça va, ça va... assez occupé par les tâches de fin d'année, les préparatifs de l'année prochaine et l'accompagnement des étudiants en février prochain à Louvain-la-Neuve et Paris... enfin, tu connais tout ça...
Sinon, Noël au Myanmar... suivi d'une semaine à Tokyo, à partir du 1er janvier... peut-être l'occasion de s'y voir, si tu y restes à ce moment-là... ?
A bientôt

16. Le dimanche 17 décembre 2006 à 15:27, par olivier :

On évitera donc d'entrer dans la polémique inutile avec hikiki-machin-chose, juste pour vous dire, cher Berlol et cher Vinteix, que je serai de même autour de Tokyo pour les fêtes... Si jamais vous avez un peu de temps... n'hésitez pas !!!

17. Le dimanche 17 décembre 2006 à 16:59, par Berlol :

Eh ben, on va se prévoir quelque chose entre le 2 et le 4 janvier ! (On sera là aussi, à quatre.)

18. Le mercredi 20 décembre 2006 à 23:42, par le consul :

"On s'en fout grave"
eh bien eh bien
on fait dans le jeunisme....

19. Le mercredi 20 décembre 2006 à 23:48, par le consul :

ce que je trouve salvateur dans le billet de delaume, c'est l'art de l'insulte, qui n'est pas celui de la polémique, et ça fait du bien, car que dire de plus à Léo scheer, à de la Martinière ?? Ce sont de vrais salauds qui ont détruit, qui détruisent de très belles choses et de très belles initiatives... car maintenant comment va t on lire de la poésie contemporaine sans Al Dante, comment réfléchir sans Lignes, comment ... comment... sans ... sans ... Ils laissent derrière eux un champ de ruines et pas certain qu'une fleur n'y pousse... c'est à pleurer... et tout ça pour quoi ?? pour avoir pensé qu'ils avaient pouvoir se faire un maximum d'argent dans l'édition... ah le rêve de m. Gallimard, sans doute...
sauf que la danseuse, ils se la sont payés, et bien... c'est même un viol à ce niveau là....

20. Le jeudi 21 décembre 2006 à 00:22, par Berlol :

Un viol, oui, c'est ce à quoi l'on pense pour cette pauvre danseuse. D'accord avec vous sur l'insulte — quand il n'y a plus de discussion possible — juste pour la catharsis...
A propos d'Al Dante, les livres commandés il y a quelques semaines sont arrivés à la fac. J'ai reçu un relevé avec les cotes et je vais pouvoir aller les consulter... sans doute en janvier. J'en reparlerai.

21. Le jeudi 21 décembre 2006 à 02:43, par le consul :

On va retourner 20 ans en arrière avec cette histoire... quand on pense à tout ce fabuleux travail fait par ces éditeurs, c'est vraiment à pleurer... et tout ça pour quoi ?? on se le demande bien...
et ça ne va même pas servir de leçon... c'est le pire dans toute cette histoire...
et peut être que Tokyo sera le dernier endroit pour lire des livres d'Al Dante....
en tout cas c'est dur à digérer... al dante ou pas...

22. Le jeudi 21 décembre 2006 à 04:45, par hikikirinokogiri :

Nous sommes dans un temps où nos professeurs confondent l'insulte et l'apologie de la castration, appellent art la fange, salvation l'embourbement... Laissons définitivement ces bassets à leurs jappements.

23. Le jeudi 21 décembre 2006 à 04:57, par Berlol :

C'est ça, laissez-nous. Passez votre chemin. Il y a sûrement des blogs bien proprets pour vous.
Cher Consul, en l'occurrence, c'est à Nagoya, mais ça ne change rien à votre propos, avec lequel je suis en accord.

24. Le jeudi 21 décembre 2006 à 16:32, par christine :

tout de même, chers Consul et Berlol, permettez-moi de m'inscrire en faux contre un tel tokyocentrisme : il subsiste à Paris aussi quelques esprits éclairés pour lire les livres publiés par Al Dante et les acheter pour les rayons de vénérables institutions comme la Bnf (même si dans certains de ces livres il y a de quoi effaroucher hikikiri...)
en tout cas si Chloé Delaume est passée par ici, je pense qu'elle aura été ravie de susciter une réaction aussi vive et dont l'excès (s'il n'était aussi borné) serait presque rafraichissant "dans un temps" où il en faut beaucoup plus pour choquer

25. Le jeudi 21 décembre 2006 à 17:31, par le consul :

Chère Christine, ok pour la BNF (mais c'est Paris) mais pour avoir beaucoup fréquenté les bibliotheques municipales de France, y'a pas bcp de Al Dante dans les rayons.... C'est pour ça que j'ai toujours trouvé pitoyable le débat lancé par Lindon sur le prêt payant en bibliothèque, on y trouve (surtout) ce qui se vend en librairie, et ce dont tout le monde cause... et ça c'est une forme de censure...

26. Le vendredi 22 décembre 2006 à 07:09, par John B. Cornaway :

Je me souviens d'une dernière page de LIBé avec un portrait de Chloe Delaume en directrice littéraire chez Léo Scheer et accordant une interview au bar d'un "grand hôtel" ... Les temps changent

27. Le vendredi 22 décembre 2006 à 07:13, par Berlol :

Eh oui, elle y a cru. C'est d'ailleurs ce qui alimente d'autant plus sa colère... Ça serait amusant à retrouver, ce document !

28. Le vendredi 22 décembre 2006 à 09:02, par Dom :

Voici, je pense. C'était le mercredi 16 janvier 2002.
"Chloé Delaume, 28 ans, romancière. Son père a tué sa mère. Elle écrit des textes autobiogaphique sans dolorisme.
De sang froid.
LE VAILLANT Luc

Données brutes. Un père qui la bat. Qui flingue sa mère devant elle. Avant de se suicider. Elle a 10 ans. Adolescence caractérielle et dépressive. Sinon, un oncle emprisonné, Georges Ibrahim Abdallah, terroriste libanais. Un mariage avec un jeune penseur attrayant, Mehdi Belhaj Kacem, dit MBK. Hôtesse de bar, tentatives de suicide, puis l'entrée en écriture. Deux romans très autobio. Du talent, des préciosités, mais une voix forte, particulière. Un pseudo qui est le seul nom qu'elle revendique : Chloé Delaume. Et la reconnaissance qui déboule. Prix décembre, 200 000 francs (30 500 euros) raflés au nez et à l'absence de barbe de son ex MBK et de sa réflexion sur la passion amoureuse.
Un bar d'hôtel face à sa maison d'édition où elle vient d'entrer comme directrice littéraire. Ongles griffus et soignés, élégance stylée et chargée, fourrure et jeans. Coupe au carré, visage entre parenthèses ébène, allure un peu Mata Hari au fumoir, un peu Chihuahua Pearl de beuglant. Elle fume beaucoup, ne tremble qu'imperceptiblement. Elle est précise et drôle, lucide et bavarde, pas douloureuse pour un sou. Sentiment qu'elle n'a plus peur de grand-chose, qu'elle sait opposer aux violences subies, des violences encore plus fortes. Qu'elle ne craint pas d'être dans la rancune, dans la vengeance, dans le meurtre symbolique. Même si parfois, le sol se fissure sous ses talons hauts, la tourbe engloutit l'édifice patiemment replâtré. Impression d'avoir affaire à un personnage à la Boris Cyrulnik, une « résiliente », une alchimiste transmuant le trauma en énergie, ou à une survivante nietzschéenne, une devenue plus forte pour avoir failli être tuée, avoir vu tuer, avoir eu envie de tuer et de se tuer. Capable d'oublier mais sans se taire, jamais. Capable aussi de se méfier de sa mémoire qui la travaille et qu'elle retravaille, de « la reconstruction des souvenirs » que plus personne n'est là pour valider, pour infirmer.
Beyrouth, années 70. Le père, Selim, est un chrétien maronite. Il porte la tenue blanche des officiers de marine marchande, ressemble à Sacha Distel, et tombe les filles. La mère vient de la bourgeoisie nantaise, giscardienne et catholique. Elle est prof de français, aime Maupassant et déteste Beckett, ce qui attristera sa fille. Elle se laisse séduire et tombe enceinte. Essaie d'avorter, n'y réussit pas. D'où la culpabilité récurrente de sa fille : « Si je n'étais pas née, elle ne serait pas morte.»
Le père est déjà spécial. Chloé D. : « Il était violent et schizo. Il avait des humeurs changeantes, disparaissait pendant des jours. Il avait un regard de maboul, des yeux hyper-bizarres. C'était l'archétype du macho méditerranéen, de la grande gueule.» Depuis, sa fille ne cesse de s'inquiéter de ce qu'elle risque de reproduire. Et, pour mieux le tenir à distance, ne s'entiche que de fiancés éthérés « à qui on voit les côtes », pas de petits costauds sanguins. Ni des ennemis publics d'antan comme tonton Georges, chef de réseau propalestinien, qui la promenait au parc Monceau quand il y rejoignait ses contacts, lui offrait des livres sur les dinosaures ou la menait à la messe de minuit.
Bombardements à Beyrouth, éclats dans le salon, rapatriement à Bourg-la-Reine. Le père, commandant de cargo, est souvent absent. Avec sa langue très à elle, qui renaude entre Guyotat et l'Almanach Vermot, elle l'écrit-décrit ainsi : « Le père ne buvait pas. Il portait des costumes et de l'Eau de Guerlain. Il était capitaine de navires importants, partait pendant des mois soulageant la maison.» Mais il revient. La fête est brève. Cadeaux, rires et liasses de dollars qui servent peut-être à alimenter les circuits fraternels. Bientôt, il rétablit la terreur. La fille prend la mauvaise part. La mère, pas épargnée, se terre dans le silence, l'acceptation, la déprime. Coups de ceinture, enfermement au placard, décrassage au jet d'eau, cruauté physique et mentale. Il étrangle le chat, sert le hamster grillé aux invités, mais continue à donner le change vis-à-vis de l'équipage, de l'entourage. Commentaire vu d'aujourd'hui : « Les tyrans domestiques sont toujours charmants à l'extérieur.» La gamine, « turbulente, insolente » comme tant d'autres, oscille entre angoisse et haine. Elle devient réfractaire aux maths « parce que les chiffres sont arabes ». Elève des écoles cathos, elle se fend d'impossibles suppliques (« Dieu, vous qui êtes si bon et si juste, exaucez ma prière par pitié tuez mon père.»), qui percutent le satanisme de Selim, en proie à des crises mystiques et fan de magie noire.
Les années passent, lourdes de menaces mises à exécution. Enfin, la mère s'apprête à demander le divorce. Elle a un amant, lui entretient une michetonneuse et fréquente les bars à hôtesses, laissant Chloé patienter dans la BX noire. Le déménagement s'organise. Elles le croisent dans l'escalier, la petite lance : « C'est le plus beau jour de ma vie.» Il se précipite chez l'armurier. Et c'est ainsi qu'elle écrit ce qui suit :
« En fin d'après-midi le père dans la cuisine tira à bout portant. La mère tomba la première. Le père visa l'enfant. Le père se ravisa, posa genoux à terre et enfouit le canon tout au fond de la gorge. Sur sa joue gauche l'enfant reçut fragment cervelle.»
Ensuite, la pitié gluante des voisins et son corps qui s'abîme dans le refus. Neuf mois sans parler, une dizaine de TS (tentatives de suicide), un ulcère. Et de la violence en héritage contre soi, contre les « filles à papa » et les profs de maths, contre sa tante maternelle qui la prend en charge et tente de l'inscrire dans son obsession de la normalité, et contre ce père auquel elle n'accorde que des circonstances exténuantes, écrivant : « Pour se délier du père que faut-il trancher sec si ce n'est tout le moi si ce n'est l'être entier.»
Elle commence des études de lettres et de cinéma. S'intéresse aux pataphysiciens, mais aussi à Balzac, elle qui se sent proche aujourd'hui de Linda Lé, de Lydie Salvayre. Elle se passionne pour Rohmer, pour Cronenberg. Se jette au cou d'Emma Bovary ou de la marquise de Merteuil. Mais vite, lui revient cette certitude d'être soi-même un personnage de fiction. De ne pouvoir échapper aux excès de la scénarisation biographique. Exemple, l'épisode mariée-prostituée. Elle ne veut pas d'enfant, chose compréhensible. Surinvestit dans le couple. Se dit exclusive, fidèle, « abusive ». Elle épouse un jeune penseur cavaleur, mi-arabe d'origine, tiens... Ils vivent quelque temps en « communauté politique post-situ », elle qui vote plutôt « Arlette-Jospin ». Ils n'ont pas le sou. Elle se fait hôtesse de bar, y chrome un féminisme antipuritain. Elle (d)écrit ainsi cette expérience : « La femme sera toujours un réceptacle. Juste un foutu réceptacle. Les hommes y mettent en vrac bite fantasmes pulsions transferts émois amours et même parfois le prix. Tout ça dépend des bourses (...). Ils y mettent toujours quelque chose. C'est difficile quand on le sait. Difficile de ne pas leur en vouloir. Et aussi de quêter cette mise en sac quand vient la période des chaleurs.» Dans ces bars, elle sait être venue « pour faire payer le père », même si elle écrit : « On n'est pas pute à cause de quelqu'un ou de quelque chose. On le devient justement parce qu'il n'y a ni cause ni rien ni personne.» Elle a fini par descendre de son tabouret, comme elle s'est vite relevée des divans psy trop émollients pour la crudité de son réel. Depuis, elle a cessé d'attendre comme les autres filles des bars, que « papa pousse la porte ». Le sien est mort et l'écriture lui sert à le tuer plus encore."

29. Le vendredi 22 décembre 2006 à 15:13, par Berlol :

Trop cool ! Arigato !



Samedi 16 décembre 2006. Seulement le saisir quand c'est le.

Dernier cours, ensoleillé, sur Poil de Carotte. En revenant sur la conscience naissante qui poétise soudain la tempétueuse nature environnante, les arbres qui frappent le sol et saignent par leurs fruits (« La Tempête de feuilles »), nous comprenons mieux la conviction de Poil de Carotte au chapitre suivant : tenir tête à sa mère, enfin lui dire froidement « Non », même si ce n'est que pour une motte de beurre, et passer du giron maternel, dont l'autorité s'appliquait sur le présent et les affaires de la maison, à celui du père dont l'autorité s'étend sur le monde et l'avenir (« La Révolte » et « Le Mot de la fin »).
Il en découle que le livre est fini, même si « L'Album de Poil de Carotte » qui suit contient encore de belles perles, comme on dit. Mais j'y vois plutôt comme des graines de chapitres que Jules Renard n'a pas trouvé moyen de faire pousser, qu'il a pu garder dans ses carnets en essayant de les scénariser, en vain. Et de rappeler l'importance aussi, pour un écrivain, du fait qu'il faut parfois ne pas écrire, se retenir d'en faire trop, voire en retirer, à l'instar de Jean Échenoz qui, dans Au Piano, laisse le titre du chapitre « Nuit d'amour avec Doris Day » alors qu'il en a supprimé le contenu, préalablement écrit, dit-il.
En janvier, le cours reprendra avec La Télévision, de Toussaint, dont j'achète l'édition dans la collection Double à la librairie de l'Institut afin de préparer mes notes avec la même pagination que les étudiants.

Déjeuner au Saint-Martin avec T. où, tandis que le ciel vire au gris froid, on commence à discuter des dates d'ouverture durant les fêtes, de quand on y viendra avec ma sœur et son ami, de plats spéciaux qui y seront proposés. Nouveau passage à l'Institut où T. va saluer Kyoko et Kuniko. J'en profite pour recommander Patrick Deville (Pura Vida et La Tentation des armes à feu) et Virginie Despentes (King Kong Théorie) à Kyoko que cela devrait intéresser.
Rapide aller-retour à Akihabara pour acheter un humidificateur au grand Yodobashi Camera. Un étage au-dessus, je trouve une selle de vélo un peu plus sportive mais surtout plus ergonomique, celle du Rover étant trop bombée, trop rembourrée, m'écrasant le coccyx et les lombaires...

Dans mes essais d'enregistrements d'émissions de France Culture, j'ai quelques problèmes ces jours-ci (depuis plusieurs semaines, en fait) : les pages de Surpris par la nuit ou de l'Atelier de création radiophonique ne sont pas à jour, les morceaux de Tout arrive ne sont pas toujours les deux bons, avec parfois une qualité audio fort dégradée (comme le 14 où l'on a une moitié de Déon — oui, oui, Déon, la folle actualité de la lèche — et une moitié de débat avec Henri Godard et Alain Finkielkraut — un Finkielkraut qui commence à sérieusement patauger dans la semoule (ou à être manipulé vers la sortie de lui-même), et je suis content que Vive le feu ! (l')ait (à) l'œil.
Je récupère quand même l'étonnant Rien dans les poches, « journal intime sonore » en deux parties de Laurie Anderson, diffusé en novembre dans l'Atelier de création radiophonique.

Enfin T. met dans la machine le dévédé de De battre mon cœur s'est arrêté et nous passons un très bon moment. L'ayant déjà vu l'an dernier, je lui en avais offert l'édition avec les sous-titres en japonais dès sa sortie, il y a plusieurs mois, mais je sais, d'expérience, qu'il faut attendre que ce soit, pour elle, le bon moment. Le bon moment. Une chose difficile à cerner. À moins qu'il ne faille même pas essayer, seulement le saisir quand c'est le.
Dans les bonus, j'apprends d'où vient le titre du film. D'une chanson de Jacques Dutronc, ce que je n'avais pas pu savoir à l'époque, tant il y avait alors peu d'infos dans le réticule — ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Au montage, Audiard aura retiré ou pas retenu la scène dans laquelle Romain Duris chante La Fille du Père Noël, pensant peut-être qu'elle desservirait la densité et la tension recherchée. Les cinéastes aussi doivent se retenir d'en faire trop.

Commentaires

1. Le dimanche 17 décembre 2006 à 03:54, par brigetoun :

je dirais surtout les cinéastes, nous sommes plus contraints et avons plus de mal à ignorer le "en trop". Comme le fait pour vous le mauvais fonctionnement de France Culture, parce que un demi Finkielkraut et même un demi Déon ça n'est pas suffisant ?



Dimanche 17 décembre 2006. Sangliers, phacochères, pécaris et leurs laies.

Après fixation de la nouvelle selle, inquiétude de son étroitesse (comparée à la pépère précédente)... mais aucune douleur après plus de deux heures d'utilisation : un miracle, ce changement de selle.
L'effet d'une chose n'est pas toujours selon son apparence première.

Il fait presque beau, assez frais, ce qu'il faut pour escapade à deux vers midi, qui nous mène à Yotsuya, à Akasaka, et, puisqu'on y est presque, à Gaien et au cimetière où T. devait passer dans quelques jours pour faire le ménage sur la tombe familiale. Le faisons, comme ça, ce sera fait.
Juste des feuilles mortes entassées dont nous coupons l'élan à devenir humus.

Sur une ruelle qui borde le cimetière, une pâtisserie-salon de thé nommée Chocolat Chic. Nous nous y installons et commandons une soupe de fèves pour T., qui vient avec pain, huile d'olive et gros sel, une quiche lorraine pour moi, avec petite salade. Puis des gâteaux, c'est l'essentiel, dont ce Sicile absolument divin — le biscuit, proche du macaron, accueille quatre couches de crème-coulis : pistache, framboise, pistache et praliné.
Euh... On va revenir souvent enlever les feuilles mortes, je crois...
Plus sérieusement, nous constatons que tout ce que nous avons fait depuis deux ans et demi pour le père de T. et qui pouvait faire hésiter, paraître une charge ou un risque pour nous-mêmes, s'est chaque fois transformé en cadeau imprévu. Sa bonne étoile — en chocolat — nous protège.

Revenons par Aoyama, Shinanomachi, Akebonobashi et passons derrière Bouetchou, le bastion de la défense nationale dont le contournement nous oblige toujours, quel que soit le côté, à un détour.
Dans une ruelle, pas très loin de chez nous, un particulier se fait construire une maison en forme de cacahuète, avec des hublots, particulièrement originale. Repasserons voir.
Suffit pour aujourd'hui. Replions et rangeons les vélos.

Bain avec la Dame d'Auxerre... où j'apprends que religion n'a pas toujours relié, alors que c'est devenu la tarte à la crème :
« Le corps est le sémaphore premier. Le geste nous y ramène. Pas seulement celui de la main droite. Aussi la gauche plaquée le long du corps. Les deux sont du geste où le corps pointe vers le corps, et non vers le dehors, le ciel, le monde.
et l'allongement même de la main tendue vers la poitrine, main symbolique plus que main réelle, fait que c'est un geste religieux. Évidemment pas au sens inventé par Lactance, qui rattache le religieux au lien avec le divin,
religare, mais religieux au sens antique, qui était certainement encore le sens romain, où religio était relié à relegere, recueillir des indices, recueillir l'inquiétude.» (Henri Meschonnic, Le Nom de notre ignorance, la Dame d'Auxerre, p. 51)

Place à la calligraphie.
N'ayant pas eu de deuil dans l'année, nous avons droit de participer au réjouissant rituel des nengajou ().
J'ai étudié et commencé à rythmer les traits du caractère du sanglier (inoshishi, , caractère qui se lit aussi i, et qui accepte plusieurs variantes graphiques de différents lieux et époques). D'abord, pendant une heure, au crayon puis au pinceau industriel.
Puis T. commence à préparer l'encre sur une pierre traditionnelle qui appartenait à son père en frottant la barre d'encre rigide pour diluer lentement. Je prends sa place à la barre car le calligraphe (si peu que je le sois) doit préparer lui-même son encre, en se concentrant, comme elle, l'encre.
En moins d'une heure, j'enfante de mes mains une cinquantaine d'épais sangliers, phacochères, pécaris et leurs laies qui s'en vont sécher dans la chambre pendant que nous dînons.

À noter que la Poste japonaise sort de jolis timbres et même une superbe feuille de calligraphies que je vais tâcher de nous procurer. S'il y a des amateurs...

Commentaires

1. Le lundi 18 décembre 2006 à 02:21, par brigetoun :

fascination la calligraphie - j'aurais peut-être assez de calme maintenant mais des mains trop maladroites - à propos de main est ce que l'instinct ne dit pas que le geste de la Dame d'Auxerre est en effet de recueillement ?



Lundi 18 décembre 2006. Bientôt sous le sceau rouge.

Jour tranquille.
J'ai rassemblé mon troupeau de suidés. Ils passeront bientôt sous le sceau rouge de T.
Après déjeuner, achat des 4 blocs-feuillets dentelés (vocabulaire des philatélistes) qui restaient à la grande poste d'Ushigome. Surprise supplémentaire : l'encre des calligraphies est en relief.

« Rodin disait : « Il ne s'agit que de voir ». Non, puisqu'il y a à interpréter l'apparence. Et pour voir une peinture ou une sculpture, il faut traverser les effets du langage sur le visible, l'interposition du culturel entre l'œuvre et le regard. Pour faire apparaître qu'entre l'œuvre et le regard il y a du langage, il suffit de confronter des manières différentes d'en parler. Aussitôt ce qu'on prenait pour de la transparence se trouble, ce qu'on prenait pour l'œuvre apparaît comme une historicité du regard. Reconnaître cette historicité est la seule chose à faire, pour reconnaître l'œuvre, pour s'y reconnaître, pour s'y connaître, pour se connaître.» (Henri Meschonnic, Le Nom de notre ignorance, la Dame d'Auxerre, p. 69)

À la pâtisserie, hier, j'ai ramassé un prospectus de musée (Kurita, à Tochigi) montrant une statue cuchimilco du Pérou... Sur le moment, je me suis juste dit que c'était intéressant. Mais cet après-midi, je me suis rendu compte que je n'aurai pas pris ce prospectus si je n'étais pas en train de lire la Dame d'Auxerre — qui me fait réfléchir sur ce que j'ai jusqu'à maintenant pensé de la statuaire. Ai-je jamais vu les mouvements ou leur absence ? L'entassement des instants de vie ? Ai-je jamais pu me relever de l'écrasement par les statues équestres et par les statues aux grands hommes ? — statues pour l'argent et statues pour la terreur...
Pour ce qui est de l'émotion, oui, depuis les statues olmèques vues lors de mon séjour au Mexique en 1990 ou 1991. Mais pour la prise de conscience...

Voyons ce soir un dévédé loué, The Constant Gardener (F. Meirelles, 2005) qui me fait une très forte impression malgré un début un peu poussif — normal, puisqu'il montre en fait la relative banalité d'une histoire d'amour avant que ça ne se complique d'autres choses. L'enquête sur une opération impliquant diplomates, industrie pharmaceutique et organisations humanitaires dans un monde en voie de globalisation n'est pas sans rappeler Le Cauchemar de Darwin. Mais à la différence de ce dernier, La Constance du jardinier reste une fiction — basée sur des faits vrais — allant vers la poésie des grandes étendues et l'inconsolable tristesse de la perte, alors que le film de Sauper se donne des airs de documentaire, idéologisant sans réussir à convaincre de la véracité des faits qu'il avance.

Commentaires

1. Le lundi 18 décembre 2006 à 12:22, par caroline :

Le côté cul-cul la pral' de la fin du film gâche un peu le message. Enfin, en ce qui me concerne, la fin a complètement occulté l'histoire de l'industrie pharmaceutique. Je n'aime pas l'eau de rose mal faite.

2. Le mardi 19 décembre 2006 à 03:47, par brigetoun :

pour finir d'apprendre à regarder les statues, si ce n'est déjà fait je vous recommande les idoles des cyclades ou Hadju - et de là dans un style opposé Etienne Martin



Mardi 19 décembre 2006. Conflit avec le vrai réel.

En route pour la dernière semaine de cours de l'année (il y en aura deux autres en janvier pour (nous) achever). Dans le shinkansen, lecture des trois dernières pages de la Dame d'Auxerre, puis roupillon, puis lecture de divers passages de La Télévision de Toussaint, en vue de préparer un calendrier des cours, et encore un roupillon avant de débarquer...

Au cours de conversation de 3e année, un sujet mystère : comment répondre à la question « Où sommes nous ? »
Passées les réponses évidentes, une étudiante a l'idée que ça peut être comme une devinette ou que ça pourrait être intéressant de savoir comment d'autres personnes répondent à la question... via Google, bien sûr. On visite des sites et on tombe sur celui-ci, d'un photographe japonais. Discussion un bon moment sur les modes de vie... Jusqu'à ce que je demande pourquoi un Japonais qui parle à peine anglais utilise en page d'accueil de son site une série de trois questions en français. Nouvelle recherche... Une seule source dans tous les résultats : « D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » est le titre d'un tableau de Paul Gauguin, peint à Tahiti en 1897-1898. Décrivons. Ce que ça veut dire. Ce que Gauguin n'aimait plus, fuyait, désespéré...
Sonnerie, on ne voyait plus le temps passer.

Manu m'écrit pour m'informer que : « Wii, la courroie est moins forte que toi ». Voici le texte de la brève : « Nintendo a lancé un vaste programme d'échange de courroies de sécurité, utilisées pour relier la manette de sa nouvelle console Wii aux poignets des joueurs qui vient d'être lancée en Europe. Le nombre d'unités concernées s'élèverait à 3,2 millions. La version initiale de la courroie s'avèrerait insuffisante par rapport à la force de certains clients. Selon Wiihaveaproblem.com, un certain nombre d'utilisateurs ont fracassé leur téléviseur ou leur lecteur de DVD en lançant la manette lors de matches virtuels de base-ball ou de tennis endiablés.»
J'en avais entendu parler aux infos. Quand le virtuel devient partiellement réel, il entre forcément en conflit avec le vrai réel...

Aucune nécessité de prendre la défense de Tokyo, petits Portraits de l'aube, de Michaël Ferrier — livre qui se défend seul. Juste souligner, comme je l'écrivais chez Lionel en commentaire, que l'érudition et l'argumentation (celles de Vinteix, en l'occurrence) ne viennent pas toujours à bout d'une intime conviction, fût-elle contraire à la nôtre...
« Si tu es parvenu jusqu'ici [le bar La Jetée], tu as bien mérité un verre. Mon saké préféré porte le titre d'un grand roman de Gabriel García Márquez. Tomoyo parle un peu français, mais prends ton courage à deux mains et demande-le-lui en japonais : Hyakunen no kodoku. Je ne sais quel alcoolique génial et fin lettré, par un soir de détresse, a concocté ce saké sec et un peu poivré, mais tu en boiras un verre, s'il te plaît, à ma santé.» (Michaël Ferrier, Tokyo, petits Portraits de l'aube, 2004, p. 105-106)

Au tout début de Ce soir ou Jamais de lundi soir. Jean-Marie Rouart, aussi bête que dans mon souvenir, mais d'une bêtise dangereuse : « Moi, je suis contre les sectarismes. Je ne voudrais pas détester les riches parce qu'ils sont riches. Je pense qu'ils apportent des emplois. Et c'est dommage de voir Johnny... Chais pas, il doit y avoir autour de lui des guitaristes, beaucoup de gens à qui il apportait un travail et... Un pays qui perd une de ses catégories, que ce soient les riches, les pauvres, les moyennement riches, je trouve ça dommage...» (C'est moi qui souligne.)

Commentaires

1. Le mardi 19 décembre 2006 à 10:02, par La Mère Fouettarde :

En tout cas, vivement que la catégorie des cons aille payer ses impôts sur Mars...

2. Le mardi 19 décembre 2006 à 12:28, par caroline :

"Et c'est dommage de voir Johnny..."
Quand je parlais de la fuite des cerveaux, appelez-moi un plombier, polonais ou pas, pas pour réparer la fuite mais pour ouvrir les vannes... Et vogue Jean Marie Rouard vers un tout-à-l'égoût fiscal même si ça ne sent pas pas très bon. L'argent n'a pas d'odeur, n'est-ce-pas ?
J'ai des joies simples, comme ça, à m'imaginer que simplement en tirant la chasse, les cons seraient évacués.
(En italien con = stronzo = étron) La boucle est bouclée.

3. Le mardi 19 décembre 2006 à 17:04, par christine :

Je n'ai pas lu (je vais lire) "Tokyo, petits Portraits de l'aube", mais j'ai un excellent souvenir de ma lecture de "Kizu (la lézarde)" de Michaël Ferrier. S'il n'est pas trop coquet à ce sujet et qu'il me lit ici, sa date de naissance me manque dans labyrinthe (perso.orange.fr/labyrinth... !?

4. Le mardi 19 décembre 2006 à 17:37, par Berlol :

A y est, je l'ai mélé (à tout ça)...

5. Le mardi 19 décembre 2006 à 20:35, par Manu :

La source, au cas où (pour une fois que je ne l'ai pas indiquée dans mon message !):
www.vnunet.fr/fr/vnunet/n...

6. Le mercredi 20 décembre 2006 à 15:01, par christine :

merci pour ton entremise

7. Le jeudi 21 décembre 2006 à 00:33, par Berlol :

De rien, c'était tout naturel !



Mercredi 20 décembre 2006. Le Fonds Ricœur depuis hier.

Il en avait été question lors d'un récent dîner : ouverture hier du site du Fonds Ricœur.
De nombreux documents, une biographie détaillée et illustrée, les grands thèmes de son œuvre, une bibliographie, etc., sont déjà accessibles. Un très bel outil pour lecteurs et chercheurs qui voudront se renseigner, consulter, s'y associer.

« Le Fonds Ricœur sera ainsi composé de plusieurs ensembles :
– Les archives de Paul Ricœur liées à son œuvre (manuscrits, correspondances…)
– Un rayon de littérature primaire (livres dans diverses langues ; œuvre publiée, dont l'ensemble de ses articles publiés depuis 1936, tirés à part…)
– Un rayon de littérature secondaire (livres et articles commentant la philosophie, l'œuvre ou la vie intellectuelle de Paul Ricœur)
– La bibliothèque de travail du philosophe, constituée selon plusieurs cercles qu'il a lui-même ordonnés »

* *
*

Du coup, un peu tranquille dans l'après-midi, après le cours de phonétique et le déjeuner hispanophone (avec un collègue mexicain et David qui parle l'espagnol sans l'avoir appris, ce qui m'étonne toujours), j'ouvre Soi-même comme un autre, reçu il y a quelques semaines. C'est tout de suite très intéressant. Mais ardu.
En fait, avec des sujets d'examen à préparer, ce n'est pas le moment de se plonger dans un livre comme ça. Je le remets à un autre jour.

Plus tard, une petite pause blogs me permet de voir Céleste... Celle de Proust. Quelle tristesse, quand même. Mais quelle merveille aussi d'avoir ce document !

Au dîner et après, dans Ce soir ou Jamais d'hier, brouhahas récurrents, comme si personne ne pouvait s'arrêter de parler en même temps que les autres. Aminata Traoré, Guy Sorman, Frédéric Mitterrand, Shan Sa, Romain Goupil et quelques autres parlent parfois tous en même temps... Mais c'est quand même très intéressant, dans l'ensemble. Après ça, et bien d'autres discours, on se sent tout petit pour résoudre les problèmes du monde, on voit bien que des athlètes y ont brisé toutes sortes de lances et l'on serait bien en peine de défendre une thèse plutôt qu'une autre — même s'il ne me viendrait jamais à l'esprit de dire une connerie comme Rouart hier (trouver dommage que la catégorie des pauvres puisse disparaître). Ce que j'apprends d'un débat comme celui-ci (ce n'est pas d'aujourd'hui, toutefois), c'est qu'il y a trop de diversité humaine, trop de variété d'intérêts, trop de points de vue défendables, et aussi trop de malentendus (qu'il faudrait d'abord appeler des malécoutés), pour qu'une idée, une théorie, une explication suffise, satisfasse, soit acceptée.

« Le rapport dialectique entre des idées contraires impose une gymnastique mentale à laquelle je ne me soustrais jamais sans une certaine gêne, étant entendu que la vie quotidienne s'arrange mal de ces incertitudes qui vous font passer pour un irrésolu ou un velléitaire. Il est généralement plus bénéfique de présenter à autrui l'image d'un obstiné. Savoir ce que l'on veut constitue l'un des premiers commandements de la morale pratique. Encore peut-on vouloir ne pas trancher, position difficile à tenir qui fait de vous un Oblomov ou un Pyrrhon, un ennuyé ou un ennuyeux.» (Georges Picard, Tout le monde devrait écrire, Paris : José Corti, 2006, p. 15)

Plutôt envie de se retirer en haut d'une montagne — virtuelle (sinon, il faudrait du matériel...).

À quand le jeu sur Wii d'un monastère avec vœu de silence...

Commentaires

1. Le mercredi 20 décembre 2006 à 22:00, par Manu :

>À quand le jeu sur Wii d'un monastère avec vœu de silence...
T'as pété une courroie ? ;-)

2. Le mercredi 20 décembre 2006 à 23:07, par caroline :

Merci pour le lien. J'ai pu grâce à lui commencer une journée-Céleste. Émouvant.

3. Le jeudi 21 décembre 2006 à 00:33, par Berlol :

Une courroie de ceinture de robe de bure de moine des montagnes de F'murr, peut-être, alors.



Jeudi 21 décembre 2006. Aux lieux souples et aux dispositifs qui n'en ont pas l'air.

Trois derniers cours, plus une heure d'entretien avec une étudiante qui prépare son mémoire de maîtrise, pas de déjeuner, sieste à cinq heures, avant d'aller au centre de sport. Voilà le menu d'une journée bien remplie...

Pédalant sur place quarante minutes, j'entame le livre de Georges Picard, Tout le monde devrait écrire et rapidement je trouve un propos raccord avec mon billet d'hier (que j'ajoute à hier), puis, quelques pages plus tard, ceci, que je ne peux pas m'empêcher de mettre en rapport avec l'écriture de ce journal littéréticulaire :

« La fragilité de ma pensée, qui peut revêtir la forme inattendue de la polémique (mais en respectant un balancement entre des cibles assez opposées pour laisser entrevoir aux lecteurs attentifs que l'enjeu se situe au cœur du dispositif d'écriture), a besoin d'appuis extérieurs pour prendre conscience de ses ressources. Elle s'attaque moins frontalement à l'esprit dogmatique qu'elle ne l'enserre, le nargue et le déroute par l'ironie. Revendiquer une certaine faiblesse d'affirmation n'est pas un paradoxe aussi incongru qu'il peut paraître. J'en trouve la source lointaine dans la dialectique sublimée du taoïsme qui sait que le fer est d'autant plus tranchant qu'il est souple. La perplexité est la seule posture susceptible de s'adapter à tous les terrains dont elle épouse les configurations contradictoires sans lâcher prise.» (Georges Picard, Tout le monde devrait écrire, p. 18)

La semaine des grands débats de Ce soir ou Jamais continue avec, hier soir, des thèmes culturels. C'est moins bordélique que l'émission dont je parlais hier et il se dit beaucoup de choses intéressantes, notamment de la part d'Olivier Py, de Dominique Jamet et d'Yves Michaud. Même si c'est un autre que je citerai tout à l'heure.
Cela fait maintenant trois mois environ que l'émission existe et je crois n'en avoir raté aucune, notamment grâce aux possibilités du réseau, qui me permet de les écouter au moment où j'en a la possibilité et non à l'heure où ça passe en direct. Une chose qui m'a étonné et tout d'abord déconcerté, parce que nouvelle, c'est le fait que des invités reviennent. Deux fois, puis trois fois, pour certains quatre fois, je crois. Ainsi Romain Bouteille, Éric Rochant, Gisèle Halimi, Frédéric Mitterrand (trois ou quatre fois chacun, je crois), ou Shan Sa, Yves Michaud, Romain Goupil, Guy Sorman, et quelques autres (deux fois). Je me suis surpris à démarrer une réaction de beauf, du style ah ben ceux-là ils sont pas gênés, c'est quoi ce copinage, etc., avant de me reprendre pour y porter un regard plus sérieux. C'est d'abord une rupture par rapport aux dispositifs de précédentes émissions qui avaient soit une équipe fixe (avec chroniqueurs, sur quoi Frédéric Taddeï s'est déjà exprimé — moi, je n'ai connu comme bonnes émissions de ce type que l'Assiette anglaise et Arrêt sur images*), soit des invités qui devaient attendre plusieurs années avant de repasser (type émission de Drucker, Durand et consorts). Ce soir ou Jamais innove par sa souplesse, dans l'organisation du plateau, on l'a déjà vu, mais aussi par cette récurrence (apparemment) aléatoire des invités, ce qui n'empêche pas qu'il y ait toujours de nouveaux et nouvelles invité(e)s (Emmanuelle Devos, hier soir, par exemple).
Et là, tout à l'heure, c'était à la fin de mon pédalage, je me suis dit soudain que c'était comme dans les commentaires des blogs, au moins du JLR : alors qu'il y a des centaines de lecteurs silencieux (comme les ombres du plateau de Taddeï ou les téléspectateurs), on retrouve plus ou moins les mêmes commentateurs, qui se sentent chez moi chez eux sans qu'il y ait eu de contrat explicite entre nous — et quand passe un trublion, il détonne si pathétiquement qu'on en a pitié pour lui (alors qu'on ne lui veut pas de mal, vu qu'on ne sait même pas qui c'est). Je ne pousserais pas plus loin la comparaison, parce qu'il y a aussi de notables différences, mais cela converge vers la notion de lieu convivial et connivent, celui-là même que j'évoquais dans mes Salons littéraires sont dans l'internet de 2002 (déjà !). Convivialité et connivence ont besoin d'un lieu ni trop changeant ni trop fixe, donc d'un dispositif spatial souple, ou virtuel (et donc la répétition de la forme graphique donnée au blog a son importance) et d'acteurs ni trop nombreux ni trop d'accord, ni trop en désaccord, bien sûr — ce sont des affinités électives, c'est connu. Et puis il y a des spectateurs, ou des lecteurs. Silencieux, et pas mécontents, ou mécontents mais sans le dire. Et puis il y a des antis, des jaloux, des qui veulent se faire les dents, des abrutis, bref, comme partout, toutes sortes de gens qui ne sont pas à leur place dans le lieu (et pour qui il y a sûrement des lieux faits). Et chaque lieu souple, patatoïde comme dans la théorie des ensembles qu'on apprenait à l'école, trace son ovale, qui a des intersections avec d'autres ovales sans que cela n'oblige personne. Comme si de son côté (télé) Taddeï avait capté un air du temps qui est aux lieux souples et aux dispositifs qui n'en ont pas l'air. Eh bien, je lui dis chapeau ! Et bonne continuation pour 2007.

Justement hier, je parlais de Jean-Jacques Beineix avec une étudiante qui fait son mémoire sur l'univers graphique et les décors dans les films de Jeunet, notamment Amélie Poulain, et je lui reliais ça avec Beineix, sorte de filiation, avec co-présence de Dominique Pinon, par exemple. Voilà-t-il pas qu'il est là ce soir, Beineix, qu'il s'exprime peu pendant une heure pour finir en beauté, avec un placage en règle de Florian Zeller (les applaudissements sont autant pour la performance que pour le contenu, je crois). Qu'on apprécie plutôt (ou qu'on l'écoute) :

« Bizarrement, la censure a disparu, pour une simple raison, c'est que tout est promotionnel, que tout est fait pour que circule le flux des œuvres, sans entraves, de la manière la plus simple possible. C'est les autoroutes de l'information. Le star system c'est idéal, c'est des gens reconnaissables, immédiatement, par le plus grand nombre. L'argent va à l'argent. On marie les gens beaux avec les gens beaux, et on s'appauvrit de plus en plus, à tel point qu'on n'a franchement plus besoin de metteurs en scène. Qu'est-ce qu'on va s'emmerder avec ces gars-là. On n'a plus besoin d'auteurs, on n'a plus besoin de rien ! C'est magnifique ! Et tout ça, ça coule, ça glisse. Et on n'a même plus besoin de censure puisque de toute manière les auteurs aujourd'hui, ils ont... Qu'est-ce qu'ils viennent foutre dans ce monde-là... Moi, je me sens totalement décalé. Je sais pas où je suis, ce soir. Puisqu'il n'y a plus de censure — bravo, jeune homme ! [s'adressant à Zeller] Tout va bien, c'est merveilleux, et on est dans le monde des gens beaux, du star system. Voilà, il faut de l'argent. La promo, en effet, il faut saturer. Plus il va y avoir d'affiches, plus on de chances d'être perçu. En-deçà d'un certain nombre, il n'y a plus rien, plus rien n'existe. Donc on est en train petit à petit de s'appauvrir. On arrache tout avec des filets, on attrape tout avec des grosses mailles. Et alors tout ce qui fait le défaut d'aspect, tout ce qui fait le baroque, qui est pas rond, tout ça, ça existe plus. Moi, je suis effondré quand je vois un beau jeune homme comme ça blond [Zeller, donc], jeune auteur, qui me dit « y'a plus de censure, c'est merveilleux, on vit dans un monde merveilleux », j'ai l'impression que c'est Alice au Pays des merveilles. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure. J'ai rien dit parce que je voulais laisser... Alors, j'ai pas beaucoup parlé jusque-là, j'ai rien dit jusque-là. Non mais, je pense que vous avez réussi à vous conformer à cet univers qui a été rêvé par le pire des hommes de marketing. C'est-à-dire qu'on n'adapte plus maintenant le produit idéal pour le plus grand nombre, mais vous êtes formatés, tous, pour coïncider à ce monde dans lequel on vous fait rentrer dans des grilles, dans des boîtes. Et vous ne vous révoltez même plus ! Mais c'est génial ! Et on est obligés d'aller passer devant des commissions pour faire des films. Il y a quatre gardes-barrières qui décident de toute la production française. Au théâtre, c'est un peu la même chose. Dans la littérature, les gens n'écrivent plus leurs livres. Et bientôt, il n'y aura plus de chefs d'orchestre, c'est totalement inutile un chef d'orchestre, mais qu'est-ce qu'il va nous faire chier à lire l'œuvre. C'est ça que vous êtes en train de dire, ce que j'entends, moi, de tout ça, ce soir. Et je suis fou de rage !...» (Jean-Jacques Beineix, en clôture de Ce soir ou Jamais du 20 décembre 2006)

* À propos d'Arrêt sur Images, j'ai oublié d'en parler lundi, je signale que la dernière édition (visible sur le site jusqu'à la prochaine émission, en janvier) est particulièrement savoureuse. On y traite des images de tireurs embusqués en Afghanistan qui étaient en fait des vidéos d'un DVD de chasse à la marmotte (et non au Taliban, c'était sur France 3), des propos littéraires de Pascal Sevran sur la « bite des noirs » et son amitié télévisuelle avec des personnalités comme Didier Barbelivien et Nicolas Sarkozy, et bien sûr du canular sécessionniste de la RTBF (c'est le dossier central).

Commentaires

1. Le jeudi 21 décembre 2006 à 14:09, par trublionne pathétique :

On ne peut pas dire que ça invite les lecteurs silencieux à intervenir !

2. Le jeudi 21 décembre 2006 à 15:10, par Berlol :

Baaahhh, je n'ai rien contre. Ne me faites pas dire, etc. Je les ai déjà invités plein de fois à s'exprimer. Donc, c'est plutôt un constat sur le mode médiologique, quand même basé sur trois ans de journal... À part ça, il n'y a pas de statut attribué, chacun se décide quand il le sent. Moi-même je suis très très silencieux sur la plupart des blogs que je visite, même quand je les apprécie beaucoup... Merci, trublionne !
Parlant de "trublion", je pensais à la récente "scie du Japon" (hiki-machin-chose...), c'est-à-dire quelqu'un qui s'exprime alors qu'il n'a aucune connivence avec le JLR (qui bien souvent arrive par hasard, ne lit qu'un billet et s'emporte contre), pour s'inscrire précisément en faux et en travers du mode de communication que je propose.

3. Le jeudi 21 décembre 2006 à 16:51, par christine :

soyions patatoïdes, donc, et traçons avec grâce et souplesse les intersections de nos ovales... (c'est un peu les gibis contre les shadocks, non ?)
trublionne, je passe moi aussi très très silencieusement la plupart du temps dans les blogs que je visite, et même ici il m'a fallu du temps et de nombreuses visites avant de me lancer, mais on y prend goût, essayez !

4. Le vendredi 22 décembre 2006 à 00:28, par JF Paillard :

Moi je ne fais quasi que ça, intervenir intempestivement partout ou ça me chante. Souviens-toi d'ailleurs ma premiere intervention ici... Souvent me prends les pieds dans le tapis, mais ça peut créer de beaux échanges. Il faut de la violence dans les propos, de temps à autre, à mon avis, pour remuer le blogueur, le mettre devant ses responsabilités, surgir comme d'un(e) diable(sse) d'une boîte, si on est honnete bien sûr avec ce que l'on veut exprimer, sinon, chapeau bas, Beineix, pas évident de synthétiser en quelques minutes devant la caméra ce discours anxiogène, sans s'emporter, en maintenant le fil (de l'épée) et en gardant le crachoir : beau geste ! Malheureusement aussi beau qu'inutile...

5. Le vendredi 22 décembre 2006 à 05:21, par Berlol :

Faut dire aussi que tu avais de bonnes raisons de débouler puisque je m'en étais pris à ton livre... et qu'on a pas mal ferraillé après. Suis d'accord qu'entrer dans le lard direct (verbalement) est parfois une bonne méthode (mais pas toujours)...

6. Le vendredi 22 décembre 2006 à 05:52, par le consul :

dommage que Beineix ne soit pas un bon cinéaste....... mais là c'est pour faire polémique que je mets ce message... mais c'est vrai aussi qu'il est meilleur cinéaste que Zeller est romancier (sic)...
Ce n'est pas la première fois que Beineix tient ce genre de propos (juste) sauf qu'il y a du ressentiment chez lui, et qu'il a tendance à se poser en victime du système... ceci expliquerait pourquoi ces films n'ont pas le succès qu'il pense mériter.

7. Le samedi 23 décembre 2006 à 05:32, par Emmanuel d'Astier de La Vigerie :

La censure existe, en une sorte de brutal retour du refoulé. Prenons l'exemple d'Antoine Perraud, qui animait le mois dernier un après-midi sur l'intime et son écriture électronique à la BNF. Eh bien ce garçon fut licencié de Télérama l'été dernier pour "abus de la liberté d'expression". Son tort : avoir voulu chroniquer un livre d'Edwy Plenel, en ne pensant qu'à ses lecteurs et en se foutant des basses stratégies du clan Colombani. Lourdé le Perraud ! Il sortira en février un livre sur "La Barbarie journalistique" chez Flammarion. Affaire à suivre...

8. Le samedi 23 décembre 2006 à 07:22, par Berlol :

Cher Emmanuel (qui vous exprimez du royaume des ombres...), j'ai enregistré des dizaines d'émissions Tire ta langue animées par Antoine Perraud, je suis un fan de ses reparties et de sa curiosité, j'étais d'ailleurs au premier rang lors du débat à la BNF (j'avais causé juste avant son tour, voir au 30 nov.), aussi ne suis-je guère étonné de ce que vous m'apprenez ! J'attends son livre avec grand intérêt !

9. Le samedi 23 décembre 2006 à 09:29, par JF Paillard :

J'ai récemment échangé un mail avec un journaliste qui eut, lui, maille avec Gallimatiard, ayant dézingué en toute liberté (le croyait-il) un de ses auteurs, depuis ledit journaliste ostracisé... D'où: non seulement tenus (par la barbichette) de parler des auteurs galligraflamseuils, les journalistes soi-disant critiques, mais tenus d'en parler bien (à tel point que le contraire paraît incongru), ou sinon attention aux doigts ! Il faut en effet vendre : bien comprendre qu'ici l'enjeu de censure n'est pas littéraire, il est é-co-no-mique.



Vendredi 22 décembre 2006. Renoncé aux puces.

J'ai constaté depuis trois jours, dans la liste des liens entrants sur le JLR, une reprise des requêtes Google concernant les bagages perdus par British Airways. Alors qu'en août-septembre je savais pourquoi, et que les médias en parlaient, ces jours-ci je n'ai rien entendu au sujet de la compagnie britannique ou de l'aéroport d'Heathrow, sinon qu'un fort brouillard avait cloué tous les avions au sol hier. Ces requêtes en nombre signifient qu'il y a de nouveau des bagages perdus, alors que cela s'était semble-t-il résorbé en octobre-novembre — et que, cette fois, aucun média n'en parle...
On peut être mort de rire en relisant cet article de juin 2005 (il y en a d'autres) indiquant que BA devait arriver à zéro erreur en faisant des économies grâce aux puces traçables, et surtout en constatant que les médias qui avaient joyeusement relayé cette information économique se sont bien gardés de dire ensuite que BA n'avait pas lancé son opération (voir ici au second paragraphe, où l'on ne dit pas non plus pourquoi BA a renoncé aux puces).
Nul doute qu'on arrivera au suivi RFID, et que nous en bénéficierons tous, mais au prix de combien de désinformations des compagnies aériennes qui ne veulent pas que leur image ait à souffrir des ratés ? (Alors que les passagers sans valises, eux, souffrent.)

Les Salons littéraires sont dans l'internet (PUF, 2002), dont je parlais hier, semble être épuisé, ou très fatigué, voire pilonné... Une personne m'a écrit en privé qu'elle l'a cherché en librairie sans succès. Mes relations avec les PUF étant proches du néant depuis quatre ans, je ne suis pas vraiment bien placé pour lui répondre.
Est-ce que par hasard ceux de mes gentils lecteurs et gentilles lectrices qui viendraient à passer dans une librairie et à l'apercevoir, même (ou surtout) d'occasion, ne pourraient pas nous en avertir ici, en indiquant le nom et l'adresse de la librairie où l'ouvrage devenu précieux parce que rare aura été localisé ?

Radio rattrapage.
Georges Picard, justement, dans Du Jour au Lendemain d'hier ! Travaux publics sur Julien Gracq — très bien, c'est rare ! Mardis littéraires sur Duras et les nouvelles parutions durassiennes — très bonne émission aussi, mais qu'il vaut mieux éviter d'écouter si l'on croit aux histoires de MD comme les enfants croient au Père Noël (j'aurai prévenu). Et à venir ce soir, Peinture fraîche sur Tzara et les arts dits primitifs, avec Marc Dachy, Alain Jouffroy et Christophe Tzara, fils de Tristan...

« Combien d'écrivains resteraient-ils fidèles à la littérature si elle ne leur rapportait ni argent, ni notoriété ? Combien d'écrivains continueraient-ils à écrire s'ils n'avaient aucune chance d'être publiés ? On peut se poser la question pour soi-même : selon la réponse, on saura à quelle sorte d'écrivain on appartient, écrivain social ou écrivain vital. La frontière établit d'ailleurs un tracé subtil à travers les genres littéraires, les styles et les thèmes : il y a cette voix qui ne trompe pas, cette ardeur d'écriture que l'on ne ressent que si l'on est soi-même un lecteur passionné.» (Georges Picard, Tout le monde devrait écrire, p. 48-49)

Sinon, moi, j'ai fini mes sujets d'examen, déjeuné avec David au restaurant universitaire (rare un vendredi, mais faute de temps), rempli divers documents administratifs, fait ma valise et pris le train jusqu'à T. — qui était en train de regarder Priscilla, Folle du désert (S. Elliott, 1994), film que je lui avais recommandé à la boutique de location... On voit que les fêtes approchent.



Samedi 23 décembre 2006. Troupeau, en avant première.

Y'a pas à dire, quand il n'y a pas de cours le samedi matin, c'est quand même quelque chose ! On fait la grasse matinée, on range des affaires, on planifie les activités avant l'arrivée de ma sœur. Et ça doit commencer par l'achat d'un radiateur à huile. Le plus tôt possible, pour éviter les foules. Mais comme on n'arrive pas à partir avant 11 heures, on commence par aller déjeuner au Saint-Martin.
Au Bic Camera de Yurakucho, on trouve le radiateur voulu. Marchons jusqu'à Ginza, beaucoup de monde devant le nouveau magasin Chanel, au carrefour qui devient le plus chic du Japon puisqu'il y a maintenant aux quatre coins : Chanel, Vuitton, Cartier et Bulgari, dont le magasin est en cours de construction. Sans compter tous les autres magasins de luxe... Puis allons au grand magasin Matsuya, où il y a beaucoup de monde, mais pas au rayon poteries et laques, pour y acheter une boîte laquée à étages (ojuu, お重), dans laquelle on disposera les nourritures des repas de fin d'année (osechi, おせち), traditionnellement préparés à l'avance pour que les femmes, encore elles, disposent de leur temps à d'autres obligations rituelles (pendant que les types se pintent, et j'exagère à peine...). C'est pas donné, d'ailleurs on ne choisit pas le plus moche. Comme dit T., c'est pour la vie —enfin, ce qu'il en reste.
Très belles bûches chez Dalloyau...

De retour à la maison, c'est l'heure de finaliser les cartes de vœux, avec les tampons rouges, deux ou trois, bien placés, la calligraphie de l'adresse et quelques mots personnels. Ça prend beaucoup de temps. La soirée, en fait.
Voici le troupeau, en avant première — j'ai recréé le sanglier héraldique (Hugo) — avant ruade dans la boîte aux lettres et dispersion dans tout l'archipel.
Pendant ce temps, j'enregistre La Suite dans les idées du 19 décembre, en partie sur l'émergence des blogs politiques, sujet pas trop mal traité par les participants, et le Peinture fraîche dont je parlais hier, excellent, vraiment, sur Tzara et Dada !

Même pas le temps de lire un livre. Les vacances, c'est encore pire que quand on travaille, en fait !

À suivre...

Commentaires

1. Le dimanche 24 décembre 2006 à 01:32, par brigetoun :

ils ne font pas le ¨bonhomme de neige chez Dalloyau Tokyo ? succès chaque année auprès des plus jeunes pour les yeux, auprès des grands pour le palais

2. Le dimanche 24 décembre 2006 à 04:08, par K :

juste un koukou,là, que le temps s'arrête là un peu.........ciaO



Dimanche 24 décembre 2006. L'humanité n'existait pas.

Quel beau jour ça aura encore été !

À tel point qu'on pourrait presque ne rien en dire.

Comme si sa perfection était non pas indicible, mais inutile à rapporter.

Pourtant je sais déjà des jours où il me consolera de lire ce que je faisais. Ce beau jour-là aussi.

* *
*

Nous avons sorti nos vélos, dans le froid et le soleil. Les avons menés dans Kagurazaka jusqu'à la boîte postale où nous avons glissé un gros paquet de cartes de vœux. Ils nous ont ensuite portés jusqu'au supermarché Seijo Ishii de Korakuen et nous avons acheté plein de bonnes choses, notamment pour un petit dîner à deux ce soir.

Qui est avalé, maintenant.

Qui a été avalé en regardant les six derniers épisodes de 24 Heures, saison 5, que T. a miraculeusement trouvés, disponibles au vidéo club alors qu'ils étaient manquants depuis des semaines.
Ces épisodes étaient comme une gigantomachie dans laquelle des titans et des dieux se battaient indéfiniment. L'humanité n'existait pas, ou alors dix mille mètres plus bas, sans intérêt. Un Héraklès abattait l'un après l'autre d'impossibles travaux, jusqu'à ce qu'il ait eu sauvé le monde, qui de toute façon n'avait rien su des dangers qu'il avait courus.
(C'est un exercices sur les accords...)

J'ai aussi enregistré (mais pas encore écouté) la première partie du récent colloque Butor de la BNF (sur le canal Chemins de la connaissance de France culture, il y aura six autres parties).

Un dernier petit cadeau ? For God's Sake...

Commentaires

1. Le dimanche 24 décembre 2006 à 09:51, par caroline :

Joyeux Noël aussi... Un peu en retard, alors qu'ici on n'a pas commencé !

2. Le lundi 25 décembre 2006 à 02:17, par brigetoun :

une très jolie image de Noël

3. Le lundi 25 décembre 2006 à 06:15, par Berlol :

Merci ! Je m'entraîne...

4. Le lundi 25 décembre 2006 à 18:09, par le consul :

avais trouvé le Butor un peu tristounet... par contre Volodine était vraiment passionnant, le Rohe très interessant.... et Kadour assez excitant, dans son analyse de Colette...

5. Le mardi 26 décembre 2006 à 04:05, par Berlol :

Le colloque Butor, c'était un colloque QUE sur Butor (cf. reportage Poezibao du 20 octobre). À ne pas confondre avec les dix conférences d'écrivains (dont en effet celle de Volodine était remarquable...).

6. Le mardi 26 décembre 2006 à 06:27, par di folkken :

Merci de ta fidélité, merci pour ton regard et ton écriture si justes.
Butor en effet, entendu sur FC.
Comment fais-tu pour regarder la TV et offrir tes oreilles subtiles à FC ?
Je n'y parviens pas (la TV), je veux dire, je me connais un peu, si la TV était là, chez moi, je deviendrai le spectateur le plus ventre-mou du coin.
En 2007, je vais peut-être installer une antenne sur le PC (TNT), tu me diras comment regarder la TV sans en avoir honte ou peur ?

7. Le mercredi 27 décembre 2006 à 01:38, par Berlol :

Cher Philippe, merci du compliment. Tu n'écris pas trop mal non plus... Et ton "On ne peut pas descendre plus bas !", ça, c'est vraiment un trait de génie !
Pour la télé, c'est simple, si tu fais comme moi. Je ne regarde que par internet : le journal de France 2, de temps en temps celui de France 3, sur France 3, Ce soir ou Jamais, et sur France 5, Arrêt sur Images, C dans l'air et Ubik, de temps en temps. Puis récemment, un peu de France 24. j'essaie parfois d'autres programmes mais je ne tiens pas dix minutes — pas envie de continuer ou pas le temps (trop de bons blogs à lire...)



Lundi 25 décembre 2006. Comme on binerait le dimanche.

On devrait s'interdire d'écouter Finkielkraut un jour de Noël, a fortiori quand il s'agit de parler des Bienveillantes, le livre que l'on fait suivre partout du nombre d'exemplaires vendus. Si j'étais l'auteur et si j'avais du tact, je ferais interdire cette indécence publicitaire. C'est comme les blogs qui pètent leur score à tout va. Mais quel rapport peuvent-ils bien voir entre le nombre de visiteurs et la qualité ? S'il y en avait un, depuis des milliers d'années, on le saurait.
(Sauf à vouloir dire que c'est le nombre de visiteurs qui fait la valeur — axiome de base de la démagogie.)

En cas d'injection de Répliques, malgré l'avertissement, l'antidote est ici :

« Triomphe de la littérature moyenne
J'observe toutefois que fleurit un secteur prépondérant de l'édition consacré aux romans et aux essais « grand public », livres d'une qualité très variable qui se disputent les meilleures ventes et dont la critique professionnelle fait son ordinaire.  Je serais tenté de nommer ce genre littérature médiatique dans la mesure où elle constitue l'objet dominant des recensions des grands journaux et celui, presque exclusif, des émissions littéraires télévisées. Pour la majorité des citoyens, ce sont ces ouvrages qui représentent la littérature. Les lecteurs en attendent du divertissement et des émotions, sans qu'il leur vienne à l'esprit d'aspirer à autre chose de plus fondamental qui touche à l'essence de l'art et de la vie. La littérature se trouve ainsi assimilée à un loisir noble, et valorisée en tant que culture vivante. Mais qui imaginerait qu'aucun de ces livres engage l'auteur et les lecteurs dans une confrontation existentielle décisive ? En réalité, la masse d'écrits lancés chaque saison en librairie relève d'une production semi-industrielle d'objets culturels de loisir qui n'est pas sans intérêt, notamment pour rivaliser avec les secteurs audiovisuels du divertissement.»
(Georges Picard, Tout le monde devrait écrire, p. 82-84)

C'est ce que j'ai trouvé de plus doux — de plus homéopathique. Surtout pour les foies délicats qui auraient abusé du champagne (ou d'autre chose) dans la nuit. Ajoutons qu'en sus des journaux, magazines, revues et émissions télévisées, cette littérature médiatique (que je dirais aussi doxique) qui doit bien représenter 90 % du marché a maintenant ses blogs spécialisés, des lycéens rédigeant résumés et fiches de lecture comme on binerait le dimanche aux apprentis journalistes qui singent les pages littéraires des journaux nationaux — espérant des piges ?

Aux indoxiqués : « Et ce n'est pas encore le jour de la multiplication des pains ! »

L'événement du jour, c'est que je me rends avec T. à l'université de Tokyo où elle reçoit solennellement, vers 16h20, son diplôme de docteur ès arts libéraux. Oui, un jour de Noël ! Je sais, c'est bizarre, mais ici, c'est comme ça. Ça ne dure guère plus de trois minutes, au demeurant.
Après ça, on passe au Sakuraya de Shibuya, où il y a moins de monde qu'on ne le craignait, pour l'I-Pod vidéo que T. me réclamait sous le sapin... Demain, la chasse à la musique mp3 gratuite va commencer pour elle.

Pour ce qui est du champagne, on vient de s'en finir une bouteille, avec quelques brisures de marrons glacés. Après un nabe pas si léger que T. le prétendait, après les tournedos de ce midi et les rillettes du petit déjeuner, va falloir qu'on freine...

Grand jeu-concours : fenêtre condamnée.
Trouvez la date exacte de mise en ligne dans le JLR de la photo originale.

Commentaires

1. Le lundi 25 décembre 2006 à 08:03, par JoseAngel :

Félicitations! Un doctorat, cela ne tombe pas tous les jours de Noël. Faites attention à la crise post-doc, maintenant, cela arrive parfois.

2. Le lundi 25 décembre 2006 à 09:59, par Frédéric :

Je suis d'accord avec Georges Picard.
Quant à savoir pourquoi j'ai tenu à venir ici encombrer, augmenter le score du blog ou écrire même ça dont on peut aisément se passer pour, du haut de son quant-à-soi, se gargariser à part soi, je l'ignore.
Peut-être une histoire de participer anonymement au truc.

3. Le lundi 25 décembre 2006 à 11:18, par trublionne pathétique :

Un scoop : samedi 23, juste après avoir écouté cette émission de Finkielkraut je l'ai vu longuement errer comme une âme en peine dans le rayon DVD de Gibert (Joseph, celui du boulevard). Pas vu pour lesquels il s'est finalement décidé (moi : Alphaville, Les producteurs, Assurance sur la mort et La belle américaine).

4. Le mardi 26 décembre 2006 à 03:43, par Manu :

T. peut essayer Jamendo (à condition d'avoir un client BitTorrent, Opera par exemple).

5. Le mardi 26 décembre 2006 à 14:12, par grapheus tis :

J'avais décidé de rien lire sur ces "Bienveillantes", j'ai entendu des choses à droite et à gauche, louangeuses ou très irritées.
À RÉPLIQUES, Michel Teretschenko m'a beaucoup intéressé, avec des points de vue que ne renierait pas Picard.
Bravo pour T.



Mardi 26 décembre 2006. M'obliger — ce bout de plastique.

Pluie, pluie et pluie. Le soir, annonce officielle de pluies torrentielles.

On a bien réfléchi (des mois) avant de déplacer la bibliothèque. Il n'y a que trois mètres à faire, mais pour un meuble chargé de centaines de volumes... J'en vide les étages supérieurs. Après quoi on arrive, à deux, à la glisser jusqu'où était mon bureau avant sa translation à l'autre bout de la pièce.
Comme aux échecs, ce mouvement d'une grosse pièce entraîne une redistribution des autres. Une table roulante, une petite table basse, un meuble à CD, le téléphone-fax, la cafetière électrique, etc., changent de place. Des tas de trucs vont à la poubelle.
Du palier, j'aperçois dans la rue un type trempé sous un parapluie, qui ressemble à Manu. J'attends un peu... C'est bien lui ! Il ne passe pas là par hasard, il est bien venu exprès ! Il dit qu'il m'a téléphoné plein de fois... C'est vrai : mon portable a reçu huit appels. Mais je n'ai rien entendu. Avec nos allées et venues, et les travaux du bâtiment à côté... Entre le Bureau de l'immigration et un entretien, il a le temps de déjeuner. Allez, zou ! (Et merci d'être venu jusqu'ici...)

T. reste pour se reposer et je vais au Saint-Martin avec Manu, sous la pluie, pour une crépinette de porc qui mérite le déplacement. Discutons des visiteurs qui vont arriver, ma sœur d'un côté, Bikun de l'autre, de la recherche de boulot et de l'intérêt pour Manu, éventuellement, d'en changer, du blog et d'une typologie des commentaires. Comme ça jusqu'au nougat glacé. On se sépare dans Kagurazaka, toujours sous la pluie.

Pour accueillir nos visiteurs, il ne manque rien... que... un rideau de douche (de m...).
Qui va m'obliger — ce bout de plastique — à faire les trois grands magasins de Ginza (Mitsukoshi, Matsuya et Matsuzakaya), puis Le Printemps. En vain.
C'est chez Muji, presque revenu au métro Yurakucho, après des kilomètres de couloirs souterrains et de galeries commerciales (pour éviter la pluie maintenant battante) que je trouve enfin un rideau de douche, par ailleurs le moins cher de la planète (à quoi j'adjoins des sels de bain).

« Pourtant, je ne connais pas une seule esthétique qui repose sur autre chose que sur le tempérament. C'est lui qui conditionne en dernière analyse les différents ingrédients formels de l'art d'écrire — quand ce n'est pas le cas, on est en présence d'un exercice, fût-il de très haute école, beaucoup plus que d'une œuvre sourcée au cœur de la personnalité du créateur.» (Georges Picard, Tout le monde devrait écrire, p. 55)

Commentaires

1. Le mardi 26 décembre 2006 à 15:07, par christine :

alors il y a aussi des magasins Muji au Japon ! ce n'est pas seulement un truc pour les bobos français comme moi : pour l'anecdote, c'est chez Muji que j'ai trouvé le premier mini parapluie pliant (pas cher non plus) capable de résister aux terribles bourrasques de l'esplanade de la BnF (peut-être que les parapluies japonais sont aussi aux normes antisismiques)

2. Le mardi 26 décembre 2006 à 16:27, par Berlol :

Euhhh... Je dirais même que c'est surtout au Japon qu'il y a des magasins Muji... D'ailleurs, faut que je mette des liens dans cette page...

3. Le mercredi 27 décembre 2006 à 00:20, par Manu :

Et chose assez rare pour être signalée, Muji est moins cher ici qu'en France.

4. Le mercredi 27 décembre 2006 à 01:16, par Manu :

Au fait, en lisant le titre, j'ai d'abord cru que tu parlais du téléphone, que tu décrivais hier comme un objet intrusif.

5. Le mercredi 27 décembre 2006 à 01:26, par Berlol :

Ceci dit, tu n'as pas tort, il n'y a pas qu'un bout de plastique qui nous oblige... En plus — cerise sur la galère — la cafetière à expresso que je voulais, il n'y en avait plus...

6. Le mercredi 27 décembre 2006 à 03:24, par Manu :

Tu as eu/vu mon message à propos des cafetières soldées sur Amazon.co.jp ? Pas de Delonghi cependant...

7. Le mercredi 27 décembre 2006 à 03:32, par Manu :

Bon, j'aurais dû vérifier AVANT d'écrire.
Il y a du Delonghi

8. Le mercredi 27 décembre 2006 à 05:28, par Berlol :

Oui, oui, je les ai vues, d'ailleurs moins chères qu'au magasin... Merci.



Mercredi 27 décembre 2006. Dernières nébulosités qui titubent.

Voyant ces derniers jours que les nuées voulaient faire la bringue et que bien des groupes de nuages en avaient gros sur la patate, on s'est dit qu'il valait mieux leur laisser carte blanche. On leur a dit : « Allez-y !, chamaillez-vous !, pissez-vous les uns sur les autres !, tonnez !, inondez !, foutez-nous-en partout mais... Car il y a un mais ! Que tout soit fini, nettoyé, nickel pour le 27 !... »
Et là, je dois dire que c'est impec. Au réveil ce matin, grand ciel bleu, air pur et sec, des flaques qui se dépêchent de s'évaporer, quelques dernières nébulosités qui titubent vers l'horizon...

Pour fêter mon anniversaire, je m'étais promis d'entamer Vue sur l'ossuaire, d'Antoine Volodine. Dans le Narita Express qui me mène à l'aéroport puis dans le hall des arrivées en attendant l'heure, même assis à côté d'un type qui pue l'alcool, je me plonge dans les noires délices de la romånce...

Ma sœur et son ami, appelons-les M.&B., ont voyagé sans problème. Leur premier vol France-Japon. Je les ai filmés pimpants à leur sortie de la douane (M. a un énorme pot de foie gras dans sa valise). Du train pour Tokyo, belle série de cartes postales, que je commente sans excès : rizières inondées et bosquets de pins, alignements de petites maisons préfabriquées, premiers immeubles, le Mont Fuji profilé dans le lointain, puis des gares de plus en plus grosses, des immeubles de plus en plus serrés, des fleuves bordés d'autoroutes et d'usines.

Repos. Explications sur l'usage des choses dans l'appartement. Vers 19h30, sortie pour dîner au restaurant Ootoya, simple, modique et bon. Faire quelques petites courses en arpentant une Kagurazaka toute illuminée. À suivre...

« À supposer que Maria Samarkande réussît à tuer le soldat et à sortir du bâtiment, et ensuite à franchir l'enceinte de la caserne, ce qui, il faut bien le dire, exigeait une conjonction de hasards et de négligences invraisemblables, elle aboutirait dans la rue et elle serait là sans aucune perspective de rejoindre la clandestinité ou de s'abriter chez des proches. Les réseaux clandestins n'existaient pas, c'était une invention littéraire qu'elle-même avait contribué à forger, dans des écrits propagandistes que l'officier de l'Aviation et le référent décortiquaient devant elle ligne à ligne afin d'y traquer des flous et des contresens, et des métaphores qui démontraient qu'elle vacillait idéologiquement depuis longtemps et que, loin de servir avec loyauté la Colonie, la société à qui elle devait tout, elle préparait avec cynisme sa défection. Les filières souterraines appartenaient au domaine des contes, et dans la réalité, loin des féeries romanesques, il y avait seulement deux systèmes totalitaires très semblables, la Colonie et les Nouvelles Terres, et, où que l'on se tournât, des camps : d'isolement, de relégation, de transit, de concentration, sanitaires, d'expérimentation, de bûcherons, de rééducation, d'extermination, de semi-liberté, autogérés, de quarantaine, de vacances.» (Antoine Volodine, Vue sur l'ossuaire, Gallimard, 1998, p. 17-18)

Commentaires

1. Le mercredi 27 décembre 2006 à 08:10, par Bikun :

Bon anniv!

2. Le mercredi 27 décembre 2006 à 12:16, par Dominique Fromentin :

on en dit autant, mais avec tous les achats faits tous ces jours et qui remplissent le réticulinaire, doit être difficile de trouver un cadeau ? - un deuxième ordi pour voir 2 télés en même temps + 1 dvd de séries américaine pour que 2007 en fasse encore plus que jusqu'ici ? un ordinateur alimenté par pédaleur automatique utilisable dans le train ?
voeu pour 20067 : plus de photos ? et poulet frites le samedi, oui, bon, on sera toujours content de l'apprendre...

3. Le mercredi 27 décembre 2006 à 12:37, par christine :

très bon anniversaire aussi !
(mais période critique en effet pour un anniversaire ... entre les cadeaux et agapes de noël et ceux du jour de l'an ... et vexant de s'être fait prendre de vitesse par le petit jésus!)
20067 cher Dominique Fromentin ... comme vous y allez ! je vous savais d'avant-garde mais là vous explosez le calendrier

4. Le mercredi 27 décembre 2006 à 16:20, par Berlol :

Merci à vous ! Et bonne fin d'année de votre côté ! Que ce soit doux et tranquille... et quand même bien animé ! Au passage, je confirme la difficulté pour tout le monde de trouver un cadeau qui me plaise...

5. Le mercredi 27 décembre 2006 à 22:45, par d'Orléans :

hokaron et saucisson de cheval

6. Le jeudi 28 décembre 2006 à 01:22, par Berlol :

Ah, ça, du saucisson de cheval ! je dis pas non...

7. Le jeudi 28 décembre 2006 à 12:13, par Dominique Fromentin :

honte à moi, je n'avais pas compris que l'assertion de réalité posée sur le saucisson de cheval, lors de l'arrivée supposée à Orléans un dimanche matin il y a 1 an, était à nouveau, comme si souvent dans ce blog, un montage méta-textuel à partir de la chanson de Bobby Lapointe - sans doute qu'il en est de même, ces jours-ci, avec les liens vers tous ces magasins de Tokyo posés comme allégorie benjaminienne de la marchandise technologisée ? est-ce que nous disposerons un jour de l'intervention récente à la BNF de Philippe Lejeune, celle qui s'intitulait donc "vies fictives et vie réelle, l'illusion du blog mise au profit de l'autofiction : l'exemple berlolien" ? notons que vous n'avez plus jamais parlé de vos parties supposées de ping-pong depuis qu'il fut démontré ici qu'il ne s'agissait que d'une métaphore de l'Internet

C'est un saucisson de ch'val
Un saucisson que de ch'val
Que je viens de faire à ch'val
C'est une chanson de saillies
- Ah ! chanson de saillies de ch'val
Moi qui suis esthète de ch'val
Ah je trouve ça beau de ch'val
Génial admirable de lapin

{Refrain:}
Huuuuuuuuu...c'est le refrain

Moi qui vins de Grèce de ch'val
Je m'appelle Oreste de ch'val
Tapaboufélos de ch'val
J'débarqu'à Paris de veau
Oh ! Oh ! quel régal oh ! de ch'val
De prend' le métro de ch'val
Quand on n'connait pas de ch'val
Oh ! c'qu'on s'amuse oh ! de bœuf

{et Refrain}
Huuuuuuu... Le refain c'est toujours Huuuuuuuu...

Mes enfants ma foi de ch'val
Sont d'vilains grognons de ch'val
Quand ils pleurent en chœur de ch'val
J'essaie d'les distraire les vaches
Je viens à bout d'un boudin de ch'val
Mais les aut's s'aussi sont de ch'val
Toujours dans l'besoin de ch'val
Ça n'peut pas et' pis de chèvre

Bééééééé... non... Huuuuuuuu

Quel est cet aztéque de ch'val
Qu'on vient de voir filer de ch'val

Du haut de la côte de ch'val
Dans le précipice en moto
peut et' bien est-ce Thomas de ch'val
Qui vient de me ventre de ch'val
Un complet à "garo" de ch'val
Et un gilet pied de poule

Huuuuuuuu... Huuuuuuuuu...

Je désirais m'achoir de ch'val
Et tu m'amenas au de ch'val
Canapé en rotin de ch'val
Et mon cœur vous fumiez mes cigares
N'étais pas l'affreux niais de ch'val
Qui fourbu s'affaisse de ch'val
Ça fait rire les groupes de ch'val
Ah ! comme l'écurie est gaie
Ah ! l'beau saucisson de ch'val
Ah ! chanson de saillies de ch'val
Ah ! je trouve ça beau de ch'val
Car je suis esthète...
Esthète de quoi...
Esthète de cheval !
Huuuuuuuuuuuuuu !

8. Le jeudi 28 décembre 2006 à 16:31, par Berlol :

D'habitude, on m'appelle plutôt tête de mule... Mais bien que je n'aie pas la culture de chanson de saillies, je m'insurge contre cette montée en épingle d'un unique détail de ma relation journalière. Après tout, qui est-ce qui se focalise sur le saucisson de cheval ? Hein ?...
Pour le ping-pong, on y reviendra.
Quoi qu'il en soit, merci de la fidélité et des clins d'yeux... de ch'val (qui ont de beaux grands cils, comme Claude Simon le faisait remarquer...)

9. Le jeudi 28 décembre 2006 à 23:24, par Dominique Fromentin :

mais non, ami, c'était du David Lynch que cette quête d'un homme arrivant en exil volodinien un dimanche matin froid dans cette province hivernale et ne trouvant pour subsistance que ce saucisson (de mule) - et c'est sans doute pour ça qu'on revient au jlr, et l'interrogation justement sur ce statut de présence du réel : la chenille du citronnier, les menus du St Martin et ainsi de suite, même mon cher magasin d'épicerie de gros où une fois ils m'ont fait acheter un régime de banane parce que je me présentais à la caisse avec 2 (bananes), et l'interrogation complémentaire qu'on peut avoir, de pourquoi et comment une telle lecture questionnante, par les livres (perso, je lis pas trop les compte rendus de télé et le feuilleton des films et dvd) peut maintenir un journal de cette façon même sans les coups de gong du deuil de l'année précédente ni rien de "notable" souvent, sauf cette attention aux gestes et aux gens - ai beaucoup apprécié cette année l'ouverture sur les cours et la vie professionnelle (plus côté Nagoya que Poil de Carotte, mais cet atelier hebdo récurrent, qu'on avait eu pour Balzac et Beckett, c'est aussi une des dimensions qui fait qu'ici on revient) - donc fidèlement

10. Le vendredi 29 décembre 2006 à 02:17, par Laure L :

Joyeux anniversaire (tardif) !



Jeudi 28 décembre 2006. Refusant l'onction et le repos que nous réclamions.

Il y a trois ans, on quittait Perth après d'extraordinaires vacances — et Noël en été. Il y a deux ans, la Terre bougeait de son axe quand JCB m'envoyait une carte d'anniversaire en japonais — et nous étions avec le père de T. L'an dernier, je découvrais Bloglines et Writely et j'envoyais balader Weyergans — et autant de soleil à Tokyo qu'aujourd'hui.

JCB (justement) m'a écrit hier qu'il cherchait la photo-mystère, dont je parlais lundi. À ma connaissance, c'était le seul qui cherchait. Du coup, je l'ai cherchée aussi, la photo. Et... je ne l'ai pas retrouvée. Pas en tant que photo publiée dans le JLR. J'ai retrouvée la photo originale, bien sûr. Dans le dossier de février 2006... Mais je ne suis pas arrivé à comprendre comment j'ai pu m'en souvenir en tant que photo du journal. Ai-je rêvé la mettre en ligne ? L'ai-je montrée à quelqu'un en privé mais ayant une relation au JLR ?
J'ai juste eu le temps d'envoyer un courriel à JCB pour le prévenir. Pas encore d'écho...

Par grand soleil, M.& B. et moi prenons le métro et accompagnons T. au cimetière de Aoyama où elle va nettoyer la concession familiale. Promenade dans ce que c'est qu'un cimetière japonais, avec plus de visiteurs que d'habitude, tous venant nettoyer, ça doit avoir à voir avec le nouvel an... Faisons un point géographique avec une grande carte de Tokyo. Et des photos.
Allons déjeuner pas loin de là, à la pizzeria Sabatini. Pas mal de groupes de cadres dont c'est le dernier jour de travail, ce qui fait que le service laisse à désirer : des pâtes au lieu d'une pizza, deux fourchettes ou pas de cuillère pour les spaghettis, une part de gâteau couchée sur le côté... Vu le chic de la maison, ça fait un peu beaucoup. Mais bon, on est en vacances...

On continue Aoyama-dori jusqu'à Omote-Sando, que l'on prend en direction de Harajuku. Long arrêt dans le magasin de promotion de la région de Niigata pour détailler à M.& B. des produits régionaux, beaucoup à base de riz (grain, mochi, sake, pour ne prendre que les principaux), de légumes ou de poissons.
À quelques mètres de là, plongée dans l'hyper-modernité de Omotesando Hills, centre commercial de luxe construit par Tadao Ando — aussi regrettable dedans que dehors ! De l'extérieur, nous avions déjà constaté le peu de créativité de la construction (pour un tel architecte) et nous n'étions pas pressés d'y entrer. Aujourd'hui, nous avions une bonne occasion, avec des visiteurs. Ce couloir qui monte en coursive à l'intérieur d'un vide arqué comme une coque de bateau, nous le connaissons déjà, c'est copié sur celui du Glass Building du Tokyo International Forum, construit depuis plus de dix ans ! Mais alors qu'au TIF le grand volume et le verre donnent une impression de légèreté qui enthousiasme, l'enfermement dans le béton et le faible volume interne d'Omotesando Hills ne provoquent qu'une appréhension neurasthénique que ne suffisent à effacer ni les aménagements lumineux évolutifs, ni la musique d'ambiance, ni même le luxe des boutiques.
En revanche, très belles chaussures chez Noble House — j'y reviendrai aux soldes...

Le lendemain matin (parce que mes yeux se fermaient et qu'il était près d'une heure)...
Après Omotesando Hills, rapide tour dans Laforet, l'origine historique de la mode à Harajuku — le tour du rez-de-chaussée suffit à montrer à nos visiteurs de quel type de folie joyeuse souffrent les clients de l'endroit (la consumérite). Moins terre-à-terre, nous voulons pénétrer la vraie forêt sacrée, celle du sanctuaire shinto Meiji Jingu, à cinq cent mètres de là. Mais hélas, nous atteignons les portes au moment où elles se ferment, nous refusant l'onction et le repos que nous réclamions — fermeture avancée à 16 heures pour préparation des rituels et du prochain accueil des foules...
À pied jusqu'à Shibuya pour voir — être et juste regarder — le grand carrefour. Et retour.

Après repos, repas : nabe de canard, en toute simplicité, à la maison. Vers 20h00, réception d'un paquet d'Amazon. Quelle surprise : ce sont des écouteurs Shure offerts par Manu. Merci ! Malgré ma branchitude éhontée, c'est la première fois que je reçois un cadeau par réseau + livreur !...
Pendant ce temps, Bikun prend l'avion pour nous rejoindre...

Commentaires

1. Le jeudi 28 décembre 2006 à 22:43, par Manu :

De rien !
J'ai d'ailleurs hésité à le faire livrer chez moi et te l'apporter à l'occasion, mais n'étant pas certain qu'on se voie le 27 ou peu de jours après, j'ai opté pour la solution directe !
Je ne me doutais pas que cela allait être une première…
J'espère que ceux-là rentreront dans tes oreilles. Avec tous les embouts disponibles, dont les mousses dont tu rêvais (?), ça devrait aller !

2. Le jeudi 28 décembre 2006 à 23:26, par Dominique Fromentin :

merci pour les photos !

3. Le vendredi 29 décembre 2006 à 01:04, par brigetoun :

là aussi je me sens petite femme ancienne et je ne pourrais même si j'en avais les moyens supporter ce centre qui, sur la photo me fait penser à une vision clean de l'enfer, ou à une coursive de prison pour vip si cela existait. Je peux me laisser tenter par une boutique, mais là je crois qu'une chape de cafard claustrophobe me tomberait dessus.
Par contre si vous avez manqué le temple vous avez eu droit à un superbe ciel qui s'accorde si bien avec la courbe du bâtiment

4. Le vendredi 29 décembre 2006 à 18:00, par Bikun :

le Bikun est bien arrive...



Vendredi 29 décembre 2006. Un cadeau peut en cacher un autre.

Jour anniversaire de ma sœur, M., pour la première fois de sa vie au Japon. Ça se fête !
D'abord en allant voir, M. & B. et moi, les tours de Shinjuku — c'est vrai, hélas, pour la plupart désertées en cette période de fêtes annuelles, voire fermées comme celles de la mairie de Tokyo... Il fait réellement froid. Ciel pur, air bleu. Dans le vent, entre les tours, l'impression de chausser des skis et de s'apprêter à descendre... Envie de ça, aussi... Tropisme du vertical.

Puis en déjeunant avec T. qui nous rejoint au Tsubame Grill de Lumine 2, à la sortie Sud de Shinjuku. Puis T. nous quitte pour continuer ses courses (on ne sait pas quoi...) tandis que, toujours visitant des quartiers, nous allons jusqu'à Yamaya où nous achetons du champagne, au cas où...
Retour et sieste — le froid fatigue.

Après le retour de T., nous nous préparons puis allons dîner à six au Saint-Martin. Il y a nous quatre, plus un ami du centre de sport de T. et sa fiancée. Effet réel de l'effet virtuel du Journal, lui-même effet textuel du réel vécu : c'est pour avoir lu maintes fois sous ma plume que le poulet-frites était excellent, que ma sœur et son ami veulent en prendre — et ne sont pas déçus.

Attention : un cadeau peut en cacher un autre. Je savais que T. faisait ce matin des courses de son côté à seule fin de trouver un cadeau pour ma sœur (pendant que je les promenais dans Shinjuku). Mais je ne savais pas qu'elle en chercherait également un pour moi, qu'elle irait ensuite le déposer au Saint-Martin pour que je ne le voie pas à la maison avant le dîner. Ce qui fait qu'arrivés au dessert, après que nous avons eu donné son cadeau à ma sœur (un collier avec deux perles en pendentif), j'ai reçu par surprise le cadeau que T. me faisait pour mon anniversaire (une écharpe bien chaude — tout à fait opportune pour le froid qu'il fait depuis ce matin).

Enregistrements de France Culture : Segalen, Beckett et la fiction de Mauvais genres. Et puis, dans un moment de lecture, cette rare pépite de bonheur volodinien. Le soleil ni la mort...

« — Naïa, dis-je. J'ai menti à vos parents depuis quinze ans. Je ne suis pas critique d'art.
— Pour qui travaillez-vous ? demanda la jeune femme avec violence.
— Je ne sais pas, dis-je.
— Mais vous leur êtes fidèle ? demanda-t-elle. Vous leur serez toujours fidèle ?
Nous marchâmes encore un peu sur la pelouse, essayant d'identifier quelques constellations, puis nous vécûmes ensemble, dix-neuf ans, d'une façon que je n'hésite pas à qualifier d'harmonieuse, en partageant l'essentiel et en évitant de goûter à la trahison, puis Naïa mourut.
Naïa Andersen s'est éteinte hier, d'un cancer, en tournant vers moi ses yeux d'or ; elle n'a formulé aucune prière, elle ne m'a as demandé de l'accompagner, mais je lui ai fait comprendre qu'aujourd'hui j'allais partir, moi aussi.
Nous avons besoin l'un de l'autre. Nous ne formons qu'un seul être. Pour la rejoindre, un couteau à tortue suffira.»
(Antoine Volodine, Vue sur l'ossuaire, p. 33-34)



Samedi 30 décembre 2006. Je suis contre la peine de mort.

Grand soleil ici dès matin — et l'annonce de la neige à Kyoto nous incite à ouvrir grand le compas. Nous irons donc à trois (T. ayant du travail à finir) à l'aventure, avec gants et bonnets.
Au marché d'Ameyoko, près d'Ueno, sur la recommandation de Yukie du Saint-Martin, pour voir et être dans la foule dense des ruelles où l'on vend à la criée et à des prix très cassés — tout doit disparaître avant demain — du thon rouge, du crabe, des œufs de poisson, du poulpe, même de la bonite séchée (katsuobushi, 鰹節). Et toujours à côté, les centaines de boutiques de fringues, cuirs, accessoires, dans les couloirs sous les voies du JR Yamanote, où peu d'entrain ce matin.
À Asakusa pour le grand temple bouddhiste mais surtout ses allées de petits commerces traditionnels, babioles, souvenirs, petits gâteaux — royaume d'inoshishi aussi, le sanglier de 2007, omniprésent, et auquel je ne pense jamais, depuis près d'un mois, sans une arrière-pensée pour le récit de Pierre Michon, dans Abbés. Ici aussi grands préparatifs du jour de l'an où les pélerins, par dizaines de milliers, viendront lancer prières et pièces vers les divinités protectrices.
Déjeuner de tempura en haut du grand magasin Matsuya Asakusa, au restaurant Tsunahachi (choisi sur sa bonne mine et dont T. nous dira le plus grand bien). Pour M. & B., c'est la première fois et ça leur plaît. La serveuse, maternelle, vient dire à B. qu'il peut (entendre doit) manger la tête de la (grosse) crevette (kuruma ebi) parce qu'elle a été frite aussi, ce qu'il fait avec un peu de réticence — et, tout de suite après, beaucoup de satisfaction. Leur maniement des baguettes, aussi, s'est beaucoup amélioré depuis trois jours.

Sortis, au coin de la rue, soudain dans l'ouverture de la perspective, prévu, le choc visuel du bâtiment Asahi, de l'autre côté du pont. L'étron doré de Philippe Starck, surmontant l'immeuble, produit toujours son petit effet. Au milieu du pont, nous partageant en trois un gros melon pan acheté tout à l'heure près du temple, la surprise, cette fois pour moi aussi, des mouettes qui viennent se mettre en vol stationnaire à moins d'un mètre au-dessus de nos têtes, prêtes à nous voler du gâteau. L'avalons.
À l'embarcadère, achetons trois billets pour Hinode. Quarante belles minutes de bateau à descendre la Sumida, jusqu'à ce qu'elle se jette dans la baie de Tokyo.
Et, à mi-chemin environ, cette superbe maison individuelle, l'intelligence faite habitation, selon moi. Révélation de celle que j'appellerais Mon rêve ou Sam suffit et regret de n'être pas cet architecte... Photos sur les quais, au pied de l'hôtel Inter Continental avec, à gauche la Sumida d'où nous venons, à droite la baie et l'île d'Odaiba, en face le polder et la gare maritime de Harumi, le tout baigné dans la lumière mordorée d'un soleil sud-ouest à 30 degrés. Une plénitude visuelle rarement atteignable.

Prenons ensuite le monorail de la ligne Yurikamome pour Shimbashi et déambulons cou cassé en arrière entre les tours futuristes que j'ai vu construire au gré de mes passages en shinkansen depuis trois ou quatre ans et où je n'étais encore jamais venu à pied. Jusqu'à Shiodome et retour.
Et cette tour Dentsu, d'un superbe élancement.
Puis l'avenue principale de Ginza maintenant nocturne, autre choc esthétique pour M. & B. — en tout cas pour ma sœur avant qu'elle ne découvre la papeterie Kyukyodo (鳩居堂), qui surpasse toute attente...

Dans le tourbillon de cette symphonie urbaine, une discrète et sombre migraine basse est venue m'habiter, que je contiens jusqu'à ce que, pain acheté chez Dalloyau, nous rentrions au bercail. Un bon bain n'aura pas raison d'elle. Elle restera docile, tout de même, durant le dîner à quatre. Mais je me jetterai sur le lit une bonne heure avant d'avoir l'idée — en réalité, le souvenir et le courage — de faire le geste qui sauve : du thé au jasmin. Effet miraculeux — et toujours incompréhensible — car en trente minutes le mal de tête s'évapore.

Qui n'a rien à voir.
On est encore loin du 6 mars, mais je fixe aussi rendez-vous aux défenseurs de la modération préalable des commentaires de blog...

Je suis contre la peine de mort.
Je suis contre la peine de mort dans mon pays.
Je ne suis pas pour la peine de mort dans un autre pays.
La mort ne rend pas la justice. La peine de mort n'est pas digne d'un pays digne.
Les pays qui appliquent la peine de mort ne sont pas des pays dignes.
De ma considération.

Commentaires

1. Le samedi 30 décembre 2006 à 21:58, par F :

merci pour le lien vers l'affaire Saint-Nazaire, assez (tristement) passionnant et qui nous concerne tous - du moins ceux qui ne sont pas hébergés sur la côte Pacifique, ce qu'on devrait tous faire à titre préventif
et bon séjour à tes invités dans Kyoto sous la neige, ça fait rêver à distance

2. Le samedi 30 décembre 2006 à 23:12, par vinteix :

Ce n'est plus "à Kyoto rêvant de Kyoto"... mais à Tokyo rêvant de Kyoto... et par contagion poétique et réticulaire, quelque part en France rêvant de Kyoto... Bref, cela revient au même, ou presque, que l'on bouge ou pas, que l'on soit ici ou ailleurs...
Même si Basho croyait sûrement aux vertus du déplacement physique, pourvu qu'il s'accompagne de quelque mouvement intérieur.
Enfin, tout cela pour dire que tout juste rentrés ce matin de Yangon, nous défaisons bagages tropicaux pour en refaire d'autres, hivernaux, pour déplacement à Tokyo des demain matin... malgré d'assez pénibles et légèrement inquétants problèmes intestinaux pour R.
On s'appelle... avec Olivier...
A suivre...

3. Le dimanche 31 décembre 2006 à 02:25, par brigetoun :

merci pour cette ballade, son rythme et sa puissance d'évocation. Je suivais dans l'ombre.
accord total bien sûr sur la fin - et encore d'avantage quand de surcroit elle est instrumentalisation

4. Le lundi 1 janvier 2007 à 20:42, par olivier :

Instrumentalisation à tous les étages, indeed!!
Et le pire, c'est que j'en suis presque venu à avoir de la compassion pour lui!!
Et c'est là que je me suis rendu compte qu'en effet j'étais aussi contre la peine de mort... Puisque celle-ci, non moins qu'une autre, n'a rien changé à l'état du pays que cette mort était censée libérer!!!
Exécuté le jour de la célébration des martyrs musulmans... Très certainement un "pur hasard malencontreux" du calendrier!!!

5. Le mercredi 10 janvier 2007 à 20:12, par Kyoko :

Le Japon a encore la peine de mort. Quatre personnes ont été exécutées le matin du 25 décembre. Dont deux avaient plus de 75 ans.
Sans doute, le Japon n'est pas un pays digne.

6. Le jeudi 11 janvier 2007 à 02:01, par Berlol :

Merci De ces informations, Kyoko, qui nous ont échapées durant les "Fêtes"...
À propos de l'exécution de Saddam, claire condamnation de la peine de mort, des procédés américains et des dérives médiatiques, ainsi que de la possible et paradoxale compassion... dans Ce soir ou Jamais du 9 janvier, en première partie.



Dimanche 31 décembre 2006. L'an à ses ouailles frétillantes.

J'enregistre — en écoutant de longs moments — l'impressionnante lecture de Peau d'âne, en version originale de Charles Perrault, diffusée hier comme fiction de Mauvais genres.

Ça ne me met pas en avance mais ce n'est pas grave parce que le programme d'aujourd'hui est plus limité que celui d'hier. Pendant que T. continue ses devoirs de vacances (préparation de sujets d'examens), M. & B. et moi allons vers le Tokyo Dome. Par la voie nord, nous arrivons à Korakuen, dans le centre LaQua, où je fais un tour de grande roue avec ma sœur, en prenant des photos. Il y a une intéressante exposition photographique pour jalonner les 70 ans d'histoire du lieu. On y voit notamment l'évolution des bâtiments, les sports et autres activités accueillies, les modes vestimentaires et vedettariales.
Déjeunons au Sizzler (buffet de salades à volonté, tendre viande de bœuf).
Marche jusqu'à Jimbocho, où tous les bouquinistes sont fermés... Puis jusqu'au Budokan la queue est déjà commencée (il est 15h30) pour le show payant d'une star qui assurera le passage de l'an à ses ouailles frétillantes.
Traversons l'avenue pour entrer dans l'enceinte du sanctuaire Yasukuni et montrer à mes visiteurs ce lieu honni de ceux qui n'acceptent pas que le Japon se défile devant son histoire et veuille fonder le mythe de son passé...
Alors que nous observons une cérémonie rituelle de fin d'année, prêtres blancs et chapeaux noirs, un vieux monsieur japonais vient nous parler un petit quart d'heure. Pour nous demander, entre autres, s'il y a en France une discrimination des Japonais (spécialement) — je lui réponds que non, qu'il y a seulement une mauvaise éducation de certaines personnes travaillant dans les commerces et les administrations...

Yakitoris à la maison.

Sortie pour aller voir ce qui se fête à Roppongi, dans la tour et à côté...

De retour...
On monte de la station Azabu-Juban à la tour de Roppongi. On en fait le tour, on la traverse sur le coup des onze heures... Ce qui se fête ? Eh bien, pas grand chose !
C'est joli, toujours, bien sûr, et surtout pour nos touristes. Mais pas d'écran qui décompte les secondes, pas de liesse solidaire pour passage de galère. Des gens qui tournent en rond comme nous. Il y a bien une Countdown Party en haut, à 1500 yens mais déjà, dans la queue des billets, en bas, des éméchés qui puent de la bouche et nous bassinent. Pas pour nous.

On se contentera d'admirer le paysage urbain.
Soit, fantomale, la tour de Roppongi, les éclairages aux arbres de la rue montante, la Tour de Tokyo rouge et jaune au loin.
Ayant assez rentré le cou sous les vents tourbillonnants, revenons à la suggestion de T. : la librairie-café Tsutaya, ouverte toute la nuit, dans laquelle nous feuilletons jusqu'à minuit et quart, nous souhaitant discrètement une bonne année au moment opportun.
Je dois avoir un ticket de caisse imprimé à 23h53 pour un superbe livre illustré : The agile Rabbit Book of historical and curious Maps, avec un CD-ROM libre de droits en sus.

Nous ne sommes pas allés sonner des cloches dans des temples. Na !
J'ai même proposé qu'on boive un coup de champagne mais tout le monde est fatigué par les marches forcées, s'endort dans le métro de retour. On entre dans 2007 à reculons, d'un œil mal ouvert.

Commentaires

1. Le lundi 1 janvier 2007 à 03:05, par atoyot :

C'est parfois irritant, le plus souvent intéressant.
Bonne année, sans façons.
A.

2. Le lundi 1 janvier 2007 à 04:59, par Berlol :

Merci, et bonne année à vous aussi.

3. Le mardi 2 janvier 2007 à 08:44, par F :

Lu dans Internet'Actu :
Intéressante expérimentation grandeur nature dans la zone commerçante de Ginza, à Tokyo, où vont être disséminés quelques 10 000 étiquettes Rfid dans le cadre du projet Tokyo Ubiquitous network, qui se déroulera de janvier à mars 2007. Ces balises serviront à fournir des éléments d’information géographique, des orientations, des indications sur les différents magasins du secteur. En approchant son terminal d’un lampadaire, on pourra obtenir sa position et l’itinéraire pour rejoindre le métro le plus proche. En passant devant un restaurant, les balises communiqueront le menu du jour… Selon le promoteur du projet, Ken Sakamura, de l’université de Tokyo, les informations devraient être disponibles dans plusieurs langues.
Via InfoWorld
www.infoworld.com/article...
Sais pas ce qu'indiquera la balise jlr...


©Berlol, 2006.